c. Syndicalisme et opposition marocaine en Europe.
La délation organisée des Amicales va
être, en grande partie, à l'origine de la création et de la
consolidation des mouvements d'opposition marocains à l'étranger
parmi lesquels : l'Association des Marocains en France (AMF) qui deviendra
l'Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF), le Regroupement
Démocratique Marocain (RDM) en Belgique, l'Association des Travailleurs
Marocains en Hollande (KMAN) aux Pays-Bas et l'Union des Travailleurs Marocains
d'Allemagne (MAB) en RFA. Ces mouvements associatifs vont entrer en contact
avec les différentes sections de l'UNEM et des CLCRM réparties
dans les différents pays européens. Suivant l'implantation des
Marocains dans le paysage syndical européen131, le terreau du
militantisme généralement européen s'est trouvé
bouleversé par des contacts, des idées et le partage d'un
idéal de justice commun. Les CLCRM en Europe représentent ce
mariage des idéaux entre les mouvements politiques marocains d'une part,
et les associations, les partis et les syndicats européens d'autre
part.
131 Sur ce sujet voir H. BOUSETTA, Immigration,
post-immigration politics and the political mobilisation of ethnic minorities :
A comparative case-study of Moroccans in four European cities, for the
obtention of the degree of « Doctor in de Sociale Wetenschappen »,
Director of research and supervisor Prof. dr. Marc Swyngedouw, Leuven,
Katholieke Universiteit Brussel, 2000-2001.
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En France, l'Association des Marocains de France (AMF) est
active dès l955 afin de soutenir l'indépendance du Maroc ainsi
que la défense des droits des immigrés marocains en France. L'AMF
est reconnue comme une association d'utilité publique en
1961132. Comme l'UNEM, l'AMF est née de l'Association des
Etudiants Musulmans Nord-Africains. Depuis 1961, l'AMF est en relation avec les
cadres de l'UNFP en France. De cette nouvelle relation, les statuts de l'AMF
précisent qu'elle a pour buts de : « grouper les Marocains
établis en France en vue de renforcer leurs relations mutuelles, de
maintenir et sauvegarder l'amitié traditionnelle entre le peuple
français et le peuple marocain133. »
Dans les années 1960-1970, elle fournit essentiellement
un soutien pratique à ses adhérents au moyen d'un Fonds de
Solidarité et d'aide au logement. Par la suite, ses actions
s'étendent à d'autres régions par le biais de sections
locales. Suite à une scission interne du mouvement en 1975, une nouvelle
association est créée : l'Association des Travailleurs
Maghrébins de France (ATMF). L'ATMF était plus impliquée
dans l'opposition politique marocaine et entretenait des liens avec les
sections de l'UNEM.
Faisant suite à la signature des conventions
bilatérales entre la Belgique et le Maroc relatives à
l'occupation de travailleurs marocains le 17 février 1964134,
le mouvement syndical marocain en Belgique a pris une trajectoire fort
similaire à celle de la France. Les ouvriers marocains furent surtout
employés dans la construction, la métallurgie et la
mine135. Vers 1972, comme en France, est créé un Fonds
de Solidarité136 (Soundouq Attadhamoun). Ce Fonds
devait rapatrier au Maroc les corps des ouvriers marocains
décédés par accident au travail.
Entre le 31 octobre 1974 et le 12 octobre 1975 est
créé à Bruxelles le Regroupement Démocratique
Marocain (RDM)137. Le RDM, dont les locaux étaient
situés à la rue des Croisades puis à la rue
Traversière à Saint-Josse-Ten-Noode, va aussi jouer un rôle
d'alphabétisation et favoriser une conscience politique sur les
événements au Maroc au sein de la communauté
immigrée marocaine jusqu'en 1992. Principalement
représenté à Bruxelles, le RDM s'est donné comme
tâche : d'établir le lien culturel entre le Maroc et les familles
immigrées marocaines, de dénoncer les activités des
Amicales, de coordonner les activités politiques et culturelles des
Marocains en Belgique, en France, aux Pays-Bas et en Allemagne (RFA) une fois
par an, et enfin, de travailler à l'alphabétisation des ouvriers
marocains138.
132 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse
n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique :
Communiqué de l'AMF - Activités et objectifs de l'AMF.
133 Idem
134 A. FRENNET-DE KEYSER, La convention belgo-marocaine du
17 février 1964 relative à l'occupation de travailleurs marocains
en Belgique, CRISP, N°1803, 2003.
135 K. AZZOUZ, Les mineurs marocains en Belgique dans les
années 60 : Cas étudiés à travers l'exemple
liégeois, Mémoire en Histoire Contemporaine, sous la
direction d'Anne Morelli, Bruxelles, PUB, 2001-2002, pp. 55-74.
136 A. FRENNET-DE KEYSER, Histoire du Regroupement
Démocratique Marocain, Bruxelles, Carhima asbl, 2011, p. 2.
137 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement
Démocratique Marocain - Programme : Documents réunis par Mimoun
Sastane, 2004-2005, pp. 2-4.
138 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents
relatifs à la gestion interne du RDM : Regroupement
Démocratique Marocain - Programme : Documents réunis par Mimoun
Sastane, Bruxelles-Anvers, 2004-2005, pp. 4-11.
41
Aux Pays-Bas et en Allemagne (ancienne RFA), des mouvements
associatifs marocains s'étaient aussi constitués139.
De 1975 jusqu'en 1995, le Komitee Marokkaanse Arbeiders Nederlands (KMAN)
était basé à Amsterdam. Du KMAN est né un CLCRM
à Amsterdam. Quant à la Marokkanisher Arbeiterbund (MAB), elle
fut active dès 1972 et était basée à
Düsseldorf. Le MAB a participé à la constitution d'un CLCRM
à Bonn durant le mois de novembre 1977140. Les objectifs du
KMAN et du MAB étaient similaires à ceux de l'AMF et du RDM.
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