La distribution des dividendes en droit des sociétés commerciales ohada( Télécharger le fichier original )par Marc Rostel KANA KENGNI Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2013 |
Conclusion généraleLe postulat du droit est que toute démarche d'un être raisonnable est déterminée par un intérêt patrimonial ou moral352(*). L'un des domaines par excellence de recherche d'intérêt patrimonial est le contrat de société. Mais sa nature à la fois contractuelle et institutionnelle oblige le législateur qui réglemente son cadre juridique àprendre en compte tous les intérêts en présence.À cet effet, l'intérêt social doit être une harmonieuse synthèse entre l'intérêt des associés et l'intérêt de l'entreprise. Il est alors nécessaire de trouver un juste milieu, un compromisentrel'individualisme libéral et la prise en compte de l'intérêt général353(*). C'est à cette ambition délicate que s'est prêté avecsuccès le législateur OHADA. Certes, la règlementation de la distribution des dividendes n'est pas très exhaustive. Certaines situations ne sont pas expressément envisagées et il peut être parfois malaisé de déterminer le véritabledestinataire du dividende. C'est le cas par exemple lorsque la propriété est partagée et que les titres font l'objet de certaines opérations.Il en est de même du silence du législateur quant à la prescription du droit à la réclamation du dividende. Mais au-delà, le législateur a pu concilier et protéger l'intérêt de la société et celui des associés. S'agissant de la société, elle est protégée par l'exigence du bénéfice distribuable et la sanction de la distribution des dividendes fictifs. En effet, avant toute distribution, il est exigé des associés la détermination du bénéfice distribuable qui passe par la constitution des réserves et l'apurement des pertes. Le dividende doit alors être prélevé uniquement sur le bénéfice distribuable ou les réserves disponibles. Le non-respect de ces exigences est sanctionné par la distribution des dividendes fictifs qui peut aboutir à la restitution des dividendes distribués irrégulièrement. Ceci permet de protéger le patrimoine de la société commerciale garantissant la continuité de son activité économique et la préservation du gage donné auxcréanciers sociaux. S'agissant des associés, l'assurance detoucher un dividende en cas de réalisation des bénéfices leur est garantie par le législateur. Celui-ci oblige les dirigeants à procéder au moins une fois par an à l'approbation des comptes afin de déterminer les sommes distribuables et de faire cautionner leur gestion par les associés. Cette procédure doit être normalement déclenchée par les dirigeants. Mais en cas d'inertie de ces derniers, il est accordé aux associés la possibilité de le faire. Ils pourront alors recourir soit à un administrateur provisoire ou à un mandataire ad hoc. Cette dernière solution est préférable parce qu'elle garantit un minimum de succès de leur action eu égard la rigidité des conditions de la première. Une fois déclenchée, la décision de distribuer ou non est prise par l'ensemble des associés ou plus précisément la majorité. Bien que les conditions de mise en oeuvre soient difficiles, la décision des majoritaires sera annulée pour abus de majorité si elleest contraire à l'intérêt social et porte atteinte à l'égalité entre les associés. En effet, c'est l'égalité qui guide le partage. Celui-ci ne se fera de manière inégalitaire qu'avec le consentement des associés et sous le contrôle du commissaire aux comptes dans les sociétés qui en sont pourvues. Les clauses léonines sont alors interdites afin de permettre à chacun d'eux de recevoir la part qui leur revient. La principale difficulté concernera la détermination de la part de l'apporteur en industrie dans la mesure où son apport est dématérialisé et ne facilite pas son évaluation. Lorsque cette dernière a été faite et que la décision de distribution a été prise, il a le droit comme tous les autres associés de réclamer le paiement de son dividende si la société ne s'est pas volontairement exécutée. Au regard du silence du législateur sur le délai de prescription d'une telle action, le délai de trente ans devrait s'appliquer. Dans tous les cas, il serait difficile pour le législateur de règlementer en détail toutes les situations d'une question juridique. Celui de l'OHADA a néanmoins pu contrairement aux législations antérieures organiser une règlementation moins laconique et protectrice des intérêts de l'associé et de la société. Le salarié, un des bénéficiaires de la protection de cette dernière, a d'ailleurs vu sa situation consolidée en France avec l'adoption d'une loi sur la prime-dividende354(*).À cet effet, Les sociétés commerciales d'au moins cinquante salariés distribuant un dividende en hausse doivent verser à leurs salariés une prime.La prime-dividendepermet alors de rééquilibrer le droit des salariés à bénéficier des performances financières de la société au même titre que les associés. Au demeurant, la réglementation de la distribution des dividendes en particulier et la réglementation OHADA en général est bonne, moderne et propice au développement des États membres. Mais faire des beaux textes ne suffit pas, encore faut-il qu'ils soient appliqués, qu'ils satisfassent les besoins qui les ont fait naître et qu'ils répondent aux objectifs initialement fixés355(*). En effet, si le contenu du Droit OHADA n'est pas un handicap à son épanouissement356(*), ne peut-on pas dire que son efficacité est désormais conditionnée par l'accessibilité à sa réglementation et son application juridictionnelle ?
* 352 CARBONNIER Jean, les obligations, 19 éd, Thémis, PUF, p. 128. * 353 BERTREL Jean Pierre, «Liberté contractuelle et société ; Essai d'une théorie du juste milieu en droit des sociétés », article précité,p. 626. * 354 Loi française n° 2011-894 du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011. * 355 PAILLUSSEAU Jean, « l'acte uniforme sur le droit des sociétés », D-04-17, www.ohada.com, p. 14. * 356POUGOUE Paul-Gérard (sous la direction), Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p. 14. |
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