Problematique de l'efficacite de la politque monétaire dans une économie dollarisée, cas de la RDC de 1988 a 2018par Thomas LOKUNDA ETAMBELA Université de Kinshasa - Licence 2019 |
SECTION 2. GENERALITES SUR LA DOLLARISATIONPour parler de la généralité d'une économie dollarisée, l'on est obligé de se référer à l'époque coloniale. Les décolonisations pendant le XIX ème siècle (Amérique latine) et le XX ème siècle (Asie et Afrique) ont vu l'émergence de presque autant de nouvelles monnaies nationales27(*). Ces dernières constituant à la fois un instrument et un symbole destinés à construire des destins nationaux propres. Après la seconde guerre mondiale, le système de change fixe de Bretton woods, en favorisant une relative stabilité monétaire, a permis à la plupart des monnaies nationales de garder la confiance de leurs résidents respectifs. En 1973, l'abandon du système de Bretton woods ouvre une période d'inflation relativement élevé.28(*) Dans les pays en développement ou en voie de développement, cet environnement inflationniste, combiné à une forte hausse de liquidités libellées en dollars en circulation dans le monde (à la suite des deux chocs pétroliers), se traduit par une concurrence accrue des monnaies nationales par des devises suscitant une confiance plus forte, typiquement le dollar des Etats-Unis. Aujourd'hui, cette concurrence de monnaies « faibles » tend à perdre une dimension supplémentaire à travers la suppression de monnaie nationale au profit du dollar, comme récemment en Equateur et au Salvador. Ces mesures de dollarisation intégrale (auxquelles s'ajoute le regain d'intérêt pour les unions monétaires) traduisent un mouvement de destruction des monnaies nationales qui pourrait alors, si cette tendance se confirme, inversé le processus, engagé au moment des décolonisations, de multiplication des monnaies nationales.29(*) Le terme dollarisation comporte beaucoup d'ambiguïtés quant à la définition. A première vue, ce concept implique l'idée de domination du dollar au-delà de son espace naturel, qu'est le territoire des Etats-Unis d'Amérique. Une autre ambigüité du terme dollarisation résulte du fait que la monnaie étrangère dans une économie dollarisée n'est plus nécessairement le dollar américain. 30(*) Le néologisme « dollarisation » décrit le choix pour un pays d'abandonner sa monnaie nationale pour adopter une monnaie étrangère, qui n'est pas nécessairement le dollar américain, ou de lier le cours de sa monnaie à celui d'une autre. En ce qui concerne l'utilisation de l'Euro hors de la zone Euro, de plus en plus fréquente, on peut aujourd'hui parler de « Euroïsation»...31(*) L'utilisation croissante du dollar pour les transactions réelles et financières est souvent une réaction des citoyens ou des pouvoirs publics d'un pays à l'instabilité de la monnaie nationale. D'après Salama32(*), la dollarisation se définit comme l'évolution selon laquelle « le dollar s'impose de plus en plus comme réserve de valeur, unité de compte et parfois comme intermédiaire des échanges pour certains produits. Pour Bourguinat et Dohni33(*), la dollarisation est le processus de substitution du dollar américain à la monnaie nationale dans toutes ses fonctions. Elle désigne « le processus de remplacement, par le dollar des Etats-Unis des monnaies nationales préexistantes en tant qu'unité de fixation des prix des biens, d'instrument de paiement et de détention de l'épargne ». Selon Ngonga Nzinga et Mususa Ulimwengu34(*), la dollarisation s'analyse comme l'utilisation intense des divises étrangères, particulièrement le dollar américain dans un espace économique doté pourtant d'une monnaie nationale. Ces devises servent à la fois d'unité de compte, de réserve de valeur et de moyen d'échange. En effet, en dépit du fait que la dollarisation puisse se manifester sous la forme d'une substitution ou d'une complémentarité monétaire dans un espace économique donné, elle peut revêtir également deux formes. Ponsot J.-F.35(*) fait une distinction en fonction de deux critères de différentiation, à savoir : le degré de pénétration du dollar ou de la devise étrangère dans les pratiques monétaires d'un pays et le degré d'officialisation de son usage par les autorités. Il y a lieu de retrouver dans toutes ces définitions, une sorte de substitution totale ou partielle de la monnaie nationale d'un pays par une devise étrangère, généralement le dollar américain. 1.2.1. Caractéristiques d'une économie dollariséeLa dollarisation d'une économie dans un pays se traduit par la substitution monétaire d'une devise (Dollar, Euro, Rand, ...) au détriment d'une monnaie nationale (par exemple le Franc Congolais actuel). La devise (principalement le dollar américain) devient par excellence l'étalon c'est-à-dire, le numéraire dans toutes les transactions commerciales, financières et monétaires. Ainsi, toute l'économie formelle est régie par des fluctuations du cours du dollar américain. D'où le processus connu sous le nom de dollarisation. Disons aussi que, une économie dollarisée 36(*)est caractérisée par la perte de confiance à la monnaie nationale, la thésaurisation de l'épargne, la fragilisation du système bancaire, l'inflation galopante et permanente, la balance commerciale déficitaire, fuite des capitaux vers l'occident, fraude généralisée, l'émergence de l'économie informelle. Ainsi sans prétention d'exhaustivité, nous nous contenterons d'évoquer ceux qui sont plus pertinents ou significatifs du point de vue économique : la dollarisation aggrave les effets inflationnistes d'un déficit budgétaire public. Elle compromet l'efficacité d'une politique monétaire par ce que les pouvoirs publics (gouvernement et la banque centrale) ne peuvent contrôler la part (quantité) de devises (principalement le dollar) dans la masse monétaire totale, ce qui explique que le taux de change officiel ou parallèle, serve souvent de point d'ancrage nominale dans une économie fortement dollarisée. * 27 Coatsworth J. , Economic and Institutional Trajectoiries in Nineteenth-century Latin America, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, London, England,1998, p.23. * 28 Michel M.,Décolonisations et émergence du Tiers-monde, Hachette Livre, Paris, p.12. * 29 Gastambide A., Equateur de la crise bancaire de 1998 a la crise politique de2000, In problèmes d'Amérique latine, n° 36,2000, p.67. * 30 Dempere P. et Quenan C., Les débats sur la dollarisation : un état des lieux , dans G. Couffinal, Amérique latine 2000, Paris, la documentation française, p.65. * 31Trésor-Gauthier KALONJI M., Dé-dollarisation de l'économie nationale congolaise : enjeux et macroéconomiques,Direction des Etudes et Planification-Ministère des Finances/RDC, p.3. * 32SALAMA, P, La Dollarisation, édition Agalma-La Découverte, Paris, 1988, p.8. * 33BOURGUINAT H., et DOHNI L., « La dollarisation comme solution en dernier ressort », in Revue Française d'Economie, n°1, vol. XVII, 2002, p.57. * 34NGONGA NZINGA V. et MUSUSA ULIMWENGU J., « La Persistance de la dollarisation au Congo-Kinshasa : manifestation d'une substitution et/ou d'une complémentarité monétaire ? », in Working Paper, n°15, Centre d'analyse prospective économique, IRES-Université de Kinshasa, mars, 1999,pp.1-22. * 35PONSOT, J.-F., « La dollarisation des économies émergentes », CEMF-LATEC, Université de Bourgogne, 2003, p.2. * 36 MUKAMBA BITALENGWA X., La dollarisation de l'économie congolaise et son impact socioéconomique sur le revenu des ménages de la commune d'Ibanda dans la ville de Bukavu en RDC de 2007 à 2011,Mémoire de licence, université de cepromad, Faculté de Management et Sciences Economiques, Bukavu, 2010-2011, p.15. |
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