La relation intersubjective selon Martin Buberpar Martin Kashila Institut superieur de philosophie et de théologie de Kolwezi - Philosophie 2021 |
III.2. les limites de la philosophie de Martin BuberSans aucun doute, nous reconnaissons bien à M. Buber le mérite de nous avoir apporté un sens humain de la relation authentique. Mais il y a certains points qui posent problème. En effet, nous trouvons dans les conceptions anthropologiques de Buber le caractère foncièrement paradoxal des relations humaines. La solitude agit au coeur même de l'union la plus intime, la solitude du `Je' n'est jamais surmontée non pas que l'amour soit impossible, mais aucun amour ne peut prétendre effectuer totalement son mouvement vers autrui. Mettant l'accent sur la relation, comme celui qui nous aide à aller de l'avant, à progresser et a toujours fixer le haut, Buber ne considère pas que la structure relationnelle se découvre aussi comme un lieu conflictuel, lieu de contestation, de dispute et de lutte. Le Tu se présente au Je comme une menace et cela suite à certaines circonstances et qualités des rapports sociaux. Aussi, il est certain d'affirmer qu'autrui-sujet est un danger parce que par son apparition, il se présente comme une négation de notre expérience de sujet, par le fait que nous sommes vus par lui, nous devenons immédiatement des simples objets et cessons d'être sujets pour lui. Il nous attire ainsi vers lui pour faire de nous les objets parmi d'autres objets qui s'organisent autour de lui. Autrement dit, au lieu de nous considérer comme nous sommes, autrui-sujet nous identifie à des objets qui l'entourent. A cet effet, nous perdons notre subjectivité. Raison pour laquelle Sartre déclare que « l'enfer c'est les autres »33(*). Cette identification d'autrui à l'enfer revient au fait qu'au lieu de nous regarder dans notre subjectivité, il nous transforme en objet, et se considère à la suite comme la seule transcendance. Ainsi, nous cessons d'être transcendant pour devenir une transcendée. Nous le découvrons par-là même comme celui qui place du côté d'objets du champ de sa perception. Comme Buber promouvait Autrui comme celui qu'on doit approcher avec sympathie par le moyen de la relation, Sartre pense qu'Autrui est un danger parce qu'il est la cause de troubles de notre conscience. C'est pour cela qu'il dira que « l'apparition d'Autrui dans le monde correspond donc à un glissement figé de tout l'univers a une décentralisation du monde (...) 34(*)» De ce fait, l'homme devient destructeur de toute valeur de notre conscience, et une perdition de notre assurance que nous avions dans notre solitude d'être sujet pour qui tous les restes n'étaient que des objets à classer parmi les extensibles du monde. Il veut ainsi notre mort du fait qu'il ne reconnait à notre subjectivité, par la même raison qu'il nous considère comme l'en-soi. D'une manière générale et plus particulièrement Sartre considère Autrui comme un danger d'abord parce qu'il nous chosifie, et ensuite parce que nous nous découvrons objets devant lui et nous perdons, par sa présence, notre expérience d'être sujet. * 33J.P.SARTRE, Les huit clos suivi des mouches, Paris, 1945, p. 92 * 34SARTRE, cité par P. MOUYOULA, L'existence devant Autrui, in Raison ardente, 31 (juin 1989), p. 71-76 |
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