Cette stratégie ainsi que sa multitude d'outils
incluent des risques et des limites que ce soit sur un plan éthique,
technologique ou en termes de ressources.
Brisure du lien social
La crise sanitaire du COVID 19 a montré que le digital
permet de rester en contact et de créer du lien même à
distance. Toutefois certaines pratiques telles que l'emailing de masse peuvent
avoir un effet déshumanisant (Benbid Sandoss, Gilles Grolleau, 2003). Il
faut tout de même être
Pratiques et enjeux de la communication digitale dans les
associations P a g e | 12
vigilant. Dans le cas des associations, le contact réel
reste non négligeable. Il est l'essence même de ces structures,
peu importe la cible (salariés, bénévoles,
adhérents...). En effet, tout le monde n'a pas accès au web.
Certaines personnes sont victimes de la fracture numérique et n'ont pas
la possibilité de consulter ces informations. A contrario, d'autres y
ont accès mais n'ont pas les compétences ou présentent des
réticences à l'utilisation du digital. La communication ne doit
donc pas être exclusivement digitale, un bon équilibre est
à trouver. Pour finir, le manque d'activité voire
l'inactivité sur les réseaux sociaux peuvent aussi briser le lien
en donnant l'impression d'inaction dans la structure.
Une mise en place stratégique et parfois complexe
La communication digitale nécessite la mise en place
d'une stratégie et par conséquent une maîtrise des outils.
Une bonne communication sur le web peut en effet être
bénéfique, à l'inverse une erreur même minime peut
détruire une réputation. Le risque ici est de confier la
communication à une personne n'ayant pas les connaissances
adaptées. Mettre en place une stratégie de communication ne se
réduit pas à la publication de photos et comme déjà
exposé, les enjeux ne sont pas des moindres. L'intégration et
l'utilisation des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication) doivent donc se faire avec précaution et contrôle
tout en s'assurant de rester fidèle aux valeurs et aux messages que l'on
souhaite transmettre.
Les logiciels non libres
En dépit de leurs efficacités, certains
logiciels sont non libres, c'est ce que l'on appelle des logiciels
propriétaires voire privatifs tels que Facebook, Google, Outlook et bien
d'autres. Ils sont définis ainsi car ils vont à l'encontre des
quatre libertés des logiciels qui sont : l'utilisation du logiciel pour
tout type d'usage, l'étude de son code source, sa
modification/amélioration en fonction des tâches souhaitées
et la distribution de copies. La restriction de ces libertés bloque
l'évolution et le partage mais crée aussi des monopoles. De plus
depuis plusieurs années, la question d'espionnage est soulevée,
les codes fermés ne permettent pas de savoir réellement où
atterrissent les données et leur usage, données souvent
utilisées à des fins financières. Afin de contrôler
ces phénomènes, il existe depuis 2016 une règlementation
générale sur la protection des données.
Pratiques et enjeux de la communication digitale dans les
associations P a g e | 13
Le RGPD
La réglementation générale sur la
protection des données est adoptée par le Parlement
Européen depuis 2016 et mise en application en 2018. En
complément de la Loi Française Informatique et Liberté, ce
règlement européen renforce le contrôle de la collecte de
données ainsi que son utilisation afin de lutter contre les violations
de données et sécuriser les navigations web. C'est une
réglementation primordiale pour la communication digitale car elle
intervient dans diverses actions et contient des obligations. Comme
défini sur le site internet de la CNIL, chaque structure a le devoir
d'obtenir le consentement des personnes, de proposer un droit d'accès,
de rectification, d'interrogation et d'opposition. De plus une personne
définie doit avoir la charge de ces données afin d'informer sur
leur durée de conservation, veiller à la sécurisation et
assurer la confidentialité. Des contrôles sont effectués de
plus en plus régulièrement, des plaintes peuvent être
déposées, ce qui amène parfois à des sanctions
pouvant mettre en péril la réputation et la vie d'une
structure.
Malgré les limites et risques évoqués
ci-dessus, et comme il est décrit dans la partie
précédente, la communication digitale et sa multitude d'outils
restent un atout majeur à la vie des associations permettant de toucher
un maximum de personnes et de se développer, le tout à moindre
coût. Maîtrise et contrôle sont donc les mots d'ordres pour
limiter les risques. Mais quelles en sont réellement les pratiques ?
Afin de me confronter à la réalité du terrain, je suis
allée à la rencontre des associations.
D. Etude qualitative : à la rencontre des
chargés de communication du milieu associatif
Afin d'enrichir mes recherches sur les enjeux et pratiques de
la communication digitale dans les associations, j'ai décidé de
mener une étude qualitative en mettant en place des entretiens
semi-directifs. Voici la définition qu'apporte Lincoln en 1995, «
L'entretien semi-directif est une technique de collecte de données qui
contribue au développement de connaissances favorisant des approches
qualitatives et interprétatives relevant en particulier des paradigmes
constructivistes. »
Cette technique de collecte de données comprend 4
étapes : la sélection préalable, la conception du plan
d'entretien, le déroulement et l'analyse.
Pratiques et enjeux de la communication digitale dans les
associations P a g e | 14
La sélection préalable
Pour la faisabilité et les besoins de cette
étude, la sélection des participants s'est faite de façon
à obtenir une pertinence théorique avec la thématique
étudiée (pratiques et enjeux de la communication digitale dans
les associations), les participants sont donc tous en charge de la
communication dans une association à but non lucratif. Concernant le
secteur géographique, l'ensemble du territoire français est
concerné afin d'obtenir une grande diversité de personnes. Afin
de recruter les participants, j'ai choisi de contacter par mail les
associations partenaires de mon entreprise d'accueil : l'Ecole des Parents et
des Educateurs des Bouches du Rhône et de compléter cette
démarche en présentant mon projet de recherche sur LinkedIn afin
d'inviter à la prise de contact. Après différents
échanges, la sélection des participants se fait en fonction de
leurs disponibilités, me permettant de programmer sept entretiens.
La conception du plan d'entretien
Le guide d'entretien permet d'élaborer les
thèmes à aborder mais aussi de préciser le but de
l'entretien, son usage, sa durée ainsi que le niveau de
confidentialité. Mon plan d'entretien (cf. annexe 1) se divise donc en
trois thématiques et est conçu de façon à
s'intéresser dans un premier temps au contexte professionnel du
participant. Il aborde ensuite les pratiques et enjeux de la communication dans
le champ associatif avant de terminer par les besoins et recommandations. Ce
plan d'entretien a été pré tester avec mon environnement
professionnel.
Déroulement des entretiens
Au vu de la situation sanitaire liée à la
COVID-19, afin de réaliser tous ces entretiens de la même
façon et limiter les variables parasites, l'ensemble des entretiens se
déroulent en visioconférence via la plateforme Zoom. Les
entrevues ont lieu du 30/04/2021 au 02/06/2021 soit une période d'un
mois et 3 jours. 7 entretiens sont initialement programmés mais
seulement 5 ont pu être réalisés.
Voici la liste des participantes :
- Ninon, Chargée de communication digitale à la
Cité des Métiers PACA (cf. annexe 2) - Zoé, Chargée
de communication chez Parcours le Monde Sud-Est (cf. annexe 3)
- Sidonie, Responsable pôle institution, relation
institutionnelle, développement associatif et communication à
l'UDAF 13 (cf. annexe 4)
- Anaïs, Chargée de communication chez Emmaüs
Lyon (cf. annexe 5)
- Noémie, Chargée de communication chez Synergie
Family Ile-de-France (cf. annexe 6)
Pratiques et enjeux de la communication digitale dans les
associations P a g e | 15
Pour ma part, je réalise les entretiens depuis mon
bureau à l'EPE 13. Concernant les participantes, trois sont à
leur domicile, une sur son lieu de travail. Enfin une des participantes ne
souhaite pas allumer sa caméra.
Chaque entretien débute par une rapide
présentation de ma démarche, des objectifs ainsi que la demande
de consentement liée à l'enregistrement du son et de la
vidéo. Une fois ces points abordés, l'entretien peut
démarrer. L'ensemble des participantes se montre intéressé
et motivé par cette étude. Le fait de porter de
l'intérêt à leur association, à leurs missions et
plus spécifiquement au fonctionnement de la communication dans le champ
associatif leur paraît pertinent. Les questions larges et ouvertes leur
permettent de s'exprimer sur leurs actions mais aussi sur leurs pratiques et
les enjeux liés à leurs postes. Je porte une attention
particulière à la mise en place d'un climat d'écoute et de
confiance. Il ne s'agit donc pas d'appliquer le guide d'entretien à la
lettre mais plutôt de s'en servir comme outil de trajectoire pour inciter
mes interlocuteurs à parler de leurs expériences, les ressentis
et les méthodes de travail. Les entrevues durent entre 11 et 34
minutes.
Avant d'aborder l'analyse des données, je dois
préciser qu'en théorie ces entretiens sont arrêtés
lorsque l'on arrive au seuil de saturation sémantique. Les
expériences montrent que cela arrive généralement au bout
de 10 à 30 entretiens. Pour cette étude, du fait que j'effectue 5
entretiens, le recueil des données et leur analyse ne peuvent être
considérés comme représentatif de l'ensemble des pratiques
en termes de communication dans le champ associatif.
Analyse des données
L'ensemble des entretiens est retranscrit mot à mot,
les seules modifications apportées, la suppression des mots doublons.
Afin de protéger l'identité des participants, seul leur
prénom est cité. Le contenu de chaque entretien a
été transposé dans une grille d'analyse afin de percevoir
et de regrouper les éléments communs. Cette méthode m'a
permis d'organiser mon analyse en 3 parties.
· La place de la communication dans les
associations
Sur les 5 associations, on constate qu'une seule, d'entre
elles dispose d'un service communication composé de plus d'une personne,
pourtant le nombre de salariés moyen est de 34 par association. 3 de ces
postes sont des contrats d'alternances. Les chargées de communications
ont toutes pour missions la gestion des réseaux sociaux. A cela
s'ajoutent la
Pratiques et enjeux de la communication digitale dans les
associations P a g e | 16
création de contenu (photos, vidéos,
articles...), la gestion de site internet et de la e-réputation, et
même la communication interne de l'association. Une des candidates
dispose même d'une double casquette : Responsable Institutionnelle et
Communication. À travers les termes utilisés et la
répétition, on constate la notion de polyvalence dans les taches.
Nous pouvons donc nous interroger sur la place qu'occupe la communication
digitale dans les associations. Pourtant, toutes les candidates sont d'accord
sur la place de la communication. « On est dans une ère digitale.
Si on n'est pas présent sur les réseaux, si on n'a pas de
l'actualité [...] finalement, on devient presque invisible dans la masse
de données. Donc c'est pour nous, mais c'est aussi pour le public »
explique Sidonie de l'UDAF 13. Être seul dans un service aussi important
comporte donc des inconvénients « j'ai beaucoup de choses à
faire donc c'est vrai que souvent, on doit jongler avec plusieurs projets
» explique la chargée de communication digitale de la Cité
des métiers. Le manque de budget est aussi mentionné « la
communication digitale à une place très importante, mais [...]
euh niveau budgétaire, on est les premiers à couper, on est les
premiers à avoir des réductions de budget » Malgré
ces facteurs limitant les personnes interrogées sont motivées et
apprécient l'autonomie et la polyvalence du poste. Cela peut s'expliquer
par le fait que travailler dans le secteur associatif est un choix pour elles.
L'envie d'aider, de se sentir utile, de faire bouger les choses est un atout
clé mais les valeurs associatives ne sont pas toujours en accord. Pour
résumé, la place de la communication est primordiale dans les
associations néanmoins cela n'est pas encore institutionnalisé et
à tendance à être négligé, peu de moyens
humains sont mobilisés, mais quand est-il des pratiques ?
· Les pratiques
Concernant les pratiques, on retrouve la mise en place
d'actions communes telles que le Community management. L'ensemble des
associations travaillent principalement avec des financeurs publics tels que la
CAF, les villes, les départements... Grâce à des appels
à projets. Cela permet aux chargées de communication digitale
d'avoir le champ libre. Selon elles, l'important est d'utiliser les bons outils
et de faire attention à transmettre le bon message.
La notion de budget abordé précédemment
interroge sur les besoins budgétaires de la communication digitale,
Noémie l'explique ainsi « En fait, il ne nous faut pas
grand-chose». On constate que les outils utilisés sont tous
gratuits à l'exception de la suite Adobe (Photoshop, InDesign...). 2 des
associations utilisent de façon ponctuelle le boost de publication, mais
hormis cette action, le référencement payant SEA ne fait pas
partie des pratiques. La chargée de communication de l'UDAF 13 (2e plus
gros UDAF de France et disposant d'un réseau
Pratiques et enjeux de la communication digitale dans les
associations P a g e | 17
associatif de 110 personnes) explique cela par le non
nécessité « Pas de besoin à l'heure actuelle, mais on
ne se ferme pas la porte ».
Enfin, lorsque l'on aborde les besoins futurs en termes de
communication, la digitalisation est au coeur du discours puisque qu'on
retrouve, ce terme dans l'ensemble des entretiens. L'envie porte sur
l'évolution et le développement, ce qui inclut la prise de
conscience de l'importance de la pratique, des enjeux et de la
pérennisation de leurs postes. L'importance de l'équilibre entre
digital et réel est évoqué par 3 des chargées de
communication qui insistent sur l'importance du contact humain et de la
rencontre.
Les mots utilisés pour caractériser
l'importance de la communication sont « légitimer », «
primordial » et « se démarquer » cela montre bien tout
l'enjeu de visibilité derrière cette stratégie.
· Les enjeux
La notion d'information est mentionnée dans chacun des
entretiens réalisés, ainsi que les notions de visibilité,
de mise en place d'actions et de financements. En effet, comme nous avons pu le
voir précédemment, ce sont les enjeux principaux de la
communication digitale dans les associations. À qui est donc
réellement destinée cette communication ? En effet, le public
cibles à une place importante dans la communication, car l'enjeu est de
mettre en place des actions leur étant bénéfique.
Chez Synergie Family, on constate que la communauté
est engagée et participe activement à la vie en ligne de
l'association grâce aux j'aimes, commentaires et partages. Cependant
l'enjeu est aussi financier, car la mise en place de ces actions dépend
des financeurs et ces derniers sont très attentifs. Plus l'association
est visible, plus les subventions sont en corrélation et plus elle
devient utile aux bénéficiaires. Les deux sont donc
complémentaires, car ces deux cibles sont nécessaires à la
mise en place d'action. Les mots utilisés pour caractériser les
enjeux liés à la communication sont « développement
», « légitimité », « visibilité »
et « démarcation » cela montre bien tout l'enjeu
derrière cette stratégie.
Pour conclure cette analyse, la communication digitale impact
la visibilité, la légitimité, mais aussi le financement
des actions. Il semble donc évident que la communication est un levier
bénéfique pour ces associations lorsqu'il est exploité
correctement (ressources humaines et matériels) mais cela est-il valable
dans un plus grand nombre d'associations ?