SECTION III : DÉFIS
ET PERSPECTIVES
Paragraphe 1 :
Défis
Depuis 2003, la prise de conscience s'est traduite par une
variété d'initiatives menées avec le soutien des bailleurs
dans les secteurs de la police, de la défense et de la justice.
Si certaines de ces initiatives ont pu paraître
initialement prometteuses, globalement, les progrès en matière de
réforme du secteur de sécurité(RSS) en RDC sont
restés très limités. Les observateurs tiennent pour
responsables des problèmes actuels à la fois la communauté
internationale et le gouvernement Congolais.
Le premier défisest que ces
initiatives n'ont pas pu comprendre la complexité de l'environnement des
réformes, fournir une mission de maintien de la paix d'une ampleur et
d'une force suffisantes, investir les ressources nécessaires et
coordonner efficacement les nombreuses initiatives d'assistance
bilatérale et multilatérale ; le gouvernement est pour sa
part, critiqué par son manque d'engagement politique dans le processus
de réforme, pour avoir accordé la priorité aux
opérations militaires pour défaire les rebelles au
détriment des réformes institutionnelles et à la
protection de la population civile et pour ne pas avoir su s'attaquer à
la culture de l'impunité qui caractérise les forces de
sécurité.
Les raisons de la lenteur des progrès de la
Réforme du Secteur de Sécurité (RSS) sont complexes. Mais
il est clair que la RDC est dans une situation qui affecte actuellement de
nombreux pays touchés par les conflits, à savoir que la
nécessité de réformer le secteur de la
sécurité est d'autant plus grande que la capacité de
l'État à la mener est faible.
L'effondrement des institutions de sécurité
congolaises depuis le milieu des années 1990 s'est accompagné de
celui, plus large, des capacités gouvernementales. Cela a eu pour
conséquence de créer un environnement très difficile pour
les réformes, une situation aggravée par la persistance du
conflit dans l'Est du pays, laquelle a accru la dépendance de la RDC
envers l'aide extérieure. Comme c'est le cas d'ailleurs, l'aide
extérieure apportée aupays a eu des résultats
mitigés. En l'absence d'une vision nationale claire de la réforme
du secteur de sécuritéet face à des besoins humanitaires
pressants, les bailleurs ont pris la responsabilité de définir et
de diriger l'agenda de la réforme du secteur de
sécurité.
Si ces interventions extérieures ont permis de donner
un élan considérable aux réformes de la
sécurité en RDC, cela s'est produit aux dépens de
l'appropriation nationale du processus de réforme. Pilier central de la
souveraineté de l'État, le secteur de la sécurité
est hautement sensible. Il n'est donc surprenant que le gouvernant ait
résisté à un grand nombre de ces interventions des
bailleurs.
Deuxièmement, l'absence de consensus sur la nature,
l'orientation et le rythme de la réforme du secteur de
sécurité(RSS) a eu trois conséquences qui sont
particulièrement problématiques pour le processus de
réforme :
· Cette absence a conduit à une approche
fragmentée de la RSS :
Caractérisée par une multiplicité des
visions extérieures et nationales concurrentes de la réforme. Les
incitations et les structures tant du côté gouvernemental que de
celui des bailleurs ne favorisent pas l'intégration des efforts. Il
n'existe pas de direction claire de la RSS d'un côté ou de l'autre
en RDC qui soit acceptée par tous les acteurs concernés.
Plusieurs pays bailleurs, par exemple, continuant de
préférer fournir leur assistance en matière de RSS dans un
cadre bilatéral traditionnel, plutôt qu'en coordination avec les
partenaires bilatéraux et multilatéraux.
· La tendance à travailler seul qui accroît
la probabilité d'une approche technique de l'assistance :
C'est particulièrement le cas dans le domaine militaire
où prédomine une approche « former et
équiper », mettant davantage l'accent sur le renforcement des
capacités militaires que sur le développement de forces de
sécurité responsables. Généralement, un suivi
efficace desdites actions n'est pas organisé.Cette insistance sur
l'aspect technique reflète en partie l'urgence des réformes, une
préférence de la part des nombreux acteurs, tant nationaux
qu'internationaux, pour une solution militaire au conflit dans les provinces de
l'Est, ainsi que la difficulté de travailler avec des institutions
gouvernementales faibles.
Cette approche permet aussi aux bailleurs et au gouvernement
d'éviter plus facilement de devoir s'engager dans les réformes de
gouvernance plus difficiles et plus sensibles politiquement mais qui sont
absolument nécessaires pour créer un appareil de
sécurité qui répond mieux aux besoins des citoyens. Ces
réformes concernent entre autres, le contrôle civil des
institutions de sécurité, la participation publique dans les
processus de définitions des politiques publiques, la gestion
financière et les efforts nécessaires pour s'attaquer au
problème de l'impunité.
· L'absence d'une visioncommune de la réforme de
la sécurité
L'absence d'une vision commune de la réforme à
mener garantit que la demande de réformes continue d'être
exprimée fortement par la communauté internationale plutôt
que par des acteurs nationaux eux-mêmes. Or, non seulement cette
situation accroît la probabilité selon laquelle les
réformes seront soumises aux priorités politiques d'acteurs
extérieurs, mais elle a également des conséquences pour la
durabilité de la sécurité.
Ainsi donc, le renforcement de la demande nationale de
réforme en RDC doit donc être considéré comme une
priorité de long terme fondamental pour la réforme du secteur de
sécurité, sans laquelle il est peu probable de répondre
à la situation et aux besoins spécifiques du pays.
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