ANNEXES
Sommaire des annexes
Annexe 1. - Entretien avec J.-P. Roze, adjoint du
conservateur du Musée d'histoire de Saint-Malo
Annexe 2. - Échange avec Maureen Brugaro du
pôle patrimoine de l'Office du Tourisme de Saint-Malo
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p. 82
p. 88
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Annexe 3. - Adresses connues d'armateurs nérgiers
dans Saint-Malo Intramuros
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p. 92
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Annexe 4. - Plans et coupe du logement de Meslé de
Grandclos, actuellement le 11 rue de Toulouse
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p. 94
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Annexe 6. - Les 11 plus grands armateurs négriers
malouins du XVIIIe siècle
Annexe 5. - Les 13 Malouins les plus riches en 1790
p. 99
p. 100
80
81
Annexe 7. - Les plus grands armateurs malouins
1756-1792
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p. 101
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Annexe 8. - Extrait du Programme
Muséographique
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p. 102
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Annexes 1. - Entretien avec J.-P. Roze, adjoint du
conservateur du Musée d'histoire de
Saint-Malo
Comment était présentée la traite
dans le musée d'histoire de St-Malo avant la conception du nouveau
musée ?
Le musée se partageait entre le donjon du château
et la tour Solidor, qui appartenait à la même institution
labellisée «Musée de France». La tour Solidor
présentait l'histoire des voyages long-courriers et de la
découverte du passage du Cap Horn, en revanche le donjon
présentait l'histoire des corsaires, l'histoire de la ville et il y
avait une vitrine depuis 1952 sur la traite des Africains qui a
été nourrie précocement par des achats ou des dons,
même un dépôt de l'ancien Musée national des arts et
traditions populaires (actuel MuCEM). Il s'agissait d'entraves ou de fers dits
«négriers», de fusils ou bracelets dits «de traite»,
au total une dizaine de numéros, qui étaient symboliques
puisqu'elles ne provenaient pas de St-Malo et étaient donc
exposées à titre d'évocation. Je (J-P Roze) suis
arrivé il y a 15 ans et cela n'avait pas trop bougé, il n'y avait
pas vraiment eu d'acquisitions supplémentaires, ni de recherches plus
approfondies de la part du musée sur cette thématique. Une
gravure représentant le transport des captifs a été
largement publiée, ce qui a permis de laisser le musée dans ce
réseau là, mais il s'agissait tout de même d'une
parenthèse, existante, mais très limitée.
Au moment de la refonte du musée, nous avons de
manière objective, sans vision mémorielle mais plus dans une
«stratégie de périodisation» (comme le déclare
Christine Chivallon, directrice de recherche au CNRS), pour nous il n'y avait
même pas de questions.
Dans le nouveau discours muséographique, qui
prendra place dans le nouveau MHM, y a-t-il eu une évolution dans le
discours tenu, dans la présentation des faits, dans les acquisitions
d'objets... ?
Oui, comme nous considérions que cette
thématique devait être abordée, il a été
programmé un « cabinet-monde », c'est-à-dire un
îlot dans l'exposition permanente qui va être dédié
à cette thématique de la traite. A ce moment là l'examen
du fonds était presque sans appel : les entraves de par leur facture,
leur matérialité et leur provenance semblaient plus symboliser la
mise aux fers que la captivité des esclaves à bord ; aucune
documentation n'était suffisamment probante, donc nous avons
cherché comment nourrir cette thématique en requérant des
dépôts, auprès du Musée du Quai Branly par exemple
où il y a des entraves qui proviendraient des anciennes colonies
(recherche en cours). Une acquisition d'une carte des côtes d'Angole, que
j'ai pu mener, s'est aussi produite en 2020 grâce à la veille d'un
site d'un spécialiste américain. Le musée avait
déjà une carte des côtes de Guinée et d'autres
pistes nous amènent à nous tourner vers le Musée de
Saint-Brieuc qui conservent des éléments archéologiques
liés à cette thématique. Il y a une épave,
l'épave des Poulains, qui a été fouillée dans les
années 80 et où ont été retrouvées des
défenses d'éléphants, des perles de verres... donc des
éléments qui ont tendance à trahir le sujet, bien
qu'à ce jour ne soit encore identifiée l'origine du navire.
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Ce discours présente donc des faits historiques
de manière objective, y a-t-il une part de mémoire de la traite
ou bien ce n'est pas le rôle du musée ?
C'est une question intéressante, j'ai sur mon bureau
les actes du colloque international organisé en 2011 et qui s'intitulait
«Exposer l'esclavage : méthodologies et pratiques».
Dans ce colloque, il y a 3 stratégies de
présentées : la stratégie de périodisation, comme
je le disais précédemment, et c'est la conception
muséographique qui a été validée, c'est une vision
historique sur la base des archives, de statistiques. C'est une vision un peu
froide certes, qui peut-être critiquée, notamment parce qu'elle ne
semble pas revêtir un caractère humanisé et se constituer
sur des témoignages, mais c'est un parti assumé aussi par le
Conseil scientifique. C'est le cas du Musée d'histoire du château
des ducs de Bretagne de Nantes, le cas de musée de Bordeaux aussi. Il y
a aussi la stratégie mémorielle qui est plus liée à
une représentation physique sur le site, une autre stratégie
mémorielle qui est liée aux témoignages, pour laquelle la
parole est donnée aux descendants, aux acteurs de la recherche
scientifique ou culturelle d'origine africaine ou antillaise.
La stratégie de périodisation, cette vision
statistique et historique, fait écho au discours général
dans le futur musée et elle s'appliquera aussi pour les autres
«cabinets-monde» (la pêche à Terre-Neuve, le
marché espagnol, les Indes orientales). En revanche, j'utilise plus
prudemment aujourd'hui l'expression «traite des Africains», car les
lectures faites et la compréhension du sujet offrent une vigilance qu'il
faut savoir appliquer dans la formulation comme dans la rédaction des
textes. Depuis 10 ans, nous parlions de «traite
négrière» ou de «traite des noirs», avec la
conscience objective, je le crois, du sujet, mais les mots sont apparus d'un
coup très déshumanisés. Ces expressions doivent être
révoquer, il me semble, puisque nous savons quelles étaient ces
communautés d'esclaves, quels étaient les comptoirs de vente.
L'aspect chronologique ou l'aspect statistique ne peuvent suffire lorsqu'il
s'agit de déportations et de phénomènes de ce type.
En lien avec la politique nationale de reconnaissance
de la traite, est-ce qu'il y a des directives nationales qui ont
été mises en place ?
Il n'y a pas eu de directives, suite à 2011, à
ce colloque et aux autres événements programmés, des
circulaires ont été transmises notamment pour permettre
d'identifier des sections muséographiques consacrées à
cette thématique ou de comptabiliser les biens s'y rattachant. Il y a
une Fondation pour la mémoire de l'esclavage créée en
2017, qui est une sorte d'entité intellectuelle et
référente. En tant que musée dépositaire de cette
histoire, et comme il a été convenu avec le Conseil scientifique,
nous pensons qu'une fois le discours muséographique stabilisé
(cartels, textes, scénographie), il sera légitime de le soumettre
aux membres de cette Fondation. Il existe toutefois une dimension fortement
politique dans ce sujet qui transparaît aussi au niveau des
collectivités territoriales et des villes - l'ancien premier ministre et
maire de Nantes, J.-M. Ayrault, est actuellement le président de la
Fondation. Le programme du futur musée a été souvent
questionné, nous directement ou par voie de presse, parfois en conseil
municipal. Cela n'a jamais été sujet à polémique,
puisque nous savions que l'exposition permanente traiterait de la traite des
Africains et que des collections existaient. Il faudrait être naïf
toutefois pour ne pas sentir certaines tentatives d'instrumentalisation
politique, mais cela ne nous concerne pas.
Lorsque j'ai réalisé mon projet
l'année dernière, j'avais l'impression qu'il y avait des
réticences à nous donner des informations, du moins
c'était extrêmement prudent dans la manière de nous
répondre. On avait l'impression que les autorités municipales ou
portuaires n'avaient pas envie que ce passé négrier se sache ou
se découvre. Donc là, à l'inverse vous me dites qu'il y
avait des pressions municipales pour que ce soit exposé dans le
musée ?
Et concernant les personnalités politiques telles
que Mahé de la Bourdonnais ?
Cela renvoie à une autre question propre aux
musées : nous sommes contraints dans nos espaces et il faut savoir
parfois réserver un thème ou un sujet pour des expositions
temporaires. C'est a priori le cas de Mahé de La Bourdonnais, car c'est
un beau sujet et un sujet complexe qui permet d'aborder le commerce maritime,
sa structuration et la colonisation, ainsi que les relations avec les Indes, la
côte du Mozambique et l'Arabie.
La question renvoie à des réalités
culturelles et politiques plutôt classiques : l'effort de mémoire
sur le sujet a été a priori plutôt conduit par des adeptes
à la doctrine socialiste ou de gauche. La problématique qui
pourrait davantage nous surprendre et nous questionner, c'est la
matérialisation de cette histoire dans la ville en effet. La perspective
de faire figurer ce thème au moins dans l'exposition permanente du futur
Musée d'Histoire Maritime est apparue déjà comme une
position équilibrée.
Est-ce qu'il y a des comptes-rendus de conseils
municipaux, des procès verbaux, des écrits de vos réunions
entre la municipalité et le musée qui serait accessibles
?
Les délibérations des conseils municipaux sont
des documents accessibles, mais il serait surprenant qu'on y rentre dans le
détail. J'imagine que l'intitulé de la section
muséographique pourrait figurer quand même dans quelques documents
officiels.
Le programme scientifique détaillé reste par
contre la base et comme il a été annexé lors des
différentes phases du projet aux documents émis par la Ville de
Saint-Malo, c'est en quelque sorte le «juge de paix».
J'ai une dernière question concernant le
musée, au sujet des héros locaux controversés tels que
Surcouf ou Chateaubriand père, comment se fait la présentation de
ces personnages ?
En résumé, le programme est né de
l'archéologie sous-marine et des découvertes en baie de
Saint-Malo des années 2000. Elles ont révélé la vie
des hommes embarqués. Nous n'étions pas dans le mythe du
héros avec cet énorme fonds patrimonial mis au jour. L'ancien
concept du musée pourrait avoir été en partie
inspiré par cette mythologie dans les domaines de la course, de
l'exploration, de la littérature, etc. Sauf que le programme
scientifique validé par le ministère et la Ville a clairement
défini une autre stratégie de valorisation et diffusion
culturelle que nous trouvions plus dans l'ère du temps, convergente avec
les recherches universitaires ou scientifiques et avec la vision de l'histoire
du moment. L'objectif est simplement de s'appuyer sur les collections comme
tout musée. Le portrait de Robert Surcouf en armateur figurera aux
côtés d'un portrait d'un des plus grands armateurs négriers
malouins, Meslé de Grand-Clos, actuellement conservé au
Musée d'Avranches. Les cartels traduiront simplement la
réalité historique à cet endroit de l'exposition. On sera
limité par une seule chose, c'est le principe du musée, on sera
limité par le nombre de signes, le nombre de phrases que l'on pourra
mettre pour que ce soit lisible. Il me semble qu'il n'existe aucun frein ou
aucun obstacle à l'objectivité. En 1974 il y a eu une exposition
ici sur Surcouf, il n'y avait que deux lignes sur ses activités
négrières. Les ouvrages par leur silence en disent long et il est
plutôt rare de lire plusieurs lignes sur la traite des Africains dans les
parutions de la première moitié du 20e siècle ayant pour
sujet Saint-Malo. C'est le travail expert d'Alain Roman qui a
définitivement réveillé les consciences (un ouvrage de
synthèse est paru en 2003).
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Vous avez parlé de travail d'historien, je
voulais savoir si dans la conception du projet scientifique et culturel, vous
aviez travaillé en collaboration avec les historiens locaux tels
qu'Alain Roman et André Lespagnol ?
Pas dans le projet à la base parce que c'est plus un
travail interne mais dans la programmation, lorsqu'elle a été
lancée, il a fallu selon les coutumes des musées réunir un
Conseil scientifique et André Lespagnol a été
évidemment contacté très vite. On l'avait contacté
depuis longtemps, on a travaillé de façon très
régulière avec lui, il était en quelque sorte le
représentant universitaire indiscutable et la . Nous avons aussi
échangé avec Alain Romain étant donné son
expertise. C'est donc naturellement que le sujet des la traite a
été abordé en séances du Conseil scientifique, il y
a eu de vrais discussions sur la vision muséographique et le discours
scientifique à tenir et de vrais compromissions à envisager parce
qu'un musée ne pourrait être un ouvrage universitaire.
Nous avons parlé d'histoire mais est-ce qu'il y
a des porteurs de mémoire qui se revendiquent à St-Malo, qui
prennent les devants pour faire changer les choses ?
Sur l'aspect mémoriel et sur l'effort que la ville
devrait faire, il n'a que les éléments qui se trouvent dans la
presse, à ma connaissance. Il existe un «geste
mémoriel» intéressant qui ne se rapproche pas du sujet, mais
qui pourrait donner à réflexion : un cairn a été
inauguré à Saint-Malo en 2013 (suite à l'inauguration
à Saint-Pierre-et-Miquelon d'un autre monument) à la
mémoire des cinq siècles de pêche morutière. La
question est de savoir s'il s'agissait d'une bonne matérialisation, d'un
témoignage suffisant et approprié ; mais je dirais que ce n'est
pas de l'ordre des musées et que nous ne sommes pas spécialistes
de la stratégie mémorielle.
Concernant le patrimoine de la traite maintenant,
quelle forme prend-il ? Est-ce qu'il se manifeste par des statues, des noms de
rues, les malouinières... ? Comment la reconstruction de la ville
après 1944 s'est faite et selon quelle volonté ?
Je vous transmettrai cet article qui figure dans un Cahier de
la Compagnie des Indes intitulé «Lorient, la Bretagne et la
traite» (2006). Je ne suis pas un grand spécialiste de l'urbanisme
mais il semblerait que lorsque St-Malo se lance dans la traite
négrière, après les années 1710 ( et il va y avoir
plutôt des grands armements dans la deuxième moitié du
XVIIIe ), les hôtels particuliers de Intra-Muros sont déjà
construits. Donc ça veut dire que l'argent pour permettre les
accroissements, comme cela est appelé, provient surtout du commerce avec
l'Espagne et des voyages à la mer du Sud (Chili, Pérou). C'est
une réalité historique, les grandes fortunes qui se sont
bâti leurs hôtels particuliers et leurs malouinières sont
des fortunes qui ne sont pas réellement nées de la traite, qui
sont antérieures. Après les bombardements et la destruction de la
ville historique à 80%, le concept architectural se concentre sur la
silhouette. Les architectes de la reconstruction, dont Louis Arretche, visent
sans doute une impression générale dans leurs travaux - on
reconstruit des îlots, on évoque par des façades et des
élévations un caractère ancien. Il ne semble pas
aujourd'hui que la vision restitutive et archéologique
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a été possible et privilégiée. A
Saint-Malo, nous sommes loin des hôtels particuliers de Nantes et de
toute façon, à cette époque, la question est de reloger
les habitants et de tourner la page sinistre de la guerre. Une chose semble
témoigner quand même de l'histoire de la traite dans l'urbanisme,
c'est un mascaron (identifié comme une tête africaine) qui figure
au-dessus d'une grande-porte en bois de l'un des hôtels qui fait face
à la porte principale (Saint-Vincent). Hormis cela, la reconstruction
n'a rien provoqué, ni d'ailleurs extra-muros, et aucune trace
matérielle et patrimoniale ne semble pouvoir être associé
à notre sujet. Les consciences au lendemain de la guerre ne sont
évidemment pas portés sur cette question.
Concernant les traces secondaires ? St-Malo n'ayant
pas le même arrière pays que Nantes, ils devaient bien entreposer
les marchandises quelque part ?
Eh bien non, c'est ça justement la complexité du
cas malouin, il n'y a pas ce phénomène d'arrière pays ou
d'entrepôts et de stockage qui a été
développé à St-Malo. St-Malo n'a jamais eu
d'entrepôts, je parle là de constructions durables et
pérennes, ils ont eu dans leurs caves, dans les malouinières, des
éléments de stockage, mais pour résumer les marchandises
n'étaient pas écoulées à St-Malo. Quand les
malouins vont faire le commerce des toiles bretonnes, le commerce de l'argent,
le commerce des esclaves africains, ils vont souvent revenir et s'arrêter
soit sur Nantes, soit sur Lorient, soit sur le Havre ou sur Bordeaux et voire
même aux Pays-Bas. Par exemple, le sucre et l'indigo rentreront dans le
marché français sans forcément passer par le port de
Saint-Malo. C'est toute l'histoire d'un régime de droits et
d'exonérations de la monarchie et d'un savoir-faire
d'armateurs-négociants dont il s'agit ici. Matériellement, les
retombées de la traite des Africains ne se voient pas comme les autres
ou encore moins que les autres. Certes, il doit y avoir des indices dans les
achats fonciers de tel ou tel armateur, Meslé de Grand-Clos par exemple,
mais c'est assez opaque quand on ne s'y intéresse pas.
Il n'y a donc pas eu de politique de cacher les
traces, c'est simplement qu'il n'y en a quasiment jamais eu ?
C'est en quelque sorte cela. Vous évoquiez les statues
précédemment et c'est un sujet d'actualités justement qui
pourrait être mis en perspective par rapport à notre sujet. Quelle
statue incarne ce passé ? Quel texte est inséré au
piédestal ? Vous connaissez sans doute la réponse : à
l'heure du réflexe commémoratif, l'objectivité est
rarement invoquée.
Si on évoque «l'occultation« des
traces, est-ce propre à St-Malo ou est-ce que cela participe de la
politique de l'oubli qui a été mise en place à l'abolition
de la traite dans toute la France ?
Des documentaires sont récemment parus sur ARTE et en
quatre épisodes, à charge pour certains critiques, le sujet de
l'occultation a été abordé. Ce problème
dépasse largement la France, on le voit en Angleterre comme on voit de
grands efforts aussi produits (à Liverpool ou Birmingham). Ces
documentaires ont mis la lumière sur plusieurs choses, et une qui me
semble essentielle, les conséquences économiques favorables de la
traite pour les monarchies européennes. Et la relation existante entre
une tasse en porcelaine chinoise arrosée d'un café ou d'un
ingrédient sucré avec la surproduction des colonies et
l'esclavage. Forcément, l'occultation a existé car il
n'était pas si facile de comprendre la liaison entre les choses.
Nantes a fait le choix de dissocier son musée de son
mémorial, Bordeaux a décidé de mettre des plaques
explicatives sur les noms de rues et les statues, il est intéressant de
voir les différentes approches des villes sur
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cette thématique.
C'est vrai, il y a deux façons d'habiter la ville avec
ce sujet, c'est soit par le mémorial, la position de Nantes je la
trouvais très réussie, mais celle de Bordeaux pourrait être
aussi très intéressante pour St-Malo.
Est-ce qu'on peut trouver des preuves de cette
«occultation« ?
L'article d'Alain Roman (2006) renvoie à cette
préoccupation d'occultation. La preuve de la dissimulation elle est
induite, elle n'est pas explicite. C'est en filigrane, en observant un cartel
de statue, vous comprenez sur quelles parties de la biographie du personnage
représenté a été posé le projecteur. Il
pourrait être intéressant d'initier des échanges avec les
descendants et se demander s'ils conservent des traces jusqu'alors
intentionnellement dissimulées, ou interroger les acteurs culturels des
Malouinières pour savoir s'ils font référence à la
question. Alain Roman avait un regard très critique du point de vue
sociologique et objectif. Il avait des éléments pour en tout
cas.
Pensez-vous que la création du mémorial
de Nantes, et les colloques qui avaient eu lieu ont changé quelque chose
dans la politique de St-Malo ?
Non pas du tout, je pense que les gens
intéressés par le sujet se sont satisfaits de l'intention et du
geste, mais Nantes est une métropole et une ville universitaire, le
contexte est forcément différent. Il ne me semble pas qu'au
moment de l'ouverture du mémorial de Nantes, il y a eu des échos
du côté de Saint-Malo à l'époque. Récemment,
les choses auraient tendance à prendre une nouvelle tournure comme nous
en parlions précédemment.
On va donc avoir un nouveau Musée d'Histoire
Maritime à St-Malo, qu'est-ce qui a motivé la construction de ce
nouveau musée ?
A la base, c'est une refondation du programme
muséographique. Ensuite il y a eu des fouilles archéologiques
pendant 10 ans qui ont fait surgir un nouveau patrimoine scientifique
inédit pour St-Malo. Ce projet n'est pas né d'une volonté
hors-sol, c'est un constat de professionnels qui a conclu que le musée
devait changer de peau pour l'avenir de ses collections et la valorisation de
ses missions.
Pourquoi avoir choisi ce musée plutôt
qu'une autre proposition étant donné qu'il est aujourd'hui
controversé ?
Faisant parti de la commission d'analyse, l'équipe du
musée, le conservateur et moi-même, nous avons consulté
plus de 130 candidatures avec des grosses pointures... Il a fallu arriver
à une shortlist de 4. Donc l'analyse s'est faite d'un point de vue
fonctionnel. Evidemment que j'avais un avis esthétique mais
celui-là je le gardais pour moi. Cette analyse a permis de pointer des
dépassements probables de coûts, des impossibilités ou des
incohérences formelles, des dysfonctionnements ou des
complexités, des gestions problématiques en termes de flux de
visiteur, de croisements ou de mouvements de collections, etc.
Il y a eu une vraie réalité chez Kuma, c'est
qu'il a proposé des volumes avec des latitudes d'organisation
intérieure qui sont très intéressantes pour un
musée, ce qui n'était pas le cas chez Aires Mateus par
exemple.
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