C. L'appareil sécuritaire au Maroc
L'appareil sécuritaire au Maroc s'est organisé
dès l'indépendance. Mieux structuré que les partis
politiques, les syndicats et les mouvements d'étudiants, le
système sécuritaire se présente en hiérarchie -
comme la notabilité et le clergé du Makhzen - dans laquelle
chaque organe agit en étroite collaboration avec le bureau de
l'Etat-Major, lui-même en relation avec les Ministères de
l'Intérieur, de la Défense et le Cabinet Royal. C'est à
partir de ce puissant appareil sécuritaire que le souverain peut
appliquer son autorité sur l'ensemble du territoire.
c.1 Les Forces Armées Royales.
Les FAR sont instituées officiellement le 25 juin
195691. Le prince héritier Hassan en est le chef d'Etat-Major
et Mohamed V le Commandant Suprême. Elles comptent 15.000 hommes en armes
dont un tiers provenant de l'ALM, mais dont les cadres sont exclus de
l'Etat-Major et doivent se contenter de grades subalternes, quand leur silence
n'était pas acheté.
La classe politique est mise à l'écart lors de
la constitution des FAR. En revanche, les officiers français jouent le
rôle essentiel dans la mise sur pied de l'armée royale. Satisfait
de cet encadrement, Mohamed V a même tenu ces propos à
l'égard des officiers français : « Le
défilé auquel nous venons d'assister est votre oeuvre, vous avez
pris une part active à sa préparation. Je vous en remercie, vous
avez servi le Maroc votre pays et la France, notre alliée
92». Les FAR servent surtout comme garde
prétorienne au Palais. Cette garde prétorienne assure au roi le
pouvoir exécutif et permettra, à terme, d'assurer au monarque les
moyens de sa répression politique.
Les FAR désignent le corps national organisé
dans le lequel le monarque avait entièrement confiance jusqu'aux
tentatives des coups d'Etat. Exclusivement encadrées par des officiers
des armées coloniales françaises et espagnoles, elles sont
chargées de la sécurité personnelle du roi dès
1959. En guise d'exemple, citons le Général Mohamed Oufkir*,
vétéran de la Seconde Guerre Mondiale (campagne d'Italie en 1944)
et du Viêt-Nam (1947), ensuite, les Généraux Benhammou
Kettani et Mohamed Medbouh issus de l'armée française, et enfin,
le Maréchal Mohamed Ameziane, ancien Gouverneur-général
des Îles Canaries de l'Espagne franquiste.
En 1958, les effectifs des FAR s'élèvent
déjà à 27.000 hommes. Des régiments entiers ayant
servi dans les armées coloniales passent avec armes et bagages aux FAR.
« Dieu, Patrie, Roi » est la devise
90 Rapports d'Amnesty International de 1972
à 1977. Le Nouvel Observateur du 6 juin 1977 et 16 janvier
1978. Le Monde des 21 août 1963, 13 juillet-9 août 1971 et
3 mars 1972. En outre, Le Monde a été interdit plusieurs
fois au Maroc pour une durée indéterminée. Le journal a
été censuré, notamment, à cause d'une
publicité faite par les CLCRM, Le Monde du 27 janvier 1977.
91 Bulletin officiel du Royaume du Maroc du 20
juillet 1956, N°2282, Dahir n°1-56-138 du 16 kaada 1375 (25 juin
1956) portant création des Forces armées royales.
92 M. MONJIB, op. cit., p. 65.
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officielle. Jouissant d'importants avantages matériels,
l'armée royale n'est pas en contact avec le monde politique. Par
ailleurs, la répartition budgétaire octroyée aux FAR a
été sujet de discorde entre l'aile gauche du FI (PCM, UMT, UNEM
et future UNFP) et le Palais. Les FAR constituent un gage de confiance dans les
cénacles militaires français qui voient dans le jeune prince
héritier du Trône, maîtrisant par ailleurs parfaitement la
langue de Molière, l'espoir incarné de l'avenir de la France au
Maroc.
La Gendarmerie Royale est mise sur place le 29 avril
195793. Elle bénéficie d'une situation analogue
à celle des FAR. Les FAR et la Gendarmerie sont annexées
directement au Cabinet Royal et se trouve ainsi sous la direction du tandem
Oufkir-Prince Hassan*.
Les FAR ont établi une première base
militaro-policière solide dans laquelle se développent : la
Sûreté Nationale, la Gendarmerie Royale, les Forces Auxiliaires,
les Services Secrets et les Brigades Spéciales. Cette Force Publique
permet au souverain les moyens de sa répression contre les forces vives
de la Nation communément et contre les espoirs intellectuels en
particulier.
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