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Effets de l'inoculation des vers de terre sur la production du maà¯s: experimentations en milieux paysans

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par Siagbe GOLLI
Université Nangui Abrogoua - Master II 2013
  

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Abstract

The impact of two earthworms species with contrasting impact on soil functioning, Millsonia omodeoi (compacting) and Hyperiodrilus africanus (decompacting), on maize (Zea mays) growth and production were investigated in field conditions in the Centre-West region of Ivory Coast (Goulikao, Oumé). The treatments included: (i) maize + M. omodeoi (M+Mo), (ii) maize + H. africanus (M+Ha), (iii) maize + M. omodeoi+ H. africanus (M+Mo+Ha), (iv) maize + urea + super phosphate triple (M+U+SPP), and (v) the control (M). A total of 90 g of worms were inoculated per meter square at tree times: 25 g at 15 and 30 days after planting and 40 g, 45 days after planting. The perception of farmers about the effect of earthworms on soil fertility and crop yields was assessed through a survey of 95 farmers from the study site. Results maize production and water use efficiency was increased in inorganic fertilizer and worm-based treatments. Grain yields were enhanced by 21.5%, 21.2%, 19.4% and 13.9% in M+Mo, M+Mo+Ha, M+U+SPP and M+Ha treatments, respectively. The inoculation of earthworms along with the application of inorganic fertilizer have significantly enhanced cobs production and improve the water use efficiency of maize crops, which is likely due to the association of the two earthworm species. A survey undertaken among farmers in the study site showed that 49.3% farmers believed that earthworms positively influence soil fertility whereas 23% think the contrary. Regarding agricultural outputs, 57% of farmers think that earthworms increased crops yields contrarily to 31% of the farmers. As a result, 80% of farmers are willing to use earthworms for improving agricultural production. However, the economic cost of such technology is likely to be a bottleneck.

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Keywords: earthworms, functional groups, sustainable agriculture, maize crop

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INTRODUCTION

L'agriculture itinérante sur brûlis, la principale pratique agricole dans les régions tropicales, génère de faibles rendements à l'hectare. Elle favorise une perte importante d'éléments nutritifs et par conséquent, n'est pas considérée comme une pratique agricole durable (Brown et al., 1994). L'agriculture intensive est caractérisée par la pratique de la monoculture (variétés améliorées), l'utilisation de pesticides et d'engins lourds. Ce type d'agriculture a contribué à faire reculer la famine dans le monde, mais elle est également considérée comme une forme de pratique agricole non durable (relativement instable selon les principes écologiques). Elle est à l'origine d'une grande perte de nutriments susceptibles de polluer les eaux, une pullulation de mauvaises herbes et une invasion de maladies et de pestes des plantes (Tilman, 1999).

Dans un contexte d'agriculture durable, le maintien de la fertilité du sol et partant l'amélioration de la production agricole par la manipulation des organismes dits ingénieurs du sol constitue une voie à explorer (Lavelle et al., 1989; Lavelle et al., 1997). Les vers de terre agissent sur la production végétale qu'ils améliorent par l'intermédiaire de cinq processus (Scheu, 2003; Brown et al., 2004): (i) l'augmentation de la vitesse de minéralisation de la matière organique rendant ainsi les nutriments disponibles à la plante, (ii) le contrôle des parasites et les pestes des plantes, (iii) la modification de la structure du sol, (iv) la stimulation des activités des symbiontes, et (v) la production de substances (hormones) de croissance de la plante par la stimulation des activités microbiologiques. Ces organismes peuvent, de ce fait, être considérés comme une ressource naturelle à intérêt agronomique pouvant être utilisés pour accroître la production agricole de manière durable (Lee, 1985; Lavelle et al., 1998).

L'impact des vers de terre sur la production végétale a été largement étudiés en mésocosmes (pots soumis aux conditions naturelles) et en microcosme (laboratoire) (Derouard et al.1997 ; Scheu et al., 1999 ; Wurst & Jones, 2003 ; Kreuzer et al., 2004 ; Blouin et al., 2006 ; Laossi et al., 2009; 2010). Dans ces expériences où les variables environnementales (température, humidité du sol et la disponibilité des ressources) sont plus ou moins contrôlées et où la densité de vers de terre ajoutés ne reflète pas la réalité, leurs activités sont parfois exagérées (Eriksen-Hamel & Whalen, 2007). Souvent, lorsqu'ils sont réalisés en conditions naturelles, les organismes préexistants sont supprimés préalablement (Gilot et al. 1996 ; Pashanasi et al. 1996 ; Gilot, 1994; 1997 ; Ouédraogo et al., 2006 ; Eriksen-Hamel & Whalen, 2007). Ceci ne traduit pas non plus la réalité car des interactions existent entres les différents organismes du

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sol et même entre espèces de vers de terre (compactants et décompactants). Aussi, les travaux de recherche dont les résultats sont destinés au monde paysan ont le plus souvent été conduits sans la participation de ces paysans. Par ailleurs, la manipulation des vers de terre en milieux paysans (plantations de thé) a abouti à la mise au point d'une technologie appelée Fertilisation Bio-Organique dans les Plantations Arborées (FBO) (Senapati et al. 1999 ; 2002). La FBO initialement expérimentée pendant 3 ans en Inde a permis d'accroître jusqu'à 240% la production de thé, une rentabilité des exploitations augmenter jusqu'à 260% et amélioration des propriétés physico-chimiques et biologiques du sol (Senapati et al. 1999). Cette technologie dont les détails de son application n'ont pas été publiés par les auteurs est protégée par un brevet (ref. PCT/FR 97/01363) (Senapati et al. 2002 ; Dash et al. 2009). La FBO a cependant été transférée dans d'autres pays du monde tels que la Chine et l'Australie. En Côte d'Ivoire, des travaux sur l'impact des vers de terre sur la production agricole se sont tous déroulés dans les environs de la réserve de Lamto et concernent généralement l'espèce M. omodeoi (Gilot et al., 1996; Gilot, 1997; Derouard et al., 1997; Blouin et al., 2006). Malgré le succès relatif de ces études, aucune initiative visant à promouvoir l'utilisation de ces organismes comme bio-fertilisant n'a été initié.

La présente étude est réalisée dans la phase finale du projet « Conservation and Sustainable Management of Below-Ground BioDiversity » (CSM BGBD) dont l'un des objectifs est de valoriser les services écosystémiques des organismes du sol. L'objectif particulier de cette étude est d'utiliser les vers de terre comme bio-fertilisants pour améliorer la production agricole (culture de maïs), en collaboration avec les paysans. Elle consistera à tester l'hypothèse selon laquelle l'inoculation simultanée de vers de terre à rôles fonctionnels contrastés (compactants contre décompactants) favorise une augmentation de la production agricole.

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I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 1. Ecologie des vers de terre utilisés 1.1. Millsonia omodeoi

Millsonia omodeoi appartient à la famille des Acanthodrilidae. C'est une espèce non pigmentée de couleur rose avec un clitellum orange (Annexe 1C). A l'âge adulte, les individus de cette espèce mesurent 15 à 20 cm de long et pèsent en moyenne (poids frais) 5 à 6 g (Lavelle, 1978). Bien qu'étant hermaphrodite, leur reproduction est croisée comme tous les vers de terre (Lavelle, 1978). L'espérance de vie des juvéniles à la naissance est de 6 mois. Mais ils peuvent vivre plus de 20 mois. En années normalement humides, la maturité sexuelle est atteinte vers 10 mois. La fécondité moyenne est de 6 cocons par adulte et par an; ceux-ci éclosent 21 jours en moyenne après la ponte et le taux d'éclosion est proche de 100% (Lavelle, 1978).

Les vers de cette espèce vivent dans les vingt premiers centimètres du sol et se nourrissent de terre moyennement riche en matière organique provenant de l'horizon superficielle (0 à 20 cm), d'où leur appartenance au groupe des endogées mésohumiques (Lavelle, 1981).

Les vers juvéniles peuvent ingérer 20 à 30 fois leur poids frais de terre par jour et produisent de gros turricules compacts (diamètre > 2 mm), formés d'unités arrondies et coalescentes qui contribuent à la compaction du sol, d'où leur appellation de "vers compactant" (Blanchart et al., 1997).

Il faut également mentionner que cette espèce a fait l'objet de plusieurs études en milieux contrôlés comme semi contrôlés (Gilot et al.1996 ; Gilot et al 1997 ; Derouard et al.1997 ; Blouin et al.2006).

1.2. Hyperiodrilus africanus

H. africanus appartient à la famille des Eudrilidae. Il représente l'un des rares vers de grande taille appartenant à cette famille; les espèces de cette famille étant généralement filiformes (Annexe 1B). C'est un ver légèrement pigmenté qui mesure en moyenne, à l'âge adulte, 8 à10 cm et pèse plus de 1 g. Les populations de cette espèce se trouvent dans les régions humides de savanes et de forêts perturbées (Omodeo, 1954 ; Madge, 1969) de l'Afrique occidentale (Côte d'Ivoire, Nigeria) et centrale (RDC, Angola). La durée maximale de vie des individus est de 8 mois (Tondoh, 1998). Ce vers est caractérisé par une importante fécondité (un adulte peut produire en moyenne 30 cocons par an), un nombre élevé d'embryon par cocon (1 à 5) et une reproduction parthénogénétique (Tondoh & Lavelle, 1997). Toutes ces caractéristiques

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démographiques font d'elle, une espèce à grande capacité d'expansion et donc de profile démographique de type « r » stratège « r » (Tondoh & Lavelle, 2005).

Les individus appartenant à cette espèce vivent dans l'horizon superficiel du sol (0-20 cm) et s'y nourrissent. Ils exploitent des zones plus riches en matière organique (mélange de litière et de terre) en délaissant partiellement les sables: ce sont des endogées polyhumiques (Tondoh, 1998). Ils produisent des turricules friables (diamètre < 2 mm). Et au travers cet effet de désagrégation du sol, ils sont appelés "vers décompactant" (Blanchart et al., 1997).

2. Notion de groupe fonctionnel et de type écologique des vers de terre

Un groupe fonctionnel est un ensemble d'espèces qui exerce un effet similaire sur un processus biogéochimique spécifique de l'écosystème (Swift et al. 2004). Ainsi, en se focalisant sur l'impact des vers de terre sur la structure du sol, on distingue des vers compactants et décompactants:

- les vers du groupe des compactants (gros vers) provoquent la macro agrégation du sol à travers la production de gros turricules compacts et réduisent ainsi la macroporosité du sol ;

- le groupe des décompactants renferme les vers de petites tailles qui ont des effets opposés à ceux du groupe précédent. Ils découpent les larges agrégats (> 5 mm) en petites pièces (0,25-2 mm) réduisant du coup, la densité des gros agrégats (Blanchart et al., 1997 ; Derouard et al., 1997; Lavelle et al., 2006).

La classification des vers de terre en types écologiques est basée sur le mode d'utilisation des ressources, de l'espace et d'adaptation aux conditions difficiles du milieu souvent difficiles et imprévisibles. Ces types écologiques sont :

- les épigées: dans ce groupe, les espèces vivent dans la litière et s'en nourrissent. Le cocon est la forme de résistance de ces espèces aux conditions défavorables ;

- les anéciques: les espèces de ce groupe vivent la plupart du temps dans des réseaux de galerie enfoncés parfois très profondément (1 à 6 m) et se nourrissent de litière à la surface du sol. Leur forme de résistance est une diapause vraie;

- quant au dernier groupe de cette classification, c'est - à - dire les endogées, les individus se nourrissent essentiellement de terre (matière organique). Ils sont appelés oligo-, méso- ou polyhumiques suivant qu'ils se nourrissent d'une terre énergiquement pauvre, moyennement riche ou riche. La forme de résistance de ces espèces aux conditions défavorables se fait par quiescence

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Cependant, certains auteurs (Sheehan et al., 2006 ; Sheehan et al., 2007 ; Laossi et al., 2009 ; Laossi et al., 2010) prennent les types écologiques des vers de terre pour des groupes fonctionnels.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius