6.4.2. Perception de l'impact de
l'exploitation par les populations locales
L'exploitation forestière nécessite plusieurs
ressources techniques, financières et humaines. Elle engendre de ce fait
au sein des communautés locales de nouveaux types de rapports sociaux
entre les individus au sein d'un même groupe et entre les
différents groupes sociaux. Elle modifie les modes de vie des
sociétés humaines concernées au point où les
populations locales en perçoivent elles-mêmes les impacts. Il a
été demandé aux différents villages durant
12focus groupde citer les avantages et les inconvénients de
l'exploitation forestière dans leurs localités.Le tableau 19
présente les perceptions des populations locales vis-à-vis de
l'impact de l'exploitation forestière sur leur vie.
Tableau 19. Perceptions
des populations locales vis-à-vis de l'impact de l'exploitation
forestière
Impacts positifs
|
Fréquence
|
Pourcentage
|
Ouverture et entretien des routes
|
8
|
67
|
Développement du petit commerce
|
5
|
42
|
Emploi et formation des jeunes
|
2
|
17
|
Utilisation des pistes et routes forestières
|
2
|
17
|
Satisfaction des doléances
|
2
|
17
|
Augmentation de certains PFNL
|
2
|
17
|
Impactsnégatifs
|
Fréquence
|
|
Diminution de certains PFNL
|
8
|
67
|
Diminution des gibiers
|
7
|
58
|
Problème d'emploi et formation des jeunes
|
6
|
50
|
Non satisfaction des doléances
|
5
|
42
|
Non rétrocession de la RFA
|
4
|
33
|
Modification du climat
|
2
|
17
|
Absence de reboisement
|
2
|
17
|
Dégâts dans la forêt
|
1
|
8
|
Infidélité/abandon des foyers
|
1
|
8
|
Apparition du VIH/SIDA
|
1
|
8
|
Il ressort du tableau 19 que l'exploitation forestière
est perçue comme ayant simultanément des impacts positifs et
négatifs sur la vie des populations locales.
L'exploitation forestière a des impacts négatifs
sur la collecte des PFNL. Certains arbrespourvoyeurs de PFNL diminuent car, ils
sont exploités par les compagnies et les scieurs artisanaux. Ce qui
oblige les populations à fournir davantage d'efforts pour collecter ces
PFNL.Nous avons identifié 19 essences qui sont convoitées par les
compagnies et les populations locales (cf. tableau 18). Parmi, ces essences,
celle la plus mentionnée est le moabi.Les riverains pensent aussi
qu'enexploitant le bois, les différents opérateurscréent
des dégâts dans la forêt, modifiant ainsi le climat de la
Région.Ils détruisent les arbres qui fournissent les PFNL comme
la mangue sauvage et le njansang lors des opérations d'abattage, de
débardage et de construction des pistes et des routes
forestières.En plus de cela, ils disent que les compagniesne reboisent
pas les arbres qu'elles coupent, ce qui va conduire à une disparition
des essencesqui sont exploitées aujourd'hui.
Les populationsse plaignent du fait que l'exploitation
forestièrea conduit à la raréfaction dugibier. Autrefois
elles chassaient derrière les cases, mais aujourd'hui il faut parcourir
plusieurs kilomètres en forêt, voire des jours pour pouvoir
attraper un gibier. Selon elles, ceci serait dû à plusieurs
causes:
· Les bruits des engins qui font fuir les
animaux ;
· La facilitation du braconnage. Les braconniers
utilisent les routes et pistes forestières pour se rendre dans leur
forêt.Certains chauffeurs des compagnies aident les braconniers en les
transportant et en leur fournissant des munitions ;
· La multiplicité des chasseurs, due à un
accroissement de la population locale et au développement du
marché de la viande de brousse.
Les populations se plaignentdu fait qu'il n'y a pas assez de
jeunes qui sont formés et employés dans les compagnies
forestières. Ces dernièresne satisfont pas leurs
doléances. Les villages proches des bases d'exploitation sont plus
satisfaits que ceux quien sont éloignés car leurs jeunes sont
employés.
L'exploitation forestière entraine la
dépravation des moeurs ; abandons de foyer,multiplication et
accroissement des cas d'infidélité conjugale. Les cas
d'infections sexuellement transmissibles ou de VIH/SIDA se multiplient et
fragilisent l'état de santé des populations riveraines.
La non-rétrocession des RFA aux populations est
unimpact négatif indirect de l'exploitation forestière. Les
populations riveraines se plaignent du fait qu'elles ne perçoivent pas
les RFA régulièrement, alors qu'elles savent que les compagnies
s'acquittent du paiement de la RFA. Elles disent que cette RFA est
bloquée au niveau des communes. Dans le cas où unmaire veut
donner cette RFA, il ne réalise pas les projets qui sont prioritaires
pour les populations. Le plus souvent ils offrent des machettes, des houes et
des limes, à ces derniers, alors qu'ils ont besoin d'eau potable ou
d'électricité.A cet effet, les ONG souhaiteraient que la RFA
soitrétrocédée aux populations sous forme d'oeuvres
sociales suite à l'élaboration d'un plan de développement
local par les populations,dans lequel sonpriorisés leurs besoins. Comme
très peu de villages ont un plan de développement local, les
maires ne savent pas comment prioriser les 10% de RFA qui leur reviennent et
réalisent les projets qu'ils jugent importants.
Comme impacts positifs, les populations locales reconnaissent
qu'avec l'exploitation forestière, les compagnies ouvrent et
entretiennent les routes. Il y a une augmentation du nombre de personnes dans
les villages, ce qui crée une grande dynamique dans les villages proches
de la compagnie. Il y a un volume important d'argent qui circule, par ricochet
l'économie locale se développe.Il y a aussi plus de
possibilités de vendre les produits agricoles et les PFNL. Les
populations utilisent les pistes et les routes forestières pour
accéder aux plantations et évacuer leurs produits.Contrairement
aux autres, les populations des villages de Kagnol 11 et Kouédjina
à l'Est proches l'ancienne scierie de la SEBC et loin de la base de la
SCTB, nous ont révélé que depuis que la SEBC est partie,
leurs routes sont devenues mauvaises par manque d'entretien. Les motivations
pour l'agriculture ont diminué car ils y a très peu d'occasions
pour vendre les produits. Le commerce local est progressivement
amenuisé. De même, les populations de Bissam et de Meyos nous ont
rapporté que lorsque la FIPCAM exploitait les AAC proches de leur
village elle entretenait la route et il y avait beaucoup d'acheteurs qui
venaient dans les villages.
Le long des routes et des pistes forestières, il y a
une augmentation des PFNL comme le njansang et l'igname sauvage.Ces
résultats confirment les travaux de Djik(1999 : 61), Tieguhong et
Ndoye (2007) et Rist et al. (2012)
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