L'innovation, la création végétale et la propriété industrielle: quelles évolutions possibles ?( Télécharger le fichier original )par Adam Borie Belcour Université d'auvergne - Master 2 Carrières internationales 2016 |
Chapitre 2 Les stratégies des firmes biotechnologiques et des obtenteurs: un obstacle à la création végétale et à l'accès aux ressources.Il est pertinent d'observer comment les buts de la PI (Incitation à l'innovation par la garantie du retour sur investissement, protection de l'inventeur etc...) peuvent être contournés ou réorientés en fonction du rapport entre la propriété intellectuelle et les acteurs. Ce rapport peut se voir à travers la stratégie marchande et le brevet (section 1) mais aussi en observant les résultats de la stratégie juridique entrainant une étendue des revendications toujours plus importante (section 2) .Enfin pour cerner ce rapport il sera vu à travers la stratégie génétique étant vu comme une stratégie complémentaire ou additionnelle (section 3) Section 1 La stratégie marchande et le brevet.La philosophie générale du droit des brevets est la course à l'innovation et à l'invention et non la course aux rentes ni même à la financiarisation d'actifs dormants. En effet l'entrée des RGPAA (Ressources génétiques pour l'agriculture et l'alimentation) dans la sphère marchande ne s'est pas uniquement faite en tant que marchandise mais aussi et surtout en tant qu'actif financiarisé. Ainsi la dématérialisation et la financiarisation de l'économie ont transformé le brevet. D'un outil de protection incitatif il est devenu, sur le marché, une source primaire de valeur. C'est-à-dire qu'avant même d'avoir une utilisation concrète dans la production de végétaux nouveaux et innovants (des transgènes avec des propriétés intéressantes pour s'adapter au réchauffement climatique par exemple) il a déjà une valeur marchande qui permet aux entreprises biotechnologiques de se livrer bataille sur le marché quand bien même le dit brevet n'aurait pas prouvé son apport pour la production végétale et l'innovation. Le brevet est donc dans ce cas de figure non pas destiné à protéger l'innovation ni même l'inventeur et encore moins à assurer le progrès, il vise assurément à pourvoir une rentabilisation immédiate du cout d'investissement inhérent à la recherche sur les végétaux. Le problème ici, est que cette rentabilisation n'est pas liée à l'innovation effective ni à son utilité sociale, mais bien à la potentialité du matériel génétique breveté. Le brevet est donc, aussi, une arme financière. Cette arme financière est indifférente à la finalité de l'invention protégée et accorde bien plus d'importance à la potentialité hypothétique humaine et marchande de l'invention comme le prouve la courses aux brevets sur les climate genes. Comme le démontre pertinemment Marie-Angèle Hermitte151(*) : « les établissements publics de recherche et start-up qui se créent autour de quelques brevets car c'est leur richesse principale dans un économie de promesses ou l'on doit investir sur des inventions très éloignées du marché dont rien ne permet de prédire qu'elles aient la moindre valeur opératoire » Cette « titrisation »152(*) est assurément le symbole de l'excès de brevet. En voulant permettre l'innovation et récompenser les inventeurs elle accorde des monopoles d'exploitation à quelques entreprises, et transforme le brevet en un actif immatériel qui devient plus important que le commerce du produit en lui-même. Selon une note153(*) 18,7% des brevets n'étaient destinés qu'à bloquer les concurrents 17,5% étant de simple brevets dormants et 65% des brevets sont exploités selon la finalité originelle du droit des brevets : permettre à un acheteur ou un licencié l'exploitation du dit brevet. Le problème évident ici c'est d'une part le blocage de l'innovation par le blocage des concurrents (brevets sur les gènes natifs par exemple) et l'inefficience des brevets dits dormants. Hormis les 35% de brevets dormants ou bloquants cette financiarisation du brevet n'est pas néfaste en soi, mais selon que l'on permet au droit des brevets une plus ou moins large latitude de revendication elle peut s'avérer néfaste pour l'innovation et l'économie. C'est ainsi qu'en appuyant une étendue des revendications toujours plus larges pour le brevet la stratégie juridique des firmes biotechnologiques peut rendre le brevet réellement néfaste pour l'innovation * 151 Hermitte Marie-Angèle, l'emprise des droits intellectuels sur le monde du vivant, éditions Quae, Sciences en questions, Versailles, 2016, p42 * 152 La vente ou l'échange de brevets transformés en titre et cotés en bourse * 153 Lallemant R. note Rapport du groupe du projet Piéta (prospective de la propriété intellectuelle pour l'Etat stratège) Quel système de propriété intellectuelle pour la France d'ici 2020 ? ; Evaluation et valorisation financière de la propriété intellectuelle : nouveaux enjeux nouveaux mécanismes. Note de veille du Centre d'analyse stratégiques, n 111, octobre 2008 |
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