Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international publicpar Mariette Amandine Fleur GNAMBA Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa (Côte d'Ivoire) - Master 2 Spécialité Droit public 2017 |
SECTION 2. LA PISTE DES ACCORDS NON CONTRAIGNANTS : LE CAS DU PACTE DE MARRAKECHLe Pacte de Marrakech, de son nom complet « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » (PMM), a été adoptélors d'une conférence intergouvernementale les 10 et 11 décembre 2018 par 152 États à Marrakech au Maroc. Ce texte est un instrument non contraignant mettant au premier plan les droits de l'Homme, une approche inédite dans le traitement des migrations irrégulières (Paragraphe 1). Mais il comporte encore de nombreuses limites qui jettent des doutes sur son impact réel sur le droit actuel (Paragraphe 2). Paragraphe 1. Un instrument non contraignant mettant au premier plan les Droits de l'HommeLa raison principale ayant présidé à l'adoption du pacte est la volonté de créer un cadre mondial pour les migrations à travers la soft law (A). Les migrations sont traditionnellement considérées comme un problème relevant de la souveraineté des États352(*). Le PMM veut ainsi changer de paradigme et mettre plutôt en avant les droits de l'Homme (B). A. Un instrument desoft lawcomme réponse à l'insuffisance du droit positif concernant la protection des migrantsLe pacte de Marrakech est juridiquement non contraignant. Il y a une préférence des États pour les instruments de soft law, capables de répondre à des problématiques de manière plus ciblée et flexible353(*). La soft law ou fuzzy law354(*) est le droit mou et la hard law est le droit dur qui contraint juridiquement les parties. Les accords de soft law permettent de contourner les processus de ratification355(*). Les avantages de la soft law sont nombreux : elle permet des accords plus faciles à négocier et qui peuvent se modifier plus facilement. Ces accords peuvent être établis par des acteurs non étatiques et peuvent constituer un tremplin pour l'établissement d'un cadre de gouvernance356(*). Les accords de soft law sont perçus comme moins attentatoires à la souveraineté nationale. Les différentes fonctions du pacte sont de compléter et remplir les manques en instruments internationaux contraignants, interpréter une convention et servir de précurseur vers le développement d'un nouveau traité357(*). Comme nous l'avons remarqué dans notre étude, les seules catégories retenues et protégées sont les réfugiés et les migrants travailleurs internationaux. Ce type de protection s'avère totalement insuffisant pour prendre en compte les problèmes de protection de ces personnes exclues du système. L'objectif principal du pacte est de renforcer les fondations de la gouvernance mondiale des questions migratoires358(*). Le pacte propose un cadre global pour répondre à trois questions : les objectifs de la gouvernance mondiale des migrations, les outils de cette gouvernance et la répartition des rôles entre les agences des Nations-Unies, les États et les acteurs non-étatiques. Mais alors quelle est sa force juridique ? Il compte sur l'engagement moral des États359(*). L'impact réside plus dans sa mise en oeuvre que dans son statut juridique360(*). Le pacte propose uniquement des orientations politiques de base, souligne les règles déjà existantes, fournit une information indépendante sur les effets positifs de la migration et encourage une coopération accrue entre les États. Il promeut enfin une amélioration de l'accessibilité à la migration régulière361(*). L'objectif du pacte est de renforcer les fondations de la gouvernance mondiale des questions migratoires. Le pacte n'est pas un traité international. De ce fait, il a un périmètre plus large. Son objectif est d'appuyer une gestion efficace et humaine des flux migratoires. Le pacte se compose de 23 objectifs qui proposent des mesures spécifiques dans lesquels les États pourront piocher pour atteindre les dits objectifs. Sa force résulte de la solennité de sa rédaction et de son adoption. Il compte sur l'engagement moral des États. Le pacte constitue une étape importante : il précise les objectifs, pose le cadre et les mécanismes de suivi. Mais il se confronte à un grand défi : celui de la coopération des États362(*). Le pacte de Marrakech est souvent dépeint comme un instrument mettant directement à mal la souveraineté des États. Il est également décrit comme un traité international. Or ce n'est pas le cas. Le pacte ne propose uniquement que des orientations politiques de base, un cadre de coopération. Il est juridiquement non contraignant. Ce n'est pas une nouvelle règle coutumière du droit international car il souligne des règles déjà existantes. Le Pacte veut en effet se présenter comme un « cadre de travail inclusif »363(*) qui concentre la majorité des acteurs du domaine à la fois dans le processus et dans la lettre. Il propose un cadre de travail et une feuille de route pour harmoniser les politiques migratoires. Le principal problème de la soft law est un manque de technicité qui entraîne une plus grande facilité à la contourner mais peut être un plus grand atout pour une gouvernance des migrations efficace. Il s'agit du pari du Pacte de Marrakech. La gouvernance peut se définir comme un ensemble de mécanismes de gestion d'un système social national ou international en vue d'assurer des objectifs communs. Il s'agit en quelque sorte d'une ingénierie sociale364(*). Son deuxième apport de taille est de mettre en avant les droits de l'Homme. * 352 Ibid., p. 6. * 353 Ibid., p. 3. * 354Céline LAPERRIÈRE, La gestion des migrations de transit: quelles réponses apportées au Maroc??, Mémoire pour le Master Coopération Internationale, Action humanitaire et Politique de développement, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2006, p.?49. * 355 Matthieu TARDIS, « Le pacte de Marrakech. Vers une gouvernance mondiale des migrations?? », loc. cit., p. 19. * 356Ibid. * 357Ibid. * 358 Ibid., p. 7. * 359 Ibid., p. 18. * 360 Ibid., p. 21. * 361' ORGANISATION SUISSE D'AIDE AUX RÉFUGIÉS, « Cinq mythes sur le «pacte sur les migrations» », Des faits plutôt que des mythes, no 139 (22 novembre 2018), p.?1. * 362 Matthieu TARDIS, « Le pacte de Marrakech. Vers une gouvernance mondiale des migrations?? », loc. cit. * 363''''Baptiste JOUZIER, Une analyse critique du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, Mémoire de recherche présenté pour l'obtention du master 2 Carrières juridiques internationales de l'Université Grenoble Alpes, Université Grenoble-Alpes, Faculté de droit, 2018, p.?107. * 364 Céline LAPERRIÈRE, La gestion des migrations de transit: quelles réponses apportées au Maroc??, op. cit., p. 49. |
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