1.2. Allocations injustes, aide internationale,
justice
Si l'on reconsidère la figure ci-dessous, des
améliorations au sens de Pareto sont possibles au point E. Une politique
d'aide internationale peut alors se justifier. Mais il se peut fort bien que
l'état initial soit au point A, c'est-à-dire un optimum de
Pareto. Comme le dit Sen (1970), « une économie peut être
à l'optimum de Pareto et être parfaitement dégueulasse
». Dans ce cas il faut prendre en compte des critères autres que
celui de Pareto, pour justifier la politique d'aide internationale. Un
graphique célèbre des manuels de
microéconomie26 résume les choix de répartition
auxquels conduisent différents critères de justice. Si on
considère la figure suivante:
Le critère de Pareto nous conduirait à un
état entre A et C. Le critère Utilitariste à l'état
B27. Le critère Egalitariste en D sur la droite à
45°. Le critère de Bergson-Samuelson à un état entre
A et
C. Enfin le critère de Rawls nous conduirait en C.
Les principales critiques de ces solutions sont bien connues.
L'égalitarisme n'est pas efficient (le point D n'est pas un optimum de
Pareto). Le critère de Bergson-Samuelson ne nous apporte rien par
rapport au critère de Pareto. Le critère de Pareto ne nous permet
pas de choisir entre les points efficients, c'est un critère
d'efficience et pas de justice. Seul le critère de Rawls paraît
à l'abri de critiques fortes, mais l'on sait qu'il pose le
problème dit des choix dispendieux. De quel
26 Voir par exemple Wolfelsperger (1995).
27 En supposant une pondération donnée
pour le Nord et le Sud.
droit diminuer le bien-être du Nord (peut être de
beaucoup), pour augmenter (peut-être de très peu) le
bien-être du Sud? Dans le cas envisagé, si l'état initial
est en E, il se peut qu'il existe un consensus politique pour passer au point F
puisque c'est une amélioration au sens de Pareto. Tous les points entre
A et F sont à partir de E des améliorations au sens de Pareto.
Mais un état initial en E présuppose qu'il existe une
inefficience dans la répartition initiale (due par exemple à
l'altruisme). En fait, il se peut fort bien que l'état initial soit au
point A. C'est-à-dire parfaitement injuste comme le point E, et Pareto
optimal. Alors on voit mal comment dégager un consensus pour mener une
politique de redistribution, c'est-à-dire une politique de transfert de
richesse ou d'aide internationale. Il en est ainsi parce qu'il est très
difficile de choisir un critère; chacun présentant des avantages
et des inconvénients. Vaut-il mieux être en A, B ou C ? Il n'y a
pas de solution ; un tel débat semble éternel. Face à
cette difficulté, les économistes détournent le
problème. Puisque la répartition de la richesse existante est une
question insoluble, ils reviennent au critère primordial de
l'efficience. L'aide internationale peut conduire à une
amélioration du bien-être de tous (Pareto optimale). Elle est
alors une politique efficiente et en ce sens, justifiée.
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