2. IDENTIFICATION DU PROBLÈME ET
EXPOSÉ DE LA PROBLÉMATIQUE
Le processus décisionnel est un phénomène
complexe qui a fait l'objet de plusieurs recherches. Certains chercheurs ont
défini ce processus comme étant l'intersection entre les
objectifs à atteindre et les contraintes à respecter. Einhorn et
Hogarth (1980) ont considéré le processus décisionnel
comme un phénomène séquentiel composé de trois
phases : l'acquisition d'informations, l'évaluation des informations et
ensuite les inférences. Pour Payne et al., (1988), les trois
étapes dépendent des caractéristiques du décideur
individuel, de sa tâche et de son contexte. Pour Saad et Russo (1996), le
procédé séquentiel du processus décisionnel
n'implique pas que toutes les informations consultées soient
nécessairement utilisées. Le décideur peut cesser la
recherche d'informations et formuler sa décision après une
sélection suffisante et appropriée d'informations.
Les recherches sur le processus décisionnel
émergent de la science cognitive de la décision (Dkhaili, 2011).
Les processus cognitifs constituent un élément central du
raisonnement. Ils sont intégrés au processus de raisonnement
humain (Dkhaili, 2011). Les travaux pionniers de Kahneman et Tversky (1982) ont
identifié le rôle central des processus cognitifs dans les prises
de décisions en situation d'incertitude. Tout décideur construit
sa propre structure cognitive, basée sur sa perception de la
réalité ; les structures cognitives incluant les
préjugés, les croyances, les expériences et les valeurs
des individus (Ford et Sterman, 1998).
Par ailleurs, les processus décisionnels
intègrent le contexte dans lequel se déroule la décision
en se focalisant sur la reconnaissance par le décideur de la situation
décisionnelle (Klein, 1997). Les recherches de ce dernier ont
montré que les préférences ne préexistent
généralement pas dans l'esprit des individus mais se construisent
au cours du processus décisionnel. Lesage (1999) a montré que la
représentation modifie l'action ce qui signifie que la
présentation du problème influence le processus de construction
des préférences.
Endsley (2000), définit la situation du décideur
comme la perception et la compréhension d'éléments de
l'environnement à l'intérieur d'un volume spatio-temporel. Pour
comprendre les processus et les stratégies des décideurs, il est
nécessaire de connaître les exigences et les contraintes du
contexte auquel ils appartiennent (Rasmussen, 1997). Pour Amalberti (1996),
« le vrai problème de la compréhension n'est pas de
construire une représentation mais de réactualiser correctement
la représentation du contexte déjà
disponible ». Cette compréhension résulte
d'un compromis cognitif entre les exigences de la tâche et la
nécessité de préserver les ressources cognitives (Brehmer,
1988).
Dans la présente étude, nous
considèrerons la décision d'utiliser tel ou tel pesticide, et les
choix de l'utiliser de telle ou telle manière, comme des constructions
sociales et culturelles reposant sur un enchevêtrement complexe de
facteurs qui interagissent entre eux.
Les processus cognitifs et les processus décisionnels
sont parfaitement adaptés à la compréhension et
l'explication de la construction du processus décisionnel en
matière d'usage des pesticides par les maraichers.
Dans une exploitation maraichère, tous ces cheminements
de prises de décisions à la fois simples et complexes peuvent s'y
retrouver. Ainsi, l'anthropologie par son approche holiste permettra de prendre
en compte l'ensemble des facteurs qui influencent les choix et les
décisions. Il s'agira premièrement, d'une part, des processus
cognitifs intervenant en amont de la décision, et notamment des
représentations culturelles des ravageurs, des pesticides, en
particulier de leur efficacité et des risques liés à leur
usage. L' approche retenue s'intéressera dans un second temps aux
éléments qui interfèrent avec les processus
décisionnels, notamment avec ce cheminement complexe reposant sur des
logiques variées et enchevêtrées, passant par une
série de microdécisions permettant d'aboutir in fine
à la décision. Il importera notamment de comprendre comment le
processus décisionnel s'inscrit dans l'enchevêtrement complexe des
relations sociales de chaque individu.
Enfin, l'anthropologie apparaît particulièrement
pertinente pour aborder ces questions du fait de son approche émique, de
sa posture compréhensive des acteurs sociaux, permettant de comprendre
en profondeur les logiques des maraichers. Notre préoccupation dans le
cadre du présent travail de recherche est donc de comprendre comment les
maraichers prennent leur décision en matière de choix des
pesticides et de leurs pratiques d'usages.
|