4.3.3. Le sciage artisanal
Le secteur domestique du bois d'oeuvre repose largement sur
des pratiques informelles, allant de l'abattage de l'arbre à la vente
des sciages aux consommateurs finaux (Cerutti et Lescuyer, 2010).
Plouvieretal. (2002) estiment que la production et la transformation
artisanales du bois permettent aux populations locales en milieu rural
d'exercer des droits de propriété sur les ressources
forestières et de les gérer à leur bénéfice,
que ce soit dans le cas des forêts communautaires ou alors des arbres des
exploitations agricoles. Une demande locale pour la construction de maisons et
de meubles, une demande plus récente des marchés urbains proches
ou basés dans les pays limitrophes ainsi que la présence de
scieurs formés explique l'existence de cette activité en zones
rurales (Cerutti et Lescuyer, 2010 : 11).
Les uns pensent que cette exploitation ades impacts
négatifs, alors que d'autres trouvent plutôt le contraire. C'est
ainsi que Mekok (2004) par le calcul du nombre de pieds coupés par mois
a révélé l'impact écologique négatif de
l'exploitation artisanale, ceci par rapport aux ouvertures qu'elle pourrait
laisser sur la canopée. Plouvier et al. (2002) avaient
même déjà relevé que ces pratiques anarchiques ne
respectaient en rien les normes de l'aménagement des forêts qui
sont censées garantir sa gestion durable. Ils continuent en
précisant que c'est une activité faite par des individus ne
recherchant qu'un profit à court terme et prêts à tout pour
court-circuiter les services de l'État. Ils notent enfin que le
résultat est une dégradation rapide des ressources
forestières qui ne profite qu'à une poignée d'individus
peu scrupuleux. D'autres analystes développent au contraire une vision
plus optimiste des impacts du sciage artisanal, tout en restant soucieux de sa
nature informelle : meilleure valorisation de la matière ligneuse
(Fomete, 1997), impacts écologiques moindres sur le site d'abattage et
de transformation, plus large implication des populations locales, ou
réduction de la pression sur les forêts de production (Cerutti et
Lescuyer, 2010). Toujours selon les mêmes auteurs, les populations
locales, vendant leurs arbres selon les règles coutumières ou
travaillant dans ce secteur, tirent des revenus importants de cette
activité.Il apparaît donc que le secteur informel du sciage
artisanal génère un niveau important de revenus, notamment pour
les populations rurales, et de profits en zone rurale comme en ville.
4.3.4. Impact de l'exploitation forestière sur les
PFNL
La présence des compagnies forestières a des
avantages pour les populations locales. Officiellement les compagnies payent
les taxes aux Gouvernements qui sont redistribuées aux populations.
Elles peuvent aussi aider les populations dans la réalisation de
certaines infrastructures sociales comme les dispensaires, les routes, les
salles de classe, les terrains de football. Certaines personnes sont
engagées dans les compagnies et l'arrivée d'employés
étrangers permet d'accroitre le potentiel du marché de
l'agriculture et des produits non agricoles (Djik, 1999 : 61). Selon le
même auteur, la plupart des plaintes venant des populations concernent
les dommages indirects et directs causés par l'exploitation :
· les dégâts causés à la
forêt en général lors de la construction des routes et du
débardage ;
· l'impact négatif sur certains PFNL, à
savoir la chute des arbres produisant les PFNL ;
· la perturbation de certains cours d'eaux et sources
d'eau potablepar les machines utilisées ;
· la fuite de certains animaux sauvages qui ne reviennent
plus, même quand l'exploitation cesse ;
· l'utilisation abusive des ressources comme les gibiers,
les fruits et les noix par les employés de la compagnie.
Rist et al. (2012) distinguent quatre principales
catégories d'impacts de l'activité d'exploitation du bois
d'oeuvre sur les PFNL: les conflits d'usage, la compétition, la
facilitation et les impacts indirects. Les trois premières sont
caractérisées par des impacts négatifs alors que la
dernière peut être négative ou positive.
· Les conflits d'usage
D'après ces auteurs, la majorité des impacts sur
les PFNL en Afrique Centrale sont dus à des conflits d'usage liés
à certaines espèces fournissant à la fois le bois d'oeuvre
et des PFNL (chenilles, médicaments, etc.). Ces conflits d'usage menant
bien souvent à des tensions entre les compagnies d'exploitation
forestière et les communautés locales sont bien connus dans le
bassin du Congo.Plus de la moitié (61%) de la vingtaine d'espèces
exploitées comme bois oeuvre ont également une importance dans
les modes de subsistance des communautés locales. Le
moabi(Baillonella toxisperma)et le sapelli (Entandrophragma
cylindricum) sont les espèces les plus fréquemment
citées pour ce type de conflit dans la région. Leur extraction
affecte en effet la récolte des chenilles (Imbrasia spp.) dont
ils sont les hôtes et qui constituent une source de protéines et
un mets fort apprécié des populations locales (Tieguhong et
Ndoye, 2007).
· Compétition
Elle a lieu lorsqu'un PFNL obtient une grande valeur, du coup
les compagnies forestières commencent à l'exploiter au
détriment des populations locales. C'est le cas de l'Okoumé
(Aucoumea klaineana) au Gabon depuis qu'il a été reconnu
que sa résine avait des propriétés anti-inflammatoires
(Rist et al.,2012).
· Facilitation
L'exploitation forestière peut faciliter l'exploitation
non durable de certains PFNL. Le commerce de la viande de brousse est l'exemple
classique. Les chasseurs utilisent les routes et les véhicules des
compagnies pour transporter la viande des zones enclavées qui
étaient autrefois inaccessibles (Rist et al., 2012). Tieguhong
et Ndoye (2007) ont noté une diminution du nombre de lièvres
(Cephalophus spp), de varans (Varanus spp.), de singes
(Cercopithecus spp)et d'antilopes (Neotragus spp.) et une
diminution de la quantité de Gnetum spp.et de raphia en
forêtsuite à un accès plus facile à la forêt
et à une augmentation de la population locale.
· Impact indirect
L'exploitation forestière contribue à une
modification de la structure, de la fonction et de la composition de la
forêt. Cette modification peut être négative ou positive
pour certains PFNL. A cet effet, Tieguhong et Ndoye(2007)ont
révélé une augmentation de la quantité de tondo
(Afromamum spp.), njansang (Ricinodendron heudelotii),
rotin(Laccosperma secundiflorum) et de certaines espèces
d'ignames due à l'ouverture de la canopée et au changement de
microclimat en sous-bois, une augmentation du nombre d'herbivores (aulocode ou
athérure) due à l'ouverture de la canopée et au
développement de la strate herbacée, une diminution de la
récolte de certains champignons (Termitomyces spp.) due
à des difficultés d'accès à certaines parties de la
forêt causée par l'ouverture de la canopée et à la
densification de la végétation du sous-bois,la destruction de
certains pieds de manguiers sauvages et d'arbres qui fournissent du miel aux
populations locales lors de l'exploitation.
Ce chapitre a définiles concepts autour desquels
s'articule l'étude, présenté le cadre réglementaire
et quelques résultats de recherches menées sur les PFNL et le
sciage artisanal.Au chapitre 4, nous compareronsles résultats de
l'étudeavec ceux qui ontprésentés dans ce chapitre.
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