CHAPITRE III-
L'AVENIR DES MUSIQUES DU MONDE DANS UNE
France GLOBALISEE
I- LES FRANÇAISA L'ECOUTE DES MUSIQUES DU MONDE
: LA PLACE DES MUSIQUES DU MONDE DANS LEURS ...GOUTS MUSICAUX
A- D'APRES L'ENQUETE DU DEP
B- D'APRES LE SONDAGES SOFRES / SACEM
II- S'ACHEMINE-T-ON VERS L'EROSION COMPLETE DES MUSIQUES
DU MONDE
III- PROPOSITIONS POUR UNE MEILLEURE VISIBILITE DES
MUSIQUES DU MONDE EN FRANCE : MANIFESTE POUR UNE SOCIETE
MULTICULTURELLE.
IV- LE PRIX RFI MUSIQUE DU MONDE : PRESENTATION D'UN
PROJET STRUCTURANT
A- RFI LE PLUS GRAND MEDIA FRANCOPHONE DU MONDE EN
RACCOURCI
A1- LA MUSIQUE SUR RFI
B- NAISSANCE ET EVOLUTION DU PRIX MUSIQUES DU
MONDE
B1- DES DECOUVERTES AU PRIS RFI MUSIQUES DU
MONDE
B2- LE PRIX RFI MUSIQUE DU MONDE COMME UN TREMPLIN POUR
LES JEUNES MUSICIENS DU MONDE
...EN GUISE DE CONCLUSION
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INTRODUCTION
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L'on associe généralement les années 80
avec une certaine idée romantique qui veut que Paris ait
réaffirmé avec vigueur sa vocation de capitale des arts et des
lettres et capitale de la liberté. L'arrivée de la gauche au
pouvoir ayant donné lieu à la mise en oeuvre d'une politique
culturelle qui, dans sa dimension internationale, s'est efforcée de
développer une image humaine, tolérante, et accueillante.
Humaniste, Paris s'est placé à la tête de front de la lutte
antiapartheid, ouvrant ses scènes aux artistes et militants
sud-africains qui animent la croisade contre le régime de
ségrégation raciale. Johnny Clegg, surnommé « le
zoulou blanc » est fait chevalier des arts et des lettres par Jack Lang
alors ministre de la culture. Accueillante, la France facilite la participation
d'artistes originaires de ses anciennes colonies à des spectacles et
festivals. Notamment des artistes africains qui bénéficient d'une
promotion exceptionnelle et surfent sur une vague favorable. La capitale
Française devient le creuset du beat africain. L'avènement des
radios libres qui font découvrir les rythmes nouveaux, l'arrivée
à la tête des maisons de disques et des festivals d'anciens
soixante-huitards ouverts à d'autres horizons, l'émergence
d'artistes avides d'échanges (Higelin n'hésite pas à faire
le griot avec le guinéen Mory Kanté ET Lavilliers fait
connaître les accents secrets du Brésil), d'une nouvelle
génération de Français, fils d'immigrés qui, tout
en désirant s'intégrer, revendiquent la reconnaissance de leurs
cultures d'origines expliquent en partie cette explosion des musiques
africaines. Comme effet catalyseur, on peut aussi noter l'arrivée
d'hommes politiques qui considèrent les « cultures d'immigration
» comme un outil d'intégration et une vitrine française de
la culture universelle. Leur notoriété est telle que Manu
DIBANGO ou Salif KEITA organisent des tournées
dans tout l'hexagone et sont adulés par les grands médias qui
jusqu'alors, les ignoraient. Peu à peu la France se métisse et se
colore.
« L'universalité cesse d'être
une simple abstraction et devient une réalité vivante dans un
pays qui s'est tant de fois enorgueilli de montrer au monde les chemins de la
Liberté » selon Jack Lang (1)
De majoritairement black ou bleu, le public se métisse
en « black-blanc-bleu ». Nés français et passés
par l'apprentissage de l'école publique, les enfants
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d'immigrés maghrébins et africains se rendent de
plus en plus souvent aux concerts d'artistes de leur communauté
d'origine, en compagnie de leurs compatriotes français de souche. Ce qui
suscite un véritable engouement et une demande croissante contribuant
à sortir ces musiques du ghetto culturel dans lequel elles
évoluaient. Les artistes du Sud en général effectuent une
percée remarquable européenne, y compris ceux
réputés réfractaires aux produits culturels « autres
» que les leurs.
On peut penser que les années 80 consacrent
l'élargissement de l'univers musical mondial et marquent
l'arrivée sur la scène de la concurrence internationale de
protagonistes exclus jusque-là, de l'idée même de
marché. Cette période présente l'avantage de faciliter la
promotion en faveur de ses musiques tout en soulignant et préservant
leur diversité, leurs qualités intrinsèques, leur
capacité à témoigner de valeurs ajoutées. Le
succès des musiques du Sud concourent alors à offrir au monde une
image bigarré et dynamique d'une famille commune. Au fil des
années, l'analyse des données du spectacle vivant, des ventes de
disques ou du flux de droits d'auteurs a montré qu'en s'en donnant les
moyens, les productions du Sud pouvaient conforter leurs positions sur le
marché mondial de la diffusion.
Cette grosse embellie dans le ciel des musiques du Sud a eu
pour principaux actionnaires les héros d'une culture « alternative
» que l'on retrouve aussi bien du côté de Kingston avec le
mouvement Reggae que du Cap-Vert avec le succès international de Cesaria
Evora
En France, un ensemble de musiciens, de studios, et de
scènes comme le festival des arts traditionnels de Rennes, le festival
des Musiques Métisses d'Angoulême, le théâtre de la
ville de Paris dont peu à peu du pays le centre de redistribution des
idiomes musicaux de la planète. Les diasporas africaines et des
caraïbes se laissent aller à des alchimies musicales
inédites. L'héritage de la francophonie se décline en
lingala avec un Papa Wemba au Japon, un Youssou Ndour aux Etats-Unis, un Mory
Kanté en Allemagne ou alors Salif Keita en Australie. Ces ambassades de
l'Afrique réussissent l'exploit de façonner le
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goût des publics du Nord, notamment français au
point de les familiariser avec des formules rythmiques, des modes vocaux, des
couleurs instrumentales qui vont trouver place dans leurs habitudes
d'écoute. Les médias n'hésitent pas à parler de
l'« Age d'or » de la musique africaine.
Vers la fin de la deuxième moitié des
années 80, la macro-économie discographique flaire l'essor des
musiques du Sud et pour exploiter le filon, invente le terme de WORLD MUSIC
afin de bien identifier leurs productions dans les bacs de disquaires.
Désormais le Mbalax de Youssou Ndour côtoie la bossa nova de
Caetano Veloso ou les oeuvres du grand chanteur de la tradition soufie Nusrat
Fatel ali khan. Sur le périphérique des Musiques du Monde
(traduction française et World Music), s'alignent et se bousculent
aujourd'hui toutes les nationalités autrefois dites politiquement «
non-alignés ». L'espace pour chacune d'elle rétrécit
chaque jour de plus en plus. Les maisons de disques adoptent une attitude plus
sélective. Les années 90 vont inaugurer une nouvelle forme de
mondialisation qui a eu pour effets d'engendrer une industrie musicale
normalisatrice en matière de productions.
Les grandes compagnies de disques qui n'ont pas
spécialement la réputation d'être audacieuses, s'efforcent
depuis lors de contrôler l'état de la production
indépendante qui constitue le fer de lance et le creuset de l'innovation
pour ces nouvelles musiques. Cette nouvelle organisation de la production et de
la distribution musicale est fondée sur la mise en avant
systématique des critères de rentabilité immédiate.
Elle favorise la circulation d'artiste conçus pour la consommation de
masse. Sur le champ des Musiques du Monde, elle évolue à coups
d'effets de modes qu'elle crée. La musique africaine a ainsi
été remplacée dans les schémas de marketing ces
dernières années par la trova cubaine. Jusqu'au moment
où elle décidera de passer à autre vague, en
réduisant le filon actuel en cendres. Les « papy » de la
havane n'auront plus qu'à retourner à leurs longs cigares,
cédant la place à un autre rythme « tribal »
étiqueté world - music et choisi par l'instance suprême que
représente la concentration de l'industrie musicale et celle des
mass-média, appelons-la world beat connection.
Pour exister aujourd'hui, les musiques du monde
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doivent-elle forcément passer par cette «
fabrique universelle du rythme », pour reprendre la juste formule
de Pascale Casanova (2) ?
Comment évoluer, participer au spectacle du monde
global, digérer d'autres influences sans pour autant se perdre ? Le
délai sur le mélange et l'identité interpelle aujourd'hui
les différents acteurs de la scène musicale du Sud
embarqué qu'ils sont dans le navire de la mondialisation tous azimuts
La problématique de la diffusion des musiques du monde
en France que nous tentons d'examiner ici se pose de la même
manière selon qu'il s'agit des musiques d'Afrique, de l'Asie, ou du
Moyen-Orient. Tout au plus pourrait-on noter ici et là quelques
différences de degré, la nature de cette problématique
étant de même pour tous. Par ailleurs, les données somme
toute récentes (3), auxquelles nous avons eu recours pour nourrir notre
réflexion font état de la World Music dans son acceptation la
plus large.
Aussi allons-nous, dans le cadre de ce travail, utiliser les
termes World Music ou Musique du Monde pour dire Musiques du Sud et vice versa.
Notre démarche s'ouvrira par la présentation d'un certain
état des lieux de la diffusion des Musiques du Monde en France. Nous
nous sommes appuyés, pour cet état des lieux, sur des indicateurs
comme l'offre discographique, les spectacles et la diffusion dans les
médias.
L'objet de notre analyse n'est pas tant d'apporter une
réponse originale à la problématique principale qui est
celle de savoir comment améliorer la diffusion des Musiques du Monde.
Notre propos consiste davantage à proposer un éclairage de cette
réalité (celle de l'existence d'une véritable demande en
constante progression en matière de Musiques du Monde), à
décrire un univers (celui de la macro-économie mondiale de la
musique dont les recettes purement marketing sont hymne à
l'uniformité et les actes de résistances qui organisent)
où on veut commander des productions à des formats standards,
propres à la consommation planétaire au nom du profit.
Enfin, nous présenterons LE PRIX RFI MUSIQUES
DU MONDE. Il s'agira essentiellement de voir comment ces
dernières années, Radio France
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Internationale à travers ce programme (anciennement
PRIX DECOUVERTES), essaie de créer un espace où la
création musicale s'exprime à priori avec plus de liberté,
au point de produire quelques résultats qui sont autant de terrains
conquis face à l'infrastructure de la « WORLD BEAT
CONNECTION »
Du fait de la faiblesse des données statistiques et
documentaires sur le sujet, notre méthode de travail a
privilégié la collecte d'informations sur le terrain
auprès des professionnels au cours de plusieurs entretiens, interviews
et consultations des archives (généralement les leurs) qu'ils ont
bien voulu mettre à notre disposition. Un sondage auprès des
anciens lauréats RFI de ces cinq dernières années nous a
permis d'apprécier les premiers résultats de la restructuration
de l'opération anciennement baptisée PRIX DECOUVERTES FRI
(1) Jack Lang, preface de Les musiciens du beat africain par
Nago Seck et Sylvie Clerfeuille, Paris, Bordas, 1993 p.9-
(2) CASANOVA, Pascale La République mondiale des
Lettres, Paris Seuil, 1999, p179-
(3) Cette étude réalisée par Gildas
Lefeuvre, journaliste spécialisé et fondateur de l'observatoire
du disque, pour le compte de ZONE FRANCHE, est la première phase d'une
étude chiffrée consacrée au poids des musiques du monde de
l'Hexagone. Cette étude, la première du genre sur le sujet, a
été lancée en juin 99 et sa publication est prévue
pour juin 2021.
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