A. LA CRÉATION DES VILLAGES ET L'ORGANISATION DE
L'ESPACE. a-1. Création des villages pionniers.
Avec l'afflux des immigrants, la création dey villages
devient une nécessité. En 1966 lors du lancement de
l'Opération, 2 villages sont créés concomitamment au mois
de Janvier; II s'agit de N'jingang et de Ngoman où les premiers colons
sont installés; (cf. Cf. Fig.2) . Un troisième village
Ndock-Samba est créé en Mars de la même année et
dès lors, les villages vont se créer par vagues successives,
comme l'indique le tableau ci-dessous:
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Tableau1. Les villages pionniers de l'opération
Yabassi-Bafang par ordre de création
Ordre de création
|
Villages
|
Date de création
|
1
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N' jingang
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17 Janvier 1966
|
2
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Ngoman
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17 Janvier 1966
|
3
|
N'dock-Samba
|
03 Mars 1967
|
4
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Mabombé
|
05 Janvier 1967
|
5
|
Matoumbé
|
28 Novembre 1967
|
6
|
Dékoulé
|
14 Décembre 1968
|
7
|
Malé
|
05 Mars 1968
|
8
|
Ndock-Tiba
|
07 Octobre 1968
|
9
|
Ndockouma
|
01 Octobre 1968
|
10
|
Miné
|
01 Octobre 1969
|
11
|
Kouédjou
|
01 Décembre 1969
|
12
|
Madip
|
01 Mai 1970
|
13
|
Dissouck
|
01 Janvier 1971
|
14
|
Tam
|
01 Juin 1971
|
15
|
Male
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30 Janvier 1976
|
16
|
Bidjen
|
22 Janvier 1979
|
17
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Mandia
|
28 Janvier 1980
|
18
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Didipé
|
09 Février 1981
|
Source : Archives SODENKAM.
De ce tableau, il ressort que le rythme de création des
villages est irrégulier. C'est ainsi qu'on note une coupure majeure
entre 1971 et 1976, coupure qui correspond aux maxima de la désertion.
À propos DONGRNO J.L écrit: « Le record détenu
par la campagne 1973/74 avec 87% de déserteurs, c'était
déjà cette campagne qui occupait le premier rang des effectifs
bruts. Au total en 11 ans de' fonctionnement, la colonisation de Nkondjock a
enregistré 1091 désertions sur 1731 recrutements, soit 40%
environ. C'est trop à notre avis».
Le village Malé bis est créé en 1976; il
faudra attendre 1979, 1980 et 1981 pour que les derniers villages naissent. A
partir du tableau précédent, il est facile de faire une
classification des villages suivant l'ordre de création. Ainsi les
villages anciens de l'Opération qui ont vu le
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jour entre 1966 et 1970 se distinguent des villages neufs,
créés de 1979 à 1981 Un village reste en solitaire au
milieu du tableau Malé Bis (1976).
La création des villages pionniers dans Le temps suit
une certaine chronologie, menu-si celle-ci demeure très
irrégulière, avec une ou plusieurs années creuses. Dans
l'espace, la zone de l'Opération est bien quadrillée par les
villages qui, suivant leur situation géographique, occupent diverses
positions.
Dans les études préliminaires du projet, La
SCET-COOP a prévu que les villages
pionnier: du moins la majorité devrait être
situé à 4 km au moins de la route principale. Cependant, ce plan
n'a pas été respecté dans son intégralité.
Néanmoins, les villages pionniers occupent la périphérie
des zones autochtones dont les autorités se gardent d'empiéter
sur le territoire. Spatialement, les villages se répartissent suivant
plusieurs paramètres :
? De par la situation par rapport à I' axe routier
principal; et là on distingue les villages se trouvant le long de la
route tels N'jingang, Matoubé e des villages situés à
l'écart de l'axe central comme Didipé ou Médip.
? Selon la position vis-à-vis du centre administratif
(Nkondjock) ; on a des villages proches du centre comme Malé,
Matoubé et les villages é lignés de plus de 20 km
tels Njingang, Mandia. Cette configuration géographique des villages a
permis une occupation spatiale à grande échelle de la zone de
l'Opération prévue pour le test. Mais compte tenu du fait que
chaque village est une mosaïque ethnique, un nouveau mode de gestion
s'impose dans ces villages, À ce titre, J.C BARBIER10 citant
J.P RAISON écrit: « Le phénomène migratoire
s'accompagne d'une révolution dans le mode d'organisation sociale
traditionnelle. La colonisation s'accompagne donc d'un changement
économique et de nouveaux rapports sociaux ».
Les villages pionniers ; dès leur création
s'établissent non plus sur les lois coutumières comme à
l'Ouest du pays, mais s'organisent sur un plan démocratique de
manière à intégrer toutes les communautés ethniques
présentes. C'est là un des objectifs majeurs visés par les
autorités lors du lancement de l'Opération. Ainsi la gestion
interne du village pionnier se fait par un comité de direction
élu et dirigé par un président qu'assistent de nombreux
membres du village. Ce comité soutenu et dirigé par
l'administration est 1 ' intermédiaire entre les cadres techniques et
les pionniers. Il est également chargé de l'animation, de
l'éducation civique et de la mise en place d'un système
coopératif.
10 Barbier J. C. op cit.
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Cette originalité dans la gestion des campagnes est la
conséquence de la rencontre dans une même région, des
populations d'origines diverses. Comme dans toute colonisation agricole
dirigée, l'organisation de l'espace est imposée aux immigrants.
C'est bien le cas dans l'opération Yabassi-Bafang.
Cliché auteur 02/04/910 à 9h.
Photo 1 : Un village en création : Didipé
(18e).
Comme les autres villages pionniers, c'est en forêt
que les immigrants sont installés et la mise en valeur se fait
progressivement.
A-2. Organisation de l'espace.
L'Opération Yabassi -Bafang est une opération de
colonisation organisée et dirigée suivant la typologie
élaborée par J. p Raison (2). Ici le paysan est presque soumis
à des
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structures nouvelles, à des techniques qui lui sont le
plus souvent étrangères. Même si ce dernier conserve sa
liberté de culture, Il doit accepter les restrictions aux droits de la
propriété.
La population allogène est très composite et
chaque ethnie possède un mode d'habitat différent. En
dépit de 1' importance numérique des Bamilékés dans
1a zone; ces deniers n'ont pas pu transposer leur mode d'habitat traditionnel.
Ceci était à craindre dans la mesure où les tentatives
forcées de 1'habitat groupé à l'Ouest dans les
années 60 avait échoué. L'administration a imposé
le mode d'habitat groupé à i ou s Les immigrants dès leur
arrivée. C'est ainsi qu'on a vu les pionniers se regroupés en
village et, chaque village organisé de telle sorte que les habitants
sont lotis sur des surfaces de 1000 m2 dé1imitées au
préalable par des services topographiques et reparties par quartier de
10 à 15 ménages.
Pour ce qui est du plan des villages, la tendance
générale est le plan en damier avec des i nos qui se recouvrent
à angles droits, aveu quelques exceptions. Nous sommes loin do
1'organisation spatiale habituelle de l'habitat clan; nos campagnes. Il en est
de même du style de construction. Pans un système d'habitat
administré comme dans la zone de 1' opération la construction des
logements ou des éléments complémentaires de l'habitat,
est laissée aux initiatives des pionniers sur des lots provenant d'un
découpage parcellaire. L'administration veille alors au respect
des lois et règlements gui concernent l'habitat.
Pour réaliser une implantation humaine durable bans la
région, il est imposé à tous, des maisons en briques de
terres séchées, couvertes de tôles sous 4 pentes. Mais les
pionniers soucieux de moderniser leurs habitats ne se sont pas
arrêtés là et de temps en temps, des maisons en parpaings
s'édifient dans certains villages (Malé, Matoubé).
Autour des villages, les plantations se disposent en 2
auréoles concentriques. La première auréole à
proximité du village comporte les premières plantations de 6
hectares environ chacune ; ceci pour ne pas défavoriser les pionniers
qui sont à une distance considérable. La deuxième
plantation de même superficie que la première, se situe dans la
deuxième auréole, si bien que la plantation la plus
éloignée se trouve à 5km du village. Des pistes de
collectes sont tracées dans certains villages pour desservir des
plantations et faciliter ainsi le portage.
Quant à l'organisation interne des champs il est
à noter que dans chaque portion de champ, il y a une culture
précise en principe. C'est une organisation qui mérite
d'être explicitée dans les paragraphes à venir.
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