B.3 Activités et publications.
Une fois les tracts et les affiches tirés, ils
faisaient l'objet d'une distribution méthodique. Pour ce faire, le CCRM
contactait les bourgmestres et agences de publicité pour avoir une
autorisation d'affichage. Nous pouvons avoir une idée de cette
méthode par ce plan de distribution élaboré par Louise
Lacharon189:
Communes
|
Affichage
|
Bruxelles-Villes
|
60 panneaux d'affichage
|
Anderlecht
|
40 panneaux d'affichage
|
Auderghem
|
10 panneaux d'affichage
|
Berchem-Sainte-Agathe
|
10 panneaux d'affichage
|
Etterbeek
|
10 panneaux d'affichage
|
Forest
|
15 panneaux d'affichage
|
Ixelles
|
5 panneaux d'affichage
|
Saint-Gilles
|
5 panneaux d'affichage
|
Saint-Josse-Ten-Noode
|
14 panneaux d'affichage
|
Schaerbeek
|
20 panneaux d'affichage
|
Uccle
|
20 panneaux d'affichage
|
Molenbeek
|
20 panneaux d'affichage
|
Watermael-Boitsfort
|
9 panneaux d'affichage
|
189 Archives Personnelles de Louise Lacharon, Documents
relatifs à la gestion interne du CCRM de Bruxelles : Plan
d'affichage public, daté de 1982.
59
Woluwe Saint-Lambert
|
10 panneaux d'affichage
|
Woluwe Saint-Pierre
|
5 panneaux d'affichage
|
Cependant, il n'était pas rare que certaines agences se
plaignent auprès duCCRM à cause des « affichages
intempestifs ». L'exemple d'une plainte émise par la RTT contre le
CCRM de Bruxelles le 28 septembre 1981 était, à cet égard,
significatif190. La première affiche éditée par
le CCRM de Belgique apparaît sur les murs de Bruxelles, de Charleroi et
de Liège. Elle oppose le Maroc coloré et ensoleillé des
touristes au Maroc des Marocains qui ne se rangent pas parmi les
bénéficiaires du régime marocain. Elle n'est pas seulement
destinée à faire méditer ceux qui y vont valoriser leurs
devises fortes, mais à faire savoir aux autorités marocaines que
le Comité de Bruxelles existe et qu'il serait maladroit de leur part de
s'attaquer, comme ce fut le cas des années précédentes,
aux travailleurs qui profitent des vacances pour rentrer au pays et visiter
leur famille.
Exemple d'une demande d'autorisation d'affichage du
30 octobre 1979191
190 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : Plainte de la RTT
datée du 28 septembre 1981.
191 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°385, CCRM - Appel et campagne d'adhésion : d'une demande
d'autorisation d'affichage du 30 octobre 1979.
60
Première affiche du Maroc des touristes et de
la répression éditée par le CCRM de Bruxelles entre
1978-1979192
Une fois les affiches posées et l'appel lancé,
les manifestations partaient de la commune de Saint-Josse (zone nord) pour
culminer à la Place Rogier et aboutir près de la Gare du Midi.
Cette trajectoire sera toujours empruntée en raison de la
proximité du CCRM avec les locaux des syndicats belges et des mouvements
associatifs marocains. Par ailleurs, l'implication des bourgmestres de
Bruxelles-Ville et de Saint-Josse dans les activités du Comité
bruxellois facilitèrent le bon déroulement de la mobilisation
organisée.
b.3.1 Du second rapport de Paris aux premières
coordinations européennes : 1977-1979.
Tandis que le CCRM de Bruxelles commençait
sérieusement à s'impliquer dans la contestation contre les abus
du régime marocain, les Comités de France publiaient un second
rapport sur la situation des détenus et sur les procès politiques
envers les mouvements des gauches marocaines. L'année 1977 a
192 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°385, CCRM - Appel et campagne d'adhésion : Affiche « Le
Maroc des Touristes et de la Répression datée de 1978.
61
marqué un coup dur contre les mouvements
d'extrême gauche marocains, la plupart des cadres d'Ilal Amam et
du Mouvement 23 Mars ont été arrêtés. A la suite de
ce large coup de filet, les Comités de France et de Belgique ont
participé à une nouvelle mission juridique193.
Cette mission juridique était composée des :
Maîtres Henri Leclerc, Alain Martinet et Margaut du Barreau
de Paris.
Maître Yves Baudelot envoyé par l'Association
Internationale des Juristes Démocrates.
Maître Hoss mandaté par Amnesty International.
Maître Majdalani, avocat de l'Organisation pour la
Libération Palestinienne.
Maître Pascal envoyé par la Fédération
des Juristes Démocrates Français.
Maître Vandrockenbruck envoyé par la
Fédération des Juristes Démocrates Belges.
Maître Franceline Lepany avocate au Barreau de Paris
Docteur Jean-Paul Vernant, Chef de Clinique-Assistant.
Les avocats de la Défense ont été
dépêchés pour le célèbre procès des
frontistes du 3 au 19 janvier 1977 à Casablanca. Pour 105 détenus
libérés à la suite d'un non-lieu dans la semaine
précédente, il restait 178 inculpés avec 39 condamnations
par contumace. Les 178 inculpés représentait le groupe « 77
». La mission juridique dresse son rapport sur base des constats
suivants194:
Les violations de la défense :
les avocats constatent que si les inculpés sont informés au
hasard des interrogatoires des chefs d'inculpation retenus contre eux, l'acte
d'accusation lui-même ne sera jamais lu, de sorte que ni les
accusés, ni leurs défenseurs ne savent véritablement de
quoi on les accuse. L'ordre des interrogatoires n'est pas donné, tous
les avocats doivent rester présents en permanence s'ils ne veulent pas
manquer l'interrogatoire de leur client. Les avocats se voient interdire de
poser des questions à un inculpé qui ne serait pas celui dont ils
assurent la défense.
L'atmosphère du procès
: elle est tendue et violente dès les premières heures, du fait
du président de la Cour d'Appel, qui n'admet pas que les inculpés
s'expriment et, en particulier, qu'ils assurent leur défense politique.
Coupant la parole, frappant violemment sur la table, renvoyant les
inculpés sur le moindre prétexte, il est responsable des
incidents qui vont très vite éclater et devenir de plus en plus
dramatiques.
Les principaux incidents ont été
: la minute de silence demandée à la mémoire
d'Abdellatif Zeroual* par un détenu et observée par tous les
détenus, les avocats et les familles. Le président évacue
la salle et interrompt la séance. Avec l'évacuation de la salle,
les inculpés ont affirmé le droit à
l'autodétermination du Peuple sahraoui et décident alors de
prendre en main leur propre lutte dans la salle en entreprenant une
grève de la faim illimitée, en refusant de répondre aux
interrogatoires et en demandant à leurs avocats de se taire. Tout cela
vise à de dénoncer la mascarade du procès et à
démolir la façade démocratique que le pouvoir
prétend maintenir par cette parodie de justice. Les inculpés
adoptaient diverses attitudes envers le juge
193 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM
section Bruxelles, mars-avril, 1980, pp. 2-5.
194 A. MARTINET et al., Mission juridique
internationale : Rapport sur la situation des Frontistes, Casablanca,
janvier 1977, pp. 4-12.
62
par l'ironie, par la violence ou le mépris. A cet
égard, l'opposant frontiste Abdellah Zaâzaâ, victime de la
falaqa, se déchausse brusquement et montre son pied
mutilé affreusement par les tortures subies deux ans plus tôt.
D'autres inculpés lancent des mots d'ordre contre le régime
« qui exploite le Peuple marocain » et pour « la
république démocratique et populaire marocaine ». Enfin,
trois des inculpés sont intervenus pour affirmer leur accord sur le
principe de la marocanité du Sahara, tout en dénonçant les
accords de Madrid qui prévoyaient le partage entre la Mauritanie et le
Maroc.
Les relations des détenus avec leur famille
: les familles se sont vues refuser toute possibilité de
visiter les détenus grévistes qu'ils soient détenus
à la prison ou à l'hôpital. Inquiètes sur la
situation des leurs, elles ont fait le siège des prisons et
hôpitaux en espérant que l'administration adoucirait sa position.
Elles ont également été réclamé indulgence
et informations au Ministère de la Justice, mais en vain. Les familles
se sont alors réunies à la mosquée de Rabat d'où
elles ont été expulsées à deux reprises par la
police qui les a gardées plusieurs heures dans ses locaux.
Le verdict : il a été
rendu « à la sauvette » dans la nuit du 14 au 15
février, après 9 heures de lecture des attendus, les avocats
ayant été prévenus au dernier moment par
téléphone. Les inculpés, qui avaient attendu toute la
nuit, ont accueilli les peines par des chants révolutionnaires,
jusqu'à ce qu'on les ramène en prison. Les sentences
prononcées lors du verdict portaient sur 44 condamnations à la
détention perpétuelle dont 39 par contumace, 21 condamnations
à 30 ans de prison, 44 condamnations à 20 ans de prison, 45
condamnations à 10 ans de prison, 19 condamnations à 5 ans de
prison et 3 condamnations à 5 ans avec sursis.
Pendant le déroulement du procès, les premiers
témoignages directs sur les conditions de détention des
détenus d'opinion commencèrent à être portés
à la connaissance des Comités. Ces premiers témoignages
ont révélé la brutalité de la vie carcérale
au Maroc, comme le montre « Rahal ». Durant le procès des
Frontistes, « Rahal » confirmait la présence d'une BS dans une
pièce proche du Tribunal. Cette BS suivait minute par minute le
procès et torturait les inculpés que le juge
envoyait...195
Le récit carcéral a été rendu
public par les Comités de Lutte contre la Répression de Belgique
et des Pays-Bas. Les dessins de « Rahal » sont sortis feuille par
feuille de la prison de Kénitra pour arriver, non sans
péripéties, au Comité de Paris. Ce dernier a
contacté les bureaux de Charleroi et de Bruxelles pour la traduction la
bande dessinée : « Dans les entrailles de ma patrie ».
Après que les Comités contre la Répression aient
regroupé tous les dessins de « Rahal », les comités
belges ont traduit la bande dessinée en arabe et en français. Ces
tâches ont été respectivement
déléguées aux bureaux carolorégien et
bruxellois196.
195 RAHAL, Dans les entrailles de ma patrie : A propos de
la détention politique au Maroc, Paris-Bruxelles-Amsterdam, les
CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam, 1980, p. 28
196 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°398, Correspondances diverses 1977-1994 : PV de la coordination des
CLCRM à Rouen : traduction de la bande dessinée par les CCRM de
Bruxelles et Charleroi, daté du 29 mars 1981.
63
Couverture de la bande dessinée «Dans
les entrailles de ma patrie »197
Ce témoignage inédit nous fournit plusieurs
renseignements sur la vie quotidienne dans le centre de détention de
Derb Moulay Chérif à Casablanca et à la prison de
Kénitra, parmi lesquels: « A l'intérieur de
l'étroite cellule, 4 à 5 détenus sont installés.
Deux vieilles couvertures en guise de lit, une troisième pour se
couvrir. Ils doivent demeurer dans cet état, les mains attachées,
couchés en permanence sur ce lit infect, grouillant de vermine : poux,
puces, punaises et ce durant tout le temps qu'ils passeront dans le lieu secret
de détention (des années parfois) à l'exception de l'heure
des repas et quand on leur permet de se rendre aux toilettes. Le « Hadj
» (surnom que les gardiens se donnent pour ne pas être
reconnus) : sa mission surveiller les détenus et à leur
interdire le moindre mouvement. Parler est considéré ici comme un
crime et son auteur est flagellé par le Hadj. (...). Une autre
mission du Hadj consiste également à provoquer les
détenus, à leur mener la vie dure pour que règne une
atmosphère de malaise et de terreur psychologique, ceci en plus des cris
de tortures qui retentissent dans les coins du quartier et à
cause
197 Couverture de la bande dessinée RAHAL, Dans les
entrailles de ma patrie : A propos de la détention politique au Maroc,
Paris-Bruxelles-Amsterdam, les CLCRM de Paris-Bruxelles-Amsterdam,
1980.
64
desquels il devient impossible de s'endormir ou de se
reposer. On en arrive à désirer être torturé
plutôt que d'entendre quelqu'un d'autre subir la
torture198 ».
Pour exercer une pression supplémentaire sur les
détenus, leurs familles faisaient souvent l'objet d'une perquisition
brutale, d'intimidation, d'interrogatoires musclés sinon d'arrestation
avec les détenus.
« Rahal » poursuit : « (...) Et lorsque la
méthode de la terreur combinée aux opérations de charme ne
réussit pas à faire parler le militant, vient alors le rôle
de la torture avec ses différents formes et ses différents
degrés... une serpillère sur le nez et la bouche, trempée
dans du savon, du grésyl, de l'urine et des excréments.
Bastonnade sur la plante des pieds. Electrochocs, mégots allumés
écrasés sur le mamelon...Deuxième degré de torture
connu sous le nom de « perchoir à perroquet ». La
séance de torture peut se poursuivre pendant des heures, jusqu'à
la perte de conscience totale. Après cela, on passe à un
degré supérieur. D'autres genres de tortures...il faut
reconnaître en toute objectivité que la réaction marocaine
fait preuve d'inventivité au moins dans ce domaine : la victime est
enroulée dans une couverture de la tête jusqu'aux pieds de
manière à ne laisser aucun interstice pour qu'elle puisse
respirer. Elle est solidement attachée à un banc. Les
tortionnaires la rouent de coups. Le procédé est une des formes
de tortures les plus dures. On peut facilement étouffer ainsi. Les deux
pieds meurtris à cause des coups sont plongés dans une baignoire
remplie d'eau salée et très chaude. Le chien dressé qui
lacère avec ses crocs et ses griffes le dos endoloris de la
victime...Après cela, le prisonnier est transporté au local de
détention gardé par des policiers qui se font appeler « Hadj
» afin que le détenu ne connaisse pas leur véritable
identité (...)199».
Parallèlement à la publication de la bande
dessinée, les CLCRM de France et de Belgique ont réuni les textes
et poésies de la militante Saïda Menebhi* morte des suites d'une
grève de la faim le 11 décembre 1977. L'oeuvre a
été publiée en décembre 1978 dans le cadre du
premier anniversaire de la mort de l'auteure200. Le CLCRM
d'Amsterdam a travaillé à la traduction en néerlandais de
cet ouvrage deux ans plus tard201.
Un rapport médical publié entre 1979 et 1980 par
les CCRM de Paris, Charleroi et Bruxelles, a pu mettre en exergue la
précarité matérielle et sanitaire dans laquelle sont
maintenus les détenus. Le rapport parle de l'hygiène des
détenus dans différentes prisons marocaines: « Les
prisonniers sont entassés comme des sardines : six mètres sur
trois suffisent à caser une centaine de personnes. Chacune d'elles a,
pour s'allonger, à peu près 1,70 mètre de long sur 25 cm
de large. Un tel espace l'oblige à dormir sur le côté, et
à ne pas bouger de la nuit (...). A Laâlou (Rabat),
étant donnée la faiblesse du moteur de la pompe et la petite
capacité du réservoir de retenue, le premier étage est
seulement pourvu en eau de 22 h à 6 h. A Fès, la prison est
alimentée par des citernes, alors que l'eau de l'Atlas coule à
flots dans toute la ville. D'autre
198 RAHAL, cit., pp. 8-10.
199 RAHAL, cit., pp. 4-8.
200 S. MENEBHI, Poèmes-lettres-écrits de
prison, Paris-Bruxelles, les CLCRM de Paris et Bruxelles, décembre
1978.
201 S. MENEBHI, Gedichten en brieven uit de gevangenis en
een opstel over de prostituées in Marokko, Rotterdam, CLCRM
d'Amsterdam, 1980.
65
part, la « douche » est si mal entretenue et si
peu équipée, qu'on ne peut s'empêcher de penser à
celles d'Auschwitz : trois prisonniers s'y relaient alors qu'une poire lance un
mince filet d'eau tiède. La petite salle de 4 mètres de
côté, renferme jusqu'à 30 prisonniers. De même, les
chambres sont très rarement lavées, le plus souvent une fois par
mois ou à l'annonce de la visite d'une commission d'inspection, mais
surtout lors d'une délégation comprenant un visiteur
étranger. Quant au service public d'hygiène, il est persona non
grata (...). Tel fut le triste exemple d'aout 1979 ; lors d'une
épidémie de choléra à Meknès : 4 malades
furent transportés à l'hôpital, mais vu le retard de la
mesure, 2 d'entre eux succombèrent faute d'avoir
bénéficié de soins assez tôt (...). De plus, rien
n'est prévu pour chasser l'éternelle colonie de rats dont le
nombre atteint parfois le double de celui des prisonniers. Ces bestioles
manifestent constamment leur présence de sorte que chacun doit leur
donner une part de sa gamelle afin d'éviter que la nuit, ils descendent
de leurs gouttières et viennent fouiller et se servir eux-mêmes
dans les paniers des prisonniers. Il existe d'autres bestioles, en effet les
poux et les punaises cohabitent avec les détenus.»
Des maladies en tous genres apparaissaient dont : «
les maladies de la peau très répandues,
particulièrement la galle ainsi que diverses sortes de champignons
épidermiques. Dans la prison de Casablanca, les galleux sont mis en
quarantaine durant la période de détention ou de la maladie. Or,
les galleux vivant ensemble et les désinfectants étant rares, le
germe de la galle demeure. Par ailleurs, il est rare qu'un prisonnier quitte la
citadelle sans s'être fait arracher quelques dents, à cause de
caries ou de maladies des gencives. Ici, le mal de dent n'est jamais
soigné, on se contente de les arracher dès la première
plainte à l'infirmier ou au chef du quartier. La séance
d'extraction des dents ayant eu lieu une fois par semaine, on peut observer une
file d'attente devant le dentiste (souvent simple mécanicien-dentiste).
Toute opération médicale est réduite à un simple
travail à la chaîne : l'infirmier, lors des injections, passe de
patient à patient sans prendre la peine de changer d'aiguille.(...) La
nourriture joue un rôle important dans l'apparition des maladies
dentaires mais aussi et surtout dans les maladies de l'estomac, des intestins
et du rectum (très répandues dans les prisons marocaines) et
touchant en premier lieu les prisonniers condamnés à de lourdes
peines. »
Outre les maladies et des conditions d'hygiène quasi
inexistantes, le rapport dénonçait aussi la qualité
médiocre de l'alimentation destinée aux détenus. Qui plus
est, les moyens de traiter les maladies étaient dérisoires :
« Féculents et riz mal cuits se relayent jour après
jour. A chaque marmite, quelques kilos de légumes bouillis
accompagnés d'une ou deux louchées d'huile, viennent cacher le
« bêton de pitance » qu'ils surmontent (...). Lorsque
le prisonnier s'est plaint à plusieurs reprises au chef du quartier, il
est entassé avec ses camarades pour être présenté
à l'infirmer qui lui donnera du charbon de bois, s'il se plaint de
spasme ou de colique, c'est bien une forte purge. Dans un deuxième
stade, malgré plusieurs prises de ces médicaments, le patient
peut être transporté à l'hôpital ou à
l'infirmerie en état de crise. Dans ce cas, on lui administre une
injection de baraljine qui a pour effet presque immédiat d'arrêter
les douleurs, lesquelles ne tardent pas à revenir quelques heures plus
tard. Dans un troisième stade, on attend que la victime ait subi
plusieurs crises pour l'inscrire enfin sur une liste qui lui permettra
66
d'être conduit à la consultation hebdomadaire
du médecin. On peut s'étonner de l'existence d'une liste
d'attente puisque, grosso modo, il n'y a qu'un médecin pour 1500
prisonniers (notamment à Casablanca, Rabat et Kénitra),en regard
de la moyenne nationale d'un médecin pour 1000 patients
(...)202. »
Avec l'accroissement des informations relatives à la
répression au Maroc, les Comités de Lutte contre la
Répression vont chercher à mieux structurer leurs travaux. Ils
feront connaître des bilans d'activités durant les coordinations.
Ces coordinations annuelles avaient pour objectif de dresser un bilan des
activités de tous les Comités, tous pays confondus, tout en
décidant des futurs plans d'actions.
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