4. Le développement de la diffusion de
spectacles en ligne
La dématérialisation de la musique
accentuée par la multiplication des canaux de distribution, le
changement de rapport entre propriété et usage et le piratage ont
eu pour conséquence la baisse des revenus de la filière. En ce
sens, le spectacle vivant a vu son rôle se modifier en passant de simple
produit dérivé du disque, à l'activité la plus
rentable du secteur, replacée au centre de la découverte et du
développement artistique. Le numérique offre de nouvelles
perspectives à l'économie des concerts, notamment par
l'utilisation des réseaux sociaux à la promotion des concerts,
par la dématérialisation des billetteries qui permet de collecter
des métadonnées, et par l'interaction durant un
événement. De plus, le numérique ouvre des
opportunités en matière de captation et de retransmission de
concerts qui ne sont plus réservées aux chaînes de
télévision et aux superstars. La demande dans ce domaine
augmente, en conséquence, l'offre aussi, et ceci se traduit par
l'arrivée de nouveaux intervenants qui appartiennent à
l'écosystème du numérique. Ils sont les géants
d'internet, les « pure players »58, les entreprises de
télécommunication et de l'électronique. Cependant, les
entrepreneurs de spectacles se font très rares. Ces
sociétés proposent plusieurs types de services : des plateformes
d'achat de musique en téléchargement (iTunes), des radios en
ligne (iTunes radio, Last.fm), du streaming musical (Deezer, Sportify) et des
plateformes de partages de vidéos (YouTube, Vevo). Quant aux offres de
spectacles en ligne, elles sont en augmentation et proposent des
retransmissions en direct ou en différé (SFR live, Arte concert),
des concerts en intégralité ou en extrait via des sources
officielles ou privées (YouTube, Canal Play, Dailymotion). L'offre de
diffusion en ligne est soutenue par un nombre croissant de services disponibles
qui seraient une quarantaine en France et catégorisés en six
pôles59 :
- Chaînes de télévision (MTV, Arte concert,
D17...)
- Sites musicaux, streaming et téléchargement
(Vevo, Juke Box, Deezer...)
- Plateformes de partage de vidéos et réseaux
sociaux (YouTube, Facebook...)
- Acteurs des télécommunications de
l'équipement multimédia (SFR Live, Xbox
Music...)
58 « Pure-player », Entreprise ou marque
créée sur Internet et n'existant que sur Internet. Par extension,
se dit également d'une entreprise ou marque ayant commencé sur
Internet et qui peut avoir développé ensuite une activité
dans le monde réel, Mercator Publicitor.
59 Etude Idate, « Spectacles en ligne : une
nouvelle scène ? Décryptage et leviers de croissance », mai
2014.
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- Pure players des concerts en ligne (Concert Window,
Medici.tv, Living Indie...)
- Services de vidéos à la demande (Canal Play,
Pluzz VAD, My TF1 VOD...)
De plus, on constate une hausse rapide de la consommation de
spectacles rediffusés, soit au niveau mondial, une augmentation de 42%
par an, et pour la retransmission du festival de Glastonbury il s'agit de 25%
à 30% chaque année de visiteurs uniques.60
Selon une étude de l'Hadopi de mars 2013, les
vidéos musicales représentent 13% des vidéos disponibles
sur YouTube, les concerts 22% et seulement 1,2% sont postées par des
comptes officiels, donc l'autre part n'est pas monétisée. Ainsi,
sur trois milliards de vidéos disponibles sur YouTube, 375 millions
seraient des vidéos musicales et seulement 4 millions auraient
été postées par des comptes officiels. Le public est de
plus en plus connecté car 75% prennent des photos ou filment durant un
concert, 34% les publient sur les réseaux, sociaux et 33% recherchent
des informations en temps réel.61 Le numérique permet
à un concert de vivre au-delà de son espace-temps au travers
l'interaction sur les réseaux sociaux notamment via les commentaires et
partages. À la fin de presque tous les concerts auxquels je participe,
un membre du « staff » prend une photo des artistes et du public.
Puis, cette photo est systématiquement postée sur la page
Facebook du groupe, les individus s'identifient ou commentent, ce qui permet de
prolonger l'expérience et d'entretenir des liens
privilégiés entre le public et le groupe. Lors d'une interview
auprès de Céline, fan de concerts, elle déclarait se
rendre de temps en temps sur Arte Live et sur YouTube « pour me
remémorer les souvenirs ».62 C'est dans ce contexte que
les syndicats de professionnels réclament un droit de
propriété intellectuelle sur les captations de spectacles, car
actuellement, les producteurs français ne jouissent d'aucun droit.
B) Une stratégie de concentration des
activités
Outre le fait que 5% des entreprises ont réalisé
56% du chiffre d'affaires de la profession en 2012, la concentration du secteur
s'accentue puisque 50 des 3.619 producteurs, ou diffuseurs de spectacles,
concentrent 13% de la fréquentation et 25% des revenus. Ce
phénomène est appuyé par les plus grandes
sociétés telles que les majors mais aussi par de
60 PRODISS, « Rapport d'activité janvier
2013 - 2014 - Activité et enjeux du spectacle musical et de
variété en France », 2014.
61 BIGAY, Romain, « Les entreprises du spectacle
face à la mutation - Opportunités et reconfiguration », in
IRMA, 14 janvier 2015.
62 Cf. annexe 2, interview de Céline Seurin,
fan de musique.
33
nouveaux entrants sur le sol français qui sont des
géants internationaux. Cette concentration s'observe d'une part par le
nombre de parts de marché détenus par un petit nombre
d'entreprises, et d'autre part au travers la diversification de leur
activité qui a notamment pour but de développer tous les services
gravitants autour d'un artiste, mais également de maîtriser
l'ensemble des services autour du consommateur.
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