Section 4. LES EQUIPEMENTS DE SUPPORT
Les équipements et installations de support sont
utilisés durant toutes les phases des activités d'exploration, de
développement et de production. Les équipements de support
incluent le matériel sismique, le matériel de forage, les
constructions, les instruments de mesure, les véhicules, les ateliers de
réparation, les entrepôts, les camps, les quais et les
bâtiments administratifs. Le traitement comptable de ces actifs ne
présente pas des spécificités dans l'industrie
pétrolière et les dispositions de l'IAS 16 "Immobilisations
corporelles" et l'IAS 36 "Dépréciation d'actifs" leurs sont
généralement applicables.
Les Méthodes de Prise en Compte des
Coûts de Recherche et de Développement
des Hydrocarbures
29
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
Au cours des dernières décennies, le
débat qui a occupé la place la plus importante dans la
littérature comptable relative au secteur pétrolier concernent
deux méthodes comptables, aussi bien réputées l'une que
l'autre. La première méthode, appelée méthode du
coût complet, est une méthode qui est considérée
comme fournissant des résultats favorables à l'investissement
à risque. La deuxième méthode, appelée
méthode des efforts réussis, produit une information
précise et d'une utilité certaine pour les analystes financiers
internes et les investisseurs astucieux qui peuvent voir au-delà de
l'interprétation pessimiste qu'elle donne de l'activité d'une
entreprise d'exploration et de production pétrolière.
Pour étudier ces deux méthodes, le
présent chapitre est scindé en trois sections. La première
section est consacrée aux règles de prise en compte d'un actif,
telles qu'édictées par le cadre conceptuel de la
comptabilité financière en soulignant les difficultés qui
se posent de part la nature même des coûts de
pré-production. La deuxième section présentera une
étude des deux méthodes comptables susvisées à
travers l'étude de leurs fondements et limites. Enfin, la
troisième section s'intéressera à l'évolution de la
normalisation comptable relative au secteur pétrolier aux Etats-Unis.
Section 1. ETUDE THEORIQUE DES REGLES DE PRISE EN
COMPTE D'UN ACTIF
Afin de déterminer le traitement comptable
approprié des coûts de recherche et de développement des
hydrocarbures dans le cadre du modèle dit du coût historique, il
est important de considérer les aspects fondamentaux suivants:
i Quels sont les coûts qui répondent
à la définition d'actif telle que donnée par le cadre
conceptuel de la comptabilité financière?
30
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
i Quel centre de coûts (unité
géologique, politique, juridique ou opérationnelle) faudra-t-il
considérer pour accumuler les coûts dans un objectif de leur
rattachement aux revenus attendus de la production et de la vente
éventuelle des réserves minérales qui pourraient
être mises en évidence.
1.1. Définition d'un Actif
Dans son § 51, le cadre conceptuel de la
comptabilité financière définit un actif comme
étant "constitué par les ressources économiques
obtenues ou contrôlées par l'entreprise, à la suite
d'évènements ou de transactions passées, à
même d'engendrer des avantages économiques futurs au
bénéfice de l'entreprise". Dans ce contexte, les avantages
économiques futurs signifient le "potentiel de
générer directement ou indirectement des flux positifs de
liquidité ou d'équivalent de liquidité...".
Cette définition générale semble ne pas
être suffisante pour la prise en compte d'un actif dans les états
financiers. En effet, même dans le cas où des avantages
économiques futurs seraient attendus, le cadre conceptuel stipule dans
son § 52 qu'un actif n'est pris en compte que "lorsqu'il est
probable que des avantages économiques futurs
bénéficieront à l'entreprise".
Cette condition est plus rigoureuse que le simple fait d'avoir
le potentiel de générer des flux
positifs de liquidité puisque les avantages économiques futurs,
dont doit bénéficier l'entreprise, doivent être
suffisamment certains pour être considérés comme probables.
Si de tels avantages économiques futurs sont considérés
comme improbables, les coûts supportés sont constatés parmi
les charges de l'exercice au cours duquel ils sont encourus. Dans ce sens, le
cadre conceptuel de l'IASC précise dans son § 90 que:
"...ce traitement n'implique pas que l'intention des
dirigeants en encourant cette dépense n'ait pas été de
générer des avantages économiques futurs pour
l'entreprise, ni que les dirigeants aient pris une mauvaise décision. La
seule implication est que la probabilité que les avantages
économiques iront à l'entreprise au delà de l'exercice est
insuffisante pour justifier la comptabilisation d'un actif"
Le cadre de l'IASC n'a pas fourni une quantification du terme
"probable". Certains auteurs trouvent que le terme "probable" signifie "plus
probable qu'improbable" et donc lui affectent
31
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
une probabilité d'environ 50%. D'autres, croient que ce
terme implique un seuil plus important de l'ordre de 70 à 80%. D'autres
auteurs considèrent qu'un élément n'est probable que
lorsqu'il est pratiquement certain, ce qui représente une
probabilité de 95 à 99%11.
Le terme "probable" est utilisé entant que
critère de prise en compte par plusieurs normes comptables
internationales sans pour autant qu'il soit défini par l'IASC. La seule
exception est fournie par le § 23 de l'IAS 37 intitulée "
Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels" où le
terme "probable" est défini comme signifiant "plus probable
qu'improbable". Cependant ce même paragraphe stipule explicitement que
cette interprétation ne s'applique pas nécessairement dans
d'autres normes internationales.
Ainsi, il apparaît clairement que l'application des
règles de prise en compte, telles qu'édictées par les
différents cadres conceptuels, n'est pas évidente lorsqu'il
s'agit de coûts de recherche et de développement d'hydrocarbures.
En effet, certains de ces coûts sont relatifs à des
activités de pré-production dont l'issue ou le résultat ne
peut être connu à la date de clôture. Il s'agit notamment
des coûts de prospection, d'acquisition et d'exploration qui peuvent
être encourus des années avant de pouvoir déterminer avec
certitude l'existence de réserves commercialement
récupérables.
Dans pareils cas, une question critique se pose; c'est de
savoir si de tels coûts peuvent être considérés comme
ayant un potentiel de générer des avantages économiques
futurs avec une probabilité suffisante pour les qualifier d'actifs
conformément aux dispositions du cadre conceptuel. Cette question ne
semble pas faire l'unanimité de la doctrine comptable à travers
le monde.
D'après l'étude menée par
l'IASC12 en 2001, certains auteurs affirment que l'échec ou
le succès d'un projet d'exploration n'est pas connu au moment où
les coûts sont encourus, et par conséquent l'entreprise ne peut
prétendre à escompter des avantages économiques futurs.
Ils concluent, que les coûts, encourus avant la découverte de
toutes réserves commercialement récupérables, ne
répondent pas à la définition d'actif, telle que
donnée par le cadre conceptuel, et de ce fait, ne peuvent être ni
immobilisés ni "différés" au-delà de l'exercice de
leur
11 IASC, "Extractive Industries Issues
Paper", 2001, p.73
12 IASC, "Extractive Industries Issues
Paper", 2001.
32
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
engagement. Les partisans de ce point de vue ajoutent que ce
traitement est, par ailleurs, cohérent avec les dispositions de l'IAS 38
relative aux frais de recherche et de développement.
Selon la même étude, d'autres auteurs trouvent
que la continuation d'une activité d'exploration très
coûteuse dans le cadre d'un même projet, implique en
elle-même que des avantages économiques futurs sont
escomptés. En effet, une entreprise investissant des centaines de
millions de dollars dans des activités de recherche d'hydrocarbures ne
peut pas être considérée comme ne s'attendant pas à
des découvertes de réserves minérales
économiquement rentables13.
Ainsi, cette doctrine conclut, que les coûts
d'exploration supportés et dont l'issue n'est pas encore connu à
la date de clôture répondent à la définition d'actif
telle que donnée par le cadre conceptuel. Ils ajoutent que la
continuation de l'activité d'exploration est même suffisamment
indicative pour considérer les avantages économiques futurs
attendus comme "probables", et donc justifier la prise en compte d'un actif.
Les opposants de ce point de vue considèrent que même si le
potentiel d'avantages économiques futurs peut
être établi, le degré de probabilité
de ces derniers ne peut être démontré.
Ce débat sur la nature exacte des coûts de
recherche et de développement des hydrocarbures, qui dure
déjà depuis un demi-siècle, est à l'origine
même des deux méthodes comptables dites du coût complet et
des efforts réussis. En effet, la capitalisation des coûts de
pré-production est tributaire de plusieurs facteurs dont les plus
importants sont:
- La nature des coûts encourus;
- La phase pendant laquelle les coûts sont encourus;
- La nature et le degré d'association que l'on peut
établir entre un coût encouru et une découverte de
réserves minérales;
- La nature et la taille du ou des centres de coûts
choisis pour accumuler et amortir les coûts encourus;
13 A titre d'exemple, le conseil d'administration
de Petro-Canada a approuvé en novembre 2003 un programme de
dépense en immobilisations et de dépenses d'exploration
totalisant 2 595 millions de dollars pour 2004, dont 285 millions de dollars
consacrés aux activités d'exploration.
33
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
- L'environnement légal et contractuel dans lequel
l'entreprise opère et pouvant affecter la récupération des
coûts encourus.
1.2. Phases des opérations et nature des
coûts engagés
Dans l'industrie pétrolière, le risque
d'échec encouru par toute entreprise dans sa quête de
réserves minérales est considéré comme important
dans le choix des méthodes comptables à retenir pour le
traitement des différents coûts engagés. L'analyse de la
nature même des différentes phases d'activités nous
enseigne que l'importance de ce risque est évolutive et est fonction de
l'avancement des différents travaux entrepris et la nature des
coûts engagés.
En effet, dans un premier temps, le commencement des travaux
de prospection constitue la première phase des activités de
pré-production, phase pendant laquelle peu d'informations sont connues
sur l'existence potentielle de toutes réserves minérales dans la
zone prospectée. C'est au cours de cette phase qu'une entreprise est
supposée encourir le risque d'échec le plus élevé
puisque ses chances de procéder à une découverte sont
quasiment inexistantes.
Dans un deuxième temps, l'acquisition des droits
miniers et l'engagement d'activités d'exploration plus
élaborés et plus coûteuses sont une conséquence
logique de travaux de prospection concluants et d'informations
préliminaires encourageantes. Par conséquent, une entreprise
pétrolière est supposée encourir un risque d'échec
moins important durant cette phase.
Enfin, si des réserves d'hydrocarbures sont
découvertes, le risque lié à leur développement est
encore considérablement moins important puisque, bien que des
activités d'évaluation ou d'appréciation restent
nécessaires, l'existence des réserves a été
établie. Par ailleurs, durant la phase de production, la
commercialité des réserves est connue et le risque y relatif est
encore moins important et se rapproche de celui encouru dans d'autres secteurs
d'activités.
Ainsi, dans l'industrie pétrolière, il est clair
que la séquence des différentes phases de recherche,
d'appréciation, de développement et de production des
réserves minérales constitue un continuum de risque
décroissant ou un continuum de vraisemblance ou de probabilité
croissante d'avantages économiques futurs.
34
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
Historiquement, cette relation étroite qui existe entre
les différentes phases d'activités et la probabilité des
avantages économiques futurs attendus a conduit plusieurs entreprises
adoptant la méthode des efforts réussis à
considérer la phase pendant laquelle un coût spécifique a
été encouru comme un facteur déterminant pour
décider de sa capitalisation ou de sa passation en charges. De
même, certaines normes comptables nationales traitant des industries
extractives stipulent que la plupart des coûts encourus durant les
premières phases de recherche (prospection, acquisition des droits
miniers et exploration) doivent être comptabilisés parmi les
charges de l'exercice et que seulement certains coûts doivent être
portés à l'actif.
A titre d'exemple, le SFAS 19, "Financial accounting and
Reporting by Oil and Gas Producing Companies", traitant de la
méthode des efforts réussis dans l'industrie
pétrolière, préconise que tous les coûts
d'exploration, y compris les coûts des travaux géologiques et
géophysiques, mais autres que les coûts des forages d'exploration,
soient passés en charges au moment où ils sont encourus. Le FASB
justifie ce traitement par l'importance du risque existent au moment où
ces coûts sont encourus. En effet, de telles dépenses sont
encourues une longue période avant que l'on puisse déterminer
avec une certitude raisonnable si certains coûts
génèreraient des avantages économiques futurs. En plus,
l'expérience a montré qu'historiquement peu de coûts
d'exploration conduirent à la découverte de réserves
minérales exploitables.
A ce titre, il est à noter qu'aux Etats-Unis, la SEC a
autorisé les entreprises cotées en bourse à adopter la
méthode du coût complet, méthode sous laquelle le
découpage en phases d'activités n'est pas pertinent de point de
vue comptable.
1.3. Degré d'association entre les coûts
encourus et les réserves découvertes
Traditionnellement, la prise en compte d'un actif est
conditionnée essentiellement par l'établissement d'une relation
de cause à effet entre cet actif, qualifié de ressource
contrôlée par l'entreprise, et des avantages économiques
futurs probables. L'application de cette règle aux différents
coûts de pré-production ne semble pas être aisée
puisque ni le cadre conceptuel tunisien ni celui de l'IASC n'ont défini
la nature exacte de cette relation ou le degré d'association qui doit y
avoir entre de tels coûts et les avantages économiques futurs
escomptés.
35
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
La réponse à cette question est au centre
même de plusieurs controverses et constitue l'un des désaccords
majeurs entre les partisans des différentes méthodes comptables
en vigueur. La question est de savoir si une telle relation doit être une
relation physique et directe ou pourra-t-elle être basée
simplement sur une association économique?
a. Relation physique directe
Une association physique directe implique que les coûts
de pré-production ne peuvent être portés à l'actif
que lorsqu'ils sont encourus dans des activités que l'on peut associer
directement et physiquement à des droits miniers spécifiques ou
à des réserves minérales distinctement
individualisées.
Sous cette approche, la plupart des coûts de
prospection et d'exploration, qui n'aurait pas conduit directement à la
découverte de réserves d'hydrocarbures exploitables, serait
comptabilisés en charges de l'exercice au moment où ils sont
encourus. En effet, il est difficile d'associer physiquement la majorité
de tels coûts à des droits miniers ou à des réserves
minérales spécifiques existantes au moment des travaux.
En ce qui concerne les coûts d'acquisition des
propriétés minières, l'IASC considère, dans son
étude sur les industries extractives, que ces coûts peuvent, par
contre, être capitalisés puisqu'ils se rapportent à des
droits de propriétés spécifiques et identifiables.
Toutefois, L'IASC ajoute que de tels coûts doivent faire l'objet d'une
réduction de valeur ou être passés en charges au moment
où la zone couverte par ces droits s'avèrerait ne renfermant pas
de réserves minérales commercialement exploitables.
b. Association économique
Le cadre conceptuel de la comptabilité
financière n'exige pas explicitement l'existence d'une relation directe
et physique comme critère de prise en compte d'un actif. Ainsi, une
association économique entre un coût encouru et les
réserves minérales contrôlées par l'entreprise peut
théoriquement suffire à la comptabilisation d'un actif.
36
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
En effet, comme nous l'avons mentionné plus haut,
toutes les réserves minérales découvertes ou qui
pourraient être découvertes par une entreprise sont le
résultat d'un effort global concourant à un seul et unique
objectif, à savoir la détention de réserves
minérales commercialement exploitables. Ainsi, tous les coûts
encourus par une entreprise, qu'ils soient de prospection, d'exploration ou
d'appréciation, constituent un coût inévitable de ses
richesses en réserves minérales et peuvent, par
conséquent, être portés à l'actif. De tels actifs
restent, toutefois, sujets à évaluation à la date de
clôture afin de constater toute perte de valeur éventuelle.
Toutefois, il est à noter que dans la pratique, une
association économique entre les coûts encourus et les
réserves minérales détenues est souvent établie
dans le cadre d'unité homogènes dites centres de coûts ou
pools. En effet, il est difficile de considérer le monde entier comme
unique centre de coûts et d'associer, par exemple, des coûts
d'exploration entrepris en Nouvelle Zélande à des réserves
minérales détenues au Nigeria.
1.4. Nature et taille du centre de
coûts
L'IASC définit un centre de coûts comme
étant une unité géologique, géographique,
légale, contractuelle ou opérationnelle choisie pour accumuler
des coûts dans un objectif de leur rattachement, à travers leur
amortissement, avec les revenus futurs attendus de la production ou la vente
des réserves minérales y relatives14.
Historiquement, plusieurs types de centres de coûts ont
été suggérés. Les plus communément
utilisés sont constitués:
- du monde entier;
- d'un pays ou groupe de pays;
- d'une propriété minière (permis de
prospection, permis de recherche, concession
d'exploitation, ...etc.);
- d'une ou plusieurs unités géologiques
14 IASC, "Extractive Industries Issues
Paper", 2001, p.110: "A cost centre is the geological, political,
geographical, legal, contractual, or operating area chosen to accumulate costs
with the purpose of matching them, through periodic depreciation, with revenues
from the production or sale of related mineral reserves."
37
Les Méthodes de Prise en Compte des Coûts de
Recherche et de Développement des Hydrocarbures
La définition de la notion de centre de coûts est
considérée comme un élément critique dans le choix
et l'application de l'une des différentes méthodes comptables
basée sur le modèle du coût historique. Cette notion
conditionne non seulement les règles de prise en compte mais aussi ses
choix comptables en matière d'amortissement et en matière
d'évaluation des coûts portés à l'actif à la
date de clôture.
Comme nous le verrons plus loin, l'importance de la notion de
centre de coûts et son impact significatif éventuel sur les
états financiers d'une entreprise a conduit plusieurs institutions et
organismes comptables, aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne
à la définir et à l'entourer de plusieurs conditions.
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