3. Vers de terre et agriculture
Depuis la fin du XIX siècle (1881), Darwin avait
reconnu l'amélioration de la production végétale par les
vers de terre, invertébrés qualifiés d'ingénieurs
du sol (Lavelle et al., 1997). Depuis cette date jusqu'aujourd'hui, de
nombreuses études sur l'effet de ces organismes sur la production de
diverses espèces végétales ont été
effectuées (Lavelle et al., 2006).
La plupart des ces études confirment les travaux de
Darwin (Brown et al., 1999; Scheu, 2003; Brown et al., 2004;
Lavelle et al., 2006), pendant que quelques uns ont décrits des
effets nuls ou négatifs de ces organismes sur la production
végétale (Spain et al., 1992; Brown et al.,
1999; Joshi et al.,1999; Scheu, 2003).
Les vers de terre en tant que décomposeurs facilitent
la libération des éléments minéraux par la
décomposition de la matière organique. Avec les travaux
récents, le constat est que les vers n'agissent pas seulement sur la
disponibilité des nutriments pour la plante, mais ils influencent la
rhizosphère toute entière. Les mécanismes par lesquels les
vers agissent sur la croissance englobent des effets aussi bien directs
qu'indirects. Les effets directs se traduisent par la levée de la
dormance des semences par les turricules, le transport de petits grains en
surface ou à l'intérieur du sol et la création de galeries
qui favorisent la croissance des racines (Darwin, 1881; Ayanlaja et
al., 2001; Scheu, 2003). La production végétale est en
grande partie modifiée indirectement par les activités de ces
organismes à travers cinq processus (Scheu, 2003; Brown et al.,
2004) à savoir:
(i) la libération accélérée des
nutriments pour la plante ; la minéralisation de la matière
organique est accélérée au cours du transit de la
nourriture dans l'estomac des ver de terre et aussi à travers le rejet
des turricules contenant une proportion importante de minéraux
facilement assimilables par la plante (Subler et al., 1997 ;
Haynes et al., 1999).
(ii) la stimulation des symbiotes (micro-organismes
mutualistes et mycorhizes) ; ils augmentent les activités
microbiologiques par ce que leurs turricules (contenant des composés
facilement métabolisables), les galeries et les middens associés
constituent un véritable microenvironnement (conditions
physico-chimiques) favorable au développement des microorganismes
(bactéries) (Brown, 1995).
(iii)
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la protection des plantes contre les pestes et parasites; les
activités des vers de terre rendent la plante plus vigoureuse et la
permettent ainsi de résister aux maladies et parasites (Lavelle et
al., 2006).
(iv) l'amélioration de la structure physique du sol ;
ces organismes modifient la porosité et l'agrégation du sol
(Shipitalo & Le Bayon, 2004) lors de leurs activités de
creusés et de rejet de turricules conduisant par la suite à une
augmentation de la disponibilité de l'eau et l'oxygène (Doube
et al., 1997) pour la plante.
(v) la production par des micro-organismes de certaines
substances (hormones) stimulatrices de la croissance végétale.
Les turricules des vers de terre contiennent des substances humiques (auxine)
qui influencent positivement la croissance des plantes (Muscolo et al.
1999 ; Nardi et al., 2002). Cette activité hormonale est due
à la présence dans l'estomac des vers de terre de microorganismes
qui accélèrent le processus d'humification et améliorent
ainsi la qualité de l'humus (Dell Agnola & Nardi, 1987).
Cependant, selon Blouin et al. (2006), les
mécanismes responsables de ces effets ne sont généralement
pas connus de manière précise.
Les relations entre les vers de terre, les sols et les
plantes, ont été largement étudiées à
travers les travaux réalisés à court terme en microcosme
ou au laboratoire. Cependant, l'extrapolation de ces résultats à
l'échelle de la parcelle et la quantification de l'influence des
activités des vers dans les expériences à cours terme sont
difficiles (Carpenter, 1996). L'hypothèse selon laquelle les
activités des vers sont exagérées dans les
expériences à petites échelles à cause du
contrôle des paramètres environnementaux (température,
humidité du sol et la disponibilité des ressources) ou de
l'introduction de nombres irréalistes de vers dans les
mésocosmes, serait l'une des raisons. Par ailleurs, les
expériences à court terme ne reproduisent pas fidèlement
les effets à long terme de ces animaux sur la dynamique de la
matière organique du sol et la croissance végétale (Barot
et al., 2007).
Ceci étant, quelle densité ou biomasse de vers
est susceptible d'accroître la production végétale? La
manipulation des vers de terre à grande échelle en milieux
paysans consistant à inoculer de larges populations de ces organismes,
pourrait apporter des éléments de réponse (Bohlen et
al., 2004). Ainsi, d'après Lavelle et al., (1994) et Gilot
(1994), une augmentation de la production végétale survient
après l'inoculation d'une biomasse supérieure à 40 g
m-2 ou lorsque la densité de vers de terre est
supérieure à 300 ind.m-2 (Eriksen-Hamel & Whalen,
2007).
Toutefois, la réussite des travaux sur la manipulation
des vers de terre en milieux paysans dépend des espèces
utilisées (Derouard et al., 1997; Eriksen-Hamel & Whalen,
2007), du type
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de sol (Doube et al., 1997; Laossi et al.,
2010), de l'espèce végétale (Pashanasi et al.,
1996; Brown et al., 2004; Laossi et al., 2009), de sources de
nourriture et surtout de la pluviométrie (Pashanasi et al.,
1996; Eriksen-Hamel & Whalen, 2007). L'introduction de vers compactants
peut entraîner non seulement une compaction du sol qui à long
terme est néfaste pour les plantes, mais aussi pour les vers eux
même (Derouard et al., 1997). En plus, même si les vers
compactants et décompactants sont inoculés, il ne peut y avoir de
bons résultats en absence de pluies et de sources de nourriture
(Eriksen-Hamel & Whalen, 2007). En outre, certaines espèces
végétales ne réagissent pas de la même
manière aux activités des vers de terre car elles ne
possèdent pas les mêmes facteurs limitants au niveau des
ressources et utilisent différemment la même ressource (Laossi
et al., 2009). Par exemple, les légumineuses, n'étant
pas limitées par l'azote du milieu, auront une réaction
différente de celle des graminées aux activités des vers
(Brown et al., 2004).
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II. MILIEU D'ETUDE
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