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Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschang


par Jonias KAMWA KAMDE
Université de Dschang Cameroun -  2019
  

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2. Problème de recherche

Le vivre ensemble se trouve au jour le jour questionné au vue de l'actualité camerounaise. La situation actuelle révèle que dans certaines Régions du pays,il se vit des tensions d'ordre ethnique, tribal, linguistique (en l'occurrence la crise dite anglophone qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) qui favorisent le repli identitaire des uns et des autres. Dans ces conditions, les individus, loin de rechercher l'entente avec leurs compatriotes, entrent plutôt dans une sorte de compétition, d'affrontement (physique, verbal) pour la satisfaction de leurs besoins et pour une meilleure visibilité.

Tout à côté de cette crise anglophone, nous notons la naissance sur le champ politique de deux notions à savoir : « Tontinards » et « Sardinards », notions nourries lors de la récente échéance électorale d'octobre 2018. Ces notions utilisées pour catégoriser les peuples ont et continuent de susciter beaucoup de polémiques sur les réseaux sociaux. Bien que la période électorale soit passée, ces notions ont laissé des stigmates et des séquelles dans la cohabitation mutuelle au Cameroun, notamment entre l'ethnie béti et celle bamiléké. C'est entre autre l'une des tensions qui créent une véritable barrière (psychique et ontologique) à l'unité sociale du pays car à y voir de près, ces notions de « Tontinards » et « Sardinards » n'ont pas systématiquement disparu du champ politique et de la conscience collective. Bien que se côtoyant et communiquant mutuellement, il y'a comme une cassure, une barrière psychique réelle dans le processus d'interaction des populations ; ces notions influent encore de manière subtile sur les uns et les autres. Cependant, le constat fait est celui selon lequel la vie politique est traversée par une réalité ethnique. L'ethnicisation des partis politiques au Cameroun est une réalité et elle a fait paraitre sur la scène politique la notion de Fief électoral. Ceci implique que chaque parti politique aurait un terroir acquis à sa cause.

Également, les notions de « Tontinards » et de « Sardinards » évoquées plus haut témoignentdes mécanismes non réglementaires d'acquisition des suffrageset de la séparation des partis politiques en ethnie.L'actualité montre que, sont qualifiés de « Tontinards » ceux qui appartiennent au parti MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun) et de « Sardinards » ceux qui militent pour le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais). Pour être plus clair et précis, « Tontinards » renvoie aux Bamilékés puisque ce peuple est reconnu pour la pratique de tontine; et « Sardinards » fait référence aux bétis, car le parti auquel est collée cette étiquette est dirigé par un fils béti. Cette nouvelle dichotomie de la scène politique camerounaise, dans un sens plus large, peut être un élément de compréhension des attitudes radicalistes des uns et des autres. Dans des jeux de mots, principalement sur la toile, chacun défend sa position ; il y a comme une sorte de repli identitaire qui anime les uns et les autres.

Cette partition des partis politiques en ethnie amène à se questionner sur le but escompté par les acteurs du champ politique camerounais. D'un point de vue réaliste, la remarque est qu'il y'a comme un paradoxe implicite ou explicite qui se crée au sein du champ politique contemporain. Il ne se perçoit pratiquement pas d'adéquation entre la situation escomptée qu'est la quête d'un vivre ensemble et les pratiques quotidiennes ; elles naviguent à contre-courant de cette fin. Cette configuration ethnique des partis politiques au Cameroun est comme une épine dans la chaussure etpourrait empêcher toute possibilité d'un vivre ensemble. Ce dernier est mis en péril au nom de l'acquisition des suffrages, et des querelles politiques comme cela a été le cas lors du récent scrutin électoral. Avant, pendant et au lendemain d'un tel spectacle électoral, les militants des partis en arrivent à créer des barrièresontologiques et psychiques avec l'autre. Les agitations des réseaux sociaux sont une preuve démontrant une incapacité de vivre avec l'autre quoiqu'appartenant à la même nation. L'on en arrive à penser que si ces agitations et ces échanges n'étaient pas que fictifs, virtuels mais aussi corporels et physiques, l'on assisterait à des dommages graves pouvant conduire à la limite aux effusions de sang, à un génocide entre acteurs. Les périodes électorales deviennent donc des périodes où l'on note un affrontement identitaire réel. La période électorale rime le plus souvent avec violences interethniques. Loin d'être un moment de confrontations politique et idéologique, elle est un temps de réactivation des conflits identitaires et de construction d'une identité nationale plurielle où les clivages communautaires resurgissent avec acuité dans l'espace public.

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