I.2. Impact de la sous-scolarisation sur la participation
des femmes au développement communautaire
La sous-scolarisation est aujourd'hui au premier plan
des préoccupations dans le monde de l'éducation et
intéresse plusieurs catégories de personnes (planificateurs de
développement, pédagogues, sociologues et économistes) qui
lui consacrent des études et des enquêtes sous leurs
différents angles d'observations ; les chefs d'Etats y compris les
acteurs en développement considèrent ce fait comme un risque
redoutable lorsqu'il touche une frange importante de la population d'une
localité donnée. Aucune société n'a
intérêt qu'une partie de sa population soit en marge de son
processus de développement. Cependant la sous-scolarisation demeure une
réalité indéniable dans la ville de Dapaong 82% de nos
enquêtées l'ont confirmé.
Il ressort de cette étude que 75% de nos
enquêtées n'ont pas franchi le cap du primaire ce qui ne les
permet pas de devenir des femmes leaders capables de planifier les naissances
et de participer au développement. Cette situation à des
répercussions de plusieurs types ; les uns sur le plan social et
les autres sur le plan économique. Sur cette base les
répercussions de la sous-scolarisation sur une unité de la
société influe fortement sur l'évolution de l'ensemble.
La société constitue en effet une unité fonctionnelle dans
laquelle tout influent sur tout, les failles et les lacunes d'une unité
sociale quelconque se répercutent nécessairement sur les autres
unités sociales.
Ainsi, la scolarité malingre ne permet pas
aux femmes de maîtriser les bases de la langue officielle (lecture,
écriture et calcule). A cela on joint un manque de pratique dans la vie
quotidienne parce que celles-ci sont le plus souvent trop occupées par
les travaux de production de tout genre et au fil des temps, elles perdent
l'habitude de lire et d'écrire puis elles plongent inévitablement
dans le lot des analphabètes c'est-à-dire celles qui sont
incapables de lire et de comprendre un texte simple relatif à leur vie
quotidienne. C'est pour cette raison que 12% de nos enquêtées
considèrent l'analphabétisme comme une conséquence de la
sous-scolarisation.
De ce fait, les femmes et plus
particulièrement les moins instruites se retrouvent dans un contexte
culturel déterminé par des normes strictes qui limitent leurs
possibilités de réalisation, sociales, intellectuelles et
émotionnelles. Par manque de connaissances et de conscience de leur
situation elles se trouvent au niveau le plus bas de la société.
Jusqu'à l'heure actuelle certaines d'entre elles sont toujours
privées des droits élémentaires prévus dans la
déclaration universelle des droits de l'homme. C'est d'ailleurs l'avis
de 17% des femmes interrogées qui prétendent que la
sous-scolarisation est l'obstacle majeur qui empêche aux femmes de
connaître et de défendre leur droit.
Bien que cela soit, ainsi, la majeure partie des
femmes interrogées estiment qu'elles ont effectivement un rôle
à jouer dans le développement de la localité. Si c'en est
ainsi il est impérieux de prendre des initiatives pour valoriser les
efforts qu'elles conjuguent pour l'épanouissement de la
société. Elles se battent, se sacrifient pour
l'amélioration des conditions de vie des membres de leur groupe
d'appartenance.
Pour atteindre leurs objectifs, les femmes qu'elles
soient scolarisées ou non s'acharnent en menant des activités
diversifiées, allant des activités économiques soit 74%
des femmes, aux activités ménagères (26% des
enquêtées).S'agissant des tâches ménagères qui
demandent beaucoup plus d'ingéniosité, elles ne se reposent
guère. Mais quand arrive l'heure de bénéficier des
retombées, elles sont purement et simplement exclues.
Par exemple les femmes participent à la
construction du patrimoine familial. Mais après la mort des parents
elles sont lésées dans le partage des biens
générés par tous et elles n'osent jamais réclamer
leur droit.
Pour 10% de nos enquêtées
l'analphabétisme de la majorité des femmes explique leur
marginalisation dans la rétribution des biens
générés par tous. Dans ce cas, la scolarisation semble
être la solution la mieux adaptée. Il ressort que la scolarisation
est un investissement qui génère des dividendes décisives
pour le développement. Les femmes éduquées et
alphabétisées sont libres de toute contrainte de contracter un
mariage de leur choix selon 10% des femmes interrogées.
Tout de même le mariage revêt une
importance capitale dans notre zone d'étude ; 69% de nos
enquêtées l'ont contracté. En fait le mariage reste
toujours l'affaire des parents qui sont les seuls à décider des
modalités de son organisation. Toutefois un certain nombre
d'années d'études donne l'autonomie à la fille de
planifier son mariage. Mais nombreuses sont les filles analphabètes qui
se sont mariées contre leur gré à un âge
précoce à cause de leur ignorance.
Cette autonomie dont l'instruction procure à la
femme permet à celle-ci de bien gérer les ressources du
ménage et de planifier les naissances selon l'avis de 49% de nos
enquêtées. Nul n'ignore le péril d'un accroissement sans
mesure de la population. L'analyse démographique moderne de Thomas
Robert Malthus (1766-1836), appliquée à la commune de Dapaong,
fait ressortir un écart important entre l'accroissement
géométrique de la population (6,5 enfants par femmes) et
l'augmentation arithmétique des richesses avec pour conséquence
la pauvreté dans laquelle s'enlise 68,7% de la population. (Banque
Mondiale,1996)
Cependant il ressort que les femmes qui ont moins
d'enfants disposent de beaucoup plus de temps pour se consacrer aux
activités économiques et à les faire prospérer.
Toutefois l'éducation des
femmes à des effets bénéfiques sur la scolarisation des
enfants. Il semble que l'on ne puisse nier ce fait. Il ressort de cette
étude qu'une femme instruite constitue un leitmotiv pour la
scolarité de son enfant contrairement à celle qui n'a pas
évolué dans les études. La corrélation entre le
niveau d'instruction de la mère et l'abandon précoce des enfants
est révélatrice. Pour preuve sur les 83 enfants ayant
abandonné précocement 53 ont des mères analphabètes
contre zéro abandon pour les mères ayant un niveau BACII et
plus.
En effet les enfants issus des familles
analphabètes ont tendance à négliger l'école et
éprouvent souvent des difficultés d'adaptation. Cette situation
n'est pas due à un déficit intellectuel de la part de ces
enfants, mais à un manque de modèle à suivre dans leur
entourage familial. Issus des milieux ayant un niveau culturel relativement
très bas, ils sont désavantagés par rapport à leurs
camarades issus des familles instruites qui rencontrent dans leur milieu
d'origine une atmosphère nettement plus favorable à l'instruction
scolaire. Parce qu'ils ont été au préalable
informés par leurs parents.
Dans ce cas il est important de reconnaître que
l'information constitue un puissant instrument capable de susciter la
participation des femmes au développement. Cette dernière
lorsqu'elle est bien transmise, cristallise la conscience des femmes vers une
prise en charge de leur propre devenir.
L'information est pour toute action de
développement une phase opérationnelle fondamentale car c'est
à partir d'elle que la motivation et la prise de conscience des
populations naissent. Elle crée ainsi, une véritable
volonté de participation au développement. Elle joue un
rôle aussi essentiel que l'éducation et la formation dans la
croissance du potentiel scientifique et technologique d'une
société.
La seule communication orale bien que fonctionnelle
dans des contextes statistiques, ne permet pas une accumulation et une
utilisation suffisante de savoirs dans une société en
mutation.
Dans la ville de Dapaong certaines femmes sont
encore informées de la tenue des activités de
développement par des personnes interposées soit par les rumeurs,
selon 17% des femmes interrogées. Dans ces conditions, la qualité
de l'information reçue est parfois douteuse. Et les
intéressées ne se sentent pas directement concernées. La
solution réside donc dans l'utilisation des supports écrits. Dans
ce contexte le niveau scolaire très bas des femmes empêche
l'utilisation de cette option et freine la mobilisation sociale tout en
alternant la relation entre développeurs et développés.
C'est pourquoi les campagnes de sensibilisation menées par les
promotrices des institutions de micro-finance sur la gestion des crédits
se sont le plus souvent soldées par des échecs. Elles s'adressent
oralement aux femmes et tout juste après leur départ les femmes
trop préoccupées par la survie du groupe social oublient les
informations reçues et continuent dans l'ancien système. Ce genre
de situation freine l'introduction de nouvelles formes de production et ralenti
la croissance économique. C'est pourquoi 61% de nos
enquêtées estiment que la non participation au
développement et la mauvaise gestion des ressources sont
inhérentes à la sous- scolarisation.
Ainsi, à la question existe-t-il des
situations qui se présentent à vous et qui exigent que vous soyez
instruite pour vous en sortir ? La quasi-totalité des femmes
analphabètes ont répondu « oui » en
désignant l'hôpital et la justice comme les endroits ou l'on a
plus besoin de l'instruction. Comme nous avons pu le constater certains agents
de santé ne comprennent pas la langue locale et sont obligés de
converser avec les patientes dans la langue officielle. Celles-ci sont donc
obligées de faire recours à une tierce personne pour la
traduction du message ce qui n'est pas du tout aisé pour elles. Au
niveau du traitement elles sont incapables de lire les ordonnances
médicales, surtout lorsqu'elles oublient les consignes de l'agent de
santé.
Dans ces conditions, il arrive que le traitement
soit prolongé ou recommencé, parce que la patiente n'a pas
respecté les heures de prise des médicaments ou les doses qu'on
lui a prescrites.
Quant à la justice, il n'est pas rare qu'une
femme soit inculpée à cause de la mauvaise interprétation
de ces propos par les interprètes. De même celles-ci n'ont pas
tord de regretter le fait qu'elles n'ont pas un niveau d'étude
conséquent. Parce que pour écrire une lettre elles font le plus
souvent recours à leurs proches et ceux-ci sont tenus de connaître
leur secret.
Quand aux commerçantes, elles sont souvent
confrontées aux difficultés de tout genre. La première
difficulté est liée à la communication avec les clients
lettrés qui sont étrangers. La deuxième est liée
à la gestion des stocks car parfois elles sont contraintes de payer
doublement pour une marchandise qu'elles ont déjà payé
à cause de l'inexistence des cahiers de décharges. C'est dans ce
contexte que nous pouvons comprendre les propos de cette dame qui se
lamentais en ces termes « si moi j'avais été
instruite, je vous assure que je ne devrais plus être à ce niveau,
mon ignorance m'a beaucoup nuis ». C'est ce qui
justifie le fait que 92% des enquêtées soutiennent que le fait de
savoir lire et écrire est une bonne chose.
De tout ce qui précède nos
enquêtées n'ont pas tord de désigner
l'analphabétisme comme l'obstacle majeur qui empêche aux femmes de
participer aux activités de développement soit 40% des femmes
interrogées.
La sous-scolarité d'une frange importante de
celles-ci compromet l'atteinte de l'équilibre social gage d'une
meilleure restructuration de la politique locale en matière de
développement.
Cependant, l'accélération du
progrès engendre pour les femmes sous-scolarisées un risque
important : celui de la non participation. De nos jours, la
rapidité du changement et l'éclatement des cadres de vie
traditionnelle engendrent d'énormes difficultés aux femmes
analphabètes et elles ont dû mal à se
rééquilibrer. Car, Au moment où elles atteignent un point
d'équilibre, les mutations sont déjà intervenues pour
rompre ce dernier. Devant les effets de ces transformations, il n'est plus
possible de rester figer ; La majorité des femmes sont conscientes
de ce fait (confère tableau 26). Notre région, partie
intégrante d'une société en transformation, se doit de
participer au processus de développement.
Les femmes et plus particulièrement celles
qui sont instruites, veulent contribuer à l'évolution de leur
communauté car elles sont conscientes du caractère
dépersonnalisant et aliénant du sous-développement. Elles
considèrent avec raison, que le concours de toutes les couches sociales
d'une communauté à son développement est un droit. Le
négliger serait méconnaître la satisfaction des besoins
réels. C'est pourquoi 81% des enquêtées ont affirmé
que la femme a un rôle à jouer dans le développement.
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