Comment l'investissement public peut-il stimuler la croissance économique? Cas de la Côte d'Ivoire?( Télécharger le fichier original )par Mohamed EL Moctar KHATTRY Université Félix Houphoute Boigny de Cocody-Abidjan - Master 2 en gestion de la politique économique 2013 |
Chapitre 2 : Revue de la littérature et évolution économique de la côte d'ivoireLe premier chapitre nous a permis de faire une analyse globale de la situation macroéconomique. Nous abordons à présent, les différents aspects théoriques et empiriques, et méthodologiques de notre sujet. Notre étude s'inscrit bien évidemment, dans le domaine de recherche beaucoup étudié, tant sur le plan théorique, que sur le plan empirique. Il s'agit du domaine des finances publiques. Les études récentes menées dans le domaine ont permis de se pencher de nouveau, sur le rôle de l'Etat dans l'économie. Elles consistent à déterminer la relation entre les dépenses publiques et l'activité économique. Les théoriciens de la croissance endogène sont les principaux acteurs, de la redéfinition du rôle économique de l'Etat. Ils pensent que les dépenses publiques d'investissements peuvent favoriser la croissance. Nous procédons dans une première section, à une revue des différents aspects théoriques et empiriques. Ensuite, nous abordons dans une deuxième section, les questions méthodologiques, qui aboutiront à l'estimation de modèles économétriques dans la deuxième partie de l'étude. II-1 La croissance économique et ses déterminantsLes différents moments d'augmentation des richesses dans les groupes sociaux sont liés à différents phénomènes parfois difficilement perceptibles ou difficilement prévisibles26(*) Ces aspects expliquent que la croissance économique donne parfois l'impression d'être mystérieuse. La pensée économique naît historiquement avec la reconnaissance du rôle du travail dans la production de richesse. Smith : Recherche sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations (An Inquiry into the Nature and the Causes of the Wealth of Nations), 1776 Le Travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie; et ces choses sont toujours le produit immédiat de ce travail, où achetées des autres nations avec ce produit. Ainsi, selon que ce produit, où ce qui est acheté avec ce produit, se trouvera être dans une proportion plus ou moins grande avec le nombre des consommateurs, la nation sera plus ou moins bien pourvue de toutes les choses nécessaires ou commodes dont elle éprouvera le besoin. Or, dans toute nation, deux circonstances différentes déterminent cette proportion. Premièrement, l'habileté, la dextérité et l'intelligence qu'on y apporte généralement dans l'application du travail; deuxièmement, la proportion qui s'y trouve entre le nombre de ceux qui sont occupés à un travail utile et le nombre de ceux qui ne le sont pas. Ainsi, quels que puissent être le sol, le climat et l'étendue du territoire d'une nation, nécessairement l'abondance ou la disette de son approvisionnement annuel, relativement à sa situation particulière, dépendra de ces deux circonstances. L'abondance ou l'insuffisance de cet approvisionnement dépend plus de la première de ces deux circonstances que de la seconde. Le facteur travail participe à la croissance économique comme on l'a perçu au regard de l'étude de la productivité. Mais la productivité n'est pas la seule source de croissance. La quantité de travail mise en oeuvre détermine également la quantité de richesses produites. Selon les auteurs classiques Adam Smith (1776) et David Ricardo (1819), la croissance économique résulte de l'accumulation du capital, de la quantité d'instruments à la disposition des travailleurs. Partant de là, ils aboutissent à une vision pessimiste de la croissance. Pour eux, à long terme, du fait des rendements décroissants des facteurs de production, la croissance est destinée à disparaître progressivement de sorte à faire converger l'économie vers un état stationnaire. Pour les économistes classiques, la croissance économique résulte seulement de l'accumulation du capital et les déterminants de la croissance sont le travail, le capital et la terre. La croissance démarre par une accumulation primitive du capital, cette accumulation du capital entraîne une augmentation de la demande de main-d'oeuvre et donc une augmentation provisoire des salaires, mais l'ajustement sur le niveau de subsistance va s'opérer par la démographie. Or une quantité plus grande de travailleurs demandent une quantité plus importante de nourriture qui pousse les producteurs de blé à mettre en culture des champs de moins en moins productifs et donc accroître la fameuse rente mais aussi le prix du blé. Cette augmentation du prix du blé fait augmenter le niveau de subsistance pour les travailleurs et donc correspond à une diminution du profit. Ainsi le profit va diminuer jusqu'à ce que l'investissement cesse et donc que s'arrête l'accumulation du capital et donc la croissance. La théorie classique repose donc sur l'idée de rendements décroissants dans l'agriculture qui vont donc limiter la croissance économique. Le modèle semble donc fondé sur l'idée d'une croissance obligatoirement limitée. Les déterminants de cette croissance des classiques sont donc le travail, la terre et l'accumulation de capital mais la croissance est limitée et tend à s'épuiser. Adam Smith met en avant la nécessaire extension des marchés pour permettre le développement de la division du travail27(*). Néanmoins, il indique que la division du travail est limitée par la taille du marché, elle- même reposant sur la physionomie des transports. Il faut dire que les transports anglais du XVIIIe siècle étaient relativement modestes. Adam Smith assiste à la construction des routes et des canaux. La croissance économique peut donc être liée à la croissance de la taille des marchés, elle-même dépendant d'ailleurs de l'implication du pays dans le commerce international. David Ricardo mettra en avant le rôle essentiel du commerce international pour lutter contre l'état stationnaire28(*) . Après une courte expérience de libre- échange à partir de 1786, la situation britannique du début du XIXe siècle est marquée par une protection douanière importante représentée par les Corn Laws. De cette loi douanière de 1815, David Ricardo va tirer une analyse de la croissance pessimiste: l'analyse en termes de croissance stationnaire .Pour comprendre la théorie ricardienne de la croissance, il faut revenir à son analyse de la rente, elle-même dépendant de la théorie des rendements décroissants de la terre. En effet, les propriétaires fonciers mettent en culture des terres de moins en moins fertiles. Le prix du blé, unique, dépend donc du coût de production de la terre la moins fertile, c'est-à- dire la dernière mise en culture. Les propriétaires des terres plus fertiles ont intérêt à ce que des terres moins riches soient cultivées, car la rentabilité de leur exploitation ira en augmentant. Le niveau global de la rente tend donc à monter. En outre, avec la croissance du prix du blé, le montant global des salaires versés tend lui aussi à progresser car les salaires atteignent au moins le minimum de subsistance. Les profits qui représentent un résidu, tendent donc à baisser et avec eux l'accumulation, facteur de croissance. Cette diminution peut être contrariée par du progrès technique ou par une ouverture internationale permettant de repousser les limites de l'état stationnaire. Karl Marx va reprendre à son compte la vision pessimiste des premiers classiques en l'analysant de façon différente et en lui donnant une autre dimension. Pour lui l'économie capitaliste porte en elle ses propres contradictions et, s'il reprend à son compte la conception classique de la valeur travail, il avance que l'accumulation capitalistique a pour effet de faire baisser tendanciellement les taux de profit amenant l'économie vers une crise inéluctable. Mais les analyses en termes de croissance stationnaire se heurtent à la croissance au XIXe et les premiers néoclassiques vont ré?échir en termes d'équilibre statique et abandonner l'analyse dynamique. Il faudra des auteurs hétérodoxes comme Joseph Schumpeter pour revenir à une analyse en termes de croissance. Des auteurs hétérodoxes, comme Joseph Schumpeter (1883-1950), vont insister sur le processus de croissance. Schumpeter va mettre en avant la dynamique du capitalisme et le rôle essentiel des innovateurs dans ce contexte qui sont les garants de l'innovation. Les innovations se caractérisent par de nouveaux produits, de nouveaux marchés, de nouvelles combinaisons productives et de nouveaux modes d'organisation du travail qui arrivent par grappes, une innovation majeure en amenant d'autres. Cette discontinuité amène une croissance cyclique sur le long terme. Néanmoins, les analyses de Schumpeter cadrent moins avec le marxisme qu'avec le contexte des années 30-40 pendant lesquelles on observe de profondes transformations du système capitaliste marquées par une intervention croissante de l'État. Les auteurs keynésiens insistent sur le rôle de la demande globale et sur l'instabilité de la croissance. La période de l'entre-deux-guerres se caractérise par un certain nombre d'instabilités monétaires, financières et économiques: crise de reconversion de 1921, hyperin?ation allemande en 1923, fonctionnement houleux du système monétaire international de Gênes, krach boursier de Wall Street (22 octobre 1929), crise de 1929... Dans ce cadre, la pensée de John Maynard Keynes (1883-1946) va émerger. L'objectif de l'auteur britannique est de comprendre l'émergence d'un nouveau capitalisme. Il en sortira de nouveaux outils d'analyse qui bouleverseront la science économique: la monnaie peut être demandée pour elle-même, l'investissement est à l'origine et au coeur du circuit économique, la demande anticipée par les entrepreneurs guide leurs actions, celle-ci n'assure pas obligatoirement le plein emploi... Les années 30 et 40 vont être marquées par la volonté de généraliser l'analyse keynésienne dans un cadre dynamique en présentant des modèles recherchant, compte tenu du contexte historique, les conditions de la stabilité de la croissance. La croissance sera équilibrée si toutes les variables économiques croissent au même rythme. Or l'investissement a un effet sur la demande par le jeu du multiplicateur et sur les capacités par le jeu de l'accélérateur. Après la seconde guerre mondiale, se plaçant dans un univers keynésien, les économistes Harrod et Domar vont développer et accentuer cette vision pessimiste de la croissance à long terme. Ces auteurs mettent en évidence l'instabilité de la croissance. En particulier, Harrod (193929(*)) montre que l'atteinte d'une croissance équilibrée est liée exclusivement au respect d'un taux précis, lequel est fonction de l'épargne et du coefficient de capital de l'économie. Or, il n'y a aucune raison que la croissance, qui dépend de décisions individuelles, remplisse cette condition. La croissance serait donc, selon l'expression empruntée à Harrod, toujours sur le fil du rasoir. En 1956, Robert Solow30(*) propose un modèle néoclassique de croissance, qui va apporter une réponse aux prédictions pessimistes des auteurs précédents. Tout d'abord, Robert Solow lève l'hypothèse de rigidité du progrès technique supposée par Horrod. Ensuite, il construit son modèle autour de l'hypothèse de productivité marginale décroissante du capital dans la fonction de production. Les facteurs de production sont utilisés de manière efficace et rémunérés à leur productivité marginale. Solow montre qu'une telle économie tend vers un état stationnaire. Par la suite, il conclut que la croissance est illimitée et serait liée à des facteurs exogènes à savoir le progrès technique essentiellement et la croissance démographique à long terme. Après une période d'assoupissement, les théories de la croissance connaissent, à partir du milieu des années 1980, un regain d'intérêt avec l'apparition des théories de la croissance endogène. Ces nouvelles théories tirent leur origine des critiques formulées à l'encontre de la théorie de Solow. Pour elles, le progrès technique, exogène selon Solow, doit s'expliquer en tant que phénomène économique. Ces théories vont elles aussi se développer selon plusieurs axes. Le premier axe est introduit par Paul Romer (1986)31(*) en précisant un modèle de croissance endogène dans lequel le stock de connaissances, assimilé au stock de capital, constitue le moteur de la croissance endogène. Un modèle du même type est obtenu par Robert Barro (1991)32(*), pour lui, les dépenses d'infrastructures augmentent la productivité du capital privé et constituent par conséquent un facteur de production externe à la firme. * 26 (Les aléas météorologiques, Les aléas climatiques, maladies, épidémies, conflits, motivations individuelles de ménages et des entreprises) * 27 extension des marchés pendant la révolution industrielle * 28 rôle de la lutte anti-Corn Laws de Ricardo * 29 Harrod R.F (1939) , « An essay in Dynamic Theory »,the economic journal,vol .49 n°193,pp.14-33 * 30 Solow.R.M (1956), « A contribution to the theory of economic growth »,Quarterly journal of economics, Vol.70, n°1, (Feb 1956) * 31 Romer.P(1986), « increasing returns and long run growth »,The journal of political economy, Vol.94,n°5,(Oct 1986), pp.1002-1037 * 32 Barro (1991), « Economic Growth in a Cross Section of Countries», The Quartely Journal of economics,Vol.106,n°2(Mai 1991),pp.407-443 |
|