4. DES RAVAGEURS, DES MALADIES, DES
PESTICIDES.
Avant de présenter les techniques et les pratiques de
lutte contre les ravageurs et les maladies, il importe de comprendre au
préalable les perceptions que les maraichers ont de ces deux facteurs
importants de nuisance.
Ravageurs
La pression parasitaire est la contrainte majeure à
laquelle est confrontée la production des légumes. Les agents
responsables sont aussi bien des ravageurs que des maladies de toutes sortes.
Parmi les ravageurs, les plus importants sont : les
insectes (criquets, pucerons, chenilles), les acariens et les nématodes.
Dans la catégorie des insectes, les criquets sont ceux qui sont les plus
redoutés car ils créent d'importants dégâts pouvant
parfois aller jusqu'à la coupure des plants. « C'est comme
le ciseau. Pour les autres insectes, j'utilise le produit et ils se calment,
mais les criquets ne sont pas comme ça. Tu peux acheter un litre de
Lambda maintenant et tu vas utiliser tout pour le criquet ; criquet
là ! ça tue les gens ici ! » [Florence, 38
ans, maraichère à Vimas].
Les criquets proviendraient des mauvaises herbes qui sont dans
les environs du site et seraient surtout réputés dans la coupure
des feuilles de carotte. Ils détruisent les cultures souvent la nuit. Le
produit utilisé pour lutter contre eux est
« Lamdacal® » et son mode d'action est
d'éloigner les criquets par son odeur forte. Une fois que cette odeur
disparait, les criquets reviennent. Les désagréments que ces
derniers créent aux cultures obligent les maraichers à arroser
davantage afin d'accélérer la repousse. Or en situation normale
l'arrosage est reconnu par ces professionnels comme une activité prenant
la majeure partie de leur temps. Et donc le maraicher victime de la coupure de
ses plants par les criquets consacre encore plus de temps dans l'arrosage.
Les papillons sont reconnus par les maraichers comme des
ravageurs créant également beaucoup de dégâts. Ce
sont des ravageurs qui d'après eux, sortent de nuit et pondent sur les
feuilles des plants sur lesquelles ils se posent. Les oeufs à leur tour
se transforment en chenilles et perturbent le développement des
feuilles. « Il y a une sorte de toiles d'araignées sur la
feuille au-dessous de laquelle se cachent les chenilles. Elles sortent la nuit
pour faire des dégâts sur les plants et se cachent le jour. C'est
lors de l'arrosage qu'il faut faire attention pour pouvoir les
détecter » [Jacques, 34 ans, maraicher à
Vimas].
Les chenilles pour eux sont des vers de couleur verte (voir
photo 8). La laitue, le chou et la grande morelle sont les plus touchés
(voir tableau 3 en annexe). Pour certains, les fientes de poules sont
également responsables de la présence de chenilles dans le champ.
Quand les fientes de poulets se décomposent, ils produisent
également des chenilles disent les maraichers. Mais en
réalité la décomposition des fientes ne produit pas des
chenilles mais plutôt des vers, des asticots etc.
![](Construction-sociale-des-processus-decisionnels-en-matiere-d-usage-des-pesticides-par-les-maraiche11.png)
Photo 8 : Destruction
des feuilles de la grande morelle par les chenilles sur le site de
VIMAS
Source : ABDOULAYE
Les acariens font partie des nuisibles les plus
redoutés par les maraichers sur le site de VIMAS. « Sans
vous mentir, le site de VIMAS me fait très peur, car c'est un site
où il y a beaucoup d'acariens... sur ce site on pouvait ramasser
quasiment des acariens... et ces acariens sont réputés comme
étant des ravageurs contre lesquels beaucoup de produits ne sont pas
efficaces, autant avoir des invasions de chenilles, de petits insectes..., les
acariens, on a les produits on pulvérise et les produits n'ont aucun
effet ; on ne peut pas parler de résistance parce que les produits
n'ont jamais été efficaces contre eux » [ Agent de
l'INRAB]. Ils sont perçus comme telle, à cause de leur
rapidité de nuisance sur les plants et de leur capacité de
résistance face aux produits de traitement. En effet, le nom de ce
nuisible apparait dans tous les propos des maraichers. Ils distinguent deux
catégories à savoir les acariens rouges et les acariens blancs.
Les acariens rouges sont les plus craints parce qu'ils induisent des
dégâts plus importants que les autres. Il ressort des entretiens
que la tomate et la grande morelle sont les cultures qui seraient les plus
attaquées par ce ravageur. « ...je sais que vous
n'êtes pas agronome, mais vous savez quand-même tout ce qui est
légumes exotiques ! Ces légumes là sont très
attaqués, très attaqués, très attaqués parce
qu'ils ne sont pas dans leur milieu normal, donc ce sont ces légumes qui
ont tendance à être très-très
pulvérisés par les maraichers parce que c'est ça qui
donne...Ces légumes ont une valeur marchande assez élevée
comparée à nos légumes traditionnelles, donc ils font tout
et tout pour les avoir au bout » [Agent de l'INRAB]. Face aux
problèmes qu'ils rencontrent, certains maraichers ont
décidé de ne plus produire la grande morelle et la tomate.
Néanmoins, quelques uns, déclarent que si le champ était
bien entretenu, c'est-à-dire que les éléments nutritifs
avaient été apportés à temps et les traitements
respectés, il aurait été difficile à l'acarien de
nuire aux cultures. L'acarien est visible à l'oeil nu et se loge souvent
derrière la feuille disent-ils. Ce sont des nuisibles lorsqu'ils sont
dans le champ, « ils piquent et ça gratte le corps ;
les feuilles attaquées deviennent rouges et ne sont plus jolie à
voir » [Orou, 25 ans, maraicher à VIMAS] (voir
photo 9).
![](Construction-sociale-des-processus-decisionnels-en-matiere-d-usage-des-pesticides-par-les-maraiche12.png)
Photo 9 : Feuille de
grande morelle attaquée par les acariens sur le site de
VIMAS
Source : ABDOULAYE
D'après les discours des maraichers, l'origine de ce
nuisible est incertaine. Il n'y a eu que des suppositions. Il a
été fait cas dans un entretien d'une origine impliquant le vent
de la mer qui est non loin du site, de l'air qui circule, ou encore de la
proximité avec une forêt qui jouxte l'aire de maraichage à
l'ouest.
La pression des ravageurs n'est pas homogène tout au
long de la saison, il existe des périodes à risque. C'est le cas
par exemple des acariens qui sont beaucoup plus fréquents en saison
sèche.
Les maraichers de ce site ont de grandes difficultés
pour qualifier les ravageurs en langues locales. Mais ceci ne s'explique pas
par le fait d'une pauvreté linguistique dans la nomination des ravageurs
en langues locales, mais plutôt une méconnaissance des maraichers
car une investigation sur d'autres sites de maraichage et la revue de
littérature nous démontrent le contraire. Ce constat pourrait
s'expliquer par le fait que la plupart des maraichers du site de
Sèmè-Kpodji ont grandi en zones urbaines. Les insectes sont sous
l'appellation de Bibi et les vers wanvou. Ces nominations
sont très englobantes. Néanmoins, même avec un mauvais
français, ils arrivent à nommer les insectes à leur
manière et à se faire comprendre.
Par ailleurs les maraichers de ce site ont une connaissance
sémiologique des ravageurs et des maladies des plantes. Ils sont
capables de décrire les insectes et de dire à travers l'aspect
physique que présente la plante, si elle est attaquée par un
criquet, un puceron, un acarien etc.
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