CHAPITRE VI : LES ENJEUX SOCIO-ECONOMIQUES DES
ECHANGES
Toute activité de développement se
caractérise par son poids économique et son importance sociale.
Les échanges entre la basse vallée de l'Ouémé et
Cotonou ont donc des impacts tant sociaux qu'économiques.
6.1. L'importance économique des activités
d'échange
6.1.1. Le rôle économique des
activités de production
L'agriculture, la pêche et l'élevage procurent
l'essentiel des revenus des producteurs de la basse vallée de
l'Ouémé. Selon une étude du LARES en 2001, les productions
agricoles et animales procurent en moyenne chaque année plus de 15
milliards de francs CFA. Ces revenus ont considérablement
évolué. Ainsi, l'agriculture et l'élevage ont
procuré en 2007 plus de 22 milliards de francs CFA comme l'indique le
tableau ci-après :
Tableau XXVIII: Productions agricoles et
animales et estimations des revenus générés en 2007 pour
la production en tonne et les revenus en FCFA.
Produits
|
Production annuelle
|
Revenus annuels
|
totaux
|
Maïs
|
27
|
239
|
3
|
404
|
875
|
000
|
Total céréales
|
27
|
239
|
3
|
404
|
875
|
000
|
Manioc
|
85
|
625
|
5
|
993
|
750
|
000
|
Patate douce
|
18
|
511
|
1
|
851
|
100
|
000
|
Total Racines et tubercules
|
104
|
136
|
7
|
844
|
850
|
000
|
Niébé
|
6
|
742
|
1
|
516
|
950
|
000
|
Arachide
|
1
|
606
|
|
642
|
400
|
000
|
Tomate
|
16
|
791
|
2
|
938
|
425
|
000
|
Total agricoles
|
156
|
514
|
16
|
347
|
500
|
000
|
Bovins
|
24
|
500
|
4
|
182
|
000
|
000
|
Ovins
|
19
|
600
|
|
352
|
800
|
000
|
Caprins
|
54
|
900
|
|
988
|
200
|
000
|
Porcins
|
20
|
000
|
|
560
|
000
|
000
|
Tot. Ani
|
|
-
|
6
|
083
|
000
|
000
|
Tot. Ani. Agri
|
|
-
|
22
|
430
|
500
|
000
|
Source : Calculs à partir des données de
: ONASA, MAEP, CeRPA et enquête de terrain, 2009
78
L'analyse du tableau XXVIII montre que le manioc et le
maïs, assurent 57,5 % des revenus agricoles et les bovins 68,75 % des
revenus animaux. Ainsi, les revenus des principales activités agricoles
et d'élevage s'élèvent à 79315 FCFA en 2007 contre
65036 en 2001. Ces chiffres seraient donc plus élevés si l'on
additionne les revenus issus des activités de pêche et des
activités non agricoles. Les variations observées sont dues
à l'augmentation des productions et aux fluctuations des prix des
produits sur les marchés.
6.1.2. Les échanges de produits et la
création de richesses
La commercialisation des produits génère aux
communes concernées des ressources financières non
négligeables. Ces ressources s'aperçoivent à travers les
différentes taxes que payent les acteurs à divers niveaux
notamment les transporteurs et les commerçants.
6.1.2.1. Le cas des transporteurs
Dans notre secteur d'étude, chaque transporteur paye
entre 300 F et 500 FCFA par voyage à la mairie du point de
départ. La taxe est fonction de la capacité du moyen de transport
(barque motorisée ou pirogue). Le nombre de barques enregistrées
par jour à Cotonou étant de 63, les taxes payées par ces
acteurs s'élèvent en moyenne à 567 000 FCFA par mois. Dans
la basse vallée, les conducteurs de véhicules payent entre 500 F
et 1500 FCFA les jours du marché.
A Cotonou, les transporteurs paient une somme de 500 FCFA par
barque et par jour au groupement des sapeurs pompiers ; soit un coût
financier de 945000 FCFA par mois. Au total, les taxes payées par ces
acteurs sont considérables et devraient permettre d'initier des projets
d'aménagement des lieux d'échange.
79
6.1.2.2. Le cas des commerçants
Les commerçants sont les principaux acteurs des
marchés. Leur effectif est assez élevé et ils participent
aux oeuvres de développement à travers les différentes
taxes qu'ils payent. A Dantokpa, le secteur du lac compte 4180 vendeurs selon
une étude réalisée par la SOGEMA en 1998. Dans la basse
vallée, les effectifs des vendeurs sont considérables et varient
en fonction des marchés. Ces acteurs payent une patente qui peut
atteindre 1500 FCFA et plus en fonction de l'importance du marché. Les
vendeurs ambulants payent entre 200 et 500 FCFA par jour. Les marchés
génèrent donc d'importantes ressources aux autorités
à divers niveaux.
A Cotonou, on estime entre 285 737 600 FCFA et 289 987 600
FCFA par an les recettes fiscales que le marché Dantokpa produirait
à la SOGEMA (LARES, 2001). Ce calcul qui ne prend pas en compte tous les
acteurs du marché montre une fois encore l'importance de ce lieu
d'échange.
Malgré ces différentes taxes, les acteurs
à divers niveaux réalisent des bénéfices qui leur
permettent de subvenir à leurs besoins.
6.2. Les aspects sociaux des
échanges
6.2.1. Les activités d'échange et la
création d'emploi
Les échanges entre la basse vallée de
l'Ouémé et Cotonou ont un rôle social non
négligeable en raison du nombre d'emplois qu'ils créent. En
dehors des principaux acteurs susmentionnés, diverses personnes y
trouvent leur compte à travers les multiples activités
liées aux échanges. C'est le cas des courtiers (qui s'occupent de
la négociation des prix des produits au cours de la vente), des tireurs
de pousse-pousse. Nous avons aussi les collecteurs de produits et les femmes
des producteurs qui, malgré qu'elles ne disposent pas de grands moyens
nécessaires pour entreprendre une activité commerciale, trouvent
leur compte à travers les activités d'échange. La remise
à flot des barques constitue aussi une activité à revenu
non négligeable en période des hautes eaux.
80
6.2.2. Les recettes des acteurs
d'échange
Les recettes varient d'un acteur à un autre. Le tableau
suivant présente le chiffre d'affaire issu de différentes
activités d'échange.
Tableau XXIX : Chiffre d'affaires quotidien
moyen de quelques acteurs des échanges
Régions
Acteurs
|
Basse vallée
|
Cotonou
|
Détaillante de produits
vivriers
|
2 000 à 3 500 FCFA / j
|
3 à 5 000 FCFA / j
|
Détaillante de produits
manufacturés
|
8 000 à 11 000 FCFA / j
|
7 à 12 000 FCFA /j
|
Détaillante de tissus
|
15 000 à 25 000 FCFA /j
|
30 à 35000 FCFA /j
|
Détaillante de bois et de nattes
|
1 500 à 2 000 FCFA /j
|
1 à 2 000 FCFA / j
|
Tireur de pousse-pousse
|
1 000 à 1 500 FCFA /j
|
3 à 4 000 FCFA /j
|
Transporteur
|
12 000 à 30 000 FCFA / j
|
12 000 à 30 000 FCFA / j
|
Source : Enquête de terrain, 2009
Ces données recueillies dans les marchés et
embarcadères montrent une légère augmentation des recettes
de Cotonou par rapport aux recettes de la basse vallée. Cette
augmentation peut s'expliquer par la différence du niveau de vie et de
la concentration des populations. Cotonou étant une grande ville, elle a
un niveau de vie plus élevé. Au niveau des transporteurs, le
chiffre d'affaire concerne le transport entre la basse vallée de
l'Ouémé et Cotonou. Le revenu issu du transport interne varie
d'une commune à une autre.
6.2.3. Les impacts négatifs des activités
d'échange
Toute activité de développement a des impacts
positifs et négatifs. Ainsi, les activités d'échange sont
aussi à l'origine de la déscolarisation des jeunes et de l'exode
rural. En effet, pendant les vacances, beaucoup d'élèves
s'adonnent
81
aux activités de transport. Prenant goût des
biens faits de l'argent, ils ne reprennent plus les classes ou le font pendant
les deux premiers mois et abandonnent. D'autres par contre deviennent des
conducteurs de taxi moto à Cotonou. Cette situation est
préoccupante dans la mesure où 85 % des tickettiers
rencontrés dans les barques sont des jeunes dont la tranche d'âge
est comprise entre13 et 16 ans. En outre, les échanges par voie d'eau
créent des problèmes environnementaux dont la pollution des cours
et plans d'eau.
6.3. Les échanges fluvio-lacustres et les
échanges routiers
Les échanges par voie d'eau offrent différents
avantages aux acteurs. En effet, les difficultés liées aux
contrôles sont réduites de sorte qu'après un embarquement,
le transporteur sait au départ ce qui doit lui revenir. Il n'existe
aucune restriction dans le choix des produits transportés et de leurs
quantités. Ces avantages se répercutent sur les frais de
transport. Dans la basse vallée, ces frais varient entre 25 FCFA et 400
FCFA. Entre Cotonou et la basse vallée, le coût du transport varie
entre 300 FCFA et 500 FCFA par personne. Le transport de marchandises est aussi
moins coûteux ; ce qui permet d'avoir les produits à moindre
coût. Avec le transport routier, il faut dépenser entre 800 FCFA
et 2500 FCFA pour joindre la vallée à partir de Cotonou.
D'Adjohoun à Cotonou en passant par Porto-Novo, on
compte sept (07) postes réguliers de contrôles de la police ou de
la gendarmerie auxquels il faut ajouter les contrôles inopinés
à l'intérieur des villes. A chaque poste, le transporteur paye au
minimum 500 FCFA ; ce qui se répercute sur les frais de transport.
Les échanges par voie d'eau présentent donc
d'énormes avantages. Il faudra alors résoudre les
problèmes qui handicapent le secteur pour un mieux être des
acteurs.
82
6.4. Les problèmes et les suggestions
Les acteurs d'échange sont confrontés à
un certain nombre de problèmes auxquels il faut trouver de solutions
pour le développement du secteur. Ainsi, après avoir
énuméré quelques uns de ces problèmes, nous
proposerons des approches de solution sous forme de suggestions.
6.4.1. Les problèmes liés aux
échanges entre la basse vallée de l'Ouémé et
Cotonou
Les problèmes identifiés sont multiples et
varient en fonction des acteurs. Cependant, le manque de crédits est
inhérent à tous les acteurs.
Au niveau des producteurs agricoles, l'inondation constitue un
problème préoccupant. En période de crue, les champs sont
inondés ; ce qui entraîne la destruction des cultures. L'existence
des sources d'approvisionnement en eau devait être une grande
opportunité pour le développement du secteur agricole. Mais dans
la basse vallée de l'Ouémé, la non maîtrise de cette
ressource est préjudiciable pour le développement agricole. De
même, l'inadéquation des crédits par rapport aux saisons
culturales constitue une entrave aux activités de production. Ainsi,
lorsque le crédit arrive tard, il ne sert plus aux activités
agricoles d'où des difficultés de remboursement.
Au niveau des pêcheurs, le manque de moyens et la
multiplicité des acteurs non professionnels surtout en période
des hautes eaux sont des difficultés à résoudre dans ce
domaine. Les problèmes de production affectent directement ceux des
échanges ; la baisse de la production entraîne un manque de
produits sur les lieux d'échange d'où une augmentation des
prix.
Au niveau des transformateurs, nous avons la faible
capacité financière des acteurs et l'accès limité
des femmes aux crédits pour l'acquisition des équipements de
transformation.
Dans la basse vallée, l'absence ou
l'impraticabilité des pistes de desserte pouvant faciliter le convoyage
des produits vers les marchés constitue une
83
difficulté majeure pour les acteurs. Aussi, la
multiplicité des personnes non spécialisées dans le
domaine des transports et qui se chargent de louer les pirogues est-elle un
problème préoccupant dans la mesure où ce sont les jeunes
déscolarisés qu'on y retrouve souvent.
Notons enfin les problèmes liés à
l'inorganisation des circuits de distribution, l'absence ou l'insuffisance des
structures de stockage et l'insalubrité de certains lieux
d'échange.
6.4.2. Les suggestions
Elles concernent les actions à mener par les
différents acteurs pour accroître qualitativement et
quantitativement la production, favoriser la transformation et la
commercialisation des produits de toute nature entre la basse vallée de
l'Ouémé et Cotonou. Au terme de ce travail, les suggestions sont
donc les suivantes :
- aux producteurs
Les techniques de production ont évolué. Il
faudra se conformer aux nouvelles techniques pour l'amélioration de la
productivité. Le producteur doit se considérer comme un acteur
principal de développement de sa localité ; il doit donc
participer aux différentes actions entrant dans l'amélioration du
système des échanges.
- aux agents techniques des structures de
développement
La basse vallée dispose d'un potentiel humain jeune qui
pourra permettre d'accroître les productions. Il faudra donc former les
producteurs à divers niveaux et les sensibiliser pour l'utilisation des
techniques nouvelles de production. Il faudra aussi accorder des crédits
aux vrais acteurs des échanges et faire en sorte que ces crédits
leur parviennent à temps afin qu'ils soient utilisés à bon
escient.
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- aux élus locaux
Les élus locaux doivent être de véritables
pionniers du développement à la base. Dans le secteur des
échanges, il faudra inventorier les différents acteurs selon leur
niveau d'intervention afin d'organiser les activités d'échange.
Les conditions actuelles de stockage des produits ne sont pas bonnes. Il faut
donc construire des magasins de stockage pour une meilleure conservation des
produits ; aménager les embarcadères notamment celui de Cotonou
où l'insalubrité règne en maître. On pourra
construire des latrines et des toilettes dans les lieux d'échange,
installer des poubelles et mettre sur pied des comités locaux de
gestion. Pour ce faire, il serait donc souhaitable de monter de
véritables projets de développement en s'appuyant sur ces
suggestions et rechercher des sources de financement.
- aux autorités
politico-administratives
Les orientations de développement sont définies
par l'Etat. Il faudra choisir les priorités en s'appuyant sur les
réalités de chaque milieu. Ainsi, aménager les zones de
production de la basse vallée, en créant des systèmes de
drainage qui permettront d'évacuer les eaux de pluie vers le fleuve
Ouémé serait déterminant pour l'essor de cette
région. Ensuite, il faut construire des infrastructures de transport
afin de permettre aux populations de la vallée d'écouler
facilement leurs produits et d'exercer d'autres activités
génératrices de revenus.
En somme, les activités d'échange ont un impact
sur la vie des populations. Elles génèrent des ressources non
négligeables aux acteurs. Cependant, les effets négatifs et les
différents problèmes rencontrés par les principaux acteurs
entravent le développement du secteur. Ainsi, les suggestions pourront
permettre de les atténuer.
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