La sous-scolarisation, un handicap à la participation des femmes au développement communautaire dans la ville de Dapaong.( Télécharger le fichier original )par Gountante TCHIAME Université de Lomé - Maîtrise en sociologie 2011 |
II.1.3 Genre et éducationLe capital humain qui constitue le moteur de la modernisation met en évidence l'importance de l'éducation pour tous afin de développer les qualifications requises. Aussi filles et garçons ont tous à gagner d'un enseignement non discriminatoire qui permet d'instaurer des relations plus égalitaires entre hommes et femmes. Force est de constater que dans les pays au sud du Sahara non seulement les moyens d'assurer une éducation pour tous les enfants sont insuffisants, mais aussi les filles font toujours l'objet d'une discrimination. Selon le Ministère des Enseignements Primaire Secondaire et de l'Alphabétisation le maintien de poche sous-scolarisée généralement celui des filles, la non généralisation de l'équité genre et la faible féminisation du corps enseignant constituent l'une des faiblesses du système éducatif Togolais. Alors que le monde est à quelques années de la date à laquelle les OMD (objectifs du millénaire pour le développement) doivent être atteints. Le moment est donc bien choisi pour que le Togo accorde une attention particulière à la stratégie à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de l'éducation pour tous. L'UNICEF souligne dans son rapport de 2006 que la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement s'apparente à un parcours jonché d'obstacles : pauvreté irréductible, discrimination sexiste persistante, manque d'installations sanitaires de base et d'eau potable, maladies omniprésentes et analphabétisme transmise de mère en fille par le canal de l'éducation traditionnelle. L'éducation de base traditionnelle est un blocage à la participation des femmes à la vie publique. Dans les sociétés Africaines, la fille est très tôt placée dans un espace d'évolution réduit qui est l'espace domestique et dans une situation qui la réduit à des responsabilités liées au mariage et à la maternité. Les mariages précoces entravent massivement le progrès scolaire des filles. Dans certains pays d'Afrique de l'ouest les mariages à l'âge de sept ans ou huit ans ne sont pas exceptionnels. (Dominique et M. Frémy : 1998). Changer l'âge légal de mariage à peu de chance de modifier les pratiques locales si l'on ne change pas les situations qui les sous-tendent. C'est pourquoi promouvoir l'importance de l'éducation des filles par des campagnes de sensibilisations et des modèles de rôle. Améliorer les conditions de scolarisation des filles et travailler directement avec les sous scolarisées afin de les aider à mieux se faire entendre est une mesure importante à prendre pour permettre à celles-ci de suivre une éducation à son terme. J-B GIMENO dans l'analyse des causes de l'échec scolaire dans l'enseignement primaire trouve qu'en Afrique les pratiques traditionnelles qui entourent l'adolescence et les rites de passages sont souvent préjudiciables à l'éducation, surtout dans le cas des filles. pour lui , « Les caractéristiques culturelles et la situation économique de la famille influent fortement sur le processus éducatif `(...) malgré les politiques éducatives adoptées dans la plupart des pays pour assurer l'égalité entre les sexes, les filles se trouvent encore dans une situation inférieure par rapport à celle des garçons à tous les niveaux de l'enseignement, et la différence augmente au fur à mesure que l'on passe à un niveau supérieur » (j-B. Gimeno ,1984 :63). La position économique de la mère conditionne la scolarisation de la fille. C'est dans les régions les plus défavorisées économiquement que l'on observe les plus grandes disparités dans la scolarisation. D'une manière générale l'insuffisance des ressources familiales, les mariages et les maternités précoces, les charges domestiques et les préjugés d'ordre culturel sont les facteurs déterminants qui peuvent expliquer le taux élevé d'abandons en cour d'études chez les filles et le faible impact sur les femmes des programmes d'éducation pour adultes. M. pilon (2000) dans une étude sur le système matrimonial chez les Moba-gourma, établit un lien entre le mariage coutumier (de nature précoce) et la scolarisation des filles. Pour lui, le mariage coutumier pratiqué de façon précoce est un grand facteur qui entrave l'accès des filles et leur maintien dans le système scolaire. Le mariage précoce, le rapt (enlèvement forcé d'une fille en vu du mariage) et l'échangisme sont des pratiques courantes chez les Moba-gourma. Ces pratiques qui trouvent leur fondement dans le système patriarcal se trouvent être une atteinte majeure aux droits de l'homme. Il est à remarquer que les stéréotypes transmis par l'éducation familiale sont reproduits et perpétués par l'éducation formelle. La discrimination à l'égard du genre féminin se traduit par des taux d'accès relativement plus faibles, de faibles taux de réussites, de qualifications, de forts taux de redoublements, d'abandons et d'analphabétisme. Or les femmes ne peuvent prendre pleinement part au développement si leur niveau d'instruction est faible et si elles jouissent d'un faible statut. Aussi faut-il prendre des mesures à tous les niveaux pour corriger ces rapports inégalitaires. Cette faible scolarisation ne peut offrir convenablement à la femme les possibilités de planifier les naissances, de bien utiliser les services de santé, d'exercer des emplois modernes, d'utiliser et de posséder au même titre que l'homme les moyens de production et la terre, d'avoir accès aux crédits, aux capitaux, et de participer aux programmes de développement. Si on sait que l'école, de part sa fonction, permet à l'individu non seulement d'acquérir connaissances, habiletés et compétences, mais aussi des valeurs, il revient à l'école de jouer un rôle dans le changement des comportements et des mentalités en faveur d'une égalité entre les sexes. Ce qui permettra de rendre à terme les actions de développement plus efficaces.
M-F Lange (1998) pour sa part trouve que la société en sous estimant l'éducation des filles, se prive aussi d'un important capital humain productif qui devrait contribuer pleinement à son développement. Dans la majorité des pays au sud du Sahara les discriminations de genre continue à avoir cour. Comme la décision d'envoyer un enfant à l'école est prise dans la famille, les hommes profitent de leur statut de chef de famille pour marginalisés les femmes dans l'accès à l'instruction en opérant des choix sexistes. Des recherches récentes montrent que les ressources, le travail et les chances ne sont pas partagés également entre les membres de la famille. Les femmes ou les filles se heurtent-elles à plus de difficultés dans la vie que les hommes ou les garçons en partie parce que leur influence sur la prise des décisions dans la famille n'est pas aussi grande. Il semble que lorsque les différents membres de la famille se procurent des revenus supplémentaires, les femmes en consacrent davantage que les hommes à l'éducation, à la santé et aux services domestiques (I. Droy, 1980). Les régions et pays où il existe une forte préférence culturelle pour les garçons tendent aussi à présenter les plus grandes inégalités entre les sexes. Ainsi, G.G Lagelle ; G. Manceron (1998 :53) rappellent que « l'inégalité des droits entre homme et femme à été la règle pendant des millénaires dans presque toutes les sociétés et la reconnaissance des mêmes droits aux hommes et aux femmes a été l'objet d'un combat qui n'est pas encore achevé.» Par ailleurs L. Hodalo (2007) soutient que les mesures prises par l'Etat Togolais pour éliminer par exemple des formes de discrimination à l'égard des femmes s'adresse à une population à dominance féminine qui malheureusement est encore en majorité analphabète. Ce qui rend difficile l'appropriation de ces mesures par les bénéficiaires. Une analyse de la théorie de la reproduction sociale de Baudelot et Establet5(*) (1992) indique que la scolarisation des filles ne peut être que le reflet de ce qui se passe dans la société. Dans un sens bien particulier elle représente l'appareil idéologique d'une société donnée. Elle est donc présentée comme le lieu ou l'idéologie perpétue la division de la société en deux classes antagonistes, celle des hommes et celle des femmes.
À travers l'analyse du système éducatif traditionnel Le Thanh Khoi (1971) révèle une différence de socialisation entre garçons et filles. Selon lui c'est à la mère que revient la charge de conduire l'éducation de base des enfants de sexe féminin. La fillette reçoit une éducation qui la prépare à assumer ses futures fonctions de mère et de ménagère. Dans les familles où les filles et les garçons vont à l'école, de retour à la maison ce sont surtout les filles qui ont l'obligation d'aider leur maman à accomplir les travaux ménagers tandis que les garçons disposent plus ou moins de temps pour accomplir leurs petits besoins (distractions, devoirs..). Les multiples occupations dont les filles accomplissent agissent souvent négativement sur leurs résultats scolaires. Ainsi, celles-ci sont obligées d'abandonner prématurément les études pour devenir plus tard des femmes au foyer. Dans la sphère externe celles-ci sont pénalisées par un moindre accès aux nouvelles technologies, aux crédits, à la formation, par des emplois moins stables, des salaires plus bas et des retraites de plus en plus compromises. Mais malgré tout elles sont présentes à tous les stades de la vie sociale. Dans ce cas, il est donc impérieux de reconnaître le rôle de la femme dans le développement. * 5 C. Baudelot et R. Establet théoriciens de la sociologie française, ils ont nuancé les analyses antérieures sur la reproduction des inégalités dans leur ouvrage (allez les filles !,1992). Les filles travaillent quand les garçons chahutent. La docilité et les compétences que les modes d'éducation dominants développent chez les filles, pour les confiner dans leur futur rôle de mère de famille, deviennent des atouts pour réussir à l'école. Certes, malgré leurs meilleures performances scolaires, les filles continuent d'être minoritaires dans les filières scientifiques de haut niveau. Pour expliquer ce constat, Marie Duru-Bellat interprète cet écart en termes de conditionnement au manque d'ambition et à l'autocensure (L'Ecole des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux ?, 1990) . |
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