§ 2 ) Les recours offerts en matière de
discrimination à l'embauche
L'employeur se doit de savoir ce qu'il risque en cas de
discrimination à l'embauche avérée.
En effet, plusieurs types de recours sont offerts aux victimes
de discrimination à l'embauche. Bien entendu, il existe les recours
devant les juridictions (B) qui vont consister à réparer par voie
de justice le préjudice subi mais aussi, des recours auprès
d'entités non-juridictionnelles (A).
A ) Les recours auprès d'entités
non-juridictionnelles
La victime d'une discrimination à l'embauche va pouvoir
saisir le Défenseur des Droits (1) et se rapprocher de l'inspection du
travail (2).
1 ) Le recours auprès du Défenseur des Droits
Le Défenseur des Droits ne constitue pas une
juridiction mais possède des missions au champ d'application large ce
qui est sans nul doute dû à ses origines (a). La victime d'une
éventuelle discrimination à l'embauche va donc pouvoir le saisir
(b).Après étude du dossier, le Défenseur des Droits pourra
donc exercer ses pouvoirs auprès de l'employeur (3)
a ) L'origine du Défenseur des Droits
En 2004, sous l'influence du droit communautaire, la HALDE
(Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité) a vu le jour. Elle avait des pouvoirs d'investigation,
de médiation et pouvait aussi être directement saisie par les
victime de discriminations. Elle pouvait aussi émettre des
recommandations qui n'avaient aucune force juridique. Dans ses premiers
rapports d'activité, elle démontrait une forte importance des
discriminations dans l'emploi et en particulier sur le critère de
l'origine.
C'est par une loi du 29 mars 2011 que la HALDE a
été fondue dans une institution à vocation
générale : le Défenseur des Droits. Cette institution
regroupe donc la HALDE mais aussi le Médiateur de la République,
le Défenseur des enfants et la CNDS (Commission Nationale de
Déontologie de la Sécurité) .
Le Défenseur des Droits s'est donc vu confier deux
missions principales qui sont la défense des personnes dont les droits
ne sont pas respectés ainsi que favoriser l'égalité de
toutes les personnes dans l'accès aux droits.
Cette entité va venir protéger les droits des
personnes physiques mais aussi morales qui vont pouvoir la saisir de
manière totalement gratuite en cas d'éventuelle discrimination
mais aussi ?si un représentant de l'ordre public ou privé n'a pas
respecté les règles de bonne
conduite, en cas de difficultés avec un service public
ou enfin si les droits d'un enfant ne sont pas respectés.
Le champ d'intervention du Défenseur des Droits est
donc large afin de recouvrir un maximum de situations.
La victime de discrimination à l'embauche va donc pouvoir
saisir cette entité.
b) La saisine du Défenseur des Droits
Si un candidat à un emploi s'estime victime d'une
discrimination à l'embauche il va pouvoir saisir le Défenseur des
Droits et ce, en cas de discrimination directe ou indirecte. Cependant, le
candidat n'est pas la seule personne à pouvoir saisir cette
entité.
La saisine peut donc être effectuée par ses
ayants droit ,une association luttant contre la discrimination, un
parlementaire français et un élu français du Parlement
européen ou encore, une institution étrangère qui a les
mêmes fonctions que le Défenseur des Droits. De plus, et chose
tout à fait inédite, il peut se saisir d'office si il estime que
la situation l'exige.
La saisine du Défenseur peut se faire directement sur
internet par le biai d'un formulaire en ligne ou bien par courrier papier.
De plus, dans un souci de proximité, il existe 434
délégués du Défenseur des Droits sur tout le
territoire national y compris dans les départements d'outre-mer.
c ) Les actions du Défenseur des Droits à
l'encontre de l'employeur
Une fois le dossier étudié, le Défenseur
des Droits peut y donner suite. Il pourra donc « demander des
explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant
lui.100 » et entendre toute personne dont le
témoignage peut lui paraître utile. L'employeur mis en cause va
devoir faciliter la mission du Défenseur des Droits et ne pas d'opposer
à l'exercice de celle-ci. Les agents et préposés sont
tenus de répondre aux demandes d'explications et de
déférer à ses convocations.
De plus, il va pouvoir mener une enquête et se faire
communiquer tout document utile et information nécessaire sans que
l'employeur puisse lui opposer un caractère secret
100) Art. 18, loi n° n° 2011-333 du 29 mars 2011
relative au Défenseur des droits
101) Art.25, Ibidem
102) Art.28, Ibidem
ou confidentiel.
Cependant, en cas de résistance de l'employeur, le
Défenseur des Droits peut le mettre en demeure de délivrer les
informations nécessaires à l'enquête. Si aucune suite n'est
donnée, il va pouvoir saisir le juge des référés
aux fins d'ordonner toute mesure qu'il jugera utile.
De plus, il peut procéder à des visites dans les
locaux administratifs de l'entreprise et ses agents peuvent dresser des
procès verbaux constatant des discriminations.
L'employeur se retrouve donc soumis au bon vouloir du
Défenseur des Droits ce qui peut constituer en une mesure tout à
fait dissuasive.
Puis, en cas d'anomalie , le Défenseur des Droits va
pouvoir faire « toute recommandation qui lui apparaît de nature
à garantir le respect des droits et libertés de la personne
lésée et à régler les difficultés
soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement.
101». L'employeur va devoir l'informer des suites
données à cette recommandation. En cas d'absence d'information,
le Défenseur des Droits pourra enjoindre à l'employeur de prendre
des mesures nécessaires dans un délai fixé. En cas
d'absence de réaction, un rapport spécial est établi,
communiqué à l'employeur et rendu public. L'image
véhiculée par l'entreprise est alors nettement
entachée.
Concernant la relation employeur-victime, le Défenseur
des Droits peut proposer une transaction à la victime. En effet, «
(...)Lorsqu'il constate des faits constitutifs d'une discrimination
sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L.
1146-1 et L. 2146-2 du code du travail, le Défenseur des droits peut, si
ces faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en
mouvement de l'action publique, proposer à l'auteur des faits une
transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le
montant ne peut excéder 3 000 é' s'il s'agit d'une personne
physique et 15 000 é' s'il s'agit d'une personne morale et, s'il y a
lieu, dans l'indemnisation de la victime. Le montant de l'amende est
fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources
et des charges de l'auteur des faits.(...) 102» . Ainsi,
si aucune action publique n'a été mise en mouvement, l'employeur
auteur d'une discrimination à l'embauche va devoir verser une amende
dont le montant varie selon que la personne est physique ou morale ainsi qu'une
indemnisation de la victime.
L'employeur ayant commis des actes de discrimination à
l'embauche risque donc des sanctions importantes de la part du Défenseur
des Droits. L'image de l'entreprise peut être entachée par un
rapport public en cas de mauvaise foi de l'employeur, et la sanction
pécuniaire est assez forte.
Les sanctions sont donc fortement dissuasives ce qui permet de
soutenir le respect des lois visant à lutter contre la discrimination
à l'embauche.
2 ) Le recours auprès de l'inspection du travail
L'inspection du travail a pour but de veiller à
l'application des règles prévues par le Code du Travail, aux
stipulations des conventions et accords collectifs de travail. Les inspecteurs
du travail sont chargés de constater les infractions aux dispositions
légales et stipulations.
De plus, l'article L.8112-2 du Code du travail dispose que les
inspecteurs du travail constatent « (...)1° Les infractions
commises en matière de discriminations prévues au 3° et au
6° de l'article 225-2 du code pénal, les délits de
harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations
de travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code,
l'infraction de traite des êtres humains prévue à l'article
225-4-1 dudit code, les infractions relatives à la traite des
êtres humains, au travail forcé et à la réduction en
servitude, prévues aux articles 225-4-1, 225-14-1 et 225-14-2 du
même code, ainsi que les infractions relatives aux conditions de travail
et d'hébergement contraires à la dignité des personnes,
prévues par les articles 225-13 à 225-15-1 du même code ;
(...) ».
Concernant la discrimination, cet article fait
référence à l'article 225-2 du Code pénal notamment
par rapport aux mesures discriminatoires visant à «3° A
refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne
» ou encore « 6° A refuser d'accepter une personne
à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du
code de la sécurité sociale. ». Ainsi, un candidat qui
s'estime victime d'une discrimination à l'embauche va pouvoir avertir
l'inspection du travail qui va pouvoir constater l'existence éventuelle
d'une discrimination à l'embauche.
En effet, les inspecteurs du travail ont un droit
d'entrée dans tout établissement regroupant des travailleurs afin
d'assurer une surveillance ou une enquête. De plus, ils
peuvent se faire communiquer toute document ou tout
élément d'information, et ce peu importe le support, utile afin
d'établir l'existence d'une discrimination 103. Ainsi,
l'employeur pourra être amené à fournir les dossiers des
candidats à un emploi ainsi que les annotations relatives à ces
derniers. Un dossier de candidature ne peut pas faire état d'un
critère prohibé par l'article L.1132-1. Par exemple, les notes et
le compte-rendu du recruteur ne peuvent pas contenir « de
nationalité française » , « ne connaît pas les
élus de Paris » ou encore « trop gros nez ».
En cas de constatation d'une discrimination à
l'embauche, l'inspecteur constatera l'infraction dans un procès-verbal
transmis au procureur de la République et informe parallèlement
l'employeur des faits susceptibles de constituer une infraction pénale
ainsi que les sanctions encourues104.
Ces mesures allant jusque devant la juridiction pénale
vont donc dissuader l'employeur d'agir de manière discriminante envers
les candidats à un emploi.
Cependant, cet effet dissuasif voulu par le législateur
et démontré au sein de cette étude ne fonctionne pas
toujours et le recruteur peut être assigné devant les
juridictions
B ) Les mesures de répression devant les juridictions
En matière de discrimination à l'embauche, la
victime ou les autres personnes pouvant s'y substituer et ester en justice
peuvent exercer une action civile devant le Conseil de prud'hommes (1) et une
action pénale devant le tribunal correctionnel (2).
1) Le recours devant le Conseil de prud'hommes
Le Conseil de prud'hommes est compétent en
matière de différends s'élevant à l'occasion du
contrat de travail.
Au moment de l'embauche et lors de la phase de recrutement,
aucun contrat n'est signé et ne lie les parties.
Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation
est venu affirmer que le juge
103) Art. L.8113-5 du Code du Travail
104) Art. L.8113-7 du Code du Travail
105) Soc., 20 décembre 2006, n° 06-40662
106) Art. L.1134-5 du Code du Travail
prud'homal était compétent pour trancher une
affaire de discrimination, même si le contrat de travail n'était
pas encore signé entre le salarié et son employeur . En effet, il
a été retenu que le Conseil de prud'hommes était
compétent pour trancher tout litige relatif à l'article L.122-45
du Code du travail, soit l'article L.1132-1 actuel105.
Cette action en réparation du préjudice subi
résultant d'une discrimination à l'embauche se prescrit par cinq
ans à compter de la révélation de la
discrimination106. Autrement dit, une fois que le candidat est
persuadé qu'il y a eu discrimination à l'embauche, le
délai de cinq ans court. Le plus souvent, le délai va courir
à partir de la date d'entretien ou à réception du retour
négatif du recruteur.
Selon l'article L.1134-1 du Code du Travail, la charge de la
preuve tient en trois temps. La victime d'un acte de discrimination à
l'embauche qu'elle soit directe ou indirecte, doit rapporter les
éléments de fait laissant supposer l'existence d'un acte de
discrimination. Ceci peut être effectué par l'organisation
syndicale ou l'association qui se substitue au candidat.Aussi, la partie
défenderesse qui n'est autre que l'employeur va devoir prouver que sa
décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à toute discrimination.
Le juge devra alors former sa conviction et ce, après
avoir ordonné des mesures d'instructions jugées utiles afin de
mettre en lumière les éléments visés.
L'innovation tient ici en ce que la charge de la preuve ne
pèse pas sur le candidat victime puisque ce dernier n'est tenu que de
rapporter des faits qui permettraient de présumer l'existence d'un acte
de discrimination. Les dires de la prétendue victime ont donc une place
de premier choix ici puisque seules des allégations motivées de
l'employeur peuvent les renverser , le tout sous le regard appréciatif
du juge.
Comme étudié précédemment, la
victime d'une éventuelle discrimination, les organisations syndicales
représentatives, ainsi que les associations régulièrement
constituées depuis au moins cinq ans peuvent exercer cette action devant
le Conseil de prud'hommes.
Concernant la réparation du préjudice, il
paraît difficile d'appliquer en matière de discrimination à
l'embauche l'article L.1132-1 prévoyant la nullité de toute
disposition ou de tout acte pris à l'égard d'un salarié en
méconnaissance du principe de non-discrimination. En effet, il n'existe
alors aucun acte à mettre à néant. Il semble donc que
l'employeur s'expose à
des dommages et intérêts notamment pour perte d'une
chance d'embauche107.
Cependant, ceci n'est pas le seul recours possible. Il est
possible de mener l'action devant la juridiction pénale.
2) Le recours devant la juridiction pénale
Le recours devant la juridiction pénale vise à
sanctionner l'employeur auteur de discrimination à l'embauche. Il va
donc encourir une peine d'emprisonnement et une amende.
Les faits justifiant une action pénale doivent
être prévus dans un texte de droit pénal : l'infraction
doit être définie légalement . Une telle exigence
s'explique par le fait que l'employeur qui aurait commis des actes de
discrimination à l'embauche devait être en mesure de savoir que
ces actes étaient prohibés et susceptibles d'engager sa
responsabilité pénale.
Concernant la discrimination à l'embauche, l'article
225-1 du Code Pénal vient la définir en reprenant les
critères prohibés qui ne peuvent être utilisés afin
de motiver un refus d'embauche. De plus, l'article 225-2 de ce même Code
prévoit les peines applicables en matière de discrimination
commise à l'égard d'une personne physique ou morale.
Ainsi, il est prévu que « La discrimination
définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l'égard
d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et
de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste : (...)
3° A refuser d'embaucher, à sanctionner ou
à licencier une personne , · (...)
5° A subordonner une offre d'emploi, une demande de
stage ou une période de formation en entreprise à une condition
fondée sur l'un des éléments visés à
l'article 225-1 ou prévue à l'article 225-1-1 , · (...)
»
L'employeur qui commettrait une discrimination à
l'embauche risque donc une peine d'emprisonnement assortie d'une amende dans
les cas prévus, notamment en cas de refus d'embauche basé sur
l'un des critères discriminatoires prévus par l'article 225-1.
107) AUZERO (G) & DOCKES (E), Droit du travail,
Précis Dalloz, 30ème éd., 2016
De plus, le juge eut prononcer des peines
complémentaires qui seront une interdiction d'exercer l'activité
pendant cinq ans, la fermeture de l'établissement pendant cinq ans,
l'exclusion des marchés publics pendant cinq ans ou encore l'affichage
ou la diffusion de la décision dans la presse écrite. L'employeur
encourt donc des risques économiques pouvant toucher à l'image de
l'entreprise. L'enjeu est donc conséquent pour lui.
Cependant, il arrive qu'un même comportement soit
réprimé par plusieurs textes ; en l'occurrence par le Droit du
travail et par le Droit pénal.
Dans ce cas, il convient de désigner la disposition
applicable. Deux principes vont venir s'affronter ici. Il y a le principe de la
« plus haute expression pénale » qui désigne la
sanction du Code pénal comme applicable mais aussi, le principe de la
qualification spéciale qui incite à retenir les sanctions du Code
du Travail, plus favorables aux auteurs de discrimination à l'embauche.
Toutefois, lorsque les faits correspondent aux articles 225-1 et 225-2 du Code
Pénal, les sanctions les plus lourdes sont prononcées.
L'employeur qui se rendrait auteur de discrimination à l'embauche se
verrait donc appliquer les peines les plus sévères et les plus
lourdes, ce qui contribue évidemment à la garantie du principe de
nondiscrimination grâce à un effet dissuasif.
Néanmoins, il convient aussi de définir les
responsabilités engagés en cas de discrimination à
l'embauche.
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