Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschangpar Jonias KAMWA KAMDE Université de Dschang Cameroun - 2019 |
ABSTRACTLike all other societies in Cameroon and even in Africa, the Dschang Subdivision is coloured by the ethnic phenomenon that influences its functioning. Ethnicity which once wasn't more considered, is at the center of debates and over time, it becomes an important link in the understanding of society's logics. Thus, it is present in Dschang Subdivision, and manages to structure life in that part of the country. Politics which is the instrument of city management becomes an instrument taken in captivity by ethnicity. Then, this work aims to show in which measure the ethnicization of contemporaneous political field contributes to determine political behaviors and attitudes in Dschang Subdivision. With a view to define the border lines of the question through a comprehensive approach, theories of relativized functionalism and interdependency served us as reading grid; they allow us to analyse and understand the phenomenon under study. Thus, this work shows that political ethnicization is motivated by a clear desire for political control through the formation of a fiefdom. Then, this means a reconfiguration of the political participation of the populations through the adoption of behaviors such as abstentionism, the lack of interest in politics. Therefore, living together is more a slogan than a reality, its implementation is problematic in the midst of ethnicized political field. Key words:ethnicisation, political ethnicization, political participation, living together INTRODUCTION GÉNÉRALE1. Contexte et justification de rechercheLe Cameroun est l'un des pays où le vivre ensemble est prôné. Sa vision à l'horizon 25-30 ans est celle d'un pays « émergent, démocratique et uni dans sa diversité »1(*). Cette assertion manifeste l'importance de l'unité et de la démocratie pour le développement du Cameroun. Même si ces deux idéaux sont placés sur un même pied d'égalité avec l'émergence, il faut dire que d'un point de vue stratégique, cette dernière est davantage une conséquence des deux premières. En effet, La vision systématise les aspirations et visions exprimées par les différents acteurs à travers : une nation unie, solidaire et jouissant d'un environnement de paix et de sécurité ; Une démocratie réelle, forte et juste ; une administration décentralisée et au service du développement ; une jeunesse camerounaise bien formée et assurant la relève ; un accès de tous aux services sociaux de base de qualité, Une allocation équitable des ressources entre villes et campagnes et entre les régions du pays 2(*). Cette interpellation a suscité l'action de recherche en sciences sociales et humaines, car ces idéaux intéressent l'Homme et la société. D'une part, l'unité nationale, au-delà d'être une construction qui fait appel à la participation de tous, implique un processus de mise en commun des différentes composantes de la société : Régions, ethnies, cultures, générations, sexe, classes sociales, civiles et militaires, corporations, opinions, religions, entre autres. D'autrepart, la démocratie tire son essence de la liberté, de l'égalité et de la souveraineté du peuple camerounais. Ainsi, comme l'a reconnu la stratégie gouvernementale de développement, le premier des enjeux dans la ligne de mire de l'émergence est celui de la consolidation du processus démocratique et du renforcement de l'unité nationale. Le défi majeur ici est la réduction de l'hétérogénéité, des forces centrifuges et des velléités de replis identitaires. Le relèvement de ce défi apparait logiquement comme le maillon fondamental dans la consolidation de l'intégration nationale, de la paix, de la justice, de la cohésion sociale, de la démocratie, bref, du vivre ensemble. Ce que nous essayons de montrer à travers ce contexte est la poursuite des études sur la cohésion sociale, sur l'unité ethnique et tribale des peuples et sur le vivre ensemble au Cameroun. Toute une structure a d'ailleurs été mise sur pied par le système en place dans l'optique d'implémenter ce vivre ensemble. Il s'agit notamment de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme. Ladite commission oeuvre, nous l'avons dit, pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme au Cameroun dans l'optique de maintenir la paix, de consolider l'unité nationale du pays et de renforcer la volonté et la pratique quotidienne du vivre ensemble de ses populations. De plus, la réorganisation gouvernementale du 09 décembre 2001 a vu la création du Ministère de la jeunesse et de l'éducation civique, dont la mission principale est l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique du gouvernement dans le domaine de la jeunesse, de l'éducation civique et de la promotion de l'intégration nationale. L'éducation civique, tout comme l'intégration nationale constituent les fondamentaux de tout développement durable. Une république exemplaire passe par l'assimilation, par tous les camerounais, des principes et valeurs que sont entre autres l'amour de la patrie, la paix, la solidarité, le travail, l'honnêteté, le respect, la tolérance, l'intégrité. L'unité dans la diversité fait allusion au respect des différences et des identités, au respect des valeurs, au vivre ensemble harmonieux, bref, à l'intégration nationale. Le vivre ensemble est la manifestation d'une vie d'ensembleconforme au devoir et à la conscience morale. Il est également compris comme la manifestation qui s'exprime dans les rapports interindividuels et les agissements des personnes. À l'issue du colloque international sur l'éducation civique et l'intégration nationale tenu à Yaoundé du 08 au 10 juillet 2013 sur le thème « Éducation civique et intégration nationale, enjeux, défis et perspectives pour la construction d'une république exemplaire »3(*), des recommandations ont été formulées parmi lesquelles l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes sectoriels d'éducation civique et une stratégie camerounaise d'intégration nationale. En substance, l'intégration nationale vise à former des citoyens enracinés dans leur culture, respectueux de l'intérêt général, du bien commun, de l'éthique et des valeurs démocratiques, soucieux du vivre ensemble harmonieux et ouverts au monde4(*). Cependant, l'observation faite dans le paysage politique actuel au Cameroun est qu'il y a une certaine partition de la vie politique en ethnies et une certaine adhésion à un parti politique suivant l'ethnie du parti créé. L'on note un affrontement réel entre les différents partis dans la conquête et la conservation du pouvoir politique, et ce à tous les prix. H-L MENTHONG5(*) disait que « la concurrence entre partis politiques lors des compétitions électorales est perçue comme étant une concurrence entre les différentes communautés camerounaises dans la recherche de l'hégémonie ». Les partis, lors de chaque consultation électorale, cherchent à conserver leurs fiefs électoraux tout en essayant d'étendre leur influence dans les zones où celle-ci est faible. On peut donc parler d'une ethnicisation des partis politiques au Cameroun en ce sens que l'adhésion à un parti politique se voit influencée par l'ethnie d'appartenance. Autrement dit, l'adhésion à un parti dans une certaine mesure se fait sans tenir compte de l'idéologie et du programme politique du parti. Au contraire, le facteur ethnique et tribal devient pesant dans le choix d'un parti politique. De plus en plus, la notion de fiefapparait avec insistance sur la scène politique camerounaise, renvoyant un parti politique à une ethnie et une Région du pays en particulier.D'ailleurs, H-LMENTHONG6(*)parlait déjà de fief électoral dans ses travaux sur le double scrutin municipal et législatif de 1996. Même si le contexte est bien différent de celui d'aujourd'hui, même si l'applicabilité de ses recherches au contexte actuel est questionnable, la logique actuelle ne s'écarte pas significativement des conclusions qu'elle émet. C'est ainsi qu'au Cameroun quand on parle du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais(RDPC), l'on voit directement son fief qu'est le Sud, pareil pour le Social Democratic Front(SDF) qui renvoie au Nord-Ouest, l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès(UNDP) qui renvoie au Nord, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun(MRC) qui renvoie à la région de l'Ouest, l'Union des Populations du Cameroun(UPC) qui renvoie au Littoral. Cette configuration ethnique voire régionale des partis politiques au Cameroun nous donne à croire que tout avait été prévu à l'avance, à savoir que la plupart des ethnies que compte le Cameroun soient représentées sur la scène politique par un parti politique ; mais aussi et surtout, elle renseigne sur le caractère instable des comportements et attitudes politiques des acteurs. L'actualité témoigne en notre faveur en ce sens où le Cameroun sort fraîchement d'une période électorale pendant laquelle le fief électoral s'est avéré être une véritable réalité sur la scène politique Camerounaise. Étant donné que les minorités ethniques sont une évidence au Cameroun, MPAGE7(*) affirme : La gestion démocratique du pluralisme doit viser toujours à atteindre le plus large consensus possible, ce qui signifie que l'adhésion des minorités est partie de ce consensus. À cette condition, on peut être assuré que la place faite aux différences dans le fonctionnement des institutions sera aussi grande que le maintien de la cohésion sociale le rend possible. Dans une société multiculturelle, la problématique de la cohabitation et de l'intégration de différents segments sociologiques est un défi quotidien pour les gestionnaires de la cité. Il semble dès lors que la prise en compte des composantes ethniques, linguistiques, religieuses, politiques et économiques qui constituent la société dans son ensemble représenterait en atout. ALAWADIZelao8(*) disait que «sur le chemin de construction nationale, il n'y a plus de Bamiléké, de Béti, de Kirdi, d'Anglo-bami, de bassa.... Désormais il n'y a que des Camerounais tout court... Ainsi, les particularismes socioculturels sont appelés à disparaître pour faire place à la conscience nationale ». * 1Ministère de l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire, « formulation de la vision de développement à long terme », Document de travail, décembre 2009, P.5. * 2Ibid. * 3 MINJEC, « Stratégie camerounaise d'intégration nationale », 2015, p7. * 4 Idem * 5 MENTHONG Hélène-Laure : « vote et communautarisme au Cameroun : un vote de coeur de sang et de raison », in des élections comme les autres, politique Africaine, n°69, 1998. pp.51 * 6MENTHONG Hélène-Laure : « vote et communautarisme au Cameroun : un vote de coeur de sang et de raison », in des élections comme les autres, politique Africaine, n°69, 1998, pp.43 * 7PAGE Michel : « Intégration, identité ethnique et cohésion social », OUELLET, F & PAGE, M., pluriethnicité, éducation et société. Construire un espace commun, Québec, 1991, P.147. * 8 ALAWADI Zelao : « Élections de « seconde génération » et démocratisation passive au Cameroun : sens et (Im-) puissance de la dynamique électorale en temps d'ajustement libéral », revue de la faculté des sciences politique et juridique de l'université de Dschang, Tome 19, 2017, P 39. |
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