Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschangpar Jonias KAMWA KAMDE Université de Dschang Cameroun - 2019 |
4.3 Définition des conceptsD'entrée de jeu, il serait intéressant de clarifier certains concepts qui paraissent déterminants pour la compréhension de la suite de notre travail car comme le disait E DURKHEIM32(*) Les mots de la langue usuelle, comme les concepts qui les expriment, sont toujours ambigus et le savant qui les emploierait tels qu'il les reçoit de l'usage et sans leur faire subir d'autres élaborations s'exposerait aux plus graves confusions. Non seulement la compréhension en est si peu circonscrite qu'elle varie d'un cas à l'autre suivant les besoins du discours, mais encore, comme la classification dont ils sont le produit ne procède pas d'une analyse méthodique, mais ne fait que traduire les impressions confuses de la foule [...] La définition des concepts est une étape essentielle dans la compréhension d'un thème d'étude en science sociale. Le chercheur doit définir ou expliquer les principaux concepts qu'il étudie, afin de lever toute équivoque dans la compréhension. Ainsi, il est donc important pour nous dans ce mémoire de définir les concepts d'ethnicisationpolitique et de vivre ensemble. - Ethnicisation politique L'ethnicisation est la tendance ou le fait d'ethniciser, c'est-à-dire de définir quelque chose d'un point de vue ethnique, à tort ou à raison. Il peut également être définit comme le fait d'attribuer un caractère ethnique à un phénomène. L'historien G NOIRIEL33(*), dans son livre intitulé immigration, antisémitisme et racisme en France, parle de l'ethnicisation en décrivant durant tous un chapitre intitulé l'ethnicisation du discours sur l'immigration, le cheminement historique qui a abouti à tenter d'expliquer les problèmes sociaux par l'origine des personnes. Ainsi, l'on distingue plusieurs formes d'ethnicisation parmi lesquelles on peut citer l'ethnicisassions religieuse, l'ethnicisation médiatique, l'ethnicisation des violences, l'ethnicisation des organes de presse et l'ethnicisation politique. C'est cette dernière qui nous intéresse et que nous sommes appelés à définir. X ALBO 34(*) dans ses études sur les indiens Aymaras de Bolivie, nous dit que l'ethnicisation de la vie politique apparait lorsqu'un peuple (à l'exemple des Aymaras) commence à s'organiser et fonder des partis politiques afin de défendre leurs droits.C'est également Lorsqu'il se positionne comme peuple, comme ethnie et va alors se différencier de l'autre partie de la population, en créant leur propre groupe porté par des revendications d'ordre ethnique. Dans la même perspective, J-P LAVAUD35(*) en étudiant la Bolivie nous révèle qu'il y'a ethnicisation de la politique quand on assiste ou alors quand on est confronté à la monté d'entités locales qui essayent de s'imposer par la force ; c'est lorsque différents groupes ethniques vont se former et s'organiser en entitélocale qui vont essayer de se faire entendre par le force. Les distinctions, les séparations, les divisions sociales au nom de l'ethnie étant ainsi instaurées et légitimées au nom de la justice, la paix qui se dessine dès lors n'est pas celle du savoir vivre ensemble avec les différences et les conflits nés de ces différences, mais celle de la cohabitation des groupes autoproclamés différents, par murs symbolique interposés. Dans le cadre de notre travail, nous appréhendons le concept d'ethnicisation politique comme le fait d'instrumentaliser l'ethnie à des fins purement égoïstes et égocentriques dans la sphère politique ; de donner une coloration ethnique aux faits et actions politiques ; le procédé par lequel les acteurs politiques parviennent à obtenir des suffrages dans leur lutte, leur course pour l'acquisition et la conservation du pouvoir politique. Il est important de noter que l'ethnie sur la scène politique en soi ne fait pas problèmemais ce sont les usages qui en sont fait qui donnent lieu de se questionner. Tableau 1: Construction du concept d'ethnicisation politique
Source : enquête documentaire, 2019. - Vivre ensemble À l'heure de la mondialisation, à l'heure du multiculturel et des échanges entre les peuples, aborder la question du vivre ensemble est une manière de préserver les États-nations tout en les rendant ouverts.L'origine du concept vient d'une citation de Martin Luther King « nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ». De même, A TOURAINE 36(*) posait la question « pourrons-nous vivre ensemble, égaux et différents ? ».Nous sommes condamnés à vivre ensemble autant mieux le faire de manière harmonieuse. Inspiré du dictionnaire Larousse, le Cahier du vivre ensemble de la communauté urbaine de Doualadéfinit ce concept comme étant : « cohabitation harmonieuse entre individus ou entre communauté »37(*). C'est un concept qui exprime les liens pacifiques, de bonnes ententes qu'entretiennent des personnes des peuples ou des ethnies avec d'autres dans leur espace de vie ou leur territoire. Les grands thèmes ou principes du vivre ensemble sont la diversité culturelle, l'inclusion sociale, l'économie sociale et solidaire, les alternatives, l'entrepreneuriat collectif, la valorisation des potentiels endogène. Sans s'écarter systématiquement de la définition du dictionnaire Larousse, le Grand dictionnaire terminologique, office québécoisde la langue française, définit le vivre ensemble comme : « forme de cohésion et de solidarité sociales, de tolérance et de civilité reposant sur des liens qui se déploient sur le plan du vécu et du quotidien entre les individus des différents groupes ou catégories de personnes (âge, sexe, ethnie, etc.) d'une société. » Pour A BOIVIN 38(*) c'est un « assentiment partagé à vivre le destin commun au sein de toutes les différences humaines ». Dans une perspective de prolongement, Inspiré d'une phrase de BARTHES R39(*)dans son cours « comment vivre ensemble », 1997, le vivre ensemble est le fait d'accepter et construire une sociabilité sans aliénation de l'autre. Le conseil de l'Europe40(*) quant à lui va plus loin dans l'explication qu'il donne de ce concept. Pour lui, le vivre ensemble présuppose : - La liberté d'expression et le pluralisme d'opinions ; - Le respect de la dignité humaine, de la diversité culturelle et des « droits des autres », afin de garantir la tolérance et la compréhension ; - La participation de tous les citoyens aux affaires publiques, en leur donnant un accès à l'information et aux médias. C ROUHIER41(*), psychologue à l'école de la paix de Grenoble disait que : « vivre ensemble ne va pas de soi et il faut répéter que cela s'apprend ».Selon elle, on pourrait décliner un certain nombre de définitions de ce vivre ensemble. C'est : - Promouvoir des valeurs - Développer la solidarité - Réorganiser notre vie commune sur terre - Former à la citoyenneté - Respecter les cultures, les religions - Prévenir les conflits - Renforcer la volonté des individus à être des acteurs - Apprendre à chacun à reconnaitre en l'autre la même liberté qu'en soi même. De toutes ces définitions sus évoquées du vivre ensemble, il faut dire qu'elles ont certains points de similitude à savoir que le vivre ensemble implique : l'acceptation de l'autre tel qu'il est, une bonne gérance de la différence de culture et d'ethnie, la cohabitation pacifique de tous les segments (politiques, sociologiques) de la société. S'agissant de ce travail, la distanciation ne sera pas tellement grande entre des définitions précédemment données à ce concept. Nous entrevoyons par vivre ensemble une existence pacifique entre les Hommes malgré les multiples différences auxquelles ils font face (politiques, sociales, culturelles). Tableau 2: Construction du concept du vivre ensemble
Source : enquête documentaire, 2019. * 32 DURKHEIM Émile., de la division du travail social, Paris, PUF, 1893. * 33NORIEL, Gérard., immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard, 2007, PP. 589-667. * 34 ALBO, Xavier., racine de américa, elmundoaymara, Madrid, Alianza Edition-UNESCO, 1988, P 607. * 35LAVAUD, Jean-Pierre., « la Bolivie : vers l'anarchie segmentaire ? L'ethnicisation de la vie politique », paris, Hérodote, n°123, 2006, PP.62-81. * 36TOURAINE Alain., pourrons-nous vivre ensemble ? France, Fayard, 1997. * 37 Cahier du vivre ensemble de la communauté urbaine de Douala., Collections Cahier de la CUD, n°011, juin 2017, pp. 5 * 38BOIVIN Albert-Pierre : « Elan, humaniste citoyen », éd Amalthée, vol1, 2009, P184. * 39 BARTHES Roland : « comment vivre ensemble », cours et séminaires au collège de France 1977-1978, Paris, seuil, 2002. * 40 Conseil de l'Europe créé en 1949 au lendemain de la seconde guerre mondiale, vivre ensemble, avril 2009, p 56 * 41 ROUHIER Catherine : « apprenons à vivre ensemble », Paris, la Cigale, vol1, 2005, P83. |
|