2. Problème de
recherche
Le vivre ensemble se trouve au jour le jour questionné
au vue de l'actualité camerounaise. La situation actuelle
révèle que dans certaines Régions du pays,il se vit des
tensions d'ordre ethnique, tribal, linguistique (en l'occurrence la crise dite
anglophone qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) qui
favorisent le repli identitaire des uns et des autres. Dans ces conditions, les
individus, loin de rechercher l'entente avec leurs compatriotes, entrent
plutôt dans une sorte de compétition, d'affrontement (physique,
verbal) pour la satisfaction de leurs besoins et pour une meilleure
visibilité.
Tout à côté de cette crise anglophone,
nous notons la naissance sur le champ politique de deux notions à
savoir : « Tontinards » et
« Sardinards », notions nourries lors de la récente
échéance électorale d'octobre 2018. Ces notions
utilisées pour catégoriser les peuples ont et continuent de
susciter beaucoup de polémiques sur les réseaux sociaux. Bien que
la période électorale soit passée, ces notions ont
laissé des stigmates et des séquelles dans la cohabitation
mutuelle au Cameroun, notamment entre l'ethnie béti et celle
bamiléké. C'est entre autre l'une des tensions qui créent
une véritable barrière (psychique et ontologique) à
l'unité sociale du pays car à y voir de près, ces notions
de « Tontinards »
et « Sardinards » n'ont pas systématiquement
disparu du champ politique et de la conscience collective. Bien que se
côtoyant et communiquant mutuellement, il y'a comme une cassure, une
barrière psychique réelle dans le processus
d'interaction des populations ; ces notions influent encore de
manière subtile sur les uns et les autres. Cependant, le constat fait
est celui selon lequel la vie politique est traversée par une
réalité ethnique. L'ethnicisation des partis politiques au
Cameroun est une réalité et elle a fait paraitre sur la
scène politique la notion de Fief électoral. Ceci implique que
chaque parti politique aurait un terroir acquis à sa cause.
Également, les notions de
« Tontinards » et de « Sardinards »
évoquées plus haut témoignentdes mécanismes non
réglementaires d'acquisition des suffrageset de la séparation des
partis politiques en ethnie.L'actualité montre que, sont
qualifiés de « Tontinards » ceux qui appartiennent
au parti MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun) et de
« Sardinards » ceux qui militent pour le RDPC
(Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais). Pour être plus
clair et précis, « Tontinards » renvoie aux
Bamilékés puisque ce peuple est reconnu pour la pratique de
tontine; et « Sardinards » fait référence aux
bétis, car le parti auquel est collée cette étiquette est
dirigé par un fils béti. Cette nouvelle dichotomie de la
scène politique camerounaise, dans un sens plus large, peut être
un élément de compréhension des attitudes radicalistes des
uns et des autres. Dans des jeux de mots, principalement sur la toile, chacun
défend sa position ; il y a comme une sorte de repli identitaire
qui anime les uns et les autres.
Cette partition des partis politiques en ethnie amène
à se questionner sur le but escompté par les acteurs du champ
politique camerounais. D'un point de vue réaliste, la remarque est qu'il
y'a comme un paradoxe implicite ou explicite qui se crée au sein du
champ politique contemporain. Il ne se perçoit pratiquement pas
d'adéquation entre la situation escomptée qu'est la quête
d'un vivre ensemble et les pratiques quotidiennes ; elles naviguent
à contre-courant de cette fin. Cette configuration ethnique des partis
politiques au Cameroun est comme une épine dans la chaussure etpourrait
empêcher toute possibilité d'un vivre ensemble. Ce dernier est mis
en péril au nom de l'acquisition des suffrages, et des querelles
politiques comme cela a été le cas lors du récent scrutin
électoral. Avant, pendant et au lendemain d'un tel spectacle
électoral, les militants des partis en arrivent à créer
des barrièresontologiques et psychiques avec l'autre. Les agitations des
réseaux sociaux sont une preuve démontrant une incapacité
de vivre avec l'autre quoiqu'appartenant à la même nation. L'on en
arrive à penser que si ces agitations et ces échanges
n'étaient pas que fictifs, virtuels mais aussi corporels et physiques,
l'on assisterait à des dommages graves pouvant conduire à la
limite aux effusions de sang, à un génocide entre acteurs. Les
périodes électorales deviennent donc des périodes
où l'on note un affrontement identitaire réel. La période
électorale rime le plus souvent avec violences interethniques. Loin
d'être un moment de confrontations politique et idéologique, elle
est un temps de réactivation des conflits identitaires et de
construction d'une identité nationale plurielle où les clivages
communautaires resurgissent avec acuité dans l'espace public.
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