IV. DISCUSSION
Au cours de cette étude, neuf marqueurs microsatellites
ont été testés pour la caractérisation
génétique de G. p. pallicera du Sud forestier
camerounais. Les marqueurs microsatellites utilisés dans la
présente étude avaient déjà été
utilisés dans de nombreux travaux notamment sur G. p. palpalis
des foyers de la THA du Cameroun et de la République
Démocratique du Congo (RDC) (Melachio et al., 2011, 2015), et
même sur G. p. gambiensis d'Afrique occidentale (Solano et
al., 2009).
De ces marqueurs, deux (A10 et B110) n'ont amplifié
aucune des 72 glossines analysées dans cette étude. Or, les
travaux menés avec ces marqueurs sur G. p. gambiensis (Solano
et al., 2009) et G. p. palpalis (Melachio et al.,
2011, 2015) avaient révélé un taux d'amplification
important pour ces espèces de glossines. Cette absence d'amplification
pourrait s'expliquer par le fait que ces glossines n'appartiennent pas aux
mêmes espèces. De plus, la plupart des marqueurs microsatellites
utilisés dans cette étude ont été
synthétisés à partir du génome de G. p.
gambiensis. Ces deux marqueurs ne semblent donc pas appropriés pour
la caractérisation génétique de G. p. pallicera
du sud forestier Camerounais. A côté de ces deux marqueurs,
deux autres (B3 et B104) ont amplifié moins de 50% de glossines
analysées. Ces résultats pourraient s'expliquer par un
polymorphisme au niveau du site de fixation de ces amorces. Le nombre faible
d'échantillons de G. p. pallicera amplifiés avec B3 et
B104 suggère aussi que ces deux marqueurs ne sont pas appropriés
pour la caractérisation génétique de G. p. pallicera
du sud forestier Camerounais. Des neuf marqueurs utilisés dans
cette étude, seulement cinq (55.3, GPCAG, C102, PGP24 et PGP13) d'entre
eux ont donné des résultats d'amplification permettant de faire
des analyses de génétique des populations. Les marqueurs C102,
PGP13, PGP24, 55.3 et GPCAG se sont montrés polymorphes pour G. p.
pallicera et toutes les espèces de glossines ; corroborant ainsi
les résultats obtenus chez G. p. palpalis (Melachio et
al., 2011, 2015), G. p. gambiensis (Solano et al., 2009,
2010), G. tachinoïdes (Adam et al., 2014) . La
variabilité observée au niveau de la sensibilité de ces
cinq marqueurs microsatellites corrobore avec les résultats
antérieurs (Melachio et al., 2011 ; Solano et al.,
2009). Des cinq espèces de glossines analysées dans cette
étude, les marqueurs GPCAG et C102 se sont montrés plus
polymorphes (10 allèles chacun) chez G. p. pallicera et les
marqueurs 55.3, PGP24 et PGP13 (9, 15, 16 allèles respectivement) chez
G. p. palpalis. Ces résultats montrent que le taux
d'amplification obtenu pour chaque marqueur dépendrait de
l'espèce de glossine et du lieu d'échantillonnage.
Les niveaux de polymorphisme obtenus pour G. p. palpalis
ont été supérieurs à ceux de G. p.
pallicera dans cette étude. L'hétérozygotie moyenne
attendue a été de 0,906 pour G.
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pallicera pallicera circulant dans le foyer de la maladie du sommeil de
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p. palpalis alors qu'elle a été de
0,571 pour G. p. pallicera. De même,
l'hétérozygotie moyenne observée était de 0,761
alors qu'elle a été de 0,363 pour G. p. pallicera. Cette
supériorité s'explique par le fait que les marqueurs
microsatellites utilisés ont été désignés
pour G. p. palpalis et sont donc plus adaptés chez ces
derniers.
Les cinq marqueurs microsatellites retenus pour les analyses
génétiques ont montré un polymorphisme
génétique aussi bien au sein des populations de G. p.
pallicera que celles de G. p. palpalis. La combinaison des
résultats obtenus au niveau de chaque locus a permis d'établir
des génotypes multilocus pour chaque glossine analysée. C'est
ainsi que le dendrogramme de la figure 18 illustre les similarités
génétiques obtenues à partir de 5 loci. Ce dendrogramme
confirme le polymorphisme allélique observé au niveau de chaque
locus. Il montre un grand polymorphisme génétique non seulement
au sein des populations de G. p. pallicera du même village, mais
aussi des villages distincts. Ce dendrogramme ne montre aucun regroupement des
échantillons de G. p. pallicera en fonction des villages ;
confirmant ainsi les résultats des FST qui ont montré
une absence de structuration entre les populations de G. p. pallicera.
Le dendrogramme montre que presque tous les échantillons de G. p.
pallicera se concentrent sur une partie du dendrogramme. Ces
résultats indiquent que les populations de G. p. pallicera sont
génétiquement différentes des autres espèces de
glossines. Ces différences s'illustrent par les distances
génétiques entres les populations de G. p. pallicera et
celles d'autres espèces, mais aussi par les valeurs de FST
statistiquement significatives entre G. p. pallicera et les autres
espèces de glossines analysées dans cette étude. Pour les
populations de G. p. palpalis, le dendrogramme montre un grand
polymorphisme génétique non seulement au sein des populations de
G. p. palplis du même village, mais aussi des villages
distincts. Il ne montre aucun regroupement des échantillons en fonction
des villages; confirmant ainsi les résultats des FST qui ont
montré une absence de structuration entre les populations de G. p.
palpalis.
En considérant uniquement l'espèce G. p.
pallicera, il ressort que la valeur globale de FIS est
significativement proche de zéro (FIS = 0,04). Cette valeur
serait due à la grande variation des FIS entre les
différents loci (FIS = -0,199; -0,681; -0,534; 0,519; 0,778
respectivement pour 55.3; PGP13 ; PGP24 ; GPCAG et C102). Ces variations ont
été aussi observées au sein des populations de G. p.
palpalis. Les variations observées entre les valeurs des
FIS ne permettent pas à présent de tirer une conclusion
fiable sur la reproduction de G. p. pallicera c'est-à-dire si
la reproduction se fait de manière panmictique ou pas. Malgré la
grande variation observée entre les valeurs des FIS entre les
loci, les résultats de cette étude
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pallicera pallicera circulant dans le foyer de la maladie du sommeil de
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montrent néanmoins et de manière
générale des déficits en hétérozygotes aussi
bien chez G. p. palpalis (FIS = 0,145) que chez G. p.
pallicera. Ces déficits observés au sein des populations de
G. p. pallicera et G. p. palpalis corroborent les
résultats obtenus pour la plupart des populations de glossines. Comme
dans la plupart des études, ce déficit en
hétérozygote aurait pour origine la présence
d'allèles nuls, l'effet Wahlund dû au mélange des
populations génétiquement différentes et le stuttering qui
se produit lorsque les amorces ne s'hybrident pas très bien provoquant
un bégaiement de la Taq polymérase qui amplifie deux fois un
allèle de même taille pour un individu hétérozygote.
(Solano et al., 2010 ; Melachio et al., 2011). Pour voir si
le déficit en hétérozygote observé dans cette
étude était dû aux allèles nuls, nous avons
estimé le coefficient de corrélation entre les allèles
nuls et les valeurs du FIS. Le coefficient de corrélation
(R2 = 0,0627) montre une corrélation négative entre
les allèles nuls et les valeurs de FIS pour l'espèce
G. p. palpalis. Pour G. p. pallicera, le coefficient de
corrélation (R2 = 0,4681) montre aussi une corrélation
négative entre les allèles nuls et les valeurs de FIS.
Ces deux analyses suggèrent que les allèles nuls ne seraient pas
à l'origine du déficit en hétérozygote
observé. Ce déficit résulterait très probablement
de l'effet Wahlund.
Le test de déséquilibre de liaison a
montré globalement une absence d'association statistiquement
significative aussi bien pour les populations de G. p. palpalis que
celles de G. p. pallicera. Néanmoins, une association
significative a été observée au sein des populations de
G. p. pallicera pour la paire de 55.3 et PGP13 (P = 0,002). Cette
association s'expliquerait par le fait que ces deux loci (55.3 et PGP13) sont
situés sur le chromosome X et contribueraient à une
déviation des proportions génotypiques.
Pour déterminer si les populations de glossines peuvent
être structurées, des valeurs de FST ont
été évaluées. Nos résultats ont
montré une structuration entre les différentes espèces de
glossines (P= 0,0003). La valeur de FST entre G. p. pallicera
et G. caligenea est statistiquement très significative (P=
0,0002), suggérant ainsi que ces deux espèces sont
génétiquement différentes. Entre les autres espèces
de glossines notamment G. p. pallicera et G. p. palpalis, G. p.
pallicera et G. morsitans, les valeurs de FST sont
également significatives et suggèrent également des
différences génétiques entre ces espèces. Ces
résultats des FST sont en accord avec les distances
génétiques observées sur le dendrogramme illustrant les
différences et les similarités génétiques entre les
espèces de glossines. Ces résultats confirment donc les
différences taxonomiques entre ces espèces. Par contre, les
valeurs des FST entre les sous populations de G. p. pallicera
et G. p. palpalis sont faibles et non significatives entre les
villages où ces glossines ont été
échantillonnées ; indiquant ainsi une
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pallicera pallicera circulant dans le foyer de la maladie du sommeil de
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absence de structuration au sein des populations de G. p.
pallicera et G. p. palpalis des villages du foyer de la THA de
Campo. Ces résultats indiquent aussi une absence de populations de
glossines génétiquement isolées et suggèrent des
échanges entre les populations des différents villages. Les
résultats générés dans cette étude
suggèrent une approche de lutte visant la suppression et non
l'éradication des populations de glossines du foyer de la THA de
Campo.
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