PREMIERE PARTIE
« Le gouvernement de l'Inde peut-il agir pour que
l'économie indienne puisse croître au même rythme que
l'Indonésie ou l'Egypte ? Si oui, que doit-il faire au juste ? Sinon,
que peut-il y avoir, dans la «nature de l'Inde» pour qu'il en soit
ainsi ? Les conséquences que ce genre de questions entraînent pour
le bien-être humain sont tout bonnement atterrantes: si l'on commence
à y réfléchir, il devient difficile de penser à
autre chose». Lucas (1988)
S'il existe des populations en développement pour
lesquelles on se doute que l'aide n'est pas efficace, c'est indubitablement
celles de l'Afrique sub-saharienne. Déclarée sinistrée
depuis la fin des années soixante-dix par les institutions
internationales qui appelaient alors à une aide massive pour la
région, l'Afrique sub-saharienne semble rester aujourd'hui encore, en
marge du progrès économique et social mondial. Elle
représente une part marginale dans les échanges commerciaux et
financiers mondiaux, reste à l'écart du redéploiement
industriel manufacturier mondial, des investissements dans la recherche et
l'innovation technique, engluée dans l'endettement, enregistre les plus
forts taux de mortalités, les plus faibles espérances de vie, les
plus faibles niveaux de connaissance, ... L'Afrique sub-saharienne fait figure
de région la plus pauvre de la planète à en croire les
statistiques. Selon PNUD (2005), 32 des 35 pays à faible
développement humain s'y trouvent; 34 PMA (Pays les Moins
Avancés) sur 50 (Nations Unies 2005, Banque mondiale et Nations Unies
2006). et pourtant, l'Afrique sub-saharienne est sous perfusion
(bénéficie d'aide internationale) depuis un demi-siècle.
Malgré les énormes aides dont elle a
bénéficié, la situation sur le plan économique et
social ne présente aucun signe de progrès. Elle semble même
se détériorer. On peut alors légitimement se demander si
l'aide au développement aide vraiment les populations africaines en
dessous du Sahara. L'objectif de cette première partie est de montrer
à travers l'analyse de l'impact de l'aide au développement sur le
bien-être des populations d'Afrique sub-saharienne, que l'aide
internationale dont bénéficie la région depuis environ
cinquante ans a été inefficace. Mais avant d'aborder l'analyse de
l'efficacité de l'aide proprement dite, il nous faut expliciter ce que
recouvre vraiment le concept de « aide au développement »,
comment elle se justifie et ce qu'elle est censée accomplir.
Dans le chapitre 1, on présente le cadre institutionnel
de l'aide au développement. On étudie les principales
caractéristiques de l'aide, ses origines institutionnelles, les
critères déterminants dans son attribution, ainsi que ses
principaux récipiendaires. On montre à l'issue de ce chapitre que
l'Afrique sub-saharienne est la principale région
bénéficiaire de l'aide internationale. Dans le chapitre 2, on
analyse les fondements théoriques et empiriques des bienfaits de l'aide
internationale. L'existence de biens publics mondiaux comme l'environnement, la
santé, la paix ... nécessite une action collective à
l'échelle planétaire pour protéger de tels biens. En
l'absence de « pouvoir public » pour protéger ces biens,
l'humanité peut faire face au problème traditionnel lié
aux biens publics : le problème du passager clandestin. L'aide
internationale qui transite parles Nations Unies, chargées de
protéger de tels biens est dans ce cas une politique souhaitée.
Elle améliore le bien-être de tous (amélioration au sens de
Pareto). Plusieurs auteurs considèrent en outre que, la protection des
biens publics mondiaux comme la santé et la paix mondiale, ainsi que
certains grands défis de nos jours comme la migration, le terrorisme,
... sont intrinsèquement liés aux inégalités et
à la pauvreté. Il est donc nécessaire de corriger les
inégalités dans les dotations en ressources entre les
différentes économies. Ce qui exige une politique de
redistribution. L'aide serait de ce point de vue, une politique de
réallocation des ressources à l'échelle planétaire.
Cependant les politiques rédistributives constituent une solution
éphémère à l'épineux problème de
pauvreté. Il est préférable d'aider les pauvres à
s'auto suffire.
Une solution durable à ce problème est de
promouvoir la croissance économique dans les pays
sous-développés. La théorie économique par la loi
de la productivité marginale décroissante pour le capital et
celle de la convergence entre les économies fait une prédiction
importante : si les pays pauvres connaissent durablement la croissance
économique, du fait qu'ils vont croître plus vite que les pays
riches, il y aura un effet de rattrapage. A long terme, il n'y aura plus de
disparité entre les économies. On montre alors qu'en
finançant l'investissement dans les pays pauvres, l'aide internationale
peut promouvoir la croissance économique et entraîner ainsi, la
disparition de la pauvreté dans le monde. Malheureusement, la
pauvreté ne semble pas reculer véritablement après plus
d'un demi*siècle de politique de développement axée sur
l'aide internationale. Elle aurait même augmenté en Afrique
sub-saharienne qui est pourtant la principale région
bénéficiaire de l'aide internationale. Ce qui nous amène
à examiner empiriquement dans le chapitre 3, l'efficacité de
l'aide internationale vis-à-vis de l'objectif de croissance
économique en Afrique sub-saharienne. L'analyse empirique aboutit
à un coefficient de l'aide non significatif. L'aide internationale au
développement serait ainsi inefficace en Afrique sub-saharienne.
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