Repenser la liberté comme mystère chez G. Marcel. une approche analytico-herméneutique de : "les hommes contre l'humain".par Freddy KAKULE KANAMUNGOYA Université Saint Augustin de Kinshasa (USAKIN) - Graduat 2020 |
CHAPITRE PREMIER : L'ETRE ET LA LIBERTEINTRODUCTIONLa plénitude de la liberté c'est notre être, mais cette plénitude est une conquête toujours précaire, toujours menacée4(*). C'est par ces paroles de G. Marcel que nous nous sommes lancés aussi à la recherche de la liberté authentique laquelle liberté ne peut être accessible que par la seule voie de la réflexion du sujet sur lui-même. Bosomi l'avait déjà bien dit dans Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine que l'ontologie et la liberté sont deux éléments inséparables d'autant plus que la liberté exprime la réalité fondamentale de l'homme. L'homme est substantiellement libre de par sa constitution ontologico-substantielle et foncière.5(*) En effet, les différentes questions que l'homme se pose sur l'origine de sa vie, sur sa destinée, sur l'importance de sa présence dans le monde relèvent du fait qu'il est libre. Il est inadmissible de dire que les animaux se heurtent à ce genre de questionnement car ils n'agissent que par instinct. Si au préalable l'homme n'était pas libre, il n'agirait que par pur déterminisme. Plus encore, il serait comme une horloge dont les aiguilles se meuvent suivant une même et seule direction sans se dérober de cette dernière. La liberté authentique ne peut pas être de l'ordre du désir, de quelque chose qui est donné, elle est l'essence de l'homme. Ainsi Marcel souligne que : « ma liberté n'est pas et ne peut pas être quelque chose que je constate mais bien quelque chose que je décide et il n'est au pouvoir de personne de récuser le décret par lequel j'affirme ma liberté ; cette affirmation est liée en dernière instance à la conscience que j'ai de moi-même, c'est-à-dire à la conscience de mon être intelligent fait pour connaitre la vérité »6(*). L'intitulé de notre chapitre, permet de mettre au clair ce lien intime et indéniable qui se tisse entre l'être et la liberté. La liberté authentique et parfaite tire son fondement dansl'être. C'est pourquoi De Finance reconnait qu'on ne peut ressaisir le sens de la liberté qu'à partir du sens de l'être et on ne peut ressaisir le sens de l'être qu'à partir de l'Etre absolu.7(*) En résumé, ce chapitre se propose d'aborder la question de l'être telle que posée par le Stagérite, en plus nous reviendrons sur la compréhension de l'être selon notre auteur G. Marcel qui conçoit l'être comme mystère et l'être incarné comme donnée centrale de la métaphysique. Enfin, outre la conclusion, nous finirons par un aperçu panoramique de la liberté. I.1. Qu'est-ce que l'être ? : Bref parcours historiqueIl est difficile voire impossible de donner une réponse exacte, comme cela se fait en mathématique, à la question qu'est-ce que l'être. En outre, une réponse unanime et univoque pouvant mettre les philosophes, plus particulièrement les métaphysiciens d'accord sur ce qu'est l'être est risible. Néanmoins, il nous semble que pour saisir la question de l'être, il est nécessaire de passer par un bref parcours historique de la notion de l'être. C'est depuis Parménide que l'on parle de l'être au sens métaphysique du terme c'est-à-dire de l'être entendu dans sa dimension ontologique. Nous nous referons ici à la fameuse formule : « l'être est le non-être n'est pas ». En d'autres termes, il est impossible que l'être ne soit pas de même, il est nécessaire que le non être ne soit pas. Dans la conception parménidienne de l'être, il sied de souligner que dire « être » ne se limite à des simples mots mais cela nécessite une grande activité rationnelle et intellectuelle. Encore soutient-il que rien n'est plus grand que l'être étant donné que le concept être embrasse tout et dit tout8(*). Eu égard à ce qui précède dire que le concept être dit tout et embrasse tout c'est joindre la définition de la métaphysique du Stagérite laquelle définition disait que la métaphysique est la science de l'être en tant qu'être. En effet, pour rendre clair cette définition, Aristote stipule que : « il y a une science qui étudie l'être en tant qu'être et les attributs qui lui appartiennent essentiellement. Elle ne se confond pas avec d'autres sciences dites particulières, car aucune des ces autres sciences ne considère en général l'être en tant qu'être »9(*). Ainsi, lorsque l'on parle de l'être en tant qu'être, on fait allusion à l'être pris dans sa totalité, dans sa complétude, dans sa globalité. Autrement-dit, c'est prendre l'être sans pour autant l'altérer, l'édulcorer, l'amenuiser, le réduire10(*). Revenant à Parménide, on comprend que l'être est le seul chemin de la vérité et de la connaissance tandis que le non-être est celui du néant, de l'opinion et de la doxa. Cela veut aussi dire que seul l'être est connaissable étant donné qu'il est. Quant au non-être, vu qu'il n'est pas il est corollairement inconnaissable. En outre, l'être ne peut pas ne pas exister, puisqu'il est une nécessité qu'il soit. L'être est toujours présent en lui-même, il a toujours été là, il est là et il sera toujours car il est de sa nature d'être éternel, par ailleurs le non-être ne peut pas avoir une nature personnelle par la simple raison qu'il n'existe pas, ainsi donc il n'est peut pas avoir une nature précise. * 4 Cf. G. MARCEL, cité par J. PARAIN-VIAL, Gabriel Marcel. Un vielleur et un éveilleur, op. cit., p.167. * 5 Cf. D. BOSOMI, Les thèmes majeurs de la philosophie contemporaine, op. cit., p. 81. * 6 G. MARCEL, cité par J. PARAIN-VIAL, op. cit., p.166. * 7 Cf. J. DE FINANCE, Existence et liberté, Lyon, Emmanuevitte, 1955, p. 31. * 8 Cf. D. BOSOMI, L'ardeur métaphysique. Manuel d'enseignement classique, Kinshasa, USAKIN, 2015, p. 39. * 9 ARISTOTE, Physique et métaphysique. Textes choisis par SONIA et M. DAYAN, Paris, PUF, 1972, p. 14. * 10 Cf. D. BOSOMI, L'ardeur métaphysique, op. cit.,p. 39. |
|