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Prédisposition à  adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho : cas des ménages consommateurs de "dibou" du village Thian, commune de Parakou.

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par Morest AGOSSADOU
Université d'Abomey-Calavi - Ingénieur agro-économiste 2011
  

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7.1.2. 6.2. Analyse et discussion des résultats

Les résultats issus de la régression logistique portant sur les déterminants de l'adoption du décorticage mécanique et de la fortification en fer du sorgho dans le village Thian, révèlent l'existence de cinq variables significatives que nous nous devons d'analyser et discuter.

· Le revenu de l'enquêtée

Il s'agit du revenu des femmes à charge de la préparation de la pâte du sorgho dans les ménages enquêtés. Dans le modèle, le signe du coefficient de cette variable est le signe plus (+) ; il correspond au signe attendu. Il indique que la décision d'adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho est positivement influencée par le revenu de l'enquêtée. En d'autres termes, plus le revenu de l'enquêtée est élevé, plus grande est sa probabilité de décider d'adopter l'innovation. Ce résultat s'explique par le fait que les `'chefs cuisine'' qui ont un revenu élevé se sentent en mesure de faire face aux coûts liés à l'adoption de l'innovation. En effet, avant l'obtention du sorgho décortiqué et fortifié, diverses opérations sont effectuées par le minotier et l'agent qui assure la fortification. Il s'agit dans cet ordre de :

ü la pesée du sorgho à l'aide d'une balance mécanique

ü l'humidification du sorgho ;

ü le décorticage proprement dit du sorgho à l'aide d'un décortiqueur ;

ü la pesée du sorgho décortiqué à l'aide de la même balance mécanique ;

ü la pesée de la quantité de fer nécessaire à la fortification du sorgho décortiqué à l'aide d'une balance électrique ;

ü la fortification proprement dite du sorgho décortiqué.

L'enquêtée ayant pris conscience de ce que toutes ces opérations ont un coût, fait référence à son niveau de revenu et se prononce sur sa décision d'adopter ou de rejeter l'innovation.

Ce résultat est conforme à celui obtenu par Agbahey (2007). Dans sa recherche sur la prédisposition des ménages du département du Couffo (Sud-Bénin) affectés par le VIH/SIDA à adopter les systèmes de production basés sur les variétés améliorées, cet auteur trouve que le niveau de revenu influence positivement la décision d'adopter ou de rejeter les variétés améliorées. Il montre ainsi que les producteurs à haut niveau de revenu sont plus prédisposés à adopter les variétés améliorées que ceux à faible niveau de revenu.

· L'appartenance de l'enquêtée à la phase pilote du projet

Cette variable désigne l'appartenance ou non de l'enquêtée à la phase pilote du projet qui a conduit à l'installation de l'unité de décorticage et de fortification. Les résultats obtenus à partir de la régression logistique montrent que cette variable influence négativement la décision d'adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho. L'appartenance à la phase pilote du projet est donc négativement corrélée à la disposition de l'enquêtée à adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho. Autrement dit, lorsqu'on va des `'chefs cuisines'' n'ayant pas appartenu à la phase pilote du projet à celles ayant appartenu à la phase pilote, nous avons une diminution du nombre des prédisposées. Cet effet négatif de cette variable sur la prédisposition de l'enquêtée à adopter l'innovation est contraire à celui que nous avions prédit. Selon Evenson (1992) et Ogunlana (2003), le contact de l'enquêté avec la `'vulgarisation'' devrait faciliter l'accès à l'information et favoriserait l'adoption des innovations. Mais, l'effet contraire observé au cours de notre étude pourrait s'expliquer par les multiples plaintes de ces femmes qui ont appartenu à la phase pilote du projet, et donc expérimentées la technologie. En effet, pendant les huit mois d'expérimentation de la technologie par les femmes sélectionnées, elles ont relevé plusieurs insuffisances. Il s'agit de :

ü la non-permanence de l'agent qui effectue la fortification : en fait, pour le compte du projet, un agent a été recruté pour assurer la fortification du sorgho, après le décorticage par le minotier. Cet agent, dans une journée, n'arrive dans le village pour faire son travail, qu'en fin d'après-midi (17 heures). A son arrivée, dès qu'il finit de fortifier le sorgho déjà décortiqué, il rebrousse chemin. Alors, les femmes qui amènent du sorgho dans l'unité avant 17 heures ou après son départ et qui sont dans un besoin pressant de farine pour préparer la pâte ne peuvent pas voir leur sorgho fortifié. Cette situation n'est pas du goût des `'chefs cuisines'' qui ont déjà expérimenté la technologie.

ü l'impossibilité de conserver la farine pendant un bon moment. Selon les enquêtées, la farine qu'elles obtenaient avec le sorgho non décortiqué se conservait pendant plus de deux semaines, alors que celle améliorée (issus de sorgho décortiqué et fortifié) ne se conserve pas pendant plus de 3 ou 5 jours. Ceci est certainement dû, selon ces `'chefs cuisine'' à l'humidification que subit le sorgho avant son décorticage. Cette humidification augmente le taux d'humidité de la farine favorisant ainsi l'activité des micro-organismes, et conduisant à son altération précoce. Cette situation n'avantage guère les enquêtées.

ü la diminution de la quantité de farine après décorticage : même si les enquêtées ont reconnu qu'il ne peut en être autrement, elles ont tout de même mentionné cet état de chose, lors des discussions que nous avons menées avec elles. Cela pourrait les amener à préférer moudre leur sorgho sans forcément passer par le décorticage.

Cette influence négative de la variable `'appartenance ou non à la phase pilote du projet'', bien que les enquêtées sélectionnées aient reconnu la supériorité des qualités organoleptiques et nutritionnelles du dibou issue de sorgho décortiqué et fortifié, s'explique par le fait que tout individu opère un choix en fonction des coûts et des avantages qu'il en tire ou qu'il espère en tirer. C'est d'ailleurs ce qui a justifié le choix du modèle des choix rationnels pour servir de fil conducteur de notre recherche.

La prévision d'une phase pilote ou d'expérimentation de l'innovation n'est donc pas une mauvaise idée. Elle permet de relever les insuffisances liées au fonctionnement de la technologie, afin de proposer des solutions adéquates pour une meilleure adoption par toute la population.

· La complexité perçue de la procédure de décorticage mécanique et de la fortification en fer du sorgho

Il s'agit de la perception de l'enquêtée sur la complexité ou non de la procédure de décorticage et de fortification. Cette perception était évaluée à l'aide de deux critères : le niveau de facilité de compréhension de la procédure de décorticage et de fortification et l'idée que l'enquêtée se fait du temps que prendra ces opérations. Ainsi, la procédure est qualifiée de complexe lorsque l'enquêtée affirme qu'elle est difficile à comprendre, ou lorsque l'enquêtée juge la procédure trop longue.

A travers le modèle, nous voyons que cette variable influence négativement la prédisposition des `'chefs cuisine'' à adopter l'innovation. Cette influence négative, conforme à nos prévisions, indique que la probabilité de rejet de l'innovation augmente lorsque l'enquêtée juge la procédure de décorticage et de fortification complexe.

Un résultat semblable a été obtenu par Ogunlana (2003) lorsqu'elle conduisait son étude sur les comportements d'adoption de la culture en couloir par les agricultrices du Nigéria. Cet auteur a montré que la complexité, définie dans le cadre de son étude comme le degré auquel une innovation est perçue comme étant difficile à comprendre et à utiliser, influençait négativement l'adoption de la culture en couloir. Par ailleurs, Bendana et Sadok (2005) ont aboutit à cette même conclusion dans leur étude sur les facteurs explicatifs des intentions d'adoption du gouvernement électronique par les petites et moyennes entreprises tunisiennes.

· Compatibilité de la technologie avec les normes et valeurs du ménage de l'enquêtée

Cette variable a été introduite dans le modèle de régression logistique pour voir l'influence des normes et valeurs du groupe social qu'est le ménage auquel l'enquêtée appartient, sur la prédisposition à adopter l'innovation. Ces normes et valeurs peuvent être liées à la tradition, à la religion, etc.

Les résultats du modèle révèlent un effet positif de cette variable sur la prédisposition des `'chefs cuisine'' à adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho. Cette variable est donc positivement corrélée avec la prédisposition à adopter l'innovation. Cet effet positif est celui qui est attendu. Il indique que la probabilité d'acceptation de l'innovation augmente lorsqu'elle est compatible avec les normes et valeurs de l'enquêtée.

· Statut social de l'enquêtée après adoption de l'innovation

Il s'agit ici de l'idée que l'enquêtée se fait de son statut social, une fois qu'elle aura adopté l'innovation. Dans le modèle, le signe du coefficient de cette variable est le signe plus (+) ; il correspond au signe attendu. Il qui indique que la décision d'adopter le décorticage mécanique et la fortification en fer du sorgho est positivement influencée par le statut social de l'enquêtée. Autrement dit, la probabilité d'acceptation de l'innovation augmente lorsque l'enquêtée est convaincue qu'elle améliorera son statut dans le village. Le statut social de l'enquêtée est amélioré, lorsque celle-ci est mieux `'regardée'' que par le passé. En effet, l'adoption du décorticage mécanique et de la fortification en fer du sorgho est source de prestige car, d'une manière ou d'une autre, implique des charges financières supplémentaires. Une femme qui adopte cette innovation est une femme qui est en mesure de dépenser plus d'argent que par le passé. Etre capable de sortir de son portefeuille plus d'argent que par le passé, fait de cette femme et de son époux, des personnes qu'on peut qualifier d'aisées. En dehors de cela, un ménage qui accepte décortiquer et fortifier chaque fois le sorgho avant de le moudre, pourra être vu comme un ménage exemplaire, car ayant le souci de contribuer à l'éradication d'une maladie. Tout ceci contribuerait à l'amélioration du statut social des `'chefs cuisine'' qui adopteraient l'innovation. Celles qui sont convaincues de cela ont une grande probabilité d'adoption du décorticage et de la fortification.

Un résultat similaire a été trouvé par Ogunlana (2003) lorsqu'elle conduisait son étude sur les comportements d'adoption de la culture en couloir par les agricultrices nigérianes. Cet auteur a, en fait, montré qu'il existait une corrélation positive entre le niveau d'adoption de la culture en couloir et le prestige social qui en dérive.

De tout ce qui précède, nous pouvons dire que le revenu de l'enquêtée, son appartenance à la phase pilote du projet, sa perception de la complexité de la procédure de décorticage mécanique et de la fortification en fer du sorgho, la compatibilité de l'innovation avec les normes et valeurs de son ménage et la perception qu'elle a de son statut social après l'adoption de l'innovation influencent sa décision de décortiquer de façon mécanique et de fortifier en fer son sorgho. Les variables telles que le niveau de revenu, la compatibilité de l'innovation avec les normes et les valeurs des ménages des enquêtées et le statut social des enquêtées après l'adoption de l'innovation ont une influence positive sur la décision des `'chefs cuisine'' à décortiquer de façon mécanique et fortifier en fer leur sorgho. Ainsi, la probabilité de répondre « oui » à la question de savoir si l'enquêtée acceptera décortiquer, fortifier et payer un montant pour ces opérations augmente lorsque l'enquêtée à un niveau de revenu élevé, juge compatible le décorticage et la fortification avec les normes et les valeurs de son ménage, et perçoit ces opérations comme capables d'améliorer son statut social. Par contre, les variables telles que l'appartenance de l'enquêtée à la phase pilote du projet et la complexité perçue de la procédure de décorticage mécanique et de la fortification en fer du sorgho influencent négativement la décision des `'chefs cuisine'' à adopter l'innovation. Autrement dit, la probabilité de répondre « non » à la question de savoir si l'enquêtée acceptera décortiquer, fortifier et payer un montant pour ces opérations augmente lorsque l'enquêtée a appartenu à la phase pilote du projet qui a conduit à l'installation de la plate-forme de décorticage et de fortification et lorsque l'enquêtée juge la procédure de décorticage mécanique et de la fortification en fer du sorgho complexe.

A partir de ce moment, nous acceptons la première hypothèse de notre étude, et concluons que les facteurs d'ordre socio-économique que sont le niveau de revenu, l'appartenance à la phase pilote du projet, la complexité perçue de la procédure de décorticage et de fortification, la compatibilité de l'innovation avec les normes et valeurs du ménage de l'enquêtée et le statut social de l'enquêtée après l'adoption de l'innovation déterminent la décision des `'chefs cuisine'' du village Thian à décortiquer de façon mécanique et fortifier en fer le sorgho.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon