Développement durable comme fondement des générations futures. Cas de la préservation du lac Tanganyika.( Télécharger le fichier original )par Jean Baptiste NSABIMANA Madison International Institute and Business School - Master en Développement et Gestion Durable 2016 |
INTRODUCTION GENERALEL'environnement du Lac Tanganyika subit aujourd'hui de graves atteintes. Le problème le plus immédiat tient à la pollution et au volume excessif de sédiments en suspension dû aux déchets toxiques provenant de sources urbaines et industrielles1. Ces deux types de pollution générale modifient également l'équilibre des nutriments du lac et provoquent une eutrophisation, c'est-à-dire une forme singulière mais naturelle de pollution de certains écosystèmes aquatiques qui se produit lorsque le milieu reçoit trop de matières nutritives assimilables par les algues(les principaux sont le phosphore contenu dans les phosphates et l'azote contenu dans l'ammonium, les nitrites et nitrates) et que celles-ci prolifèrent2. Par ailleurs les campagnes intensives de prospection menées dans les années 1980 semblent indiquer la présence de gisements de pétrole dans le bassin et les couches sédimentaires du lac. Ceci fait craindre pour l'avenir la possibilité de déversements d'hydrocarbures et des fuites et des pertes à l'occasion du transport sur le lac se sont déjà produites3. Un autre problème grave est la baisse à long terme des prises des poissons dans les zones du lac où les méthodes de pêche mécanisées ont été adoptées. La diversité de ces ressources halieutiques a déjà diminué. Près des côtes, les assemblages divers de cichlides (espèces de poissons sont affectés par la surexploitation4. Etant un bassin fermé, le lac Tanganyika est singulièrement vulnérable à la pollution, car il compte un émissaire de débit limité (la Lukuga) et dont pratiquement toutes les pertes d'eau se produisent par évaporation. De ce fait, le temps de renouvellement de l'eau du lac est extrêmement long (atteignant 7.000 ans), ce qui dépasse celui de tous les autres grands lacs. De plus, la plupart de l'eau profonde est déjà naturellement désoxygénée en permanence, à de degré supérieur à celui des autres grands lacs. Les changements susceptibles de survenir de l'exploitation et de la pollution du lac diminueront encore cette désoxygénation, ce qui affectera l'équilibre de l'écosystème et sa capacité à assurer la subsistance des populations humaines et à maintenir sa diversité biologique. Ceci est d'autant plus grave qu'il s'agit là d'effets à très long terme et qu'en fait la pollution envisagée dans le cadre temporel, humain serait permanente. Ces menaces présentent une gravité particulière en raison de la grande dépendance des populations de bassin du lac (de 7 à 10 millions d'êtres humains y inclus le bassin du sud Kivu). Le lac Tanganyika s'étend sur 660 Km de long, avec une largeur qui varie de 25 à 65 km, ce qui donne à cette « mer intérieure » de 1470 m de profondeur et de 32.900 Km de superficie un aspect de couloir. En fait, elle est une magnifique voie d'eau pour les pays riverains, le Burundi (8% de la superficie), la Tanzanie (41% de la superficie), la République Démocratique du Congo (45% de la superficie), la Zambie (6% de la superficie) et d'une manière générale permet de relier les pays de l'Afrique australe à ceux de l'Afrique centrale5. Le lac Tanganyika fait partie des grands lacs africains : il se place dans les lacs d'Afrique orientale du Rift Valley. Ce lac se classe au 7ème rang mondial des lacs intérieurs et au 2ème rang mondial de par sa profondeur après le lac Baïkal en Russie. C'est un lac qui se situe dans une zone de deux saisons : une saison pluvieuse et une saison sèche. 1 Ecosystème aquatique : eutrophisation, http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/ecosys/eutrophisat.htlm. 2 LTBP, Lutte contre la pollution et autres mesures destinées à préserver la diversité biologique du lac Tanganyika, Descriptif du projet, PNUD, Fonds pour l'environnement mondial, www.ltbp.org/FTP/PDF,p7. 3 Lutte contre la pollution et autres mesures..., op.cit. ., www.ltbp.org/FTP/PDF.PDF,p.8 4 Ibidem 5 Ibidem 8 Le lac Tanganyika constitue une ressource en eau vitale et joue un rôle charnière dans l'activité économique de la région. La pêche (85.000 tonnes de poissons par an)6 représente une source essentielle de protéines et il existe un important secteur d'exportation de poissons d'aquarium. Le lac est également un moyen de communication entre les pays riverains qui ne cessera de croître en importance pour leur développement. Il existe une biodiversité importante dans le lac, une part importante n'existe que dans l'unique lac Tanganyika. L'on y trouve plus de 1300 espèces de poissons, d'invertébrés et de plantes dont 500 environ ne se rencontrent nulle part ailleurs. Puisqu'il est question de développement, il s'avère important d'analyser la situation au niveau du port de Bujumbura. Au départ, le port de Bujumbura était aménagé pour servir la région à savoir le Burundi, le Rwanda et la province de Kivu en RDC. Pour ce qui est de l'approvisionnement de la ville de Bujumbura en eau potable, il n'est point besoin de rappeler qu'une importante quantité de cette ressource vient du lac Tanganyika. Il est vrai que d'importants efforts doivent être fournis pour accéder à cette eau (pompage et purification) mais il n'y a pas à les comparer à ceux que nécessiteraient les creusements de puits. D'où l'intérêt de préserver cette riche diversité biologique en écosystème. L'efficacité de la lutte contre cette dégradation de l'environnement du lac Tanganyika exige une solidarité certaine des Etats riverains et même d'Etats du bassin en vue de trouver une solution concertée tendant à établir certaines obligations et restrictions à l'utilisation du lac. Certes, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources conformément à leur propre politique sur l'environnement et le développement durable selon les principes du droit international, mais ils doivent exercer cette prérogative tout en assurant que les activités relevant de leurs juridictions ou de leur contrôle ne provoquent pas de dommages sur l'environnement d'autres Etats7. L'importance des intérêts économiques mis en jeu, la prépondérance des facteurs techniques sur les principes juridiques exigent une amiable conciliation et une coopération à long terme qui ne peuvent être mis en oeuvre que par la voie conventionnelle. Des dispositions de droit international ont été élaborées en vue d'une gestion commune du lac Tanganyika entre les pays riverains. Ces dispositions sont la conséquence de la prise de conscience croissante de la menace pesant sur la qualité de l'eau ,sur la pêche et autres utilisations légitimes du lac et intérêt que partagent les Etats dans la conservation et l'utilisation équitable des ressources du lac. On peut noter que sur le plan international, les pays riverains ont déjà ratifié un certain nombre de conventions internationales qui leur imposent des obligations environnementales précises pouvant servir de directives communes pour la gestion durable de la biodiversité du lac Tanganyika. La Convention sur la diversité Biologique (CDB) est un Accord-cadre8 qui marque une étape importante dans le développement du Droit International de l'Environnement (DIE). Elle constitue à ce titre un nouveau point de départ pour la signature de nouveaux traités. C'est la première Convention à l'échelle mondiale consacrée à la biodiversité au sens large. Contrairement aux autres accords environnementaux traitant de l'utilisation des espaces ou de la protection de la faune et de la flore qui ont toujours eu un caractère sectoriel, la CDB a une approche 6 Lutte contre la pollution et autres mesures..., op.cit. ., www.ltbp.org/FTP/PDF.PDF,p.8 7 Ibidem 8KISS, C.A., Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement 9 globale de la biodiversité. L'article 2 de la CDB définit en effet la biodiversité comme étant « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris entre autres, les écosystèmes marins terrestres et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». La CDB crée en effet un nouveau régime de la biodiversité dont la principale nouveauté est la consécration du droit de souveraineté des Etats territorialement compétents sur leurs ressources génétiques qui étaient jusqu'alors considérées comme patrimoine commun de l'humanité. Elle se présente enfin comme un canevas international pour les actions concrètes des Etats. Elle laisse en effet à la diligence des Parties l'édiction des mesures d'application. Pour atteindre ce résultat, la CDB s'est fixé des objectifs particuliers axés sur certains principes fondamentaux. Le respect de ces principes et objectifs devrait nécessairement contribuer à l'application et à la mise en oeuvre effective des obligations imputées aux Etats parties. L'article premier de la Convention dispose que : « les objectifs de la présente Convention, dont la réalisation sera conforme à ses dispositions pertinentes, sont la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grâce à un financement adéquat. ». Ainsi, il ressort de la lecture de cette disposition trois objectifs majeurs. Il s'agit respectivement : - de la conservation de la diversité biologique ; - de l'utilisation durable des éléments de cette diversité ; -du partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques. La conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, suppose le développement de stratégies nationales pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique9 qui permettront notamment d'identifier et de contrôler les éléments constitutifs de la diversité biologique (écosystèmes, espèces, génomes et gènes) importants pour sa conservation et son utilisation durable, aux fins de conserver les données qui s'y rapportent. En outre, la mise en oeuvre des objectifs de la Convention impliquera la surveillance et l'analyse scientifique des processus et activités susceptibles d'avoir une influence défavorable sur la conservation et l'utilisation durable. Aux termes de la Convention, la conservation de la diversité biologique dans chaque pays peut se faire de différentes manières. Deux types de conservation ressortent expressément de la présente Convention au niveau des articles 2, 8 et 9. La conservation «in-situ», premier moyen de conservation qui concerne la conservation des gènes, des espèces, et des écosystèmes dans leurs milieux naturels en créant, par exemple, des zones protégées, en reconstituant les écosystèmes dégradés, et en adoptant une législation propre à assurer la protection des espèces menacées. Ensuite, la conservation «ex-situ» s'effectue dans les zoos, les jardins botaniques et les banques de gènes qui conservent les espèces. Il deviendra de plus en plus important d'encourager l'utilisation durable de la biodiversité, si l'on veut maintenir la diversité actuelle dans les années et les décennies à venir. Il est judicieux de rappeler que l'utilisation durable de la diversité biologique suppose une utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entrainent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures. 9 KISS, C.A., Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement 10 Aux termes de la Convention, l'approche de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique doit permettre d'agir dans un cadre, où tous les biens et services fournis par la biodiversité dans les écosystèmes sont pris en compte. Outre leurs activités nationales, les États doivent coopérer, selon qu'il conviendra, directement ou par l'intermédiaire d'organisations internationales compétentes, notamment à l'octroi d'un appui financier et autre pour les activités de conservation des pays en voie de développement, la coopération technique et scientifique, l'éducation, la formation et la sensibilisation du public mais aussi la notification et l'échange d'informations en cas d'activités susceptibles de nuire ou de présenter un danger grave ou imminent10, et faciliter les arrangements aux fins de l'adoption de mesures d'urgence (articles 5 et 12-14). Il s'agit de : -La convention d'Alger de 1968 sur la conservation de la nature et des ressources naturelles ; -La convention de RAMSAR du 2 février 1971 relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats d'oiseaux d'eau ; -La convention de Paris(UNESCO) du 23 novembre 1972 sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel ; -La convention de Washington du 03 mars 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction ; -La Convention de Bale du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et de leur élimination ; -La Convention de Bamako du 30janvier1991 sur l'interdiction d'importer des déchets dangereux et sur le contrôle de leur mouvement transfrontalier en Afrique ; -La Convention de Rio de Janeiro du 05 juin1992 sur la diversité biologique ; -La Convention -cadre des Nations Unies du 09mai1992 sur les changements climatiques ; -Le Protocole SADC du 28 aout 1995 sur les réseaux hydrographiques communs de la communauté pour le développement de l'Afrique Australe ; - La convention Cadre sur la Diversité Biologique. Reste néanmoins que les législations des 4 pays riverains pourront ne pas être abordées. La complexité d'une telle analyse nous oblige à centrer notre étude sur l'application des normes internationales par le droit interne burundais. En définitive, le respect des législations que nous analyserons dans ce travail devrait conduire à la préservation du lac Tanganyika par la protection de la diversité biologique. C'est même l'objectif global de la convention sur la gestion durable du lac Tanganyika, tel qu'il est exprimé en son article 2. L'adoption du code de l'environnement a introduit dans l'ordre juridique interne burundais les préoccupations liées à la protection et la gestion de la diversité biologique. Ce secteur n'était jusqu'en 2000 couvert par aucun texte juridique. Il consacre un certain nombre de dispositions relatives à la diversité biologique. Les nombreuses dispositions appropriées ont permis l'introduction dans la législation environnementale burundaise des principes contenus dans la convention sur la diversité biologique 10 Art .5et 12 à 14 de l'Accord Cadre 11 telle que ratifiée par le Burundi, le 24 décembre 1996 et est entrée en vigueur sur le territoire national 9 à jours après le dépôt de l'instrument de ratification comme le définit l'art.36(4) de la convention. Notre méthode de travail va consister sur en l'analyse des textes du droit international de l'environnement à travers surtout la convention sur la gestion durable du lac Tanganyika signée à Dar-es-Salaam le 12 juin 2003 et ratifiée par le Burundi le 22 juillet 2004. Nous analyserons également d'autres instruments juridiques internationaux se rapportant au sujet abordé ratifiés par le Burundi et les dispositions contenues dans le droit interne burundais .Notre méthodologie consistera également en la consultation de la doctrine étrangère et nationale ; la doctrine nationale étant peu fournie, nous nous contenterons de consulter surtout les rapports des travaux sur la protection de l'environnement. Avant d'entreprendre l'étude des différentes mesures à envisager pour préserver le lac Tanganyika, il nous a paru nécessaire, dans un premier chapitre, de dégager les caractères généraux du droit international de l'environnement qui fournit une base légale à la protection de l'environnement. Le deuxième chapitre sera consacré à l'analyse des atteintes à l'environnement du lac Tanganyika et le dernier chapitre sera consacré à l'analyse du développement durable comme fondement des générations futures : cas de la préservation du lac Tanganyika. Une conclusion générale clôturera notre travail. 12 |
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