Promotion : 2014 / 2015
MÉMOIRE
Les mutations de l'industrie musicale
Problématique : Quelle stratégie les
acteurs de l'industrie de la musique doivent-ils adopter pour pérenniser
leur présence sur le marché, alors que les mutations du secteur
tendent à diversifier leur activité, à externaliser les
revenus en dehors de la filière, et que les sources de financement sont
limitées voire supprimées ? Comment les acteurs de la
filière s'organisent-ils pour trouver un équilibre alors que les
revenus et les manoeuvres du numérique sont concentrées par les
géants d'internet ?
Tutrice : Clara MORENO
Directeur : Jean-Marie POTIER -
Directeur du développement, Paris Mix
2
REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier Clara Moreno, tutrice de mon
mémoire, pour son accompagnement et ses conseils. Je remercie aussi
Jean-Marie Potier, directeur de Paris Mix, qui a accepté d'être
mon directeur de mémoire.
Un grand merci à toute l'équipe du PRODISS et
plus particulièrement à Aline Renet, ma responsable de stage, qui
a mis à ma disposition les études du syndicat, Clémence
Tozetti, pour sa disponibilité et Pauline Auberger pour ses
précisions législatives.
Je remercie les professionnels qui ont accepté ma
demande d'interview : Michael Berberian, directeur du label Season Of Mist,
Nicolas Williart, fondateur du label Kaotoxin, Gil Attali, directeur de
promotion du label Scorpio Music, Maryam Caillon, chargée de production
de Sherpah Productions, Patrick Schneider, directeur de La Laiterie, et
Céline Seurin, une habituée des concerts.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION 6
I MISE EN CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE
8
A) Histoire et évolution de l'industrie de la
musique 8
1. Les débuts de l'industrie musicale
8
2. L'après-guerre : synonyme de nouvelles
tendances 9
3. Les années 1990 : le choc d'Internet
11
B) L'organisation du marché et présentation
des acteurs 12
1. Les producteurs 12
2. Les diffuseurs 14
3. Les éditeurs 14
4. Les labels 14
5. Les artistes 15
6. Les salles de spectacles 16
7. Les festivals 17
C) Un secteur en pleine mutation 18
1. Les français et la musique en écoute
18
2. Les français et le spectacle vivant
19
3. Les musiciens dans la révolution
numérique 20
4. Un nouveau mode de fonctionnement 22
D) Les enjeux politiques et législatifs
24
1. Le plafonnement de la taxe 24
2. Un crédit d'impôt 24
3. Un droit de propriété pour les
producteurs 25
4. La liberté de création 25
5. L'IFCIC 26
6. Une réglementation européenne sur le
numérique 26
II ANALYSE ARGUMENTÉE DE LA PROBLÉMATIQUE
28
A) Le live, une activité croissante du secteur
28
1. L'organisation de l'activité live
28
2. Les liens entre spectacle vivant et musique
enregistrée 29
3. Les grands spectacles favorisés 30
4. Le développement de la diffusion de spectacles
en ligne 31
4
B) Une stratégie de concentration des
activités 32
1. Le 360° artiste 33
2. Le branding musical 34
3. Universal Music France, le label présent sur
tous les fronts 35
4. Live Nation, la multinationale qui dérange
36
5. Quand la communication s'intéresse au
spectacle vivant 38
C) Le streaming, un nouveau souffle pour la
filière musicale ? 39
1. Principes du streaming 39
2. Diagnostique 40
3. Le mécontentement des artistes et des maisons
de disques 40
4. Apple sous surveillance européenne
43
5. Un partenariat entre plateformes et
télécoms 43
III PRÉCONISATION STRATÉGIQUE
45
A) Comment m'adapter à un secteur en pleine
mutation ? 45
1. La veille informationnelle 45
2. La formation 47
3. Adhérer à un syndicat professionnel
47
4. Entreprendre 48
B) Comment trouver des sources de financement ?
49
1. Les principaux organismes 49
2. Partenariats, investissements et emprunts
50
3. Le financement participatif 51
C) Comment tirer son épingle du jeu sur le
numérique ? 51
1. Stratégies marketing 51
2. Stratégie de présence sur Internet
52
3. Le référencement 53
4. Base fan et direct-to-fan 53
D) Pistes pour un avenir proche 54
1. La réalité augmentée
54
2. Captations et UGC 55
3. Développer les échanges avec les
startups 56
4. Les big data 57
5. La position de l'artiste 58
5
CONCLUSION 60
BIBLIOGRAPHIE 61
SOMMAIRE DES ANNEXES 64
6
INTRODUCTION
L'exercice du mémoire est un travail qui demande une
grande implication personnelle car il nécessite beaucoup de temps. C'est
pourquoi le sujet que j'ai choisi de traiter est la raison même du choix
de mes études en communication ; il s'agit de la musique et plus
précisément, des mutations de cette industrie.
Ne pratiquant aucun instrument, la communication s'est
imposée comme étant le choix le plus approprié pour
parvenir à mes fins. À mon actif, j'ai accumulé une
centaine de concerts, des dizaines de festivals, beaucoup de disques, de
t-shirts de groupes et chaque année, je suis bénévole pour
un festival au merchandising. De plus la totalité de mes stages
se sont déroulés au sein de structures musicales.
En plus de m'intéresser à l'organisation des
concerts, des festivals, de la production et de la promotion d'artistes et de
spectacles, je m'interroge sur les moyens de financements pour aider les
artistes émergents et plus largement sur comment les professionnels du
secteur s'organisent dans un contexte où tout change très vite.
Par ailleurs, j'espère que ces recherches me donneront des
réponses sur un fait : comment expliquer que le magasin H&M propose
des t-shirt de groupes tels que Slayer et Misfits ?
Depuis plus de dix ans, le marché de la musique
enregistrée est confronté à de fortes baisses de
résultats dues à la chute des ventes physiques. Entre 2007 et
2013 le marché français a perdu 31% de sa valeur mais en 2013
pour la première fois depuis 2002, ce chiffre est en hausse de
2,3%1. Même si cette hausse apporte un peu d'optimisme, elle
reste insuffisante pour pallier au manque de financement. C'est pourquoi,
certains acteurs diversifient leurs offres et optent pour de nouvelles
stratégies, qui se traduisent par l'apprentissage de nouveaux
métiers, et parfois par la concentration des activités au travers
le rachat d'entreprises ou des partenariats tels qu'Universal Music avec Havas,
qui sont partenaires sur les big data2. En parallèle, on
assiste à l'augmentation du nombre de concerts qui positionne ces
derniers comme principale source de revenus de la filière : en 2005
on
1 SNEP, « Economie de la production musicale en
2013 - édition 2014», 2014.
2 LEFEUVRE, Gildas, « Universal Music et Havas
annoncent un partenariat sur les big data », in Réseau GL
Connection, 14 janvier 2015.
7
comptait 31.825 représentations contre 41.906 en
20103. On assiste aussi à la croissance du nombre
d'abonnés à des sites de streaming et un total de 12 milliards de
titres écoutés en 20144, ce qui offre de nouvelles
opportunités de stratégie numérique.
Ainsi : Quelle stratégie les acteurs de l'industrie de
la musique doivent-ils adopter pour pérenniser leur présence sur
le marché, alors que les mutations du secteur tendent à
diversifier leur activité, à externaliser les revenus en dehors
de la filière, et que les sources de financement sont limitées
voire supprimées ? Comment les acteurs de la filière
s'organisent-ils pour trouver un équilibre alors que les revenus et les
manoeuvres du numérique sont concentrées par les géants
d'internet ?
Dans une première partie, je vais analyser le contexte
de ma problématique au travers mes sources documentaires et les
différentes études. Dans une seconde partie, je vais
étudier des cas d'entreprises qui sont confrontées aux mutations
du numérique, notamment grâce à une enquête terrain.
En dernière partie, je proposerai une préconisation pour faire
face aux problèmes énoncés.
J'espère qu'au travers ce mémoire je vais
apporter un éclairage sur les mutations de l'industrie de la musique
à quiconque s'intéresse au sujet. Cet exercice va
également me permettre de comprendre l'organisation de la filière
musicale et de me préparer pour mon stage de fin d'études, qui se
déroulera dans un syndicat de la profession.
3 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme
et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations
économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma
éditions, 140p.
4 SNEP, « Le marché de la musique
enregistrée rechute de 5,3% », in IRMA, 4 février 2015.
8
I MISE EN CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE
Cette première partie a pour but de placer la
problématique dans un contexte spécifique et relatif à
l'actualité. Afin de mieux comprendre les faits actuels et les enjeux,
il est important d'avoir connaissance des mutations antérieures, du mode
de fonctionnement du secteur, ainsi que de présenter les acteurs
impliqués.
A) Histoire et évolution de l'industrie de la
musique
1. Les débuts de l'industrie musicale
L'instauration de droits d'auteurs relatifs à la
musique s'est inspirée des droits appliqués aux ouvrages et aux
pièces de théâtre. En France, le droit d'auteur est
composé d'une partie économique et d'une partie intellectuelle,
contrairement aux pays anglo-saxons. Ceci signifie qu'un auteur peu donner son
accord ou non sur une représentation quelconque de son oeuvre. La
Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique a
été créée en 1851 suite au cas, qui a fait
jurisprudence, de deux auteurs en désaccord sur le choix de la structure
dans laquelle serait représentée une de leurs oeuvres. La mission
principale de la SACEM est de collecter et répartir les droits des
auteurs, compositeurs et éditeurs de musique qui en sont membres.
Actuellement elle dénombre 153.000 sociétaires soit 80 millions
d'oeuvres françaises et internationales5.
Le deuxième point qui marque les premiers pas de
l'industrie musicale est la découverte technologique du premier
phonographe. Cet appareil inventé en 1877 par Thomas Edison permet de
reproduire des enregistrements sonores. Les années suivantes, d'autres
inventions permettant d'améliorer les techniques de prise du son, ainsi
que sa qualité, se sont succédées telle que le gramophone
de Emile Berline. Dès son arrivée sur le marché
américain, il provoque un conflit entre le disque et le cylindre : on
assiste alors aux premières associations entre labels et nouvelles
technologies. La bataille a finalement été remportée par
le disque grâce à sa qualité supérieure, à sa
taille, son design mais aussi grâce à la politique artistique de
Victor Talking Machine. La firme a mis sous licence son invention qui est ainsi
devenue l'une des plus importantes du marché américain avant la
crise de 1929, malgré la fin du brevet sur le disque en 1914, qui a
marqué l'entrée de nouvelles firmes provoquant une baisse des
prix des appareils de lecture. S'ajoute à cela une baisse des
coûts
5 Données SACEM, janvier 2015.
9
de reproductions musicales qui incite des entreprises à
se spécialiser dans l'enregistrement. A ce moment-là, en 1921
plus de 50% des foyers aux Etats-Unis sont équipés6
d'un phonographe et le chiffre d'affaires de cette nouvelle industrie ne cesse
de croître.
Dès 1920, l'industrie du disque connait sa
première crise aux Etats-Unis avec le développement
conséquent des radios. En effet, son caractère gratuit apparait
comme une menace aux yeux des professionnels puisqu'en parallèle, une
baisse des ventes de phonogrammes est enregistrée. Le chiffre d'affaires
du secteur est passé de 106 millions de dollars en 1921 à 6
millions de dollars en 1933, mais ceci n'est pas le seul facteur puisque de
nouveaux loisirs se développement au même moment, comme le
cinéma. De plus, le droit d'auteur aussi se voit menacé car
beaucoup d'artistes acceptent de se produire gratuitement à la radio, ce
que l'ASCAP (American Society of Composeres, Authors and Publishers) qui est
l'équivalent de la SACEM aux Etats-Unis, doit affronter : un combat pour
que les droits d'auteurs s'appliquent aussi à la radio. Cette crise
amène Edison à interrompre la production de disques et les
entreprises Victor et Columbia sont rachetées par un acteur important de
la radio. En Europe, EMI est créé suite à cette fusion
puis, un nouvel entrant nommé Decca les rejoints, et instaure une
économie d'échelle qui tend à développer les ventes
d'un nombre restreint de titres. Les prix de ventes sont alors revus à
la baisse, la promotion des artistes accentuée ce qui lance le «
star-system », et la concentration des acteurs se renforce avec la fusion
de RCA-Victor, CBS, Decca et Capitol Records en 1940.
Cette crise rappelle avec beaucoup de similarités celle
que l'industrie de la musique connait actuellement avec internet.
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