LES CONTES ET LES MYTHES EN
PIDGIN : FACTEUR D'EDUCATION DE L'ENFANT DANS LA SOCIETE AFRICAINE
TRADITIONNELLE DANS LA REGION DU SUD- OUEST (BUEA)
Thèse présentée en vue de l'obtention du
diplôme de Doctorat/Ph.D en Littérature et Civilisations
Africaines
Option: Littérature orale et
linguistique
Présentée par
OBONO ESSOMBA Anne
LICENCEE ES LETTRES BILINGUES (anglais/francais)
MAÎTRISE EN LITTERATURE DU CONTINENT
MASTER EN LITTERATURE AFRICAINE (littérature
orale)
Sous la Direction de
Pr NOL ALEMBONG Pr
Faustin MVOGO
Doyen de la Faculté des Arts,
Chef de Département de Littérature
Lettres et Sciences Humaines.
et Civilisations Africaines
Université de Buéa
Université de Yaoundé
I
Septembre2014
SOMMAIRE
SOMMAIRE
i
DEDICACE
ii
REMERCIEMENTS
iii
LISTE DES ABREVIATIONS
v
RESUME
vi
ABSTRACT
viii
INTRODUCTION GENERALE
1
Première
partie :
PRESENTATION DU PIDGIN
2
Chapitre I : APPROCHE DEFINITIONNELLE ET
GENESE DU PIDGIN
40
CHAPITRE I : APPROCHE DEFINITIONNELLE
40
Chapitre II : ATTITUDE ET STATUT A L'EGARD DU
PIDGIN ENGLISH AU CAMEROUN
66
Deuxième partie : LES FONCTIONS
DE L'ENFANT
85
Chapitre III : L'ENFANT, SUJET D'ETAT (OU PATIENT)
ET DE FAIRE (OU AGENT)
88
Chapitre IV : ANALYSE CRITIQUE DES MYTHES DE
NOTRE CORPUS
130
Troisième Partie : DE
L'EDUCATION TRADITIONNELLE DE L'ENFANTDANS LA REGION DU SUD OUEST
176
Chapitre V : DU SYSTEME EDUCATIF TRADITIONNEL
AFRICAIN AUX MYTHES PIDGIN : VALEURS ET IMPACT
177
Chapitre VI : LES ACTEURS ET LE CADRE DE
L'EDUCATION
236
Chapitre VII : PIDGIN ET LA PROBLEMATIQUE
D'UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE
265
REFERENCES BIBLIOGRAPHIES
362
ANNEXES
377
DEDICACE
A toi, mon ami, Simon Francis NOKE
Ils sont partis, tous
partis
Qui restera, donc, ici ?
Même restés, ils sont là-bas
Avec les autres, leurs frères
Qui restera donc, ici ?
A nettoyer la poussière
Pour que brille,
Toujours, ce qu'on nous a laissé
Qui restera donc ici ?
Pour redonner vie
A celle que tu as tendrement appelé Anny
A nos noms oubliés
A nos âmes ?
Oui, vous avez laissé un grand vide dans nos coeurs
Vide qui ne sera comblé, ni aujourd'hui, ni demain
Un vide eternel
Un vide de toujours
Obono Essomba Anne
REMERCIEMENTS
Par cette oeuvre marquante
de ma vie, je voudrais remercier le Pr.Nol ALEMBONG qui m'a transmis l'amour de
la recherche et m'a conduit à apprendre et à connaitre mes
racines profondes.
Mes remerciements
s'adressent aussi à :
La grande famille de l'ENSPT, Yaoundé ; plus
particulièrement à M. Wassouo Simon, donc le bureau fut un
veritable laboratoire pour ce travail. Je ne saurais oublier sa
disponobilité et son aide financière pour l'avancement de ce
travail.
Mes sincères remerciements vont à l'endroit de
M.Bekouma Atangana Laurent, cadre technique de developpent, et de M. Amougou
Moïse J.P, enseignant de philosophie, Lycée de Mbankomo qui,
malgré leurs différentes occupations, ont accepté
d'être mon mentor pour ce travail. Leur apport fut très
significatif pour la réalisation de ce travail, et je ne saurais
vraimentl'ignorer.Leurs analyses critiques, leur engoument pour la
réalisation de ce travail à donner une nouvelle orientation
à ce chef d'oeuvre.
Ce travail n'aurait certainement pas vu le jour sans l'aide et
la disponibilité de mes informateurs et de mes personnes ressources. Je
pense ici au Dr. Neba Devine, donc la source orale constitua une grande partie
de mon corpus
Ma reconnaissance va également à l'endroit de la
grande famille de « City of Wonders », plus
particulièrement à M. Roland Dipita, qui n'a jamais cessé
de trouver les mots justes pour me remonter le moral, surtout lorsque le
decouragement cherchait à prendre le dessus.
Je ne saurais fermer cette page sans toutefois faire mention
de celui qui a toujous été mon compagnon de bataille dans ce
vaste labyrenthe qu'est la recherche, il s'agit sans doute de M. Constantin
Nicolas Antoniades.Je ne saurais lui signifier ma gratitude simplement dans ces
queslques lignes. Il m'a encouragé depuis le premier jour jusqu'au
dernier jour de la matérialisation de ce travail.En tant qu'ami, il m'a
soutenu moralement et financièrement pendant mes moments les plus
difficiles.
Mes remerciements vont également à l'endroit de
M. Omgba Martin Réné, qui m'a aidé à traduire mon
résumé du français pour l'anglais.
Je ne manquerai pas de mentionner la presence de ma famille
pour leur soutien moral et financier, je parlerai ici de ma maman MmeVega
Denise, pour ses nonbreux encouragements et son appui financier.
A tous ceux que j'aurais oubliés, trouvez ici
l'expression de ma profonde gratitude pour votre contribution à ce
travail.
LISTE DES ABREVIATIONS
CPC : Cameroon pidgin English
CP : Cameroon pidgin
NPE : Nigerian Pidgin english
CDC: Cameroon development Corporation
PE: Pidgin English
RESUME
Depuis l'introduction de l'école par le biais de la
colonisation, l'école est restée non seulement un instrument
d'assujettissement des consciences et des esprits, mais, elle s'est
montrée incapable d'enraciner l'enfant africain dans son milieu de vie
immédiat, se contentant pour l'essentiel de le déraciner. Cet
état de chose, susceptible de concourir à l'évanouissement
de notre patrimoine culturel et à nos modes d'éducation et le
souci d y mettre un terme explique le choix de ce thème.
Le but de ce travail est de monter que, la revalorisation de
notre patrimoine culturel passe par une redéfinition des objectifs de
l'éducation en vue de l'avènement d'un citoyen non seulement
enraciné dans sa culture, mais aussi et surtout ouvert au monde. De
même, il ressortira de ce travail que, la meilleure éducation de
l'enfant, adulte en devenir est loin d'être l'apanage des seuls models
occidentaux, stéréotypés et dominateurs, mais, que le
retour aux sources profondément africaine, peut faire jaillir à
nos enfants des valeurs plus fiables , durables , et de nature à
contribuer plus efficacement au développement de l'Afrique. L'un des
principaux objectifs de ce travail est de monter que l'éducation de
l'enfant dans la société traditionnelle renferme plusieurs
valeurs très séduisantes qu'il importe non seulement
d'identifier, mais aussi de sauvegarder et de préserver de la
destruction et du caractère mouvant des sociétés
contemporaines.
Cependant, il importe de rappeler que, pour qu'il y ait
transmission des valeurs et des connaissances, il faut qu'il y ait
communication. Aussi, importe t-il de dire que la communication use de
plusieurs canaux .Pour les êtres humains, le principal outil de
communication reste la langue. La langue sert de moyen de transmission, de
conservation de nos valeurs dans une communauté bien précise et
qui se reconnait comme telle.Mais, le pidgin ne remplit pas toutes ces
conditions. Alors, les récits que nous avons récoltés dans
cette langue et dans la communauté linguistique où il est
majoritairement utilisé, sont issus de la transposition ou de
l'interprétation des autres langues. Ce qui nous intéresse ici,
c'est la langue pidgin, car nos contes et nos mythes ont été
récoltés dans cette langue. Le corpus récolté dans
cette langue a pour but de monter que ce « no man's
language » évolue avec l'histoire, elle n'est plus simplement
une langue de commerce mais, elle est devenue au fil du temps, une langue
littéraire et par conséquent peut servir de support à
l'éducation, à l'immortalisation et à la transmission des
connaissances à la jeune génération.
Les méthodes qualitatives et quantitatives ont
été utilisées lors de la collecte des données.
Aussi, avons-nous également eu recours aux questionnaires, aux
interviews et à des observations. Notre approche de l'éducation
de l'enfant dans la société africaine traditionnelle s'est faite
aussi à partir d'une étude fonctionnelle de 15 contes et de 10
mythes en pidgin, récoltés précisément à
Buea. Cette étude, faite à l'aide de la méthode
structuraliste de Claude Bremond et de la mythocritique de Gilbert Durand, nous
a permis au regard des interrelations de rôles au cours de l'action
narrative, de comprendre, au delà du texte oral, les différentes
formes du comportement humain. L'étude à travers les contes et
les mythes en pidgin nous révèle que les sociétés
traditionnelles visaient toutes par l'action de divers membresque nous avons
nommés, acteurs de l'éducation, à donner à l'enfant
une éducation qui tend à valoriser le respect scrupuleux des
normes de conduites codifiées par des ancêtres. Par ailleurs, le
conte et le mythe sont non seulement une école d'apprentissage de la vie
sociale ; ils sont aussi une institution éducative qui apporte
à tous les membres de la communauté, en général et
aux enfants en particulier, les différents savoirs que sont le savoir,
le savoir- vivre, le savoir- être et le savoir -faire et le savoir faire
faire.
L'analyse minutieuse de ces corpus et des valeurs qu'ils
véhiculent dans le contexte considéré ici, nous a conduit
à la conclusion que, l'éducation moderne reçue dans les
écoles occidentales, si associée à l'éducation
traditionnelle africaine telle que étudiée ici, peut avoir un
impact psycho-affectif, et pédagogique, plus accru. Il n'est pas
question ni de s'enfermer dans une tour d'ivoire, ni de se diluer dans
l'universel.
Nous avons terminé notre travail sur une partie qui
à pour titre : « Pidgin et la Problématique d'une
Identité Culturelle Camerounaise ». Cette partie
dévoile en quoi les textes en Pidgin expriment les
réalités propres au Cameroun. De même, l'ouverture a
été donnée à notre travail de recherche à
l'étude de la littérature orale en Pidgin comme expression de la
société Camerounaise avec un encrage important vers une
proposition de fondement de l'identité camerounaise autour de la langue
Pidgin.
ABSTRACT
Western education introduced in our continent through
colonization and its related has revealed to be nothing but an enslaving
practices and off-rooting factor for African collective mentality.As a result,
our cultural heritages, as well as our own traditionnal ways of child
education, are nowadays under the threats of disappearence.
In reaction to this awful observation, we have committed
ourselves in this research to show that, the safeguard and the revalorization
of our cultural heritage can only be achived if the targeted form of education
fit for the present Africa is clearly redefined in such a way as to pave the
way for the coming of new citizen.
In this vein, one of our main goals is to prove that in the
African traditional society, child education lies on numerous social, moral
values. So, initiatives have to be taken to prevent them from any destruction
looming over now.Note should however be taken that, the transmission of these
knowledge and cultural values cannot be effective in the absence of real
communication which is mainly done through a particular code or language. But,
the Pidgin- English ,examined here , through fulfillingthe conditions of
transmission and immortalization of our values, has no precise human
community.That is why, it is important to note that tales and myths collected
on the field are the resultof transposition and interpretation from a variety
of other languages blended together thanks colonization. So this «no man's
language «suffered historical intricacies and has become a literary
language to be transmitted to younger generations.During the data collection on
the field, the qualitative and quantitative requirements have been taken into
consideration. In addition to this, questionnaires, interviews, records and
empiric observation have been implemented by the use of functional studies of
15 tales and 10 myths collected in Buea. This studywas done through the
structuralist method of Claude Bremond followed by the mythocritics of Gilbert
Durand. These two have enable us to better access and understand human
behavior, this, by examining interrelations between characters as they appear
in the narrative plots. Studing tales and myths in African traditional society,
also aims at revealind that, in that context, the whole community was enrolled
in the child's education. This collective and reciprocal social commitment duty
is exhibited in various corpuses cited above: codified social norms and
attitudes was the rule.
In the same tocken of appreciation, this study also shows
that, through tales and myths, child education as it was done, if projected in
the modern time, can have more efficient impacts on our education attemps of
today.
INTRODUCTION GENERALE
GENESE ET MOTIVATION DU SUJET
S'il est un sujet dont l'évocation fait l'objet de
controverses et des discussions les plus vives parmi les philosophes, les
anthropologues, les hommes de lettres de toutes sortes, c'est celui de
l'effritement graduel et continuel de l'essentiel du patrimoine culturel
africain. Le sujet est crucial et constitue un problème non seulement
à la sauvegarde et la perpétuation de nos valeurs culturelles
ancestrales, mais également pour ce qui est de l'essence même de
notre être-au-monde, notre identité.
C'est pourquoi, un vaste mouvement pour la
réappropriation du patrimoine culturel et traditionnel des
communautés originelles, constitue, aujourd'hui le leitmotiv de la
politique des différents peuples et Etats du globe. Comme on peut s'en
rendre compte, l'éducation de l'enfant dans la société
traditionnelle renferme plusieurs valeurs très
séduisantes.Valeurs qu'il importe non seulement d'identifier, mais aussi
de sauvegarder et de préserver de la destruction, de la fragilité
et du caractère mouvant des sociétés contemporaines.
Nous vivons aujourd'hui dans un monde où les valeurs se
dégradent et se désagrègent continuellement, ce qui
entraîne comme conséquences la dépravation des moeurs, la
crise de l'autorité, la perte de l'unité familiale, le
développement des tendances égoïstes et de l'esprit
calculateur. Il n'existe plus un code moral pour nos jeunes ; nos valeurs
se transforment en anti-valeurs, d'où le développement de
l'immoralité, la méconnaissance de la valeur de l'homme au profit
de l'argent, la primauté de la promotion de l'individu sur celle de la
collectivité, etc. On est même tenté de croire que la
crise morale des jeunes, aujourd'hui, serait essentiellement liée
à la crise des valeurs que connaissent nos sociétés. Cette
crise qui s'accompagne de la perte des valeurs morales et des troubles de
caractère aurait pour origine l'anthropie culturelle qui s'accompagne du
degré élevé de la crise socio-économique, et de
l'importance des mass-médias, etc.
S'agissant du Cameroun, l'on a vu, il y a quelques temps, avec
les Etats généraux de l'Education en 1995 et la loi de
l'orientation de l'Education en 1998, une certaine volonté de
revalorisation de notre patrimoine culturel par une redéfinition des
objectifs de l'Education en vue de l'avènement d'un citoyen non
seulement enraciné dans sa culture mais aussi et surtout ouvert au
monde.
Ceci naît en réaction à l'état
actuel de l'Education moderne en Afrique. En effet, depuis l'introduction de
l'école par le biais de la colonisation, l'école est
restée non seulement un instrument d'assujettissement des consciences et
des esprits mais, elle s'est montrée incapable d'enraciner l'enfant dans
son milieu de vie immédiat.Elle ce serait contenter pour l'essentiel de
le déraciner, l'acculturer et l'aliéner en lui fournissant une
éducation calquée sur le modèle occidental peut
adapté aux défis qu'impose notre contexte.
En conséquence, divisée, morcelée,
fragmentée, la société africaine traditionnelle a
été attaquée dans ses fondements et ses manifestations.
Les mentalités se sont pour l'essentiel occidentalisées Les
veillées éducatives autour du feu, au clair de lune, occasions
privilégiées pour la transmission de la morale et des habitudes
du groupe aux jeunes générations tendent à
disparaître au profit d'une école destructrice de valeurs
culturelles. Le phénomène de «l'enfant de la rue»,
de la « dépravation des moeurs » preuve d'un
dysfonctionnement social qui n'existait pas étant donné que
« les enfants sont le bien du groupe»(1976 :63) dans la
société traditionnelle africaine, tend à prendre de
l'ampleur. La famille naguère étendue, qui était le
creuset dans lequel les différents membres de la famille (oncles,
tantes, cousins, grands-parents ...) par l'entraide et la solidarité
assuraient l'essentiel de la formation du caractère et de la
personnalité de l'enfant.Celle-ci s'est muée aujourd'hui en une
famille nucléaire inspirée du modèle occidental, incapable
de par son étroitesse d'assurer l'équilibre affectif et la
stabilité émotionnelle de l'enfant africain.
Nous disons ici que l'éducation n'est pas seulement une
action de perpétuation des actes humains d'une génération
à une autre.Elle est: «pour toute société la
pierre angulaire de la construction de son avenir. L'Education traduit les
tendances et les options présentes dans la société en
même temps qu'elle constitue un processus de projection dans le futur
»1(*).Bien
précisément, elle est une appropriation d'un passé
historique et collectif pour la construction non seulement d'un présent
mais aussi d'un avenir.
Partant du malaise actuel sur le plan de l'éducation de
l'enfant moderne en Afrique, nous avons été frappé par la
force de ce propos de Nkwame Nkrumah qui dit: «va. Cherche ton peuple.
Aime-le. Apprends de lui. Fais des projets avec lui. Commence par ce
qu'il sait. Construis sur ce qu'il est et ce qu'il a
» (2005 :11). Ceci nous a conduit à une
quête profonde de notre passé culturel africain, pour comprendre
à travers l'étude de la société traditionnelle
africaine en quoi consistait l'éducation de l'enfant, la perception
qu'on avait de lui et surtout les objectifs et les finalités du genre
d'éducation que la société traditionnelle entendait lui
prodiguer. Etant entendu que: « chaque société traite
l'enfant en fonction de l'image qu'elle se forge de sa propre identité
et des valeurs éthiques et morales qu'elle se propose de lui inculquer
et ceci aussi bien à travers l'apprentissage implicite des actes
quotidiens que par un enseignement verbal»(1988 :1).
Cette quête profonde de notre passé dans
l'objectif d'un enracinement culturel véritable nous a conduit à
l'étude suivante : les contes et les mythes en
pidgin : facteurd'éducation de l'enfant dans la
société africaine traditionnelle dans la région du Sud
-ouest (Buea). Ceci étant donc, il nous importe maintenant de
définir, d'expliciter et de démystifier de la manière la
plus simple qui soit, le contenu notionnel de notre sujet pour une
compréhension profonde et objective.
DEFINITION DU SUJET
Pour assouplir la compréhension de notre sujet, il
importe de définir un à un les mots et expressions saillants
autour desquels graviteront notre sujet. Il s'agit notamment de
« Education traditionnelle »,
« enfant », « tradition »,
« valeur », le terme « pidgin » quant
à lui sera mieux développé dans notre première
partie.
L'éducation : le terme
éducation est très ancien et universel car, toutes les
sociétés humaines, tous les groupes sociaux, toutes les
entités politiques organisent et gèrent la transmission des
savoirs et des connaissances dans la perspective d'assurer la
pérénité, le rayonnement de leur culture ainsi que son
développement. Pour ce faire, la notion d'éducation, offre un
champ définitionnel assez vaste.
Du latin ex-ducere, qui veut dire : guider, conduire
hors, l'éducation se définit comme «l' art de
former une personne, spécialement un enfant ou un adolescent, en
développant ses qualités physiques, intellectuelles et morales,
de façon à lui permettre d'affronter sa vie personnelle et
sociale avec une personnalité suffisamment
épanouie ».Autrement dit, c'est l'ensemble des moyens
mis en oeuvre pour assurer la formationphysique, intellecteulle, morale et
professionnelle d'un enfant jusqu'à son épanouissement.
Selon le dictionnaire de langue, l'éducation est un
enseignement de règles, de conduites sociales et de formation des
facultés physiques, morales et intellectuelles qui président
à la formation de la personnalité.
D'après les institutions internationales telles que OMS
et UNESCO qui militent en faveur de l'éducation,
« l'éducation est vue comme un sous-système
d'apprentissage ouvert qui s'adresse à un public d'adultes ou
d'adolescents volontaires dans un contexte non scolaire et ne débouchant
pas nécessairement sur une formation
diplômante ».
Si nous lisons entre les lignes, on se rendra à
l'évidence que, les termes ou des expressions récurrentes de
nos différentes définitions sont les suivantes: apprentissage,
formation, développement des qualités physiques et
intellectuelles. Ce qui revient à dire que l'éducation est la
voie la plus sûre de la transmission des connaissances et des valeurs de
la communauté. Elle est également un moyen d'acquisition des
ressources nécessaires pour construire un avenir serein. Il va donc de
soi que les sociétés les plus avancées de tout temps sont
celles qui ont compris ce rôle fondamental du système
éducatif.
Après avoir ouvert une brèche sur ce qu'est
l'éducation, nous allons actuellement parler de l'éducation
traditionnelle.
A cet effet, nous dirons que, l'éducation
traditionnelle est celle qui est fondée sur les traditions proprement
africaines et qui est transmise de génération en
génération dans nos sociétés depuis l'Afrique
précoloniale jusqu'à nos jours. Autrement dit, cette
éducation n'évolue pas ex-nihilo, c'est une éducation qui
coexiste aujourd'hui avec l'éducation dite
« moderne » ou formelle introduite avec la colonisation.
Toutefois, ce qu'il convient de retenir ici, c'est que lorsqu'on parle d'une
éducation traditionnelle, cela n'implique aucune dimension temporelle
et ne renferme pas un sens péjoratif qu'on a l'habitude de lui
accorder.
Cependant, il importe de marteler qu'il ne s'agit pas ici
d'une éducation au rabais, archaïque ou dépassée car,
elle ne s'oppose en aucun cas à l'éducation moderne. En
revanche, contrairement à l'éducation dite moderne,
l'éducation traditionnelle en Afrique est essentiellement collective,
fonctionnelle, pragmatique et orale.Autrement dit, l'éducation de
l'enfant repose sur des éléments suivants : le collectif, le
pragmatique et le fonctionnel. Encore faut-il savoir ce qu'on entend par
éducation collective.
Il importe de préciser rapidement ici que selon A. S.
MUNGALA (1982), l'éducation revêt un caractère collectif
lorsqu'elle relève non seulement de la responsabilité de la
famille, mais aussi de celle du clan, du village, de l'ethnie. En d'autres
termes, l'individu se définit en fonction de la collectivité et
c'est dans le groupe social que l'enfant fait son apprentissage : il est
ainsi soumis à la discipline collective.
Si nous marquons un temps d'arrêt sur notre travail,
l'on se rendra compte que, selon la définition de l'enfant
évoquée plus haut, l'enfant est considéré comme un
bien commun, il est soumis à l'action éducative de tous ; il
peut être envoyé, conseillé, corrigé ou puni par
n'importe quel adulte du village. Il reçoit ainsi une multitude
d'influences diverses, mais les résultats sont convergents. Ce
développement rejoint sans aucun doute cette maxime Ngoni qui dit
: « un enfant appartient à tout le village, tous
peuvent le soigner et le corriger» (1972 :53) ; de plus,
« à mesure que l'enfant grandit, les interventions du
milieuse font plus explicites; on défend,on stimule, on incite,
on conseille, on explique, on propose ouvertement des modèles, on
sanctionne » (1978 :13).C'est dans ce sens précis que
l'on parle de l'éducation collective. Ceci étant , qu'entend t-on
par une éducation pragmatique ?
L'on
dira qu'une éducation traditionnelle est pragmatique et
concrète, dans le sens où l'accent est mis sur
un apprentissage qui est essentiellement basé sur la participation
active de l'enfant aux différentes activités du groupe. Il s'agit
là d'une pédagogie du vécu où les adultes servent
d'exemple et de cadre de référence à l'action des jeunes.
Il faut cependant noter qu'avec l'absence relative de l'écriture,
l'éducation ne pouvait être qu'orale et donc occasionnelle et non
institutionnalisée dans le sens de la systématisation. Ce qui
explique son caractère essentiellement informel. Si tant est donc que
nous avons étudié l'éducation traditionnelle, qu'entend
t-on par la notion « enfant » ?
Enfant : De prime à bord, par
"enfant",il faut entendre le petit homme, mais aussi le petit animal puisque,
dans les contes, les animaux sont anthropomorphisés et se comportent en
homme, et les leçons des contes d'animaux s'adressent à l'homme.
Ainsi, l'enfant, c'est le nouveau-né, le bébé, c'est le
petit garçon, c'est la petite orpheline, c'est la jeune fille,
l'adolescent et même le jeune homme jusqu'au mariage chez certains
peuples tels les Dogon.
L'enfant,c'est aussi: «
un lien entre le passé et le futur» (1990 :111).En
Afrique, il est non seulement considéré comme la
réincarnation d'un ancêtre ou d'un parent mort, mais aussi pour
l'homme comme pour la femme, « les enfants sont leur vie,
leur bonheur. Ils sont le remède contre la mort»
(1984 :21). En revanche,en Afrique comme ailleurs, l'enfance peut se
définir comme une période d'incomplétude, de
dépendance, d'immaturité et de manque.
Dans une optique éducationnelle: « la
tradition africaine semble distinguer trois grandes périodes durant
l'enfance: la première correspond en gros au temps de l'allaitement, la
seconde prend l'individu aux alentours du sevrage, lui-même lié
à la dentition au lait pour le mener jusqu'à la
dentition définitive; la troisième le conduit aux abords de la
puberté »(1972 :22) .Mais, une suite de
considérations sociologiques nous amène à introduire une
quatrième période ou « une quatrième enfance
»(1961 :540) qui mène l'individu de la puberté
à la puberté acquise. Cette période comme toutes les
autres d'ailleurs est difficile à délimiter. Nonobstant certaines
de ces périodes en Afrique, il est communément admis qu' «
on reste toujours enfant pour ses parents ». Il ne sera
pas étonnant dans un tel contexte de retrouver cette logique
sociologique dans certains contes et mythes africains en général
et ceux en pidgin en particulier. Ayant dégagé de part et d'autre
les définitions d' « éducation
traditionnelle » et d' « enfant », il
importe maintenant de mieux étayer les concepts de
« tradition » et de « valeurs ».
Tradition : Du latin
« traditio », lui-même dérivant de
« tradere » qui signifie en français livrer, la
tradition, dans son acception plurielle est la transmission des doctrines, des
légendes, de coutumes sur une longue période. C'est l'ensemble
des vérités de foi qui ne sont pas contenues directement dans les
révélations écrites mais, qui sont fondées sur
l'enseignement constant et les institutions d'une religion. C'est ensuite la
manière d'agir ou de penser transmise de génération en
génération. En Archéologie, c'est la perpétuation
d'un trait culturel. En Droit, c'est la remise matérielle d'un bien
meuble faisant l'objet d'un transfert de propriété. Les
définitions ci-dessus évoquées ont le mérite de
relever les concepts de doctrine, de coutume, de révélation
(orale), de transmission de génération en
génération.
Au vue de toutes ces définitions sur la tradition,
voici celle qui nous semble plus appropriée et qui se rapproche de
notre thème : par tradition, nous entendons un ensemble d'idées,
de doctrines, de moeurs, de pratiques, de connaissances, de techniques,
d'habitudes et d'attitudes transmis de génération en
génération aux membres d'une communauté humaine. Pouvant
varier d'une région à une autre, elle recèle un ensemble
de référence sur le plan situationnel, socioculturel qui
renseigne sur un peuple, son époque et sa vision du monde. Du fait du
renouvellement perpétuel de ses membres, la communauté humaine se
présente comme une réalité mouvante et dynamique. Ainsi,
la tradition revêt à la fois un caractère normatif et
fonctionnel.
La normativité ici se fonde essentiellement sur le
consentement à la fois collectif et individuel. Elle fait de la
tradition une sorte de convention collective acceptée par la
majorité des membres un cadre de référence qui permet
à un peuple de se définir ou de se distinguer d'un autre.
La fonctionnalité d'une tradition quant à elle
se révèle dans son dynamisme et dans sa capacité
d'intégrer de nouvelles structures ou des éléments
d'emprunt susceptibles d'améliorer (parfois même de
désagréger) certaines conditions d'existence des membres de la
communauté. Ainsi, la tradition ne se présente pas
essentiellement comme une institution figée, inamovible, conservatrice,
rétrograde et insensible aux changements, mais, comme un
sous-système mouvant et dynamique faisant partie de la vie
elle-même. Elle ne se confond donc pas avec le passé qu'elle
transcende et ne s'oppose pas au modernisme. En somme, la tradition est une
composante de l'histoire. Elle porte en elle, malgré certaines
résistances au changement, les germes subtiles de la modification, de la
transformation qui font que les peuples doivent à tout moment ajuster au
temps leurs idées, leur manière d'être et de faire.
En plus, Fanon ne dit-il pas que « vouloir
coller à la tradition ou réactualiser les traditions
délaissées, c'est non seulement aller contre l'histoire, mais
contre son peuple » (1976 :155). Autrement dit, il faut
comprendre que les traditions changent souvent de signification, leur
principale caractéristique est qu'elles sont profondément
instables. L'on convient donc avec Fanon que les traditions à sauver
sont donc celles qui favorisent les progrès ou qui ont le pouvoir de
corriger les excès des sociétés à des moments
d'égarement, et de dérive. Que dire maintenant du concept de
« valeur » ?
Parvaleur, on entend un ensemble d'attitudes
qui donne à l'enfant de se faire accepter dans la société
qui l'englobe, société qui éduque sur le
savoir, le savoir- être, le savoir- faire (aptitude) et le savoir -vivre
(attitude).
Par valeur également, nous entendons tout fait social
ou de culture qui est conforme à la raison, à la nature de
l'homme et qui répond positivement aux besoins fondamentaux de la
majorité des membres d'une communauté humaine. Ce qui nous
laisse entrevoir que la notion de valeurs revêt un caractère
dynamique et permet ainsi à l'individu de vivre en équilibre
harmonieux aussi bien avec lui-même qu'avec les autres.
Cette phrase démontre à suffisance que le
concept de valeur ici ne brise pas les structures psychiques des individus et
ne marginalise pas les sociétés qui en vivent, mais leur offre
plutôt les moyens de débloquer certains mécanismes sociaux
grippés ou de dominer des phénomènes nouveaux et
imprévisibles de manière à faire de l'homme le premier
bénéficiaire du progrès.
C'est donc fort de tout ce postulat que, l'enfant
reçoit une éducation qui tend à lui inculquer les valeurs
telles que: le respect, la solidarité, l'obéissance. Cette
éducation tend à lui montrer la primauté du groupe sur
l'individu. Dans cette ambiance communautaire, Fode Diawara,cité dans
Pédagogie pour l'Afrique nouvelle (1978 :13)
dira :
l'enfant est donc constamment face au groupe et
reçoit les éléments de la formation du groupe
tout entier. Il appelle mère sa vraie mère et chacune
des coépouses, chaque femme du village de l'âge de sa
mère; il appelle père tous les hommes du village ayant
l'âge de son père; il appelle frères et soeurs tous les
garçons et filles du village.
Eu égard à toutes ces définissions, il
importe de rappeler que, pour qu'il y ait transmission de connaissances, de
valeurs, de doctrines et même de tradition, il faut qu'il y ait
communication. Aussi, importe-il de rappeler que la communication use de
plusieurs canaux au rang desquels la parole, l'écriture, la gestuelle,
la mimique faciale, les signes et les indices etc. Pour les êtres
humains, le principal outil de communication reste la langue que le Genevois
Ferdinand de Saussure, repris par Maurice LEROY (1968 :66) définit
comme [...] l'ensemble des signes servant de moyens de compréhension
entre les membres d'une même communauté linguistique, la parole
est l'usage que chaque membre d'une communauté linguistique fait de la
langue pour se faire comprendre [...].
La langue se pose donc comme le véhicule
privilégié de la culture d'une société. Cette
langue se constitue pour se faire comme un véritable outil de
conservation et de gestion de la société. Si tant est que la
langue à une fonction fondamentale dans la vie du négro-
africain, car elle sert de moyen de transmission, de conservation de nos
valeurs dans une communauté bien précise et qui se reconnait
comme telle, celle qui nous intéresse ici c'est la langue
pidgin. Jetons à présent un regard sur le pourquoi et
l'importance de cette langue dans notre travail.
Le brassage des populations et des cultures,
l'analphabétisme à l'époque coloniale a eu pour
conséquence en Afrique et surtout dans les régions sous
administration britannique la création et l'adaptation par les
commerçants, les travailleurs et même les fonctionnaires d'un
système de communication fait sous forme de néologismes qui a
produit la langue pidgin .Cette langue qui est à la fois le
résultat de l'anglais à la base et l'adaptation de l'entendement
édulcoré au travers les langues locales.
Autrement dit, la langue pidgin est née du transfert
des éléments culturels d'un foyer dominant vers un foyer soumis.
Cet élément culturel est la langue du colonisateur qui s'est
imposée sur les langues des assujettis. Cependant, l'on constate que
cette langue du colonisateur n'est pas retransmise ou reproduite
fidèlement ni dans le ton, ni dans la façon par le peuple
colonisé. C'est-à-dire que, la structure, la syntaxe, le
vocabulaire même de la langue change tout simplement parce que les
peuples rencontrés sont analphabètes.Et de plus, les mots de nos
langues ne sont pas anglicisés.
Ce néologisme est crée dans les plantations de
la CDC entendu (Cameroon Development Coorporation), par les ouvriers, les
chemineaux de l'époque, dans l'administration coloniale.Ilva
s'étendre du marché jusqu'à dans les familles, affectant
ainsi l'éducation des enfants jusqu'au cadre scolaire.
Deux régions au Cameroun en ont été
particulièrement affectées par ce phénomène dont
celles du Sud- Ouest et du Nord- Ouest.
Notre travail ne va pas s'étendre sur les deux
régions, nous nous limiterons uniquement dans la région du Sud-
Ouest, plus précisément dans la localité de Buea pour
voir quel est l'impact de la langue la plus véhiculaire des peuplements
qui y vivent .Le pidgin s'y trouve comme facteur linguistique de communication
pour transmettre oralement les valeurs sociétales aux enfants pour leur
intégration dans la société.
A titre de rappel, au Cameroun, il ya une langue qui se parle
parallèlement à coté des langues officielles et des
langues nationales, il s'agit bien du Pidgin- english, langue
véhiculaire. C'est une lingua-franca qui émerge afin de
satisfaire et de faciliter les besoins de communication entre les camerounais
de divers horizons.
Tout comme le français, le pidgin -english est l'une
des langues de communication qui couvre pratiquement toute l'étendue
du territoire camerounais (Mbangwana). Cette langue permet une inter- action
entre les populations indigènes, et de même une inter-
communication entre les populations issues de différents groupes
ethniques. Elle intervient également dans le domaine social,
économique et religieux. C'est une langue de prédilection dans
la musique populaire, dans le domaine humoristique et dans les jeux.
Toutefois, c'est un truisme de penser que tout peuple, toute
culture, toute organisation vivante, s`organise et se conçoit autour de
l'existence avérée et manifeste d'une langue.
C'est à travers la langue qu'il est possible pour les
individus de pouvoir communiquer, se parler, résoudre des conflits et
s'intégrer au réel. Partant de ce fait, la langue est la
traduction de l'immanence d'un peuple, le présupposé de son
vécu. La langue s'inscrit dans le réel pour expliquer la culture
d'un homme. Elle est de ce fait consubstantielle à l'homme. Pour cela,
le problème de langue est lié à l'identité des
peuples. Autrement dit, la langue est le lieu de conservation, le
dépôt de l'expérience et du savoir aux
générations futures qui reçoivent ainsi toutes les
expériences du passé (J.B. Marcellesi et B. Gardin,
1974 :20).
Bien plus, la langue est le moyen de connaissance du monde, de
la forme et le cadre de pensée qu'elle conditionne et sur lesquels elle
assigne des limites. Chacun de nous ne connait les pensées de l'autre,
les traits idéologiques et motivationnels de ses idées qu'aux
travers de ses paroles : il pense comme il parle. C'est sans doute pour
cette raison que J.B. Marcellesi (1974 :21) dira : « la
langue serait pour un peuple un miroir de son histoire, de ses actions, de ses
joies, de ses chagrins ».
La langue au-delà de sa fonction communicationnelle, a
aussi une fonction culturelle ou identitaire dans la mesure ou elle sert de
critère de différenciation entre les individus vivants dans un
même territoire, sur un même airgéographique.
Fonction culturelle car la langue sert non seulement de
véhicule de communication de valeurs en vigueur au sein d'un groupe,
mais aussi de mémoire ou de moyens de conservation de ces valeurs
qu'elles soient alimentaires, vestimentaires, musicales ou
idéologiques.
Considérant ce fait, le problème qui se pose est
celui de savoir pourquoi les composantes et les supports des traditions orales
africaines se retrouvent véhiculés en pidgin, langue
n'appartenant à aucun groupe humain homogène ? Est-ce la
conséquence d'une simple interprétation ou la preuve de
l'existence réelle d'une littérature orale pidgin ?
Cependant, l'on constate qu'il n'existe pas de peuple
pidgin,.que cette langue n'est pas le véhicule d'une communauté,
d'un peuple homogène qui se distingue d'une autre par une histoire
particulière, des origines spécifiques bref, tout ce qui fait
qu'on parle d'une langue au sens premier du terme. Mais, l'on constate que
cette langue renferme en son sein les genres oraux de la littérature
orale. S'agit-il d'une simple transposition ou d'une traduction
littérale de ces textes qui seraient issus d'autres langues ?
A ces différentes interrogations, nous dirons que, ces
genres de la littérature orales qu'ils soient profanes ou sacrés
et qui se retrouvent en pidgin existaient déjà dans la
société traditionnelle. Autrement dit, ce n'est pas le pidgin qui
a produit les contes encore moins les mythes. Ces contes que nous retrouvons
dans cette langue sont tout simplement une traduction, une transposition, ou
une interprétation des différents genres issus d'ailleurs et qui
sont traduits en pidgin.
Pour cela, le pidgin n'étant pas la langue d'un peuple
homogène qui se reconnait, on ne peut pas dire qu'il existe une
littérature orale pidgin au sens noble du terme, on parlera plutôt
d'une littérature en pidgin.
Le but de ce travail est de montrer que, ce « no
man's language » évolue avec l'histoire, elle n'est plus
simplement une langue utilitaire, ou une langue de commerce, elle est aussi une
langue littéraire et par conséquent peut servir de support
à l'éducation de la jeune génération.
C'est ainsi que l'on constate qu'au fil du temps, cette
langue a acquis « sa lettre de noblesse » .Elle
est devenue une langue littéraire dans la mesure où elle
véhicule l'expression d'une pensée communautaire, l'expression
de la vie du camerounais traditionnel, l'expression de sa
représentativité sociale et de son âme profond. Cela se
fait à travers les contes, les mythes, les chansons, les proverbes, les
légendes, les rêves et les émotions. Bref, elle exprime
une vision du monde propre à ceux qui l'ont en partage. Mais, la
particularité de cette communauté, c'est qu'elle renferme en son
sein plusieurs autres communautés. On parlera d'une communauté
unie et disparate.
Pour
ce faire, ce travail consistera en une exploitation littéraire des
contes et des mythes en pidgin, genres littéraires par excellence, et de
ressortir par ce fait la portée instructive de ces contes dans
l'éducation des enfants.Bien plus, il s'agira
également de voir dansquelle mesure ces différentes
métaphores rendent comptent de la vision du monde.
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
Le sujet étant ainsi défini, le problème
étant ainsi posé, notre sujet de thèse à savoir
« les contes et les mythes en pidgin : facteur
d'éducation de l'enfant dans la région du Sud-ouest
(Buea)» pourrait alors contenir les éléments de la
problématique qui peuvent être formulés ainsi qu'il
suit :
1) Comment peut-on au travers des mythes en pidgin faire
acquérir à l'enfant à la fois un savoir, un savoir-
être et un savoir- faire?
2) Comment faire du pidgin un facteur d'éducation dans
la génération actuelle ?
3) Comment faire pour qu'un enfant à travers la
littérature orale en pidgin puisse posséder des valeurs
sociétales pour s'intégrer dans la
société ?
4) En quoi la morale issue de la littérature orale en
pidgin peut contribuer efficacement au redressement des comportements peu
orthodoxes observés dans la société camerounise ?
Sans avoir la prétention de sous-estimer les trois
premières interrogations qui posent d'ailleurs les jalons de nos
investigations, nous voulons tout de même souligner que cette
quatrième et dernière interrogation de notre problématique
nous a toujours habité et nous hante sans cesse.S' il est vrai que la
société traditionnelle africaine frappe non seulement par le fait
qu'elle vise à donner à l'enfant une éducation qui tend
à valoriser le respect scrupuleux des normes de conduites
codifiées par les ancêtres,il est aussi vrai que cette
société encourage également la solidarité, la
primauté du groupe, au détriment de
l'individualisme ,l'égoïsme. Aussi, éprouvons-nous une
vive émulation dans l'optique de l'élucider les
différentes facettes que revêttent à notre humble avis, le
discours sur la tradition orale.
Ces différents questionnements nous amènent
à formuler cette hypothèse :
L'éducation de l'enfant telle qu'elle était
faite dans la société africaine traditionnelle peut avoir un
impact important dans son éducation aujourd'hui en tant qu'elle peut
mieux l'enraciner dans sa culture et l'ouvrir au monde.Elle permettra
également deredresser les comportements jugés iniques et immoraux
qui entravent le developpemnt harmonieux de notre société. Cela
étant, il nous semble opportun de délimiter notre corpus.
DELIMITATION DU SUJET
Un premier regard de notre sujet porte à croire que
notre étude va se généraliser à l'Afrique toute
entière. Mais, pour des raisons évidentes, notre étude se
limitera au cadre précis du Cameroun, particulièrement dans la
région du Sud- ouest (Buéa).
Faut- il le rappeler, le pays sur le plan historique et
démographique est considéré comme:« une Afrique
en miniature,(Ngandeu, 1989 :8). Sur le plan ethnique et
linguistique, il est doté d'une grande diversité. Il compte en
effet plus de 130 ethnies et 200 langues(Atlas inguistique du Cameroun, 1980)
à tel point que, l'on serait en droit de penser qu'au Cameroun
coexistent toutes les tribus d'Afrique. C'est dans ce sens que ENGELBERT MVENG
(1963 :19) affirme : «le Cameroun récapitule toutes les
races d'Afrique: Bantou, Soudanais, semito-hamites, avec probablement des
prolongements berbero-numidiens»).Comme nous le voyons, une
étude sur la société camerounaise en plus d'avoir des
raisons patriotiques, pourrait fournir sans l'ombre d'un doute une étude
assez exhaustive sur celle de l'Afrique toute entière.
Cependant, connaissant la grande population du Cameroun et
l'existence de nombreuses similitudes entre certains de ses groupes humains, il
faudra regrouper les régions en zones ou aires culturelles. A cet effet,
ENGELBERT MVENG (1963 :271) dira qu'en pratique « on
peut dire que le Cameroun comprend deux grandes zones culturelles: une zone
soudanaise au nord et une zone Bantou au sud avec entre les deux, le trait
d'union des semi-Bantou (les Bamilékés, les Bamenda) »
. Notre étude portera donc, sur la littérature orale de l'air
culturel des semi-bantous(Buea).
Notre attention sera également portée sur les
contes et les mythesen pidgin du Cameroun qui constituent notre corpus. Ces
récits, ayant été collectés dans cette langue,
c'est-à-dire la langue pidgin, transcrit et traduit ensuite en
français.
C'est l'occasion de dire ici que, c'est à travers la
littérature orale camerounaise, plus particulièrement la
littérature orale en pidgin qu'on aura la lourde tâche de
ressortir les particularités et les spécificités de
l'éducation de l'enfant dans la société traditionnelle.
Ceci parce que, plutôt qu'un ensemble de textes qui
véhiculent la morale, la sagesse, les moeurs, bref la culture de toute
une société, la littérature orale est l'expression d'une
culture, c'est l'expression de la vie de l'Africain traditionnel, l'expression
de sa représentation sociale et de son âme profond.
La littérature orale possède de multiples genres
qui se subdivisent généralement en deux: les genres mineurs ou
profanes et les genres majeurs ou sacrés. Notre étude va porter
sur les deux genres : le genre profane (le conte) et le genre
sacrée (le mythe).
Le choix du conte et du mythe n'est pas gratuit. Ils sont
considérés comme les genres par excellence des enfants et le
moyen le plus utilisé pour leur éducation.
Il convient tout d'abord de rappeler que les contes ont
essentiellement une fonction ludique et éducative. Françoise
TSOUNGUI n'ira pas contre cet avis car, dira t-elle à cet effet que :
« si le conte amuse, passionne, enchante, sa signification
originale est profonde, sa raison d'être dans les
sociétés est de transmettre un enseignement: « les coutumes,
les croyances et les traditions se transmettent de siècle
en siècle par le canal des contes et les jeunes
générations assimilent ce contexte socio-culturel, sans
même s'en rendre compte (...)» (1986 :87).
Pour cela, l'étude des contes pourra nous servir de
base référentielle pour une connaissance profonde des objectifs
éducationnels ,des processus de sociabilisassions et d'autres
connaissances relatives aux genres et modes de vie aux systèmes
sociaux, religieux ou économiques des différentes tribus
camerounaises que nous aurions à étudier.
Ainsi donc, le conte n'est pas simplement un genre profane
bien plus, il est le miroir de la société traditionnelle.
Société dont il exprime les moindres nuances et montre au grand
jour la structure et les finalités qu'elle donne à son
éducation tant familiale que sociale. Le conte serait donc l'apanage des
hommes qui ont encore à vivre et à donner à la vie humaine
un peu plus d'humanité dans la célébration saine et
louable des valeurs et des normes de vie culturelle.
Ces valeurs et normes sont portées pour le bien de
l'homme, pour son équilibre et pour la cohésion sociale des
communautés différentes autant par leurs origines claniques,
familiales que sociales.
Revenons dans la compréhension de ce qu'est le conte
dans le vaste monde des genres oraux. Jean Marie Awouma parlant du conte
affirme : « il semble passer pour le résumé de la
littérature orale »1970 :55). En ce sens que, dans le
conte, il est aisé et plus facile de voir de nombreuses similitudes avec
une diversité de genres de la littérature orale comme : la
légende, le proverbe, la chantefable, le jeu ou encore le mythe.
A ce dernier titre, et faisant une comparaison entre le
conte et le mythe, on dira que le conte visite les limites du mythique comme le
montre plusieurs études générales sur les théories
concernant les origines des contes. Ces études ont été
reprises par de nombreux oralistes comme Pierre N'DAK(1984 :73) qui s'en
est inspiré pour conclure que le conte tout comme le mythe, est une
histoire qui relate les événements qui se sont
déroulés dans la nuit des temps. Cependant, l'histoire
narrée par le conte s'arrime dans le réel et l'observable pendant
que l'histoire du mythe plonge dans un passé antérieure. Au
même titre que la légende, le conte hyperbolise les
événements en faisant un véritable dithyrambe des
personnages illustres de la société.
Entendue donc comme tel, les théories sur les origines
des contes font une liaison entre le conte et la fable. Car, pendant que la
fable narre des événements et des histoires réelles et
palpables, le conte quant à lui décrit une situation de vie dans
un monde qui n'a d'existence que dans la tête de celui qui la raconte et
où interviennent autant le merveilleux que l'imagination parfois
débordante de vitalité.
Toutes ces affinités ont permis à Hamadou
Hampaté Bâ (1994 :33)d'affirmer :
« la ligne de démarcation entre les genres narratifs
traditionnels est en réalité très tenue, floue et poreuse
et l'on passede l'un à l'autrenaturellement »
(1994 :33).
Nous continuons dans notre argumentation en disant que, en
plus d'être un trait d'union entre plusieurs genres de la
littérature orale traditionnelle, le conte est une véritable
école.L'éducation est faite par pallier et se subdivise en
plusieurs niveaux. Dans cette stratification facilement observable dans la
société traditionnelle, les tout-petits et les adolescents sont
éduqués auprès d'une caste de conteurs qui ne sont rien
d'autres que des maîtres. Ces maîtres sont de véritables
gourous prodiguant un niveau d'enseignement divers, défini et prescrit
selon chaque niveau d'âge et surtout selon un degré mental. Tout
ceci ce fait pour que les jeunes ne perdent pas de vue la valeur et le contenu
de l'enseignement dont on voudrait leur prodiguer.
C'est au regard de tout ce qui est dit plus haut que nous
pouvons soutenir qu'à l'école moderne, le contenu d'enseignement
se construit en conformité avec l'âge mental des apprenants et les
divers paliers s'élaborent autour des types d'âge. Cependant, le
cas du conte reste particulier car, le conteur joue son art
indifféremment aux jeunes comme aux adultes. C'est dans ce sens que des
oralistes africains comme Amadou Hampaté Bâ ont pu dire que le
conte est un « support d'enseignement aussi bien pour
l'éducation de base des enfants que pour la formation morale et sociale,
voire spirituelle ou initiatique des adultes »
.(1994:33).
En clair, nous pouvons dire que le conte est une école
parce qu'il a des niveaux. Ainsi l'on pourra parler des niveaux d'âge.
Il a un programme non pas défini, mais fluctuant au gré des
événements de la société traditionnelle et surtout
selon l'auditoire et les attentes du conteur. Le conte devra ainsi varier selon
que le public cible est jeune ou vieux, selon que la situation demande une
intervention sur la morale sociale ou individuelle. Le conteur est le
maître en la matière.Il juge plus que personne de la
nécessité de donner telle ou telle envergure à son oeuvre,
de l'inscrire dans le primordial ou dans un présent proche.
Ainsi dit, le conte est un véritable enseignement
existentiel. Il permet à l'enfant d'avoir une diversité de
savoirs qui l'aideront non seulement à vivre parfaitement dans la
société, mais également, de s'accomplir dans tous les
aspects. Les contes sont un fait de civilisation et leur étude permet de
mieux comprendre le monde africain, la vision du monde de l'africain, sa vision
de l'homme, sa conception de l'enfant. C'est dans cette perspective qu'il
faudra chercher à voir et à percevoir les contes dans une
dynamique traditionnellement apte à s'inscrire dans une visée
culturelle africaine diversifiée, riche en expériences et
informations. Ceci est l'essentiel de ce que nous pouvons retenir du conte. Si
tant en est du conte, qu'en est-il du mythe ?
Mircea Eliade ( 1963:16-17) dira à ce
sujet :
le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate
un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps
fabuleux des commencements. C'est donc toujours le récit d'une
création. Du fait que le mythe relate les gesta des Etres Surnaturels et
la manifestation de leur puissance sacrée, il devient le modèle
exemplaire de toutes les activités humaines significatives.
Dans la définition d'Eliade, certains termes attirent
l'attention : récit, temps primordial, temps fabuleux, histoire
sacrée, Etre Surnaturels. Ces expressions résument ce qu'il faut
retenir du mythe.
Il faut également retenir qu'à cause de son
caractère sacré et religieux le mythe reste la chose des
spécialistes et des inités. Il ne se dit pas n'importe où
non plus. Seuls les initiés ont le droit de dire le mythe. Pierre N'DA
nous apprend que le mythe se dit dans les couvents ou au cours de certaines
cérémonies rituelles. Le mythe aborde des thèmes sur la
création, Dieu, l'homme, la vie et la mort, le le sexe et la
fécondité, l'âme et le corps, le bien et le mal, l'amour et
la haine, la santé et la maladie, le destin et l'au-delà. Bref,
il se place au niveau des valeurs existentielles et des problèmes
métaphysiques de l'homme.
Vu sous cet angle, le mythe est considéré comme
un garde fou pour l'homme en général et pour l'enfant en
particulier dans la société, car, il éduque et enseigne
les pratiques traditionnelles à ce dernier et lui donne la conduite
à tenir. C'est sans doute pour cela que Dumézil dira en ces
termes:
Un pays qui n'a pas de légendes, dit le
poète, est condamné à mourir de froid. C'est bien
possible. Mais un peuple qui n'aurait pas de mythes serait déjà
mort. La fonction de la classe particulière de récits que sont
les mythes est en effet d'expliquer dramatiquement l'idéologie dont vit
la société, de maintenir devant sa conscience non seulement des
valeurs qu'elle reconnait et les idéaux qu'elle poursuit de
génération en génération, mais également son
être et sa structure même, les éléments , les
liaisons ,les équilibres, les tensions qui la constituent, de justifier
enfin les règles et les pratiques traditionnelles sans quoi tout en elle
se dispenserait.
Au total, l'importance du mythe pour l'enfant s'explique par
le fait qu'il est une tentative d'explication du monde, un effort de
connaissance des faits sociaux. De ce point de vue, le mythe peut être
considéré comme le creuset de l'expérience d'un groupe
social donné puisqu'il traduit ses « faits et gestes »
à une période précise de son histoire. Grâce aux
mythes, les enfants apprennent non seulement comment tel fait social est venu
à l'existence, mais aussi et surtout, ils font la connaissance de
l'origine du monde et de sa création.
Le caractère sacré du mythe s'explique par le
fait qu'il renferme des connaissances considérées comme
«ésotériques» ou occultes, cachées,
hermétiques et qui ne se dévoilent en principe aux
néophytes qu'au cours des cérémonies d'initiation. Dans
certains pays de l'Afrique de l'Ouest comme la Côte d'Ivoire, tout le
monde n'a pas accès aux mythes. Le mythe englobe les pensées
religieuses, sociales et politiques de la société qui l'a
généré. Il est perçu dans maints endroits du monde
comme l'expression du sacré. Mieux, il constitue le message de
l'âme collective d'un peuple. C'est pourquoi, Roger Caillois
(1938 :217) fait observer que:
Le mythe, au contraire, appartient par définition
au collectif, justifie, soutient et inspire l'existence et l'action d'une
communauté, d'un peuple, d'un corps de métier ou d'une
société secrète. Exemple concret de la conduite à
tenir et précédent, au sens juridique du terme, dans le domaine
fort étendu alors de la culpabilité sacrée, il se trouve,
du fait même, revêtu, aux yeux du groupe, d'autorité et de
force coercitive..
Cela étant, les mythes, en se posant comme le
réceptacle des désirs et de la vision du monde et des
peuples jouent dans certaines sociétés un rôle
important dans l'organisation sociale. Ils nourrissent la conscience collective
en tissant dans l'imaginaire des assurances pour suppléer au vide des
angoisses existentielles. Ils permettent à l'individu mais aussi au
jeune enfant apprenant d'intégrer leur existence à la
connaissance de l'univers tout en leur fournissant des modes de pensée
pour les aider à mieux appréhender les phénomènes
de la vie et de la nature.
Ainsi, l''étude sur les contes et les mythes pourra
nous servir de base référentielle pour une connaissance profonde
des objectifs éducationnels, des processus de socialisation et d'autres
connaissances relatives aux genres et modes de vie, aux systèmes
sociaux, religieux ou économiques des différentes tribus
camerounaises que nous aurons à étudier .
Le sujet ayant ainsi été
délimité, il semble opportun de présenter maintenant
l'état des lieux afin de voir plus clair sur ce qui a
déjà été écrit ou non, non seulement autour
de l'éducation de l'enfant en général, mais
également sur les contes et les mythes en pidgin comme facteur
d'éducation de l'enfant. Il est vrai que nous n'avons pas la
prétention de présenter de manière exhaustive tous les
travaux. Nous retiendrons quelques-uns afin de focaliser notre attention sur ce
qui semblerait n'avoir pas été mieux étayé ou alors
qui mérite encore que l'on en dise quelque chose de nouveau et surtout
d'original.
ETAT DE LA QUESTION
La mise au point des travaux qui ont déjà
été menés autour de notre thème de recherche dans
son ensemble va revêtir deux cas de figure : d'abord ,nous
essayerons de cerner même hâtivement les écrits qui ont
été produits sur l'éducation de l'enfant en
générale, puis nous présenterons les travaux et les
réflexions-si possible-ayant été menés autour de
notre sujet proprement dit.
Selon Olivier Rebou (2012), l'éducation est une
entreprise inséparable de contradictions, qu'on ne peut pas supprimer,
parce qu'elle fait partie des données du problème. On
éduque les enfants pour les émanciper, les conduire à
vivre par eux-mêmes. Cela suppose qu'ils ne sont pas encore libres,
qu'il faut exercer sur eux un travail, les protéger des autres et
d'eux-mêmes. L'adulte se doit donc de discerner à la place de
l'enfant son intérêt véritable.
Au-delà de cette longue et brillante formule qui
résume à souhait la pensée de Reboul, force est de dire
que Reboul ne rejette pas la pédagogie, tout au contraire, il entend
la cantonner à la question des moyens. Or la philosophie, de son
côté, se demande ce qui vaut la peine d'être
enseigné, où, et pourquoi. A cela, il répond que
l'école se doit de transmettre des savoirs que l'on n'apprend pas
ailleurs, des savoirs à long terme, qui ont une valeur
générale, et même universelle. L'école ne se
contente pas d'adapter les enfants à la société, elle n'en
fait pas des outils, elle développe leurs capacités de penser, de
sentir, d'agir. Leur Humanité.
Si le professeur Ki-Zerbo a produit quelques documents sur
l'éducation d'une manière systématique tel que
Éduquer ou périr (1990), sa pensée sur
l'éducation transparaît dans toute sa production intellectuelle,
plus ou moins explicitement mais toujours avecune pertinence
révélant par là même la forte unicité de la
représentation qu'il a du « phénomène »
transversal par excellence qu'est l'éducation. Aussi est-il utile pour
rétablir une telle pensée, de se référer à
certains de ces ouvrages qui ont fait date tel que Histoire de l'Afrique
noire (1978) et La natte des autres(pour un développement
endogène en Afrique) (1992).
Par « éducation », Ki-Zerbo entend non
seulement l'éducation scolaire d'inspiration occidentale, mais aussi
l'éducation traditionnelle qui a produit tant d'intellectuels et de
savants (1978 :642). Il soutient la thèse selon laquelle
l'école n'épuise pas, à elle seule le besoin
d'éducation de l'homme, loin s'en faut ! Elle n'est qu'une
opportunité parmi tant d'autres, certainement la mieux organisée,
mais peut-être pas la meilleure, surtout en Afrique. Cependant, c'est
à l'éducation scolaire et universitaire, et à la recherche
scientifique qu'il se réfère souvent dans la réflexion
qu'il ne cesse de nourrir sur les conditions du développement en
Afrique. À ce titre, il s'en prend, avec raison et
légitimité, à certains courants et intellectuels non
Africains qui, de nos jours encore, persistent à nier l'urgence ou
l'intérêt du développement de l'enseignement universitaire
africain au profit d'une éducation de base, d'un enseignement technique
élémentaire (agricole notamment), sous le prétexte
discutable que l'Afrique est trop pauvre pour soutenir des universités
et qu'elle est essentiellement agricole.
Dans son article
intitulé « L'éducation non formelle comme
alternative à la crise des systèmes scolaires en Afrique
» ,le
Pr Mamadou Lamine SANOGO
pense que,si l'Afrique contemporaine est considérée comme le
continent de toutes les crises, de toutes les pandémies, de tous les
malheurs de l'humanité, il faut reconnaître que la persistance de
toutes ces contraintes dans le domaine de l'éducation entrave
réellement le développement du continent et compromet les
progrès sectoriels réalisés. Il soutient que, depuis la
rupture de l'Afrique avec l'éducation traditionnelle relevant des rites
africains et considérées comme satanique par l'occident colonial,
l'éducation africaine actuelle est, sans cette capacité de
socialisation de l'enfant africain, en errance, en quête de son
identité, et en quête de son équilibre.
Cependant, notre étude portant surles contes et
les mythes en pidgin : facteurd''éducation de l'enfant dans la
société africaine traditionnellen'a pas la prétention
d'être la première étude sur la question. De nombreux
chercheurs, anthropologues, hommes de lettres, étudiants (articles et
mémoires) se sont intéressés à ce sujet pour le
moins diversifié.
Des chercheurs comme Pierre ERNY, se sont faits
spécialistes en la matière au point ou personne ne peut faire une
étude de ce genre sans faire appel à ses connaissances et
à ses recherches. Ses livres: « L'enfant et son milieu
en Afrique noire » , « Les premiers pas
dans la vie de l'enfant d'Afrique noire pourne citer
que ceux-là, ont le mérite de dégager sur le point
ethnographique les spécificités de l'éducation de l'enfant
en Afrique coutumière, les diverses conceptions sur l'enfant ainsi que
les attentes sociales auxquelles doivent se conformer leurs comportements et
attitudes.
De même
A. S. Mungala dans
son article « Education traditionnelle en Afrique et ses valeurs
fondamentales » (1982). L'auteur oriente son analyse au niveau
des concepts, de la saisie théorique des valeurs fondamentales de
l'éducation traditionnelle africaine vue dans sa totalité et
dans la pratique du réel. Plus loin, il examinera successivement les
caractéristiques fondamentales de l'éducation traditionnelle en
Afrique, sa structure et ses différentes techniques.Ensuite,il
dégagera certaines valeurs (et même certaines pratiques
négatives ou antivaleurs) et montrera dans quelle mesure elles
pourraient se porter en rectification à certains effets néfastes
de l'évolution d'un monde à la dérive, à
la traîne. S'agissant de l'analyse des concepts, l'auteur fait
référence ici au concept de tradition.
Pour lui, la tradition ne se présente pas
essentiellement comme une institution figée, conservatrice,
rétrograde et insensible aux changements, mais comme un
sous-système mouvant et dynamique faisant partie de la vie
elle-même. Elle ne se confond donc pas avec le passé qu'elle
transcende et ne s'oppose pas au modernisme .Si notre auteur parle des
caractéristiques de l'éducation traditionnelle, c'est parce qu'il
voudrait mettre l'emphase sur ce caractère collectif et social qui fait
qu'elle relève non seulement de la responsabilité de la famille,
mais aussi de celle du clan, du village, de l'ethnie.
Pour notre auteur, l'individu se définit en fonction
de la collectivité et, c'est dans le groupe social que l'enfant fait son
apprentissage : il est ainsi soumis à la discipline collective.
L'enfant étant considéré comme un bien commun, il est
soumis à l'action éducative de tous ; il peut être
envoyé, conseillé, corrigé ou puni par n'importe quel
adulte du village.
Cependant, l'auteur ne s'arrête pas à ce niveau,
il évoque également les valeurs et les anti-valeurs de
l'éducation traditionnelle. Il soutient que, l'éducation aux
valeurs devra conduire à la prise en compte de l'identité
culturelle, ceci pour la simple raion que, la culture est intimement
liée à toutes les manifestations de la vie. Elle incarne
l'expression des valeurs humaines les plus nobles, le sens de la vie.
L'évolution scientifique et technologique de l'Afrique n'entraîne
aucune contradiction avec l'affirmation de l'identité culturelle. Mais,
l'éducation aux valeurs traditionnelles reste encore en marge des
valeurs véhiculées dans les programmes scolaires ; les
journaux et revues, illustrant par là la supériorité
technologique des valeurs occidentales.
Pour les thèses de Doctorat 3ème cycle, mention
doit d'abord être faite sur celle de Pierre N'Dak sur le personnage
de l'enfant dans les contes africains (1978), Jaques NOAH ZINGUI
dans : L'enfant dans la tradition Béti: (l'enfant de 0
à 6ans) ou encore BINAM BIKOI dans son mémoire sur
L'orphelin dans la littérature orale des Bassa,Béti et
Bulu du Cameroun" . Tousont contribué à étudier
l'enfant et ses différentes conceptions dans la perspective des ethnies
du Cameroun.
En outre, si le personnage de l'enfant à
été étudié de fond en comble dans les contes
africains par Véronika GOROG-Karady dans L'enfant dans les
contes Africains,notons que, s'agissant des études portant sur
l'éducation traditionnelle en tant que "concept" usité
explicitement, nous avons outre les travaux de Pierre ERNY, ceux de Rigobert
MBALA OWONO dans Education traditionnelle et développement
endogène en Afrique centrale. il fait référence
à l'éducation de l'enfant (jeune garçon et jeune fille)
chez les Béti. D'autres ouvrages comme,Le déracinement social
en Afrique: une conséquence de l'éducation moderne de
Jean-Marie TCHEGHO, il consacre une bonne partie de son étude à
cette éducation coutumière qu'il propose même comme
panacée pour juguler à la crise du déracinement social et
de l'acculturation introduite par le biais de l'école.
Cependant, parmi ces études, une s'est
rapprochée particulièrement de la notre dans sa pratique. Ce fut
celle de NGUEFACK Adeline dans son mémoire intitulé:
L'éducation des jeunes à travers la
littérature orale africaine au premier cycle du secondaire. Mais,
il est utile de dire que son étude a été restrictive en
deux points: elle est restée dans le cadre général de la
littérature orale qui est comme nous le savons, est aussi large que
diversifiée en ce qui concerne aussi bien ses genres que ses objectifs.
Ensuite, elle a réalisé son étude dans un système,
celui de l'école. En outre, elle n'a pas étudié
méthodiquement les textes oraux.
En plus des livres et des mémoires cités, de
nombreux travaux épars retrouvés çà et là au
gré des sites Internet nous renseigne sur l'éducation
traditionnelle et ses spécificités. C'est par exemple le cas du
site: Manden.org, dans lequel nous retrouvons quelques études
comme celle d'OUSMANE SAWADOGO intitulée: « L'éducation
traditionnelle en Afrique noire portée et limites» qui reprend
les thèses de nombreux auteurs comme Pierre ERNY, Joseph KI-ZERBO ou
encore ABDOU MOUMOUNI.
Au regard de tout ce qui a été dit plus haut sur
l'éducation de l'enfant en générale et sur
l'éducation de l'enfant dans la société africaine
traditionnelle en particulier,que ce soit Pierre Erny ou Pierre N'Dak sur sa
thèse le personnage de l'enfant dans les contes africains
(1978) ouJaques NOAH ZINGUI dans : L'enfant dans la tradition
Béti: (l'enfant de 0 à 6ans), l'originalité
de notre travail sera qu'au regard de la thèse défendue par les
uns et les autres comme Pierre N'Dak ,à savoir décrire les
différents types d'enfants qui forment le personnage de l'enfant, et qui
interviennent comme acteurs dans les contes africains, la mise en
évidence de leurs caractéristiques, leurs rôles, le notre
se diffèrent des précedents sur plusieurs aspects.
ORIGINALITE DE NOTRE TRAVAIL
En ce qui concerne les écrits sur la littérature
orale en pidgin, très peu d'études ont été
réalisées à ce sujet. Toutefois, certains enseignants de
l'Université de Yaoundé I, surtout ceux du département de
langues et de linguistiques, ceux du département d'anglais ont eu
à rédiger des articles sur cette langue, mais, chacun en son
domaine.Aucun article n'est fait dans le domaine littéraire, plus
précisément dans la littérature orale en pidgin.
De même, il est à noter que, de nombreuses
études basées sur la valeur, sur les textes oraux de la
littérature africaine ont été menés bien avant ce
travail. De même, de nombreux chercheurs ont axés leurs travaux de
recherche sur l'enfant, sa psychologie, son developpement psycho-somatique et
toutes les mutations qu'un humain peut subir avant sa maturité.
Toutefois, par delà cette kyrielles de travaux, le
nôtre se spécifie par à la fois, le code qui soutend le
corpus étudiés (pidgin) et surtout, le caractère
cosmopolite de la commmunauté cible. A tout prendre, il faut comprendre
que le pidgin en tant que langue véhiculaire n'est pas l'apanage d'un
peuple, mais de plusieurs et qui vivent dans un bassin culturel très
précis où se courtoient d'autres langues plusstables et donc
d'autres cultures.
METHODOLOGIE
CADRE PRATIQUE
Procédure d'administration des données
sur le terrain
Ce travail est une étude littéraire,
socio-ethnologique, et même historique car, la matière d'oeuvre,
le matériel conceptuel et textuel ne seront que le fruit d'une
investigation2(*), d'une
enquête que nous avons faite auprès de ceux-là qu'il est
convenu de nommer : les informateurs. Ces derniers, en dépit de
l'érosion du temps et des phénomènes acculturateurs
exogènes (colonisation, religion, école occidentale) sont
restés imperméables et, donc, aptes à nous livrer dans
leur pureté et leur innocence toute les teneurs de la mythologie
ancestrale.
Parlant ainsi de notre enquête, afin de faciliter une
bonne collecte des informations, nous avons élaboré un guide
d'entretien composé de questions ouvertes. Nos informateurs ont subit un
questionnement suivant les principes de l'entretien semi- direct. Cet entretien
libre consiste pour l'enquêteur, à n'intervenir, lors de
l'entretien, que pour amener ou ramener l'informateur à répondre
toujours en droite ligne des attentes concernant la rigueur voulue dans la
réponse aux questions posées.
C'est dire que, nous avons usé de la méthode
des Sciences sociales et humaines qui consiste en une observation des faits
tels qu'ils se révèlent à nous sur le terrain. Ces faits,
qui sont avant tout, ceux de la société traditionnelle en
particulier et de l'histoire du Camerounais en générale, sont
traités ou analysés selon la matière d'oeuvre de tout
notre travail de recherche, puisqu'ils ne constituent que la sagesse de l'homme
originaire, celui du peuple camerounais.
En outre, pour pallier aux difficultés de la langue, le
choix d'une méthode de travail consistant aux choix judicieux d'un guide
d'entretien, l'enregistrement des entretiens à l'aide d'un
magnétophone, la transcription des données, leur
vérification et leur confrontation avec d'autres sources permettait
d'obtenir les résultats escomptés.
En résumé, notre méthode est purement
littéraire (analyse de faits observés et obtenus à l'aide
de la méthode des sciences sociales, l'explication destextes que sont
les contes et les mythes).
Faut-il le rappeler, notre étude porte sur la
littérature orale. Toutefois, on ouvrira une petite brèche sur la
langue véhiculaire car, toute étude qui porte sur
l'évolution d'une langue qui puisse encore être une langue
véhiculaire prend en compte chaque étape de changement de cette
langue. On essayera de trouver les raisons de ce changement, le patrimoine ou
le fond culturel que véhicule cette langue. Cela étant donc, nous
passerons à l'exposition des différentes méthodes de
recherche.
- Méthode par l'observation
La première des choses qui intéresse quelqu'un
lors des investigations sur le terrain c'est l'observation personnelle. Notre
étude porte sur la littérature orale en pidgin, alors, notre
observation s'attarde sur l'utilisation de cette langue (le pidgin), ce que
les gens pensent et font avec une telle langue et l'impact qu'à cette
langue dans l'éducation de l'enfant dans la région du Sud-ouest.
Bien que des rapports de l'observation s'avérer être
considérés très subjectifs, certaines situations
linguistiques, particulièrement lorsqu'il s'agit du pidgin au Cameroun
exigent plus d'attention et plus de vigilance que n'importe quelle autre forme
de recherche. D'autant plus que, le pidgin est une langue que certains
camerounais refusent de s'identifier avec ; bien que la parlant
presque chaque jour et presque dans toutes les occasions.
L'observation peut être une méthode fluctuante
pour exposer certaines de ces attitudes. C'est une méthode qui se fait
sans toute fois attirer l'attention des locuteurs des différents
groupes. J'ai suivi des conversations des locuteurs des différents
groupes. Les jeunes étaient observés à part, les hommes
âgés aussi étaient observés à part. Cette
observation me permettait de voir comment les uns et les autres transmettaient,
leur héritage culturel, leur savoir et leur savoir- faire à
leurs enfants par le biais de cette langue. Aussi, elle m'a permise de
connaitre l'attitude des gens vis-à-vis de cette langue et surtout de
savoir si cette langue est à usage institutionnel,
« mi-institutionnel » ou locale.
-La méthode de recherche dans les
bibliothèques et les conférences
Il est important de parler de la méthode de recherche
dans les bibliothèques, certes, elle n'est en rien une méthode
nouvelle, mais elle est importante. Il faut dire que, je fus choquée
voir même découragée parce que, ayant fait le tour de
certaines bibliothèques, je ne parvenais pas à trouver les
travaux faits sur le pidgin et cela constituait un véritable frein
à l'évolution des mes travaux de recherche. Toutefois, il ya des
centres de recherche qui m'ont aidés à avancer dans mes travaux.
Il s'agit notamment de la SIL (Summer Institute of Language), la librairie du
Centre de langues et de Recherches (CELRES), et le plus important pour moi a
été la bibliothèque électronique. Ces
bibliothèques, plus particulièrement le dernier ont
redonné du tonus et un nouvel esprit à mon travail, puisque
là-bas, je pouvais trouver le matériel important.
En ce qui concerne les écrits sur la
littérature orale en pidgin, très peu d'études ont
été réalisées à ce sujet. Toutefois,
certains enseignants de l'Université de Yaoundé I surtout ceux du
département de langues et linguistiques, ceux du département
d'Anglais ont eu à rédiger des articles sur cette langue mais
chacun en son domaine.Aucune étude n'est faite dans le domaine
littéraire, encore moins, sur la littérature orale d'où la
difficulté dans notre travail.
-L'enregistrement par magnétophone
Toute recherche qui est basée sur l'écoute,
c'est-à-dire, les paroles enregistrées, qu'il s'agisse des
chansons, des informations à la radio ou à la
télévision, tout cela ne peut se faire sans un appareil
d'enregistrement. Le magnétophone a été utilisé
à plusieurs étapes de la collecte des données. Il a
été utilisé lors de la collecte de nos mythes et de nos
contes. Tout ceci ne pouvait pas être possible sans cet appareil
électronique, parce que, la mémoire pouvant faire défaut,
et surtout, il est difficile sur le terrain de suivre tout ce que disent les
informateurs et prétendre garder tout cela en mémoire. Le
magnétophone aura été pour ce travail mon meilleur
compagnon de route.
Cependant, il faut souligner que, les méthodes
modernes de collecte de données ont un impact sur les traditions orales.
La plupart des villages qui se trouvent dans la région du Sud- Ouest
sont virtuellement devenus des centres cosmopolites. Les histoires le soir
autour du feu sont rangées dans le registre de l'oubli. La
majorité des jeunes pensent que les contes, les mythes, les
légendes relèvent de l'époque ancienne. Ils
préfèrent les soirées entre jeunes, les
télévisions et les salles de cinéma. Ainsi, ils se
détachent peu à peu de leur tradition pour épouser les
« nouvelles traditions ». Ce n'est pas parce que ces films
et ces soirées ont un plus sur nos traditions. L'une des principales
raisons est que, la plupart des ces jeunes sont traditionnellement orphelins.
Ils n'ont pas été nourris du sein maternel de leur tradition.
Certains chercheurs dans le but de mieux explorer ou de transmettre cette
richesse culturelle, les mettent sur des supports modernes. Ceci permet de
satisfaire les deux générations et aussi d'avoir un public
nombreux.
La collecte des données, la transcription, la
traduction, l'enregistrement constituent une étape assez complexe
lorsque l'on se retrouve sur le terrain, car afin de réunir un grand
nombre de personne pour avoir une information, il faudrait avant tout que le
travail soit intéressant. Par ailleurs, lorsque nous avons
demandé à l'un de nos informateurs pourquoi les contes et les
proverbes n'étaient plus dits dans les villages, il répondit en
ces termes : « la fumée dans la cuisine fait fuir ma
petite amie, la fumée est un parfum qui est fait uniquement pour les
vielles personnes ». Ceci relève du
désintéressement qu'on les jeunes de nos jours en ce qui concerne
les contes.
L'un des objectifs une fois sur le terrain était de
chercher des informateurs, surtout ceux qui ont une bonne connaissance et un
savoir sur les traditions. L'idée de cette première étape
consistait aussi à retrouver des maisons où les contes et les
mythes se racontent le soir et surtout, être plus en contact avec les
membres de cette famille et leur entourage. Mais, nous nous sommes rendus
compte que, les conteurs professionnels, c'est-à-dire ceux qui en ont
fait de l'art oratoire leur métier n'existaient plus, dans cette partie
de la région du Sud -Ouest, comme c'est le cas dans certaines
sociétés africaines.
Cependant, le constat que nous avons fait sur le terrain est
triste. Avec de nombreux travaux de recherche entrepris par des
étudiants, des organisations non gouvernementales, des groupes de
chercheurs, la plupart des villageois se sont accaparés les recherches
pour en faire de sources de revenus ; parce qu'ils pensent que les
chercheurs revendent à des prix faramineux les données
récoltées sur le terrain. Bien plus, certains informateurs
travaillent uniquement pour de l'argent et non plus pour transmettre le savoir.
C'est dans ce contexte que l'un de nos informateurs nous fera cette
remarque : « For my tradition, pikin no di eva go see
hi papa empty hand ». Autrement dit, un enfant ne rend jamais
visite à son père les mains vides. Ainsi, le vin de palme, la
kola, de l'argent en espèce doivent être donné par le
chercheur afin de cajoler les différents informateurs.
Cette phase préliminaire nous a permis de mieux faire
connaissance avec nos différents guides et nos informateurs. Ceci nous a
également permis de définir la raison d'être de notre
présence. Nous leur avons fait savoir que si eux (les anciens) ne font
pas connaitre le legs ancestral qui se retrouve contenu dans les
légendes, les contes, les proverbes, les mythes, ils finiront par
disparaitre, et c'est l'Afrique qui aura tout perdu de son potentiel.
En consequence, les générations futures ne
sauront rien de leur histoire et de leur culture. Ceci incita certains
informateurs et leur emmena même à agencer les séances de
contes en ma faveur. Suite à cela, certains informateurs sont
allés plus loin en me disant les conditions d'une bonne transmission en
ce qui concerne ces récits. Par exemple, les contes sont dits dans la
nuit, lorsque tout le monde a fini avec les travaux ménagers. Ils sont
même alleés plus loin pour me donner quelques astuces qui
permettent de garder les gens éveillés pendant la soirée.
Il s'agit notamment du vin de palme, de la kola, et des arachides.
Faut-rappeler que le matériel d'enregistrement était prêt
bien avant les cérémonies proprement dites.
La deuxième phase était la phase de
l'enregistrement des contes et des mythes. Elle s'est déroulée
avec aisance, bien que le temps nous tenait à la gorge. Un maximum de
trois jours étaitassigné à chaque village puisque les
informateurs étaient au courant de ma venue. La première
journée était d'informer les informateurs du jour et de l'heure
de mon arrivée, et de trouver un interprète car, bien que je
comprenne et parle couramment le pidgin, certains mots et expressions
étaient dits en Bakweri,et en d'autres dialectes de la région,
langues donc je ne maitrise pas du tout. Toutefois, il était important
de trouver un interprète pendant les séances de travail ou
d'échanges car, le pidgin varie d'un endroit à l'autre,
prétendre connaître cette langue dans toute sa tournure serait une
erreur très grave.
L'enregistrement se passait de telle manière que les
informateurs ne devraient jamais être alarmés ou angoissés.
Le magnétophone et la camera étaient utilisés pendant les
échanges, ceci pour se rassurer que rien ne devrait être
laissé au hasard. Les différents acteurs étaient contents
et enthousiastes lorsque nous leurs avons dit que leurs noms seront
écrits et lus dans nos différents travaux de recherche.
Après cette phase d'enregistrement, il fallait passer
aux questionnaires. Un questionnaire oral était cependant introduit.
Certaines questions étaient posées immédiatement pendant
les séances de répétition, et d'autres pouvaient
être posées soit avant, soit après l'entretien. Les noms,
le statut social, l'âge étaient immédiatement
consignés à chaque échange. Après cette phase
d'enregistrement, il fallait passer à l'étape de l'entretien. Ces
entretiens se faisaient à l'aide d'un guide d'entretien.
Les entretiens sur la base du guide d'entretien reposent sur
le principe del'entretien semi-direct. Il consiste à laisser le
questionné répondre librement et n'intervenir que lorsqu'il
s'égare pour le repositionner par rapport à nos
préoccupations.
L'objectif de ce travail étant l'exploration des mythes
et des contes, les questions sur la mythologie en général, la
culture, les croyances et les pratiques, l'histoire des populations qui parlent
cette langue, la genèse même de cette langue, et tout ce qui
pourrait entourer le pidgin était évoqué. Après
cette étape sur le terrain, nous passons à la phase
théorique.
§ CADRE THEORIORIQUE
Pour mener à bien notre étude et connaissant le
malaise épistémologique de la critique africaine s'agissant de
l'analyse des textes oraux, il nous fallait trouver une méthodologie
d'approche qui devait nous aider à étudier les textes oraux que
sont les contes et les mythes dans leur totalité. Méthodologie
qui nous permettra également de les cerner dans leur
spécificité et leur unicité.
Nous tenons également à préciser ici que,
lors de notre analyse critique, les textes ne seront pas étudiés
séparément. C'est-à-dire les mêmes textes (contes et
mythes) nous aideront pour notre analyse structurale, de même, pour notre
analyse mytho critique, aucune différenciation ne sera faite. Seule la
numérotation nous permettra de faire la différence.
Notre travail nous amène à élaborer une
méthode au carrefour de plusieurs méthodes, dont deux en
constituent les majeures : la méthode structuraliste de Claude
Bremond et la mytho-critique de Gilbert Durand.
Le structuralisme est une méthode qui se fonde sur la
notion de structure comme système de transformation. Récusant
l'opposition entre le fond et la forme, elle étudie le jeu des
transformations du texte sans pour autant sortir du cadre stricte qui est le
sien, c'est à-dire, le matériel textuel. Ici, on doit retenir que
la structure est un tout qui se distingue de l'agrégat. Alors que ce
dernier est composé d'éléments indépendants du tout
que constitue le récit, la structure quant à elle en
dépend de sorte que l'on ne peut supprimer un seul de ses
éléments sans altérer la compréhension du
récit dans son unicité.
Si le structuralisme a été d'abord
appliqué en biologie notamment par Goldstein, il fut par la suite
appliqué en anthropologie par Levy Strauss et en linguistique par
Ferdinand De Saussure. En littérature plus précisément, il
a été appliqué par les chercheurs comme Vladimir Propp,
A.J. Greimas, Roland Barthes ou encore Claude Bremond sur qui nous avons
jeté notre dévolu.
L'analyse du récit que Claude Bremond établit
dans sa Logique du récit (1973 :350), décrit les
interrelations de rôles au cours d'une action narrative. Partant de la
révision des méthodes usitées jusqu'alors par les
formalistes russes, il dégage un certain nombre de
spécificités des contes russes pour arriver à une
étude descriptive de la structure d'un large éventail de textes
narratifs. C'est dans cette optique qu'il a conservé comme chez Propp
l'idée de fonction comme: « l'action d'un personnage
définie du point de vue de sa signification dans le
déroulement de l'intrigue» (1973 :131). La fonction d'une
action ne pouvant être comprise, comme il le dit lui-même, que dans
la perspective des intérêts et des initiatives des personnages au
cours de l'action narrative.
Aussi, il fonde sa Logique du récit sur la
notion de séquence qui par sa composition d'un certain nombre de
fonctions, facilitent le passage aux trois moments importants de la
réalisation d'un acte que sont: la virtualité, le passage
à l'acte et l'achèvement.
En résumé, Bremond fonde sa Logique du
récit non pas sur une suite d'actions mais plutôt sur: «
un agencement des rôles » (1973 :133) que jouent les
personnages. L'important ici dans l'étude de nos contes et mythes, sera
de se demander si le personnage agit (agent) ou s'il est agi
(patient). L'essentiel de notre travail sera alors de se servir de
cette méthode pour connaître si l'enfant dans nos récits
est patient,auquel cas, il sera bénéficiaire
d'amélioration ou de protection ou encore victime de dégradation
ou de frustration. S'il est agent, il sera dans cet ultime cas
volontaire ou involontaire, auquel cas, il sera dégradateur ou
améliorateur, frustrateur ou protecteur. Cette méthode sera, nous
le pensons, apte à nous fournir la richesse des contenus de nos
récits sous l'angle sociologique et ethnologique.
De même, nous allons également utiliser la
méthode mytho-critique de Gilbert Durand dans l'étude de nos
contes et mythes.
La méthode mytho- critique est une approche d'analyse
qui se rapproche un tout petit peu de l'approche thématique. Cette
approche met en oeuvre une reconnaissance, dans le texte
considéré comme production culturelle, d'un discours mythique et
de ses figures ou de ses marques. Toutefois, l'approche mytho -critique
établit plusieurs paliers de lecture auxquels correspondent des signes
de nature différente.Nous n'allons certainement pas évoluer sur
tous les tableaux.
Le premier niveau d'une lecture mytho-critique dans un texte
consiste à repérer les thèmes, les figures ou les
éléments figuratifs. Ce premier niveau, prend en compte les mots
du texte, de même, il définit les signes mobilisés
isolément. Certains de ces signes seront ensuite perçus soit
comme des signes plus fortement significatifs, soit comme des symboles, soit
comme des figures mythiques, soit encore comme des indices ou des traits de
figures mythiques à valeur symbolique.
Le deuxième niveau de cette méthode mytho
-critique repose sur le rapport entre le texte et ses signes d'une part, et le
système culturel et ses mythes d'autre part. Les symboles seront ici
valorisés, étant conventionnellement reconnus, dans leurs
rapports à leur objet, comme des signes culturels. Les figures du mythe
seront également mises en évidence comme la
référence culturelle d'un mythe considéré comme
modèle antérieur au texte.
Toutefois, l'identification du mythe ou même des
symboles fondamentaux du texte passe par l'identification de certains indices.
De même, la reconnaissance des figures du mythe passe par
l'identification de traits rassemblant entre les figures du texte et celles du
mythe de référence et passe donc par la reconnaissance d'un
rapport au moins partiellement iconique entre ces figures. Pour cela,
pour qu'une figure ou qu'un élément figuratif soit
considéré comme symbole, il faut qu'ils y attachent une valeur et
un sens en lui-même et dans la relation qui le lie à une situation
ou à d'autres symboles. De même, pour qu'une figure soit reconnue
comme relevant d'un mythe, il faut qu'ils y attachent certains traits
conventionnellement reconnus à la figure du mythe et symboliquement
significatifs de ce mythe.
Ces différents signes fondamentaux qui désignent
le texte comme une production culturelle (reproduisantconsciemment ou
inconsciemment les modèles mythiques fondateurs d'une culture acquise
par immersion et grâce à d'autres textes écrits, oraux ou
autres), peuvent être considérés comme des signes
symboliques au sens plein du terme. C'est ce qui fait dire à G. Durand
dans son ouvrage Figures mythiques et visages de l'oeuvre, (1992) que
la mytho-critique « tend à extrapoler le texte ou le document
étudié [...] mais aussi à rejoindre les
préoccupations socio ou historico-culturelles ».
Ces indices ou ces signes permettent au lecteur qui utilise
chacune de ces approches de construire un discours interprétatif, ou
explicatif, de rendre compte de l'oeuvre en partant d'un point de vue choisi en
fonction des finalités ou des présupposés de chaque
méthode.
Née dans les années soixante-dix, la
mytho-critique s'inscrit dans le champ de la « nouvelle
critique ». Son promoteur, Gilbert Durand, forge le terme sur le
modèle de la psychocritique de Charles Mauron. Mais, à l'inverse
de la psychocritique, où une approche particulière est
appliquée à un objet, il s'agit apparemment dans la
mytho-critique d'appliquer un objet à un autre objet, de lire le texte
sous l'angle du mythe, un récit à travers un récit. Cette
méthode paradoxale présuppose en réalité un statut
particulier accordé au mythe.
La mytho-critique a donc pour but essentiel la
revalorisation du mythe qui passe, sous l'égide notamment de
Lévi-Strauss, du statut de pensée pré-philosophique
à celui de mode de pensée à part entière, gardienne
et témoin, selon Gilbert Durand, du fond anthropologique commun de
l'imaginaire. L'apparition d'un mythe dans un texte ferait donc signe vers cet
imaginaire et constituerait une matrice génératrice de sens.
Par ailleurs, s'agissant toujours de l'approche
mytho-critique ; Maurice Emond (1987 :91), dira à cet effet
que : « la mytho-critique dévoile des images
archaïques, des archétypes, des mythes qui se cachent
derrière des personnages, des convergences thématiques,
l'organisation même du récit ».
Gilbert Durand quant à lui résumera cette
approche ainsi qu'il suit:
- repérage des thèmes et des mythèmes
dans un texte (il s'agit en fait de relever les thèmes, de voir les
motifs redondants, ou obsèdent (Charles Maurin),
- décrire les structures mythémiques du texte
(il s'agit de relever des situations et des combinatoires de situation des
personnages et des décors),
- identifier et interpréter un mythe sous-jacent
à un texte, à travers ses thèmes, ses situations et ses
figures (il faut repérer les différentes leçons du mythe
et les corrélations de telle leçon d'un mythe avec d'autres
mythes d'un espace culturel bien déterminé),
- La confrontation du moment mythique de la lecture et la
situation du lecteur présent.
Dans cette avancée, Durand présente le
mythème, comme la plus petite unité du discours mythiquement
significative, que la redondance des séries synchronique nous annonce.
Son contenu peut être indifféremment un motif, un thème, un
décor mythique, un emblème, une situation actantielle
(enlèvement, meurtre). Le mythème peut aussi être
simplement un verbe (combattre, lutter, conquérir), car le verbe est la
force significative par excellence. Et la mytho critique ne manque pas de se
concentrer dessus. Il en découle donc que le mythème reste donc
toujours concret et capable aussi de manifester plusieurs contenus à la
fois (un personnage, un emblème et une situation actantielle).
Le mythème peut être double, patent et latent,
dans sa manifestation et son action, selon les refoulements et les censures en
place à une époque sociale et historique. Aussi dans
l'utilisation patente, assiste-t-on à la répétition
explicite de ses contenus alors que dans la forme latente, il ya un
schème intentionnel implicite qui est répète plusieurs
fois tout au long du récit.
L'important dans notre étude des contes et des mythes
sera de savoir si les thèmes abordés dans nos récits sont
en corrélation avec d'autres, et surtout, pouvoir interpréter les
thèmes en relation avec l'éducation de l'enfant dans la
société traditionnelle.
Voilà esquissées les raison qui justifient le
choix de cette approche méthodologique. Il nous revient maintenant
d'expliquer explicitement les grandes articulations de notre travail.
PLAN DU TRAVAIL
Pour étayer notre travail, nous avons opté pour
un plan en partie. Pour cela, il s'agira de sortir un travail de trois parties
composées de deux chapitres pour les deux premières parties et
de trois chapitres pour la troisième partie.La première partie
est intitulée : Présentation du pidgin.Dans cette partie, il
s'agit de ressortir une approche définitionnelle du pidgin et par
là retracer la genèse même de cette langue. Nous nous
intéresseront dans son deuxième chapitre sur les
différentes attitudes qu'ont les uns et les autres à propos de
cette langue, ce qui nous conduira ensuite à donner son statut ainsi que
ses représentations dans la société camerounaise.
La deuxième partie quant à elle parlera des
fonctions de l'enfant. C'est ici que nous allons donner corps aux
différentes approches que nous allons aborder dans notre travail.Apartir
de la méthode de Claude Bremond, les différentes fonctions de
l'enfant dans les contes et les mythes en pidgin seront approchées. Ceci
nous permettra d'avoir un aperçu du rôle et même de la
perception de la personne de l'enfant dans les différentes
sociétés ou ethnies camerounaises que nous aurons à
étudier. Dans cette partie également, nous allons faire une
analyse mythocritique des contes et des mythes en relation avec les fonctions
de l'enfant.
La troisième partie, qui sera étroitement
liée à la deuxième ne sera que la résultante des
différentes conclusions que nous aurons eu à ressortir de
l'étude fonctionnelle des contes et mythes du corpus et de la lecture
mythocritique des textes.Nous allons montrer comment l'enfant est le produit de
l'éducation traditionnelle qui lui est administrée dans des
cadres précis, par ceux- là que nous nommerons les acteurs de
l'éducation. Mais aussi, cette éducation comme nous allons le
voir, a un contenu qui n'est rien d'autre qu'un programme éducatif bien
pensé et mise en oeuvre pour non seulement, l'enracinement de l'enfant
dans sa culture, mais aussi son intégration sociale et voir plus loin
son ouverture au monde.
Cette partie sera également consacrée aux
perspectives. On montrera l'apport de la tradition à l'éducation
de l'enfant moderne.Un bref exposé des problèmes éducatifs
constatés dans la société africaine moderne seront ensuite
évoqués.Nous parlerons ensuite de quelques valeurs africaines
à sauvegarder à tout prix dans l'éducation de l'enfant
aujourd'hui.
Dans son dernier chapitre, intitulé pidgin et la
problématique d'une identité culturelle camerounaise. Dans ce
dernier chapitre, nous allons montrer en quoi les textes en pidgin expriment
les réalités propres au Cameroun .L'ouverture est donnée
à l'étude de la littérature orale en pidgin comme
expression de la société camerounaise avec un encrage vers une
proposition de fondement de l'identité nationale autour du pidgin.
Première partie :
PRESENTATION DU PIDGIN
Pour mener à bien nos recherches sur les contes et les
mythes en pidgin, il importe que la notion de langue soit amplement
examinée et comprise. Ce terme aligne de nos jours moult conceptions au
vu de son importance dans le cadre des travaux linguistiques et
littéraires. Selon G. Mounin « les langues sont tous
systèmes de signes vocaux doublement articulés propre à
une communauté humaine donnée ». Mais, dans
l'imaginaire populaire, cela ne suffit pas à faire comprendre ce qu'est
une langue. Les langues sont de fait conçues comme moyen de
communication répondant à certaines fonctions notamment
normatives, culturelles, littéraires et identitaires.
André Martinet (1967:21) soutient qu'une
définition linguistique de la langue précise qu'elle est un
système de signes doublement articulé dont le sens se construit
à la fois au niveau conceptuel d'abord, articulatoire et sonore ensuite.
C'est ici que les sous-ensembles de morphèmes, lexèmes et
monèmes d'une part,phonologie, morphologie et syntaxique d'autre part
trouvent leur sens. Martinet soutient en outre que l'ordre de description est
nécessairement inverse de l'ordre de perception ou d'usage de la
langue.
Selon lui, la langue est un « système de
signes»(1967 :21)., et le langage est la
faculté humaine mise en oeuvre au moyen d'un tel système. L'on
constate que les linguistes à l'instar de ceux suscités
conditionnent l'existence d'une langue à celles des normes
d'utilisation. Autrement dit, la combinaison des signes en vue de former des
unités signifiantes, ne doit se faire que conformément aux
grammaires qui gouvernent ces langues. Ferdinand de Saussure, père de la
linguistique structurale n'affiche pas une lecture trop différente de
celles qui précèdent. Mais, il précise tout de même
que les structures qui organisent les unités linguistiques et les
règles en systèmes signifiants sont générées
par l'esprit humain, c'est-à-dire ; par le sens de la
perception.
En d'autres termes, l'esprit humain dispose des
mécanismes structurant qui facilitent l'utilisation de la langue selon
la grammaire. Est cruciale à ses yeux, la différence entre langue
et parole. Si la première est un système de signes
socioculturels, la seconde par contre est l'utilisation individuelle de ces
signes à des fins de communication.
D'un point de vue sociologique, une langue n'a d'existence
que sociale. La socio linguistique prône les études des langues
en relation avec les sociétés qui les utilisent. Ces relations
sont émaillées d'influences réciproques. Dans ce sillage,
Martinet définit le terme langue comme tout idiome remplissant la
fonction sociale fondamentale : la communication et l'identification.
Autrement dit, c'est au moyen de la langue que les acteurs sociaux
échangent et mettent en exergue leurs idées, sentiments,
émotions et pensées. Identification parce que c'est de par son
double aspect individuel et collectif que la langue sert de marque identitaire
desquant aux caractéristiques de l'individu, et de ses appartenances
sociales. Par conséquent, les langues sont des objets vivants, soumis
à de multiples phénomènes de variations, et les
frontières entre elles sont considérées comme non
hermétiques (Sciences de l'interprétation). Car, elles
révèlent d'abord des pratiques sociales. Ainsi, chaque groupe a
sa manière d'utiliser la langue en fonction des pratiques qui y ont
cours.
Quelque soit l'approche définitoire, il apparaît
que toute langue se veut d'abord un système de signes socialisés,
appartenant à un groupe social précis et destinée
à faciliter au moyen de la communication verbale nos idées, nos
sentiments, nos idéologies, nos convictions. Dans un souci d'harmoniser
la communication entre individus appartenant à un même bassin
linguistique et culturel, les hommes adoptent un ensemble de règles, de
conventions collectives devant gouverner les signes que ceux-ci ont en commun.
C'est en raison de ce point de vue que toutes les langues codifiées et
standardisées présentent aujourd'hui des supports de
référence, partant des dictionnaires aux grammaires en passant
par les littératures, encyclopédies et bien d'autres.
De nombreuses langues internationales à l'instar du
français, de l'anglais de l'allemand, de l'espagnol ainsi que certaines
langues africaines peuvent aujourd'hui être classées dans la
catégorie sus-évoquée.
Retenons en guise de rappel que c'est depuis le
15e siècle que les européens se sont lancés
à l'assaut de l'Afrique pour conquérir de nouvelles terres.
L'Afrique cesse alors d'être un continent inconnu du monde dès
1400 (1983:80). Puisque la langue est le premier élément
représentatif d'une culture, les européens vont à chaque
passage laisser les traces linguistiques et culturelles qui leur sont propres.
Le portugais, l'anglais, l'allemand et plus tard le français,
présents en Afrique sont tous témoins de ce passage. Mais,
l'Afrique n'était pas un continent dénué de langue, ce qui
a laissé libre cours à une possible émergence des
contextes de bilinguisme, de multi culturalisme et donc de formes nouvelles ou
atypiques de codes d'expression, à l'instar du pidgin.
ChapitreI :
APPROCHEDEFINITIONNELLE
ET GENESE
DUPIDGIN
Ce
chapitre consistera en une élaboration de la genèse et en une
approche définitoire de la langue pidgin.
I.1. QU'ENTEND-T-ON PAR
PIDGIN ?
Le pidgin est un mot qui suscite beaucoup de controverses
parmi les linguistes. Il a été défini
différemment par les auteurs.,Sselon Rockford et Mc Whorter, le pidgin a
une fonction sociale. Il est un moyen de communication limité qui se
réduit uniquement entre des personnes ayant deux ou plusieurs langues.
Entre des personnes ayant des contacts répétés ou
étendus. Par exemple à travers le commerce, l'esclavage, les
migrations.
Todd (1992) quant a lui dira que le pidgin est une
lingua-franca qui émerge afin de satisfaire et de faciliter les
besoins de communication entre les praticiens de langues
hétérogènes forcés à un contact soutenu et
permanent.
Cette définition du pidgin n'est pas satisfaisante dans
la mesure où il est développé pour des besoins bien
spécifiques, et qui s'éteint ou meurt une fois le but visé
atteint. Le pidgin dans ce genre de contexte est celui qui était
parlé au Vietnam par les Américains durant la guerre du Vietnam.
Ce pidgin disparut aussi avec la fin de ladite guerre.
La définition évoquée plus haut ne
s'applique pas au pidgin, langue véhiculaire comme celleui du Tok
pisin en Nouvelle Guinée, Sango en République
Centrafricaine et le Cameroon Pidgin English parmi tant d'autres qui
sont utilisées comme première langue véhiculaire par
lseurs locuteurs (Alan, Tosco 2001 :17).
Toutefois, cette définition renferme quelques lacunes
dans la mesure où l'on n'a pas reconnu l'existence d'un pidgin
répandu ou développé dont les fonctions vont au
delà de celles de la communication.
Cependant, Holm (1998:5) cité par Wardhaugh (1987)
considère le pidgin comme:
a reduced language that results from extended contacts
between groups of people having no language in Common. Its involves when there
is need for some form of verbal communication, perhaps for trade, but no group
learns the native language of any other group for social reasons that may
include lack of trust or close contacts.
.
Traduiction littéralement,le pidgin selon Holm est
une«lingua franca» qui émerge afin de satisfaire les
besoins de communication entre praticiens de différentes langues ou
groupes ethniques d'origines diverses.
L'anthropologue Pierrette Thibault définit le pidgin
comme une langue contractuelle qui est un amalgame
d'éléments linguistiques de deux ou de plusieurs langues et qui
émergent dans le cadre de transactions effectuées, grâce
à un processus de restriction et de simplification de l'une des langues
de ces groupes. Il s'agit généralement de celui qui occupe une
position de supériorité sociale. [...].
Autrement dit, la langue du group dominant fournit la plus
grande partie du vocabulaire du pidgin. C'est le superstrat. La (ou les)
langue(s) du (ou des) groupes dominé(s) forme(nt) le substrat.
Elle(s) contribue(nt) de façon moins évidente au
pidgin (ibid. :163). Précisons toutefois que lorsqu'un pidgin
devient une langue maternelle, on ne l'appelle plus pidgin, mais il devient un
créole.
Foley, (1988) précise cependant que deux conditions
sont nécessaires pour qu'un pidgin se développe : il faut
qu'il existe un fossé social entre les locuteurs du superstrat et ceux
du substrat (condition qui rend compte de tous les pidgins apparus dans le
contexte colonial et esclavagiste) ou tout de moins qu'une symétrie
caractérise les rôles sociaux et économiques (condition qui
rend compte de la plupart des pidgins indigènes)
Cependant, notre auteur nous fait remarquer que, presque
toutes ces définitions sur le pidgin sont matières à
controverse. Mais, ce que Foley ne nous dit pas dans sa
définition, c'est si l'on peut parler de pidgin lorsque deux langues
seulement sont impliquées.
La question qui restera suspendu après les
différents arguments avancés par Foley sur la définition
du pidgin sera celle de savoir si l'on peut qualifier la contribution du
substrat de moins évidente ou importante que celle du superstrat ?
A cette question, Claire Lefebvre dira que si les esclaves ou les clients en
viennent à utiliser le pidgin entre eux, ce qui fut certainement le cas
chez les esclaves, on doit s'attendre à ce qu'ils accolent le
vocabulaire du superstrat à la grammaire de leur langue maternelle.
Mc Mahon (1994:253) quant à
lui en ce qui concerne le pidgin parlera des « pidgins ».
À cet effet, il dira que « les pidgins » se
développent dans une situation où les différents groupes
de personnes ont besoin de certains moyens de communication, mais n'ont aucune
langue commune. Fernandez (1998:212) affirme que «un pidgin est une
langue composée d'éléments de plusieurs autres langues (au
moins, plus de deux), et utilisé principalement pour «des contacts
commerciaux ».
DeCamp (1971, cité par Romain (1993:23) définit
le pidgin comme «une langue vernaculaire qui est
caractérisée par un vocabulaire limité, une
élimination de nombreux mécanismes grammaticaux tels que le
nombre et le genre, et une réduction drastique des fonctions
redondantes ». Trudgill repris par Mbangwana (2004 :23-44)
définit le pidgin comme une variété de l'anglais.
Autrement dit, c'est une langue issue d'une simplification de l'anglais.
Trudgill étend son propos en affirmant que le pidgin dans la plupart
des cas a un vocabulaire et une grammaire limités , de plus, il renferme
en son sein beaucoup d'irrégularités grammaticales.
Cette définition parle de simplification qui est un
phénomène normal en pidgin, mais, il n'a pas parlé de
comment est-ce que le contact des langues a donné naissance à
cette simplification. De plus, la question que l'on pourrait se poser est
celle de savoir si cette restriction et cette simplification ne s'appliquent
qu'à l'une des langues, le superstrat ? Pierrette Thibault pour
répondre à cette question soutiendra que dans le contexte de
l'esclavage, les Africains provenaient plus ou moins de la même
région, de sorte que les langues maternelles de plusieurs d'entre eux
étaient apparentées. Afin de communiquer entre eux, ils ont sans
doute négocié la reconnaissance d'éléments communs
dans leurs grammaires par un processus de simplification. N'oublions pas qu'un
pidgin est employé dans les transactions spécifiques au
départ, c'est un code spécialisé et une fois qu'il s`est
stabilisé, il comporte peu de variations.
Hymes (1971), cité par Romaine (1993:24) affirme que
« la pidginisation est un processus de changement complexe comprenant
une réduction de la forme intérieure, avec la convergence, dans
le contexte de restriction de l'utilisation .La pidginisation est
généralement associée à la simplification de la
forme extérieure ».
Autrement dit, pour beaucoup d'auteurs, le pidgin et le
créole sont des langues simples. L'hypothèse malheureusement
restera vague et dangereuse, tant que la « simplicité linguistique
» n'aura pas été définie en termes de linguistique,
et plus particulièrement dans le cadre d'une typologie comparative. Ceci
veut dire qu'on devra aussi définir un type qui ne serait pas simple. Au
plan grammatical, est-il absolument juste de dire qu'il s'agit d'une
simplification ? Sans doute, à condition d'admettre
(hypothétiquement) que la simplification n'est pas le rejet de ce qui
est compliqué, mais plutôt le maintien, ou mieux, l'accueil de
structures phonologiques et grammaticale. Les plus fréquentes ne
seraient elles pas précisément les plus économiques pour
l'esprit ? Il y a en toute langue des lignes de moindre résistance, une
langue de base se définit non seulement sur le plan lexical, mais aussi
sur le plan de l'organisation grammaticale. Ce n'est plus de simplification
qu'il faudrait parler, mais d'une épuration ou d'un drainage sur lequel
viennent se greffer des réflexes linguistiques acquis avec et par la
langue première. Ce sont les interférences.
David Decamp, (p. 16 de son introduction) rejoint cette
définition et veut montrer que les pidgins et les créoles
minimisent la redondance en syntaxe, ce qui serait donc un effet de
simplicité. C'est par exemple le cas du créole de la
Jamaïque, di bwai-dem, transposant « the boy them » et
signifiant « the boys ». La marque de pluralité serait
redondante dès qu'apparaît un numéral ; elle
disparaît donc, preuve de la simplicité toute-puissante : di
trii bwai « the three boys ». Ceci et plus explicite dans des
langues africaines et David Decamp parle dans son Introduction de
« type économique ». Par exemple dans les
langues des groupes kwa et mandé, mais aussi le
sango, le lendu, la pluralité, quand elle est
explicitement signifiée par un morphème grammatical (par exemple,
une modalité nominale), n'est généralement pas compatible
avec une pluralité exprimée lexicalement (par exemple un syntagme
où intervient une détermination numérale ou quantitative),
à la différence de langues du type à morphématique
différenciée (ouest-atlantique, voltaïque, tchadique,
bantu). La modalité nominale dans les langues de type économique
implique une pluralité déterminée, comptable, totalisante,
et son occurrence dans les textes est infiniment moins fréquente que
dans les langues de l'autre type. Le yoruba, le lendu, pour
ne citer que ceux-là, sont même très restrictifs quant
à l'expression de la pluralité.
Toutefois, ayant constaté que les pidgins ont diverses
morphologies, la question est de savoir si les conditions de naissance du
pidgin English au Cameroun sont les même que celles
évoquées plus haut
I.2. GENESE DU PIDGIN
Le contexte de naissance du pidgin place cette langue au
coeur même de la problématique du contact de langues. Si les
définitions typologiques ont jusqu'à présent eu du mal
à faire de cette langue un objet linguistique particulier, Mc Whorter
(1998, 2002), Mc Whorter &Parkval (2004), De Graff (2003), Mufwene (2001),
la spécificité et l'importance du contexte socio linguistique de
leur naissance font l'unanimité.
Etymologiquement, le terme
« pidgin » provient d'une déformation du
mot anglais « business »
entendons « affaire ». Les linguistes tels
que Hancock et Todd proposent deux autres hypothèses aussi plausibles
que l'étymologie traditionnelle. Du point de vue morpho phonologique et
par aphérèse de sa partie initiale et par changement,
attesté des autres vocables de
« ão » en Portugais et
« occupação », le mot va
vraisemblablement aboutir à quelque chose comme
« pasang », forme qui aurait été
interprétée sous l'appellation
« pidgin » par les chinois (J. Perrot
1981 :621).
Pour certains, il serait formé à partir du nom
d'une tribu d'Indiens (Amérique du Sud) : les Pidians. Des marins
et traiteurs britanniques utilisèrent le terme pidgin pour
désigner d'abord les indigènes qui établissaient avec eux
des relations de traite, puis pour désigner la langue employée
pour traiter avec ces indigènes.
Pour d'autres, le « Pidgin » serait un
dérivé du mot portugais
« ocupaçao », devenu ensuite
« ocupaçang », puis
« passang », et enfin prononcé pidgin par
des Chinois ; le mot proviendrait du portugais
« pequeno », par analogie à l'expression
portugaise « pequeno » entendons (petit
nègre), devenu pikini/ pikni/ pikin,
réalisé plus tard en pidgin, pour désigner la forme
abâtardie et réduite, de cette langue.
Enfin, le pidgin serait dérivé du terme
« pidyom », désignant une
variété d'anglais parlé dans le ghetto juif de Londres au
début du 20e siècle. Des planteurs juifs d'origine portugaise
auraient introduit le terme dans les Antilles, où les esclaves africains
l'auraient réalisé en pidgin.
Au-delà de tout ce qui précède, il faut
noter que, aucune de ces hypothèses n'a pu être
vérifiée, et le terme peut avoir eu son origine dans la
conjonction de plusieurs de ces sources. L'origine étant donc ainsi
indéterminée, l'on pourrait se demander comment sont venues
à l'existence ces langues qui sont qualifiées de pidgins ?
Au vu de tout ce qui précède, l'on pourrait dire
que ce sont des langues qui se sont forgées indépendamment les
unes des autres, et ceci pour des besoins de communication créés
à partir de situations de contacts similaires. Pour d'autres auteurs, il
s'agit de langues apparues dans des situations de contact, mais
dérivés d'une origine commune dans les cas où l'une des
langues de contact était celle d'une puissance dominatrice
européenne (Allen D. Grimshaw, p 430).Cette dernière explication
rend compte des similarités qu'on observe dans des langues
géographiquement très distantes. Il faut toutefois se demander
s'il y a une seule source commune (portugais), ou plutôt plusieurs
sources communes à des ensembles (anglais, français, etc.). C'est
cette confusion d'idées qui nous amène à parler de la
théorie de l'origine du pidgin.
I.2.1. Origine de
l'étude du pidgin
Les études sur le pidgin commencent au début du
19e siècle (Meijer et Mysken 2009 :188). Selon ces
chercheurs, la première personne qui entama ces études
était Adolpho Coelho dans l'une de ses publications
intitulée : « os Dialectos Romanicos ou Neo- Latinos
na Africa, Asia es America » (Meijer et Mysken ibid. :191).
Bien que d'autres chercheurs aient (Hugo Schuchardt &
Hesseling : 2009, August Schleicher, Holm : 2000)
développé des théories sur l'origine des Pidgins, ce
terrain jusqu'à une époque n'était pas très
fascinant et par conséquent pas très exploité. Romain
(1988 :4) souligne cependant que Decamps (1971a :31) et les autres
reconnaissent Schickhardt comme l'un des plus grand chercheurs en ce qui
concerne l'étude sur le pidgin et le créoles. Schuchardt est
reconnu pour son article intitulé : Kreolishe Studien.
Dans cet article, l'auteur démontre que le pidgin et le
créole sont des concepts très complexes qui résultent
indépendamment des conditions sociales très particulières.
Ils ont des systèmes grammaticaux sensiblement différents de ceux
de leurs langues d'origine (Mc Whorther, 1997 :1).
Au cours des années 1950 lorsque le pidgin et les
créoles furent établis comme discipline, ils n'étaient
toujours pas un terrain prisé par des chercheurs, car le pidgin
était toujours considéré comme la langue des esclaves qui
fut introduite en Afrique par des esclavagistes. Pour aller dans le sens de ces
différentes théories, Meijer et Muysken (2009 :189)
soutiennent même que les différentes opinions sur cette langue
étaient relatives à l'esclavage. Holm (2000 :1) asserte que,
le pidgin a été en grande partie ignoré par les premiers
linguistes ; non pas en raison de leur malentendu sur son identité,
mais surtout parce que, il ne cadrait pas avec la définition puriste de
la notion de langue. Les Européens croyaient à la tradition
gréco-romaine de la rhétorique à savoir les belles
lettres, le raffinement dans le langage à l'oral et à
l'écrit, le respect de la norme syntaxique.
Par ailleurs, les linguistes considèrent, les langues
comme des entités relativement stables et fixes et non comme de langues
pouvant être « corrompu » (Holm ibid. :
2). Ceci explique pourquoi Jonathan Swift (1712 :15) cité par Jones
et Singh (2005 :1) associent les variations linguistiques à la
corruption linguistique, un processus qui selon eux devrait être
réexaminé. Ils diront même à cet effet que:
« I see no absolute reason why any language will be perpetually
changing ». (Je ne vois aucune raison absolue pour laquelle une
langue devrait connaitre des changements perpétuels).
Cette idée de Jones et Singh est cependant battu en
brèche par Thomason et Kaufman (1988 :9) qui pensent que toutes
les langues connaissent des mutations avec le temps car, une langue n'est pas
une donnée statique, inerte, incapable de changement. La langue est
vivante et pour cela, elle connait des variations suivant des
époques ; elle évolue avec l'histoire. Le même
argument sera évoqué par Campbell (2004 :291-20) qui
défend sa position lorsqu'il soutient que le changement commence
généralement par la variation et la variation est
conditionnée par des différences sociales telles que l'âge,
le genre, le statut sociale. Ceci revient tout simplement à dire que le
changement d'une langue est inévitable.
Le terme « pidgin » connait cependant
plusieurs appellations. Il est considéré comme une
langue « anormale », « langue
des illettrés », « broken
english » pour certains, « bad
english » pour d'autres. Ces multiples patronymes sont aussi
vérifiables dans le cycle de vie de cette langue. Cycle qui est
développé par Hall (2009 :171) lorsqu'il dit :
« « Normal » language does
not have life cycle. A language is not an organism, but a set of habits handed
down from one generation of speakers to another, so that the customary
expressions « mother-tongue and « daughter
language » are, at best, nothing but metaphor».
Pour l'auteur, le cycle de vie d'une langue normale dure aussi
longtemps que la communauté qui la parle, car même lorsque les
membres de cette communauté tendent à disparaitre, ceux qui
restent s'accrochent à la langue parce que cela est une marque de leur
identité. Par contre, le pidgin intervient pour un besoin
spécifique et dure aussi longtemps que le besoin se fait encore
ressentir et disparait aussi tôt une fois le manque comblé (Hall,
ibid. : 172). Cette vision négative de la langue pidgin est
aussitôt rejetée par Amadou Bissiri (2001 :771-782) lorsqu'il
dit que : le cycle de vie d'une langue normal est changeant. Gisèle
Prignitz (1998 :8) continue en ce termes : « une
langue qui génère ses propres représentations, qui se
reconnait dans sa forme et dans ses fonctions, qui suscite des discours sur le
bien- fondé de ses normes est une vraie langue. Une vraie langue
mérite d'être pise au sérieux ».
Toutcompte fait, l'on se rend compte que les origines sur
l'étude du pidgin n'ont pas été pas très facile,
pour la simple raison que les concepts sont très complexes et leurs
conditions de naissance très particulières. Naissance qui nous
amène à parler de la théorie sur les origines de cette
langue.
I.2.1.1.Théories de
l'origine du pidgin
Il existe plusieurs théories sur l'origine du pidgin
qui ont été proposées au cours des cent dernières
années. Ceux-ci sont regroupés en cinq théories. Dans
notre travail nous n'allons pas étudier les cinq théories, nous
nous limiterons seulement sur trois de ces théories à savoir le
baby talk, la théorie de la monogénèse et la
théorie de la polygénèse. Cependant, nous voulons
souligner que l'explication de ces théories par nos différents
auteurs n'étant pas trop claires et la différence n'étant
pas bien précise, un mélange des origines dans ce travail est
une possibilité qui doit surtout être pris en
considération.
Ø La théorie du baby-talk
Dès le 20ème siècle, N. Schuchardt avait
émis l'hypothèse que le pidgin pouvait être issu de
simplifications volontaires opérées sur les langues (portugais,
anglais, français) par des colons européens. Un cas
d'observation de simplification volontaire du langage est le mode d'expression
simplifié dont usent les locuteurs adultes pour s'adresser aux jeunes
enfants, (c'est ce que l'on a appelé le « baby
talk ») ou à des interlocuteurs de langues
étrangères.
Chaudenson (1974 :389-393) lui aussi évoquera ce
processus de simplification des langues ; mais pour lui, il trouvera que
c'est un phénomène qui est lié aux facteurs sociaux et
socio culturels. Pour cela, il parlera de la mise en contact de deux
systèmes linguistiques : celui du maître et celui de
l'esclave. Cette hypothèse stipule que, les locuteurs des langues
européennes simplifient la structure de la langue pour pouvoir
communiquer avec leurs servants et leurs esclaves. La conséquence
étant que ces personnes apprennent la forme simplifiée de la
langue qu'ils transmettront ensuite à leurs descendants. Romain (1988)
dira à cet effet que, la simplification signifie un effort conscient
par les blancs dans la relation maîtres- esclaves de ne pas leur
apprendre la langue proprement dite, car, diront- ils, l'esclave n'était
bon que pour les travaux forcés.
Todd (1990) cité par Mühlhäusler
(1997 :97) présente le « baby talk » en ces
termes :
Speaker of a lower language may make so little progress in
learning the dominant speech, that the master in communicating with them resort
to «baby-talk». This «baby-talk» is the master imitation of
the subject's incorrect speech. There is reason to believe that it is by no
means an exact imitation, and some of its features are based not upon the
subjects «mistakes but upon grammatical relations that exist within the
upper language itself. The subject, in turn deprived of the correct model, can
do no better now than to acquire the simplified «baby talk» version
of the upper language. The result may be a conventionalized jargon. During the
colonization of the last few centuries, Europeans have repeated given
jargonized versions of their languages to slave and tributary people.
En fait, les Européens étaient tellement surs
de la supériorité de leur culture qu'ils n'ont pas pris le temps
d'apprendre les langues locales ; c'est ainsi que les indigènes
devraient fournir des efforts supplémentaires pour apprendre et
comprendre la nouvelle langue qui leur était imposée par leurs
maîtres. Pour cela, chacun à son niveau retenait ce qui lui
était possible de retenir et surtout de prononcer. Les natifs ont
d'abord commencé à apprendre mais de manière approximative
ou plutôt incorrect le portugais, l'espagnol, le français ou
l'anglais. En conséquence, les Européens attribuent à ce
parler mal agencé de leurs langues par des indigènes comme
étant une infériorité mentale de ces derniers et non pas
comme une insuffisance dans la pratique de ces langues. Ceux-ci diront
même que transmettre les bases corrects de leurs langues aux
indigènes étaient inutiles car, ils jugeaient cela trop
compliquée pour eux (Hall 1966 :5).
Ce que Hall voudrait nous faire comprendre ici c'est que, ce
ne sont pas les européens qui ont rendu la structure de leur langue
simple, ces sont plutôt les indigènes eux- même qui ont
simplifié la structure de ces différentes langues parce qu'ils
voulaient se faire comprendre par leurs maîtres. C'est ainsi que, les
blancs ont imité et adopter ce parler incorrect des natifs à
leur propre langue pour pouvoir faciliter les échanges entres eux et ces
derniers. Ce qui entrainera donc une espèce de cocktail linguistique qui
aurait donné naissance à ce parler que l'on appelle aujourd'hui
le pidgin.
Cette théorie a été critiquée
durant des années par des linguistes qui estiment que, il ya eu des
situations réciproques ou la simplification de la structure des langues
a eu lieu. C'est le cas des langues vernaculaires telles que le Kikongo, la
langue bantou qui est l'une des langues qui a un statut officiel au
Zaïre.
Ø La Monogénèse
Les créolistes ont remarqué qu'il existe
beaucoup de ressemblances entre les pidgins et les créoles. Ils
soutiennent que ces langues seraient formés à partir d'une
même langue-base (par exemple entre les créoles français de
l'Océan Indien et des Antilles, distants de plusieurs milliers de km,
ces langues comporteraient les mêmes traits structuraux et le même
vocabulaire de base) .Pour cela, les partisans de la monogénèse
ont recours à une explication par un processus de relexification
qui aurait été opéré sur la base d'un pidgin
portugais. Sur celui-ci se seraient greffés des apports lexicaux de
l'Anglais et du Français.
Pour emboiter le pas à cette idée
évoquée plus haut, les auteurs partisans d'un pluralisme originel
ne dérogent pas à cette interprétation et proposent
à leur tour des explications où entrent en jeu des mixages, des
amalgames, des réflexes de simplification, des processus analogues
à l'hybridation. Ainsi, des communautés qui sont contraintes, en
raison de leur extrême pluralisme linguistique, de se forger un moyen de
communication, manifesteraient des tendances fondamentales à Y homo
loquens.
Todd quant à lui (1990 :32) insiste sur les
similarités et pense que tous les pidgins seraient issus de
langues-bases européennes, c'est-à-dire que tous les pidgins et
créoles à vocabulaires européens (ou du moins la plupart
d'entre eux) seraient tous dérivés d'un même pidgin
afro-portugais élaboré sur les côtes de l'Afrique
occidentale dès le XVe siècle grâce au contact entre des
Africains, des marins et traiteurs Portugais. Ainsi, lorsque plus tard les
Anglais, les Français et les Hollandais arrivèrent sur les
côtes africaines, ils substituèrent les vocables de leur langue
aux vocables portugais tout en préservant essentiellement la structure
grammaticale du pidgin originel afro-portugais : c'est ce que l'on a
appelé la reflexification qui selon Hall
(1966 :183) cité par Romain (1988 :86) consiste à la
substitution du vocabulaire mais tout en maintenant intact la base syntaxique.
Pour d'autres chercheurs, le pidgin serait issu d'un
« français nautique » (de navigateurs
français), ou d'un parler appelé « sabir » du
bassin méditerranéen. Certes, le phénomène de
reflexification a été observé ça et là :
par exemple, deux créoles parlés au Surinam, le sranan et le
saramaccan, provenant d'un pidgin (ou créole) à base portugaise,
ont été relexifiés par l'anglais après l'expulsion
des Portugais par les Britanniques.
Contrairement à ce que pensent Todd, Kate et Tosco
(2003), qui soutiennent que de nos jours, cette théorie peut
être réfutée dans la mesure où elle manque de
fondement et de base. Ils continuent meme en affirmant qu'il est probable que
les marins aient été dans une position favorable pour être
parmi les « créateurs » de la langue du Nouveau
monde. De même, les marins et les esclaves étaient issus
d'horizons linguistiques divers, mais étaient forcés de cohabiter
ensemble et de communiquer entre eux Ce meelting pot a été
un élément majeur qui a favorisé ainsi un environnement
adéquat pour la formation du pidgin.
Cependant, certains auteurs rendent compte des
similarités par l'origine africaine des esclaves. Il est aisé
d'objecter que les esclaves africains provenaient de zones linguistiques
diverses, que les maîtres constituaient délibérément
des équipes linguistiquement disparates. (Par exemple, le créole
de la Réunion s'est formé dans une population d'origine avant
tout malgache et indienne, et tardivement africaine. On retrouve
également des similarités avec le créole de Pitcairn
où il n'y eut aucun impact africain). Deux problèmes sont
soulevés ici : d'une part l'africanité des créoles,
d'autre part la « simplicité » comme trait typique de ces
langues et justifiant ainsi les similarités. En effet, les africanismes
dans les créoles ont jusqu'ici été recherchés
à un niveau superficiel, celui des signifiants.
Ceci dit, l'hypothèse de la monogénèse
reste faible face à celle de la polygénèse : les
recherches récentes prouvent que ceux qui apprennent une langue nouvelle
s'attachent beaucoup plus au lexique qu'aux modèles grammaticaux.
Ø La polygénèse
Le défenseur actuel le plus vigoureux de la
polygénèse est Robert Hall Jr. Selon lui, tous les créoles
ont évolué à partir de pidgins et peuvent devenir par la
suite des langues plénières. Il y a une génération
spontanée des pidgins qui s'est produit dans les conditions de temps et
de lieu où le besoin s'est fait sentir. Toutefois nous devons avoir en
esprit que ces langues connaissent plusieurs appellations. Elles sont
appelées des langues mixtes, langues corrompues, langues barbares
(Muysken et Smith 1994, Kerswill 2004, Huber 1999, Bakker 2002, Cassidy 2009)
pour ne citer que ceux-là.
D'après les différentes théories sur le
pidgin, l'on est tenter de croire que il ya plusieurs définitions et
plusieurs explications sur cette langue, l'on pourrait même croire que il
ya des pidgins individuels et des pidgins sociétaux. En fait, nous
constatons que pendant que certains chercheurs s'attardent sur le pidgin qui
est parlé par une communauté, d'autres mettent l'accent sur les
parlers individuels. Tillman (2006 :53) fait parti de ceux là qui
étudie le pidgin sur les parlers individuels. Il prend pour exemple un
couple qui est issu des horizons linguistiques différents. Ces personnes
cohabitent ensemble et dans leur relation, ils doivent communiquer pour pouvoir
se faire comprendre. Par exemple :
Pierre et Marrie sont mes voisins. Pierre qui est
sénégalais, est marié à Marie, une
américaine. Marie parle Anglais et Pierre le Wolof, sa langue locale, et
le Français. Ils sont mariés depuis deux ans et vivent aux
Etats Unis depuis Avril 2005, et c'est ainsi que Pierre acquiert ses bases en
Anglais.
Tillman dira que ces deux personnes, en essayant de se
comprendre mettront sur pied une sorte de mixage Wolof/Anglais/Français
qui d'après elle est une sorte de lingua franca et de pidgin.
R. Hall (2009 :176) quant à lui dira que, si l'on
prend en compte la situation linguistique de ces deux locuteurs, l'on se rendra
compte que c'est le prototype même d'une situation de pidgin. C'est
à dire, deux locuteurs linguistiquement étrangers, qui essayent
de communiquer tout en usant d'un vocabulaire minimal. En fait, il ya
réduction des principes du discours à ses traits essentiels, ce
qui entraine une adaptation à une communication
élémentaire et pratique.
Mais, Hall trouve que, un tel langage est toujours
éphémère sauf si les contacts s'institutionnalisent
(esclavage, occupation militaire, mariage de Pierre et de Marie). Mais alors,
la langue s'adapte à un champ de situations de plus en plus
différencié par une extension lexicale et par une improvisation
analogique. Nous ne pouvons entrer dans le détail de la
réfutation que mène David Decamp. Il est évident que
Robert Hall, pour rendre compte de l'apparition d'un pidgin dans une
communauté disparate, admet à la fois un processus de
génération et un processus de diffusion.
La communication spontanée et
éphémère n'explique pas tout le phénomène
pidgin, ou bien alors, il faut lui donner un sens très large et admettre
qu'un pidgin naît dans n'importe quel environnement où les gens
s'exercent à parler une langue étrangère. Il n'y a
véritablement de pidgin que dans et par un processus de diffusion. Les
pidgins ne sont pas utilisés par les maîtres ou par les
étrangers, mais par des indigènes qui, dans une position de
subordonnés absolus, et aussi dans une situation de pluralité
linguistique, doivent répondre pratiquement à la
nécessité de communiquer.
De même, le problème de l'origine des pidgins
fait nécessairement intervenir des considérations
sociolinguistiques sur les situations de langage. Il semble bien qu'il y ait un
accord général de la part des auteurs qui ont participé au
congrès de Mona pour admettre qu'une telle réflexion doit se
plier à la rigueur de la linguistique, et aussi s'élargir pour
adopter une perspective interdisciplinaire.
Vendryès (1924) dans son livre intitulé :
Le Langage, Introduction linguistique à l'histoire
démontre que une langue évolue entre deux pôles -celui
de l'homogénéité où l'intercompréhension est
réalisée, et celui de
l'hétérogénéité où celle-ci est
altérée et tend à s'annuler- selon que les situations
où opère le langage mettent en jeu des facteurs qui agissent dans
un sens ou dans l'autre. Il existe donc bien, selon Vendryès, une
approche externe des processus de dialectalisation. Celle-ci est
évidemment interdisciplinaire.
En définitive, on constate que les pidgins imposent aux
chercheurs, plus que toute autre langue, cette nécessité de se
référer aux situations de langage, non pas parce que ces langues
sont plus sensibles que d'autres aux conditionnements externes, mais, parce que
ceux-ci sont encore passibles d'une approche sociologique et historique Car,
elles sont relativement récents, manifestes dans la documentation, enfin
susceptibles d'observations actuelles.
De plus, il est dans la nature des pidgins de ne survivre
qu'autant que subsistent les conditions économiques et sociales
où ils sont nés. Ils sont appelés à plus ou moins
long terme, soit à disparaître, soit à se développer
(donc à s'enrichir) en créoles, mais cela à une condition
qu'ils partent des langues secondes et deviennent langues premières
pour les générations suivantes. Les conditions de naissance sur
les pidgins étant ainsi exploré, qu'en est- il de l'origine et
de l'expansion du pidgin au Cameroun ?
I.2.1.2.L'origine et
l'expansion du pidgin english au cameroun
Le visiteur qui entre pour la première fois au Cameroun
est surpris par la mosaïque de peuples et de langues quelle que soit la
région d'atterrissage. Le Cameroun a une civilisation millénaire
de peuples divers, qui au gré de l'histoire, se sont retrouvés au
sein d'une nation aux frontières fluctuantes. Dans cet univers, il est
aisé d'imaginer la difficulté que pose l'usage d'une langue
commune à tous, tant la langue en elle-même reflète les
diversités identitaires.
Dans ce pays, les peuples ont généralement
refusé, et farouchement, quand cela était nécessaire,
d'abandonner leur identité linguistique et culturelle au profit d'une
autre. On comprend pourquoi le Cameroun apparaît comme l'un des rares
pays dont l'identité nationale, linguistique et culturelle, repose sur
des langues étrangères à savoir, le Français et
l'Anglais.
Cette situation cache mal les efforts entrepris au cours du
temps pour réunir les Camerounais au sein d'une seule langue locale.
Pourtant, si ces entreprises ont échoué, on pourrait les imputer
au fait qu'elles n'ont pas mis en valeur les opportunités qui se sont
présentées par le biais du pidgin.
Idiome, transformation, mauvais anglais, langue par
excellence, les qualificatifs et les travaux sur le PE parlé au Cameroun
ne manquent pas. Mbassi Manga (1973), Echu (2003), Chumbow et als. (1995) et
d'autres à l'instar de Todd (1982) ont décrypté et
décodé les particularités linguistiques de ce
« parler » à la camerounaise. Ils en ont aussi
élaboré la structure et la fonctionnalité sociale. Dans
cette partie, nous allons monter comment est né le CPE au Cameroun. En
réalité, pour comprendre la genèse de cette langue dans ce
pays, il faut d'abord parler de l'histoire du Cameroun.
Ø Histoire du Cameroun
Parler de la genèse du pidgin, c'est évoquer
l'histoire du Cameroun avec le monde extérieur. D'après
l'histoire du Cameroun, l'année 1472 marque le premier contact entre ce
pays et l'Europe, le Portugal notamment. En fait, les habitants du littoral
camerounais établirent des contacts avec d'importants commerçants
et explorateurs portugais, suédois et hollandais .(Mbangwana
2004:79). C'était la période du commerce des épices, des
esclaves et de l'or. Schneider révèle que le portugais et ses
dérivés étaient pendant cette période en usage
constant comme langues commerciales le long et au-delà des
côtes camerounaises où ils s'établirent. Ce fut le premier
contact entre les langues camerounaises et les langues venues d'ailleurs. Le
Portugais va laisser des traces et une influence linguistique certaine.
L'influence du portugais va ainsi durer environ deux siècles.
C'est au XVIIIe siècle que l'influence
linguistique portugaise sera secondée par l'anglais. Les britanniques
possédaient des comptoirs le long de la côte et établirent
un contact direct avec la population pour leur engagement dans la lutte pour
l'abolition de l'esclavage. Les commerçants et les abolitionnistes
utilisaient donc dans leur inter action un anglais à forte dominance
pidgin, c'est-à-dire un anglais primaire, voire informel,
mélangé aux langues locales à dessein en vue de favoriser
une communication effective et efficiente. L'extension de leur l'influence va
ainsi contribuer à éradiquer l'héritage linguistique
portugais généré deux siècles plutôt
(Mbangwana ibid. : 80).
Dans notre tentative de définir le pidgin, nous avons
laissé entendre qu'il est un mélange, une mixture, une mise en
commun de plusieurs langues en vue de créer un contexte de communication
élargie et une compréhension mutuelle interethnique voire
inter-nations.
Aussi sommes-nous en droit de penser que le parler que nous
appelons aujourd'hui pidgin est tributaire ou émane des missions
d'explorations doublées de visées commerciales d'où la
forte présence d'idiomes portugais, anglais et allemands en son sein.
Pour être tout à fait complet, faisons une brève
illustration :
Portugais
|
CPE
|
Anglais
|
Français
|
Escola
|
Sku, skulu
|
School
|
Ecole
|
Tobako
|
Tobako
|
Tobacco
|
Tabac
|
Piqueno
|
Pikin
|
Child
|
Enfant
|
Crioulo
|
Krio
|
Creole
|
Créole
|
Camerões
|
Kamerun
|
Cameroon
|
Cameroun
|
passav
|
pass
|
pass
|
avancer
|
sabar
|
sabi
|
To know
|
connaitre
|
Conference (speech)
|
palava
|
conference
|
conférence
|
Légende: CPE: Cameroon Pidgin
English.
La disposition lexicale observable sur ce tableau
démontre à suffisance l'origine et l'évolution des mots
appartenant aux langues étrangères qui, en association aux
langues locales, composent le pidgin. En résumé, entre 1400 et
1800, portugais et anglais vont contribuer à la naissance et à
l'extension d'un parler tout nouveau pour mieux contribuer à la
réussite de leurs ambitions commerciales, évangéliques
et «humanitaires».
Wolff (2001 :15) précise à ce sujet qu'on
retrouve au Cameroun, et ce depuis des siècles, les trois groupes
d'interférences linguistiques propres à l'Afrique. Ce sont les
groupes Nihilo saharien, l'Afro-asiatique et le Niger-Congo. Ces groupes sont
partagés du nord au sud du pays et dans toute sa largeur. Ils se
déclinent en de nombreux sous-groupes et en plus de 250 langues et
dialectes locaux. Par conséquent, le moins qu'on puisse affirmer est que
dans ce pays, c'est à dire au Cameroun, il y a forcément des
créations linguistiques créolisées, car ces peuples ont
une tradition centenaire de rapports conflictuels ou pacifiques, et partant,
des formes de communications linguistiques propres. L'émergence du CPE
dans un contexte linguistique aussi riche induit, de ce fait, une forme de
créolisation.
Seulement, l'expression en elle-même suppose que le CPE
soit une déformation de l'anglais, au même titre que la plupart
des autres pidgins. Cet avis (Schneider 1960) laisse penser que les premiers
usages du pidgin remonteraient à l'époque coloniale anglaise et
allemande au Cameroun. Echu (2003 : 4) indique que, tout au plus à
partir du XVIIIe siècle, les colonies allemandes
présentent au Cameroun se sont servies du CPE pour communiquer avec les
populations locales, tout autant que les Anglais en compétition pour
l'établissement d'un protectorat, après les années
1850.
Il est vrai que l'usage du CPE est déjà
établi à ce moment de l'histoire du Cameroun. Mais la
présence des missionnaires américains et britanniques et celle
des explorateurs date d'époques encore plus éloignées.
Comment communiquaient-ils ? Et comment les peuples camerounais des
côtes ont-ils pu apprendre des rudiments d'anglais sans en
« déformer » au moins quelques expressions ?
C'est pourquoi d'autres spécialistes font remonter l'usage du pidgin
beaucoup plus loin dans le temps. Chumbow (1995), par exemple, a
découvert, dans le cadre de ses recherches portant sur les premiers
usages du CPE, que les premières formes étaient teintées
de portugais. La présence portugaise remonte à 1472comme nous
l'avons souligne plus haut, (Mveng 1985), et des rapports commerciaux furent
établis à partir de cette année. On peut donc faire
remonter les premiers usages du pidgin camerounais, ou encore de sa
créolisation et de sa mise en forme au XVe
siècle.Même si le CPE proprement dit, favorisé par les
mobilités évangélisatrices et les explorateurs, s'est mis
progressivement en place à partir des XVIIe et
XVIIIe siècles qu'en est-il de son évolution ?
Ø La naissance du Cameroun Pidgin
English
Ce que les chercheurs appellent aujourd'hui CPE à
jadis connu d'autres patronymes « Cameroon
Créole » (Schneider, 1960),
« Wes-Kos » (Schneider, 1963),
« West African Pidgin English » (Schneider, 1967),
« Cameroon Pidgin (CamP) » (Todd, 1982), et
« Kamtok » (Ngome, 1986).D'autres érudits
ont parlé de « Bush english »,
« bad english » et « broken
english » pour qualifier cette langue. Certains ont même
conclu que la grande expansion de cette langue est la conséquence des
autres variétés de ce pidgin qui s'est retrouvé au
Cameroun tels que le Pidgin English du Nigéria, le Pidgin English du
Ghana, qui sont aussi des formes simplifiées de l'Anglais
utilisée par la plupart de populations illettrées. Le nom
« Cameroon Pidgin English » a depuis
quelques décennies gagné en autocratie (Féral 1978,
Menang, 1979), ce qui justement amènent la plupart des linguistes qui
avaient encore du recul à trouver un nouveau terrain de recherches et
surtout à orienter leur étude sur cette langue. De même,
l'adoption de sa terminologie rend relativement sa définition plus
facile surtout dans le contexte camerounais et ceci en rapport avec d'autres
langues qui sont présents dans le pays.
La naissance du CPE date depuis le 18è siècle
lorsque les missionnaires et les commerçants Anglais débarquent
sur les cotes West Africains. C'est une langue qui a été
développée afin de garantir un échange effectif et
permettre une inter action dans le domaine du commerce et de
l'évangélisation. Après l'abolition de l'esclavage au
début du 19è siècle, cette langue se repend sur toute la
région côtière. Elle est utilisée par des anciens
esclaves affranchis qui s'installèrent sur l'ile de Fernando Pô,
au Liberia et en Sierra Léone, et plus tard ces esclaves se
déplacèrent sur les cotes camerounaises et fondirent leur base
sur la ville de Victoria, connu à ce jour sous le nom de Limbe pour
servir de mains d'oeuvres dans les plantations de la CDC (Cameroon Development
Corporation).
La construction des chemins de fer et des routes par les
camerounais venus de tout bord fut à l'origine de l'impulsion de cette
langue. La présence des travailleurs de divers horizons linguistiques
dans les plantations de banane et d'hévéa a été un
élément vital pour la propagation dans ces différents
camps.Les travailleurs venaient de différents cieux, n'ayant aucune
langue de base commune, le PE s'offrit donc comme la langue par excellence
capable de combler les manquements en matière de communication. Ce qui
signifie que durant toute la période allemande (1884-1916), le CPE
était la langue la plus utilisée par les maitres et par les
travailleurs.
Toutefois, durant l'occupation franco- britannique au Cameroun
(1916), le CPE connu une nouvelle aire dans son histoire. C'est dans la
partie anglophone du pays que cette langue prend son envol, elle se voit une
fois de plus enrichi par le vocabulaire des langues locales et de l'anglais.
Bien plus, avec la naissance de la République Fédérale du
Cameroun le 1er Octobre 1961, le CPE connait également
l'influence de la langue française, influences auxquelles s'ajoutent
les langues locales de la partie francophone du Cameroun. L'on constate ainsi
que dans la moitié des années 60, 85° /° du
vocabulaire du CPE est issu de l'Anglais, 13°/°, des langues
indigènes et 2°/° des autres langues y compris le
français et le portugais (Schneider, 1966 :5). Au début des
années 70, la courbe change complètement, 80°/° du
lexique du CPE est à forte coloration anglaise, 14°/° des
langues locales, 5°/° du français, 1°/° des autres
langues (Mbassi Manga, 1973). Ce changement drastique prend son s'explication
dans l'évolution politique du pays, puisque le pays par de L'Etat
Fédéral à un Etat Unitaire. Ce changement de statut fait
en sorte que les camerounais de tous bord (anglophones et francophones) ont
cette liberté d'aller et de venir à l'intérieur du pays,
emportant ainsi dans leurs bagages la langue pidgin.
Le pidgin qui était la lingua franca des anglophones
devient une langue aux dimensions nationales. On constate ainsi que, que ce
soit en zone rurale ou en zone urbaine, le CPE est utilisé dans les
églises, les places du marché, les gares routières et les
gares voyageurs, dans les rues et dans d'autres situations informelles.
Tout compte fait, ce « no man's
language » continue d'être présent dans la vie
quotidienne des camerounais, servant ainsi de pont entre les camerounais de
différents couches ethniques. Bien que les ethnologues (2002) estiment
le nombre de ses locuteurs à 2 million, cette estimation semble ne pas
être convaincante surtout si l'on prend en compte les locuteurs
francophones et étrangers dont les nigérians et les
ghanéens qui sont éparpillés dans toute l'étendue
du territoire national.
Tout comme le français, le CPE est l'une des langues
de communication qui couvre pratiquement toute l'étendu du territoire,
cette langue permet une inter action entre les européens et la
population indigène, et de même une inter communication entre les
populations issues de différents groupes ethniques surtout dans le
domaine social, économique, religieux.
Cependant, nous avons constaté sur le terrain que cette
langue à plusieurs variétés.Autrement dit, le vocabulaire
de cette langue épouse la coloration langagière de son
milieu .C'est ainsi que, en ce qui concerne les variétés du
CPE, Féral (1980 :5) dira à cet effet que, il y a 2
variétés principales de cette langue : celle parlée
par les anglophones et celle parlée par les francophones.
Par contre, Todd (1982) ne sera pas de cet avis. Elle
distingue plutôt 5 variétés du CPE : Bamenda Camp,
Bororo Camp, Coastal camp, Camp des Francophones, Camp liturgique. De tout ce
qui précède, l'on dira que il ya 4 variétés de
CPE : celle parlée dans les Grass field, c'est-à-dire
qu'elle est parlée dans la province du Nord West, la
variété des Bororo, la variété de la côte
parlée par les habitants du Sud-Ouestet du Littoral et la
variété des francophones parlée par les francophones.
Ø Constructions et usages du
Pidgin English
Comme nous avons démontré plus haut, les
influences linguistiques propres aux langues que sont l'anglais, le
français, le portugais et les dialectes camerounais ont influencé
le corpus du CPE. Aujourd'hui, le CPE est généralement
découpé en deux, voire en trois sous-groupes. Certains parlent du
PE anglophone et du PE francophone (Echu 1999). D'autres proposent de diviser
le pidgin anglophone en deux, celui du Nord-Ouest et celui du Sud-ouest
camerounais. Ces avis et ces dichotomies ne sont pas dénués
d'intérêt, car ils partent d'une analyse pertinente du corpus
pidgin et de sa construction.
En effet, le pidgin parlé dans la région
anglophone du Cameroun contient de nombreuses expressions puisées dans
les langues locales de la région, telles que le Bakwéri et le
Bafut. L'influence de la langue yoruba du Nigeria tout proche est aussi un
élément prégnant de ce type de pidgin. En revanche, le
pidgin parlé dans les villes francophones est très
différent. Celui-ci est teinté d'expressions propres aux langues
côtières apparentées au Bakwéri anglophone, mais
surtout, à d'autres langues de l'hinterland camerounais : l'Eton,
les langues Bamiléké et, principalement le Duala.
On comprend donc pourquoi la construction du pidgin-english
est généralement fonction des langues qui cohabitent avec elle.
Mbassi Manga (1973) affirme qu'en 1970, 80% du pidgin parlé au Cameroun
était anglicisé, 14% de son corpus venait des langues locales, et
1% du français, de l'allemand et d'autres langues. Or, dix ans plus
tôt, le ratio était de 85% pour l'anglais et 13% pour les langues
locales (Echu 2003 :11). Cette légère évolution
indique que le CPE est une langue fluctuante. En tentant d'établir un
corpus et une construction, nous sommes conscients que certaines expressions ne
reflètent pas forcément le CPE des années 1970 et 1980.
Cependant, l'on constate que les variétés de CPE
sont mutuellement intelligibles pour les locuteurs, qu'ils soient anglophones
(APE, Anglophone Pidgin-English) ou francophones (FPE, Francophone
Pidgin-English) et ceci quelle que soit la variété et la
région de prédilection. Au-delà des particularismes
liés aux langues locales, il y a deux fonds communs qui portent
l'empreinte de l'histoire et font de cette langue un passeport au
Cameroun : les expressions en anglais et en allemand qui ont
été « déformées » et
ajoutées au lexique. Les régions francophones et anglophones ont
toutes deux connu l'occupation allemande, et de nombreuses expressions en
pidgin sont d'abord tirées de cette langue.
Par conséquent, les spécificités propres
aux différentes régions ne sont pas des obstacles à la
communication. Elles s'apparenteraient davantage à une langue
parlée avec deux accents différents.
Exemple de quelques emprunts en allemand qui ressortent dans
les expressions suivantes :
A
Chouane : allemand : Schwein
Ex : See me that chouane ! (Regarde-moi ce
cochon !)
B
Comanda: allemand: Kommander
Ex: I go see my commanda. (Je me rends chez mon chef/
mari/commandant.)
Ces deux expressions sont des exemples de ce que la langue
allemande a légué au CPE.
Par ailleurs, il faut noter que l'occupation allemande de 1884
à 1916 a été particulièrement difficile pour les
populations côtières du Cameroun qui devaient jongler avec une
langue difficile, et une réputation de dureté et d'ardeur au
travail propre aux ressortissants du Reich. Mveng (1985) révèle
que nombre de camerounais ont déserté les chantiers allemands, et
certains sont morts d'épuisement, suite aux traitements inhumains dont
ils furent l'objet. Par conséquent, dans la représentation
populaire, peu de choses portent autant l'empreinte de la force et de la
dureté que l'expression Njaman (German, allemand). Le terme est
utilisé pour parler d'une personne sans compassion, intransigeante et
inhumaine. Chouane exprime une injure, récurrente sur les
chantiers allemands, à l'endroit des travailleurs. Ces termes indiquent
que la construction du CPE ne se dissocie pas des expériences
historiques vécues par les Camerounais. L'expérience allemande en
particulier a laissé des souvenirs amers qui sont passés dans le
pidgin camerounais.
Bien plus, l'Anglais a plus que toute autre langue
laissé son empreinte dans le corpus du CPE camerounais. Quelques
expressions courantes sont tirées de cette langue :
A
Baalock : De bad luck. Signifie mauvais oeil,
malchance.
B
Bènam : De bend, se baisser.
C
Bushman : De bochiman. L'idée selon laquelle les
peuples du Kalahari seraient des sauvages non civilisés a
persisté jusqu'à très récemment. En partant de bush
« brousse » et man « homme », le PE
désigne dans le même sens, un individu ignorant des coutumes
occidentales. L'expression synonyme exacte en français est villageois,
un « camerounisme » qui part de l'idée que ceux qui
vivent en campagne sont moins civilisés que ceux qui vivent dans les
grandes villes.
D
Docta : De doctor. Terme très courant dans le
Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun.
E
Op-eye : De open eye `ouvrir l'oeil', c'est-à-dire
intimider en ouvrant grand ses yeux. Terme très courant dans le FPE, qui
est passé finalement dans le français parlé au
Cameroun.
F
Mouf : De move, c'est-à-dire bouge, fiche le camp.
C'est une injure très courante.
G
Ndock : De duck, canard. Le pidgin-english
ndock signifie en réalité gourmand. Mais pour en
exprimer la force, on utilise l'image d'un canard sans cesse en train de
fouiller avec son bec dans la vase. Pour qui a vu faire les canards surtout au
Cameroun, la comparaison et l'interprétation coulent de source.
Ces expressions ne sont qu'une fraction des expressions
anglaises utilisées en pidgin camerounais. Elles couvrent des domaines
aussi variés et divers que la gastronomie, les relations sociales et les
représentations culturelles. D'autres expressions empruntent aux langues
locales camerounaises et sont généralement comprises des
utilisateurs du P.E. Echu (2003) en fait même un large relevé de
ces emprunts dans son article.
Malgré les emprunts nombreux et les expressions
créées de toutes pièces, il est admis que le PE
parlé au Cameroun est une langue à part entière. Kouega
(2001) a démontré que le PE camerounais remplissait de
très nombreuses fonctions dans pratiquement tous les domaines de la vie,
tant pour les anglophones que pour les francophones qui l'utilisent. Pour lui,
le pidgin n'est pas une simple troncation de mots anglais, mais un ensemble
très structuré, quoique souple et relativement aisé
à construire. Féral (1978 :5) va dans le même sens
quand elle fait savoir que : « Ce qu'on appelle
pidgin-english au Cameroun est, en vérité, une langue qui a un
éventail fonctionnel beaucoup plus large que celui qu'on attribue
généralement aux autres pidgins. ».
Bien plus, Mbangwana cité par Atechi
.(2006 :11-14), constate que le Cameroun est l'un des pays
d'Afrique qui a une situation linguistique très complexe et qui
expérimente l'effet des interférences linguistiques et du contact
des langues. Une complexité linguistique qui lui a valu le surnom d'e
«Afrique en miniature». Ceci résulte du fait que
presque toutes les tribus africaines se retrouvent au Cameroun, de même
que trois des quatre grandes familles linguistiques du continent. La
complexité linguistique tient aussi du fait que le pays regorge
plusieurs langues locales dont le nombre exact n'est pas
déterminé.
Selon les différentes statistiques et d'après
les chercheurs : Chia (1983 :19-32) Dieu et
al.(1991 :2)et Mbufong.(2001 :67) parlent de
183 langues. Mbangwana affirme plutôt qu'il existe 247 langues. En
dépit des différences, Koenig et al cité par Kouega
(2001 :11-22) sont unaniment et pensent que le Cameroun compte 47 langues
en deux langues officielles qui sont l4nglais et le Français et un
certain nombre de langues véhiculaires. Parlant de ces langues
vehiculaires, E.Biloa (2006 :32) dira à cet effet que :
There is general agreement on the number of regional
out-group languages. There are Arab choa spoken in North and Adamawa provinces,
Mongo Ewondo spoken in the Center and South provinces, and Pidgin English is
dominant in the western and littoral provinces as well as the two adjoining
Anglophone provinces namely North West and South west.
Autrement dit, les chercheurs s'accordent sur les
langues véhiculaires qui existent au Cameroun : l'arabe choa est
parlé dans la région du Grand Nord ; le Mongo Ewondo, lui,
est dominant dans les régions du Centre, l'Est et du Sud ; le
pidgin quant à lui couvre les régions de l'Ouest, du Littoral et
les régions anglophones à savoir le Nord-ouest et le
Sud-ouest.
Selon les observations faites sur le terrain, nous constatons
que les camerounais d'obédience anglophone n'ont jamais accepté
l'utilisation du français. Ceci se voit à travers leur laxisme
à l'utiliser comme langue de communication. Tandis que les francophones
montrent une antipathie quant à l'apprentissage de l'anglais et traitent
même ceux qui en font usage « d'anglofools ».
Au travers de ce constat, il est clair qu'aucune de ces
langues, qu'elle soit officielle ou locale ne renferme un caractère
national. Seul le pidgin semble avoir un caractère national comme nous
le fait remarquer Mbangwana (op.cit. 23-44) :
Pidgin English spread in leaps and bounds in the English
speaking part out the country, from the coastal region to the grassfield
hinterland with about three million inhabitants. Pidgin English also expanded
in the French speaking part of Cameroon with more than eleven million
inhabitants. Up to 61.8% of urban dwellers in the French speaking zone speak
this language and the question one may pose is how does this wide used of
Pidgin come about in an area whose prime language is
French?.
Autrement dit, le PE s'étend à travers
l'étendue du territoire, c'est-à-dire de la région
côtière jusqu'au grassfield ayant une population parlante qui
s'étend à plus de trois millions d'habitants. Ce Pidgin English
est aussi répandu dans la zone francophone avec un taux de plus de onze
millions d'habitants. La question qu'on pourrait se poser est celle de savoir
d'où provient cette forte expansion du pidgin dans la zone
francophone ?
Pour répondre à cette question, Trudgill
cité par Mbangwana (Idem : 23-44) nous révèle
que :
les bamilékés ont fortement contribué
à étendre le pidgin et à le maintenir dans les villes ...
pour trois raisons principales : leur
hétérogénéité linguistique qui les fait
très souvent avoir recours au pidgin alors qu'ils sont entre eux, que ce
soit à l'intérieur de leur région ou à
l'extérieur ; la forte densité démographique de leur
province et leur occupation principalement commerçante les a
poussés à immigrer vers les grandes villes en dehors de leur
région et de ce fait à «exporter» le
pidgin.
Toutefois, Nkemleke constate qu'avec la colonisation, le
Cameroun a hérité d'une situation linguistique complexe et
problématique. Ceci pourrait être l'une des raisons pour
lesquelles jusqu'à présent, le Cameroun n'est pas capable de
développer une langue nationale qui servira de marque pour
l'identité camerounaise.
En plus des langues officielles, locales et le pidgin, il ya
aussi le camfranglais qui vient confirmer cette complexité linguistique
du Cameroun. C'est une langue utilisée beaucoup plus par les jeunes et
qui est composée du français, de l'anglais, des langues locales
et du pidgin comme l'affirment Kouega et Echu.
Ø Localisation du pidgin
D'entrée de jeu, l'on pourrait dire que la
définition du pidgin apporte des éclaircissements suffisants sur
les régions où le pidgin est le plus utilisé à
l'intérieur du triangle national. Au Cameroun, l'on a toujours
attaché la dénomination «Pidgin» au vocable
« English ». Mbassi Manga que reprend Mbangwana
nous fait comprendre que le contenu lexical du pidgin est composé
à 80% d'un vocabulaire de source anglaise, 14% de langue
indigène, 5% du lexique français, 0,07% d'autres langues ou
sources. Cette prédominance lexicale et grammaticale de l'anglais
explique l'attribution de cette langue au camerounais d'obédience
anglophone. C'est pour dire que le pidgin est prioritairement parlé dans
les régions du sud-ouest et du nord-ouest. Soulignons au passage que
cette répartition géographique ne tient plus la route.
Comme nous le fait remarquer Mbangwana en 2004, le pidgin est
parlé par plus de onze (11) millions d'habitants dans la zone
francophone. Plus de 61.8 °/° de la population urbaine dans la zone
francophone parle cette langue. De fait, le pidgin au Cameroun n'est plus
uniquement l'affaire d'une région, mais de toute la nation dans la
mesure où il est possible de le retrouver dans tous les centres urbains
où des personnes issues de ces centres différents se
retrouvent.
La différence de niveau d'éducation et le souci
d'efficacité dans les multiples opérations effectuées
amènent les gens à utiliser le pidgin dans les centres urbains.
De fait, le pidgin n'est plus l'affaire des zones anglophones, mais de toute la
nation même si les pourcentages pour ce qui est de la source de son
vocabulaire et le nombre d'usagers accordent la primauté aux
anglophones.
Bien plus, Alobwede (1998) considère le pidgin
comme « the only language in Cameroon which expresses Cameroonian
realities without provoking vertical or horizontal hostilities». En
français simple nous dirons que, le pidgin est la seule langue selon
Alebwedo qui exprime les réalités camerounaises. Il convient de
noter que la prédominance du français dans l'échiquier
linguistique Camerounais ne va pas sans influencer l'évolution du
pidgin.
En clair, le pidgin intègre progressivement de nombreux
mots français en son sein, ce qui fait que la dénomination pidgin
english ne mérite plus d'être maintenue. Le pidgin camerounais
n'est pas l'anglais, mais la somme instable et évolutive de l'ensemble
des langues repérables au Cameroun.
Pour nous résumer, nous admettons que
jusqu'aujourd'hui, le pidgin demeure certes beaucoup plus parlé dans les
zones anglophones, dans le littoral et à l'ouest du pays, mais il
s'étend progressivement au point de devenir une langue à la
dimension nationale. La localisation du pidgin ne connaît plus de bornes
à l'intérieur du territoire national. Il est parlé aussi
bien par les anglophones et les francophones, les scolarisés ou non, les
jeunes et les vieux tant en zones urbaines qu'en zones rurales. Cependant, bien
qu'étant une langue qui a su gagné du terrain selon certains
auteurs, les avis et les attitudes à propos de cette langue restent
individuels.
Chapitre II : ATTITUDE ET
STATUT A L'EGARD DU PIDGIN ENGLISH AU CAMEROUN
Comme de nombres études sociologiques le
montrent, le pidgin est aujourd'hui une langue de communication par excellence
dans certains pays africains notamment le Cameroun, le Nigeria, le Ghana, le
Liberia pour ne citer que ceux-là. La genèse et le
développement de cette langue populaire dans les différents pays
est identique .Après avoir pris ses racines dans les grandes villes, il
a gagné en ampleur avec l'urbanisation effréné que ces
pays connaissent depuis les indépendances. Dans bien des cas, il se
vernacularise et tend à remplacer l'Anglais Standard dans la fonction
primordiale de communication bien au-delà de ses locuteurs premiers
(Batiana et Prignitz, 1998 :49).
Indépendamment de la dénomination par
laquelle on le désigne, le pidgin, langue hybride est maintenant une
langue pleine et entière qui est le support d'une certaine vision du
monde, d'une communauté qui s'y reconnait, et l'emploie pour exprimer
ses représentations et ses préoccupations ; c'est une langue
qui est l'expression d'une certaine culture résultante de la
transformation sinon de l'évolution socio historique propre à un
contexte donné (Batiana et Prignitz, 1998 :49).
Si
tant est que toute culture, toute organisation vivante, s'organise et se
conçoit autour de l'existence avérée et manifeste d'une
langue ; fort est de noter que c'est à travers une langue qu'il est
possible pour les individus de pouvoir communiquer, se parler, résoudre
leurs conflits et s'intégrer au réel. La langue est le
conservatoire de l'histoire d'un peuple ou tout au plus l'âme de ce
peuple et le pidgin ne déroge pas à cette règle car, il
raconte l'histoire, le vécu, les souffrances et les exploits du peuple
camerounais. Il est le lieu de conservation, le dépôt de
l'expérience et du savoir des générations passés.
En fait, le pidgin serait pour le peuple camerounais le miroir de leur
histoire, de leurs actions, de leurs joies, de leurs chagrins.
En
dépit de tout cela, les uns et les autres ont des attitudes
négatives, des opinions surannées, des positions
rétrogrades à l'endroit de cette langue. D'autres même
iront jusqu'à militer pour son éradication dans la
sphère de langue locale camerounaise.
Dans
ce chapitre, nous nous proposons de monter les différentes attaques
internes voir externes que subit cette langue. En clair, il s'agit de dire en
nous basant sur les résultats des différentes enquêtes
obtenus sur le terrain et aussi avec l'aide des statistiques des
différents chercheurs sur le domaine, l'opinion des uns et des autres
à l'égard du Pidgin English au Cameroun, ensuite nous parlerons
de ses différentes fonctions dans les différents secteurs
d'activités.
II.1. ATTITUDEA L'EGARD DU
CPE
De
manière générale, les attitudes à l'égard du
CPE sont variées et déroutantes en particulier compte tenu de la
situation culturelle complexe du pays. Les anglophones, les francophones et
les chercheurs ; les étudiants, l'homme de rue, les hommes
d'église, tous affichent des opinions différents à
l'égard de cette langue. Kelly (1978) souligne que
«jusqu'à très récemment, les locuteurs du pidgin
et du créole ont été portées à avoir honte
de cette langue dans laquelle ils pourraient plus facilement
s'exprimer ». Cette attitude de rejet est due à cette
teinte négative accolée à cette langue.
Cependant, malgré ce rejet, le CPE
bénéficie d'un statut officieux investi par les camerounais qui
l'ont reconnu comme une langue importante de l'interaction sociale dans le
pays. Bien que dans un environnement multilingue, cette langue s'affirme de
plusieurs façons (Tarh 2007). Il a forcé son chemin dans des
domaines qui étaient jusque là l'apanage des deux langues
officielles (Simo Bobda 2009, Chia 2009). Commentant les
« exploits » du CPE, Yuka (2001) stipule que le CPE a
pratiquement pris le devant de la scène, reléguant ainsi les
langues locales à l'arrière- plan.
Dans
un compte rendu, Fonlon (1963 :402) soutient que, le CPE était et
est toujours la lingua franca la plus repandue au Cameroun .Cette affirmation
est renfoncée par Chia (1983), qui dit que ce n'est pas seulement un
parlé, mais c'est également une langue très populaire au
Cameroun. Abondant dans le même sens, Mbangwana, déclare que
97,8°/° des anglophones et 61,8° /° des habitants
des zones urbaines camerounaises francophones parlent le CPE.
Toutefois, en dépit du chemin parcouru par le
CPE, il reste encore à recevoir les bénédictions des
autorités gouvernementales en ce qui concerne sa reconnaissance
officielle. La constitution camerounaise assigne des rôles à
l'Anglais et au Français qui sont les deux langues officielles, elle
prend même l'engagement de promouvoir et de protéger les langues
autochtones, mais rien n'est dit en ce qui concerne le CPE.
Par
ailleurs, afin de renfoncer les « exploits »
réalisés par le CPE, Mbufong (2001) dans son enquête montre
que le CPE est la langue maternelle de la plupart des enfants dans le Sud-ouest
et dans le Nord-ouest du Cameroun. Il pense à cet effet que, c'est une
raison suffisante pour que cette langue soit utilisée pour
l'enseignement des enfants au niveau initial de leur scolarité. Cet
argument est étayé par les statistiques fournies par Koenig et
al. Sans toutefois nous dérober de notre sujet, regardons à
présent l'opinion des informateurs à propos du pidgin au
Cameroun.
Ø L'opinion des informateurs à
l'égard du CPE dans la religion
L'église entendons ici l'église catholique et
presbytérienne ont été l'un des endroits de diffusion
accentué de cette langue, dans la mesure où, les prélats
à cette époque là, par souci
d'évangélisation se trouvaient toujours butés par
plusieurs obstacles, surtout pas des moindres : la population disparate et
le problème de langue. A cela, pour faire passer leur message, ceux -ci
étaient contraints d'utiliser la seule langue capable d'atteindre tous
les locuteurs : il s'agit notamment du pidgin. C'est sans doute pour cela
que nous avons entamé notre enquête par ce volet.
A cela, il a été demandé aux
informateurs de dire comment est-ce que les camerounais réagissent face
au CPE quand cela est employé dans le domaine religieux. Ils devraient
dire si l'attitude des uns et des autres était positive,
négative ou neutre. Sur les 210 informateurs interrogés, nous
avons observé que 154 (73,3%) des répondants ont dit que dans les
années 1960, les camerounais avaient une attitude positive à
l'égard du CPE ; 35(167%) des personnes ont dit que l'attitude
étaient négative, tandis que 21 (10%) l'ont trouvé ni
négative ni positive.
Les statistiques sur l'attitude positive peuvent
refléter l'une des fonctions du CPE dans la religion comme le souligne
Simo Bobda et Wolf (2003 :104) lorsqu'ils assertent que «
even the colonisers of the French expression, who generally stood for the
exclusive use of French in administration, used CPE in thier religious mission
and wrote handbooks in or on it ». Autrement dit, bien que le
Français fût la langue de l'administration et de
l'éducation, les colonisateurs francophones faisaient usage du CPE dans
leur mission évangélisatrice.
L'usage du Pidgin English dans des missions religieuses a
été à l'origine de l'expansion du pidgin au Cameroun (Wolf
,2001 :88). Les 16,7% qui pensent que les camerounais ont une attitude
négative à l'égard du CPE ont surement été
influencés par la situation qui prévaut dans la partie
francophone du pays où l'usage du CPE n'était pas très
encouragé (Ngome, 1982). Cependant, il faut souligner que même
s'il est dit que cette langue était utilisée dans les
églises, son usage n'était pas légal et surement,
certaines poches de résistances existaient.
Lorsque nous avions demandé aux mêmes
informateurs de faire la même évaluation sur l'attitude des
camerounais à l'égard du CPE durant la période de 2010,
les mêmes statistiques ont presque été retrouvé.
161 (76,7%) des informateurs ont dit que les camerounais avaient une attitude
positive, tandis que 35 (16.7%) affirment que l'attitude était
négative.
Les deux statistiques des 2 périodes mises ensemble
indiquent que les camerounais ont largement une attitude positive à
l'égard du CPE dans le domaine réligieux. Si les opinions sont
presque convergeante dans le domaine religieux tel ne semble pas être le
cas dans le domaine de l'éducation.
Ø L'opinion des informateurs à
l'égard du CPE dans les écoles
Dans le domaine de l'éducation, il a été
demandé aux informateurs de dire quelle attitude les
élèves et les étudiants ont à l'égard du
CPE dans le milieu scolaire. En d'autres termes, ils devraient dire si les
élèves sont affectés par les stigmates liées au CPE
dans leur parcours académique. Ils étaient guidés par des
options suivantes : positives, négatives ou les deux comme dans les
cas précédents. Sur les 210 informateurs interpelés,
84(40%) ont dit que dans les années 1960, les élèves
avaient une attitude positive à l'égard du CPE, tandis que 28
(13.3%) était négatifs. 98 informateurs (46.7%) ont dit que
l'attitude était autant positive que négative.
L'on constate généralement que dans la plupart
des travaux menés sur le CPE, la majorité des enfants, plus
particulièrement ceux issus des 2 régions anglophones s'expriment
couramment en pidgin bien avant l'âge de l'école et certains de
ces enfants l'ont même adopté comme langue maternelle (Mbangwana
1983, Kouega 2001, Mbufong 2001, Atechi et Fonka 2007). Les 40% des
répondants qui ont dit que, l'attitude des élèves
était positive ont forcément observé l'usage de cette
langue dans plusieurs milieux académiques. L'un des aspects les plus
importants ici ce n'est pas le fait qu'il y a un nombre considérable de
ceux qui ont une attitude positive ou négative, il faut remarquer que,
s'il y a eu un endroit où la résistance fût des plus
farouches, c'est certainement dans les milieux scolaires. Résistance qui
dans la plupart des cas est accompagnée par des messages
d'avertissements et de menaces qui amènent les élèves
à adopter une double attitude. Malheureusement, cette attitude hypocrite
ne se vit pas seulement qu'au Cameroun, elle est aussi observée au
Ghana. Ceci se précise avec les remarques de Hubber lorsqu'il dit
que :
«as teachers fear that Pidgin will have an adverse
effect on their pupil's perfrmance,its use is srongly discouraged effect in
class, but boys freely resort to it in the school yard and when unobserved by
members of teaching staff « (Hubber 1999 :47).
Hubber dans sa citation explique que les maîtres ont
peur que le pidgin ait une influence négative sur le travail scolaire
des enfants ; cette langue est pour ainsi dire violement
découragée dans les salles de classe, mais les
élèves (garçons ou filles) la parlent librement dans les
campus scolaires, mais à l'abri de l'oeil vigilent du personnel
académique.
Simo Bobda (2001 :19) pense que cette stigmatisation et
cette intimidation sont dûes au fait que le statut du Pidgin English
s'est considérablement amélioré ces derniers temps. Il
souligne à cet effet que, c'est parce que le pidgin menace
l'hégémonie de l'Anglais , même dans le milieu
universitaire, que les autorités universitaires sont obligés de
trouver les moyens de l'éradiquer. Un exemple de cette
éradication est l'Université de Buea, où les
autorités ont érigé des panneaux avec des inscriptions
suivantes pour renforcer l'interdiction de cet idiome sur le campus :
· Pas de Pidgin sur le campus s'il vous
plaît ! : No pidgin on campus please.
· Le Pidgin prend un lourd tribut sur votre niveau
d'anglais ; l'éviter : pidgin is taking a heavy toll on your
english, shun it.
· La langue d'étude à UB est l'Anglais, et
non pas le Pidgin. : no pidgin on campus, please
· Si vous parlez Pidgin, vous allez écrire
Pidgin : if you speak pidgin ,you will write pidgin
· L'Anglais est le mot de passe, pas le Pidgin.
Les différents panneaux sont encore plus
illustratifs
Figure : panneau d'interdiction du
pidgin à l'Université de Buea.
Toutesfois, les écoles secondaires ne sont pas mises de
côté dans la lutte contre le CPE.C'est ainsi que nous constatons
que dans le campus du Lycée Bilingue de Mendong nous pouvons voir sur
des panneaux des inscriptions tels que :
Figure 2 : Complexe académique du
Lycée Bilingue de Mendong-Yaoundé.
Ces multiples panneaux montrent que le CPE s'est imposé
comme une langue dominante dans le paysage linguistique du Cameroun
malgré la réticence de la part du gouvernement pour lui donner un
place officielle dans la politique linguistique du pays.
Au Cameroun le français et l'anglais sont les deux
langues officielles. Généralement, une langue officielle est une
langue qui est
spécifiquement désignée comme telle, dans la
Constitution ou les
textes de
loi d'un pays, d'un
État ou d'une
organisation quelconque. Elle s'impose à tous les services officiels de
l'État (organes de gouvernement, administrations, tribunaux, registres
publics, documents administratifs, etc.), ainsi qu'à tous les
établissements privés qui s'adressent au public.
Selon la définition fournie par une réunion
d'experts de l'UNESCO en 1951 la langue officielle est «la langue
utilisée dans les cadres des activités officielles : pouvoir
législatif, exécutif, judicaire. ». Au Cameroun,
les langues officielles sont ainsi l'anglais et le français ; elles
sont dès lors les seules langues usitées dans les institutions
scolaires, les médias et les administrations. Selon l'article 36 de la
constitution de la République du Cameroun 1996, il est clairement
souligné que :
Notre Constitution stipule que le Cameroun est un pays
bilingue, qui adopte l'anglais et le français comme langues officielles
d'égale valeur et qui garantit la promotion du bilinguisme sur toute
l'étendue de son territoire.
Par la même occasion, plusieurs décrets (1er
octobre1920, 20 décembre 1920 et 26 décembre 1924) rendirent
même obligatoire l'enseignementen langue française et interdirent
l'utilisation des langues locales dans le systèmeéducatif
(Journal officiel de l'État du Cameroun, 1924) : « La
langue française est la seule en usage dans les écoles. Il est
interdit aux maîtres de se servir avec leurs élèves des
idiomes du pays ». On peut également rapporter cette directive
de JulesCarde (1921), haut-commissaire de la République française
au Cameroun, précisantà ses chefs de circonscription l'objectif
de la politique linguistique de la France dansla colonie :Il faut donc de toute
nécessité que vous suiviez avec le plus grand soin le plan
decampagne que je vous ai tracé, que vous coordonniez vos efforts, tous
les efforts et que ledéchiffrement méthodique et bien
concerté (des autres langues) se poursuive sans hâte commesans
arrêt [...] afin de concrétiser notre volonté de donner aux
populations du Cameroun la langue en quelque sorte nationale qu'elles n'ont pas
et qui ne saurait être évidemment que celle du peuple à qui
est dévolue la souveraineté du pays. Sous l'administration du
commissaire Carde, même les écoles privéesdevaient
obligatoirement dispenser l'instruction en français pour être
institutionnellement reconnues : « Ne peuvent être reconnues
comme écoles privées que celles qui donnent exclusivement
l'enseignement en langue française ». Cettepolitique
découlait de l'application de l'arrêté du gouverneur
général de l'AfriqueEquatoriale Française, V. Augagneur,
signé le 28 décembre 1920 à Brazzaville :Aucune
école ne sera autorisée si l'enseignement n'est donné en
français. L'enseignement de toute autre langue est interdit.
La politique de francisation exclusive mécontenta les
missions des presbytériens américains qui durent renoncer
à alphabétiser les enfants en bulu (avant de passer au
français). En fait, les Américains avaient l'habitude d'enseigner
en français le matin et en boulu le reste de la journée
(consacrée à la Bible et à l'histoire sainte).
L'introduction systématique du français dans les écoles
permettait d'effacer l'influence allemande et freinait l'expansion des langues
comme le douala et le pidgin-english. Pour les Français, oeuvrer
à la propagation du français dans les écoles correspondait
à un «devoir patriotique» et à une «action
civilisatrice». Ils considéraient aussi que la colonie ne pouvait
fonctionner en une centaine de langues, que les langues camerounaises
étaient incapables de véhiculer les concepts abstraits
européens et que l'unicité linguistique allait renforcer
l'unité politique de la colonie.
Cette idéologie fut confirmée dans la lettre
circulaire gouvernementale du 8 décembre 1921 : [...] Nulle
école ne peut fonctionner si l'enseignement n'y est donné en
français. Cette disposition n'a pas besoin de justification. Entre les
indigènes et nous, n'existera un lien solide que par l'initiation des
indigènes à notre langue [...]. L'administration
française ouvrit partout des écoles publiques n'enseignant qu'en
français, ce qui occasionna aussi de nombreux conflits avec les missions
chrétiennes, car les autorités religieuses interprétaient
différemment les directives gouvernementales.
C'est pourquoi nous nous risquons même à avancer
l'idée, parlant surtout des populations urbaines, selon laquelle la
langue « maternelle » des jeunes camerounais est davantage le
français ou l'anglais, ce qui montre le peu d'intérêt
accordé aux langues nationales camerounaises, quel que soit leur statut.
L'espagnol et l'allemand sont par ailleurs enseignés en option
dès le collège, complétés par d'autres langues
comme l'italien, le chinois, le russe, au niveau universitaire. Même le
latin et le grec, considérés comme des langues mortes, sont
encore imposés dans certains programmes universitaires. Ce qui
interpelle quant à ces choix parfois contestables de langues qui sont de
nos jours considérées comme archaïques.Pendant ce temps, toutes les langues nationales sont
mises au ban et considérées comme un frein au
développement du pays, selon l'aveu même de certains politiques.
Cette idée est largement répandue au Cameroun et constitue
même un argument politique de premier ordre. L'on constate même
qu'il est interdit d'en faire usage dans la sphère publique, sous peine
parfois de sanction. La question qu'on se pose inéluctablement est donc
d'essayer de comprendre la raison de cette aliénation linguistique,
quand on sait qu'il n'y a pas de société sans langue et par
conséquent de langue sans société. Autrement dit, pourquoi
chercher toujours à ne légitimer que ce qui vient de
l'extérieur, au mépris de ce qui relève des valeurs
locales ?
Ø Considération sociopolitique du
pidgin
La société Camerounaise considère le
pidgin diversement. De prime abord, les pouvoirs publics jettent un regard peu
appréciatif sur l'émergence du pidgin.
Et pour cause, dans la perspective d'ouverture du Cameroun
vers l'extérieur, le français et l'anglais se sont vus attribuer
le statut de langues officielles. Ces langues sont celles utilisées dans
l'éducation, l'administration, l'armée, la science et la
technologie...Ceci n'est autre chose que le résultat d'un choix
politique. Au vu des valeurs et des fonctions que revêtent ces langues
aux yeux des pouvoirs publics, l'émergence d'une langue dont les
objectifs ne convergent par conséquent pas avec les
précédentes ne saurait être bien vue.
En fait, le pidgin qui n'est autre qu'une
variété non standardisée, non codifiée, informelle
et composite des langues officielles, se révèle être un
obstacle à l'enseignement, à l'apprentissage, à la
maîtrise de ces langues qui font encore l'objet des conquêtes. La
preuve, c'est que les langues officielles sont encore enseignées dans
nos écoles parallèlement à d'autres matières. Le
but visé par les pouvoirs publics, faut-il le souligner, est de
promouvoir un bilinguisme effectif que tous les camerounais n'incarnent pas
encore. De ce point de vue, l'attitude des pouvoirs publics est tout à
fait compréhensible à savoir l'atteinte d'un idéal de
bilinguisme national plutôt que la promotion d'une langue
véhiculaire qui peut constituer une entrave à cet objectif
notamment chez les apprenants encore intellectuellement fragiles et qui
pourraient sombrer dans la paresse, le laxisme et la complaisance.
Dans cette perspective, de nombreux linguistes et
intellectuels camerounais se sont diversement prononcés quant au sort
réservé au pidgin. Pour certains, il faut le promouvoir puisque
le pidgin a réussi à s'imposer presque dans l'ensemble des
régions du Cameroun. Il assure des fonctions transrégionales,
c'est aussi une langue non ethnique ou non identitaire utilisée dans la
communication entre différents groupes et ce à tous les
niveaux.
Par-delà les multiples avantages cités par les
éminents professeurs plus haut, la majorité des intellectuels
n'adhèrent pas à l'option d'une promotion du pidgin pour
gouverner tous les secteurs de la vie nationale.
Certaines personnes ont jugé inopportun d'accepter
l'usage du pidgin en raison de la multiplicité des dialectes qui la
composent. Pour d'autres, ces multiples dialectes seront difficiles à
utiliser et en plus, ils ne possèdent ni système
d'écriture ni littérature ; donc la standardisation sera
difficile.
En outre, d'autres arguments ont été
émis pour soutenir le refus du pidgin. Il est à noter par exemple
que les chercheurs tels Alobwede (1998), Mc Arthur (1992), Bobda et Echu (2001)
admettent tous que le pidgin a un impact négatif sur l'enseignement et
l'apprentissage de l'Anglais. Autrement dit, les gens ont plus besoin
d'éducation que de raccourcis pour arriver à une
compréhension efficace. Donc, la promotion de l'enseignement et
l'apprentissage du français et de l'anglais doivent demeurer des
priorités au détriment d'une forme de langue au contenu si
instable.
En plus des positions clairement définies par les
pouvoirs publics et les chercheurs, il faut aussi souligner que l'imagerie
populaire ne jette pas un regard très positif sur l'usage du pidgin. Et
pour cause, les parents envoient leurs enfants à l'école pour
être éduqués, et cette éducation est
matérialisée tout d'abord par l'habileté à
communiquer en français et en anglais. C'est donc très
logiquement que la société dans son ensemble rejette un
apprentissage précoce, éphémère voire au rabais du
pidgin. Car, il représente un frein à la poursuite et à
l'atteinte des objectifs éducatifs pour eux-mêmes et leurs
enfants.
Tout compte fait, il en ressort que, contrairement à
certaines appréhensions, le pidgin n'est ni un dialecte, ni un
idiolecte, encore moins un sociolecte, mais une langue véhiculaire. Il
est une langue au carrefour de plusieurs langues, de plusieurs cultures,
identifiables au sein du territoire national. Il n'a pas une coloration
ethnique ou régionale mais, une dimension nationale au vu du
caractère hétéroclite et composite de sa forme et de son
contenu. Concernant ses fonctions, reconnaissons que celles-ci sont multiples
et variées et mettent en exergue une certaine nécessité de
la part des pouvoirs publics et la société à lui accorder
de la considération.
II.2. STATUT DU PIDGIN AU
CAMEROUN
Déterminer le statut du Pidgin English implique
également se poser la question de savoir si ce parler convient bien
d'être appelé une langue. Et si tel est le cas, dans quelle
catégorie la classe-t-on ? Bénéficie-t-elle d'un
usage institutionnel ou mi-institutionnel ? Où convient-il tout
simplement de ne la considérer que, comme instrument de communication
transnationale ?
Comme nous l'avons dit plus haut, le Cameroun est un pays
plurilingue qui a le français et l'anglais comme langues officielles et
une multitude de langues locales. Totalement différente de ces langues
officielles et locales se trouve une langue de contact, une langue
véhiculaire appelée : Cameroon Pidgin English qui n'est ni
européen, ni langue locale au sens strict du terme, mais, qui est une
langue composite structurée à base des langues officielles et
locales.
Bien que le Pidgin English se soit imposé sur
l'étendue du territoire national au point de se faire un nom, il n'a pas
encore acquis le même statut ou « prestige »
accordé au français et à l'anglais, qui sont reconnus
comme langues officielles dans la Constitution et recommandés dans
l'enseignement. C'est pour cela que Simo Bobda (2001) et Wolf (2001) disent que
le pidgin English n'a pas encore acquis sa « lettre de
noblesse ».
Cependant, nous aimerions savoir si cette affirmation de Simo
Bobda tient encore de nos jours au regard des démarches entreprises aux
départements de langues africaines (Université de Yaoundé
I) et de linguistique (Université de Buea) d'une part ; et d'autre
part par de nombreux linguistes quant à la standardisation de cette
langue et son éventuel usage dans nos différentes institutions.
Ceci semble tout simplement dire que le Pidgin English conquiert bon gré
mal gré sa « lettre de noblesse ».
Bien plus, Mbangwana,(1983 :90) considère qu'il a
un caractère national, un avis que partage Toddselon qui le pidgin est
parlé par près de 50% des Camerounais. Ce dernier, affirme du
reste qu'il est entrain de devenir une langue maternelle dans certaines
communautés urbaines.
De même, les enseignants du département de
linguistique de l'Université de Buea dans : « Cameroun
pidgin English, un outil pour l'autonomisationet le
développementnational».(2006), soutiennent
plutôt qu'au lieu de viser l'éradication du pidgin, il vaudrait
mieux le promouvoir vu les multiples rôles qu'il joue au sein de notre
société.
De prime abord, le pidgin est une langue adoptée comme
langue d'échange dans les villes et autres zones urbaines. Pour eux, le
pidgin peut servir dans l'éducation et la sensibilisation de masse, et
peut résoudre de nombreux problèmes. Ici, l'écart entre
instruits et non instruits peut être fortement réduit par le
truchement du pidgin. En plus de son caractère non ethnique, il pourrait
devenir le palliatif au tribalisme résultant le plus souvent de la
simple découverte de la provenance tribale de l'autre.
Dans le même sillage, Mbufong.(2001) propose
que le pidgin soit utilisé dans l'ensemble de la zone anglophone du
Cameroun comme moyen d'instruction dans les outils éducatifs pour
adultes, les campagnes de sensibilisation et le théâtre populaire.
Se souciant du sort des non alphabétisés dans la
communication médiatique, il soutient aussi que le pidgin doit
être d'avantage utilisé dans la télé et la radio
pour permettre à un public large d'accéder facilement aux
informations.
Par ailleurs, les mêmes enseignants estiment que le
pidgin peut servir comme source d'extension culturelle et comme véhicule
dans la recherche de l'emploi. Schröder.(2003:119) parlant du
statut du pidgin au Cameroun, dira que le statut de toute langue peut
être réévalué et revu en fonction de son
évolution, de son ampleur et de son rôle social. Cette assertion
apporte un plus à cette partie. Mais ce que Schröder (2003) ne dit
pas, c'est qui devrait évaluer la fonction de la langue dans une
société afin de lui attribuer un statut. Est-ce les usagers de la
langue ou le gouvernement?
Néanmoins, en ce qui concerne le pidgin au Cameroun,
bien qu'il ne soit pas reconnu officiellement et que son usage n'est pas
reconnu par les institutions en place, nous avons observé qu'il a
gagné du terrain vu la manière dont il est utilisé en
situation informelle ou mi institutionnelle et est au regard de sa
considération par certaines personnes comme la langue
première.
En plus des suggestions faites plus haut, Feral repris par
Schröder quelques années plus tard affirme que : «ce
qu'on appelle Pidgin English au Cameroun est en vérité une langue
qui a un éventail fonctionnel beaucoup plus large que celui qu'on
attribue ordinairement au pidgin »(2003)..
Bien avant cela, Bernard Fonlon (1969) faisait
déjà remarquer que le pidgin fut et continue d'être l'une
des langues véhiculaires les plus répandues au Cameroun :
« Pidgin English was and is still the most wide spoken lingua
franca in Cameroon ».
En somme, dire que le pidgin avait un statut de langue
anormale, ou de langue de masse et de rue, au début, cela était
tout à fait compréhensible. Et l'avis de Bobda tient sa place
lorsqu'il déclare en 1980 que, c'est une langue qui perd de sa valeur et
tend à disparaître. Or Alobwede (1989 :54-61), 18 ans plus
tard, réfute cette assertion et rehausse le statut du pidgin en ces
termes : « it has been a low status language under German,
French and British administration ».
Cette
langue était piétinée pendant la période coloniale
et maintenant, elle refait surface et prend plutôt des allures d'une
« langue nationale ». Cette langue sert de pont, de moyen
de rapprochement, entre les différents groupes ethniques.
II.1.1. Les canaux d'expression et le niveau d'utilisation du
pidgin
Ici l'étude se focalise sur les canaux d'expressions
du pidgin ainsi que son niveau d'utilisation.
II.1.1.1. Les canaux
d'expression
Les canaux d'expression sont ici légions. Nous avons
les masses média, les cours de justice et, les hôpitaux.
Ø Dans
les mass media
En dehors des cadres d'instruction, d'éducation
formelle et standard telles que les structures scolaires et universitaires, les
hautes fonctions étatiques et bien d'autres, l'usage du pidgin n'est pas
prohibé. Au Cameroun, le pidgin est utilisé dans le contexte mi
institutionnel, c'est-à-dire dans les médias privés,
télés et radios diffusées et certaines chaînes de
proximité de la radio d'Etat qu'est lae CRTV. Pour preuve, relevons les
émissions telles que « scracts your eyes »,
diffusée sur la chaîne télé Canal 2 international,
« torri time » diffusé sur la chaîne
de proximité Mont Cameroon FM (Buea), et sur la radio T. Siantou
(Yaoundé).
En guise d'illustration, pendant notre collecte des
données sur le terrain nous avons eu un entretien avec un journaliste de
Mont Cameroon FM. L'une des questions que nous lui avons poséessà
ce journaliste était la suivante :
«Pourquoi avoir choisi de s'exprimer en pidgin
plutôt qu'en anglais» ? Sa réponse fut la suivante:
« first of all, I strongly feel Kolle when I carry out my duty of
journalist which means communicator ». Quelques secondes
après, il continuait en disant: «my job is to pass the message
across so that it will get to every body». ,Aaprèss'être
tu quelques instants, il reprit avec insistance cette fois en ces
termes:
sinceSince most of our elders are not literate like us
today, and since they all speak pidgin as well as literate, I find pidgin the
best language I might use to pass across information. It is also what I have
been doing in my darly life since I am a pastor3(*).
Le journaliste estime que la meilleure façon
d'atteindre le public est de s'exprimer en pidgin parce que c'est une langue
qui est comprise par les illettrés et les lettrés, les jeunes et
les vieux. Ce que le journaliste de Mont Cameroon FM Mont cameroon a voulu
dire semblait vrai. Lorsque nous sommes arrivés à Buea, nous
avons emprunté un taxi dans lequel quelques passagers étaient
déjà à bord, il était 16 heures.
Tous demandaient au chauffeur de se mettre sur la bande Mont
Cameroon FM Mt Cameroon, pour qu'ils puissent suivre l'émission
« business torri », telainsi que ce programme est
intitulé. Ceci montre à suffisance que les populations
apprécient bien cette émission.
Examinons à présent ce message publicitaire en
pidgin. Ici, il s'agit d'un téléphone de marque Motorola
LG3 :
Motorola LG3mobile phone
Di tigni tigni wey all man di fine am naw
Na Motorola L G 3
Dis tigni tigni na fine dis, na stay dis, na fit
dis
Enjoyment oh!
Even di picture wey dem dey insight,
Hear mi different different sound them.
(Le téléphone mobile de marque Motorola LG3
est celui que tout le monde recherche. Il renferme toutes les qualités
tant bien au niveau de la durée qu'au niveau de la performance. Il
renferme un appareil photo et comporte plusieurs sonneries).
Dans le même ordre d'idée, pour peu que nous
puissions avoir le pidgin en partage ou que nous puissions partager la
même culture, francophone ou anglophone ou alors ethno tribale, les
cultes et célébrations religieuses, les meetings politiques, les
réunions familiales et locales sont autant d'occasions où l'usage
du pidgin est mise en oeuvre. Il parait inopportun de s'étendre de
nouveau sur l'utilisation de cette langue dans les cours de justice..
Ø Dans les cours de justice :
cas du tribunal militaire de Buea
Pour vérifier l'utilisation du pidgin dans les cours de
justice, nous nous sommes rendus au tribunal militaire de Buea. Nous avons
voulu savoir si le président du tribunal permettait aux personnes de se
défendre ou de se justifier en pidgin lors de l'interrogatoire. Sur les
189 sujets interrogés, 16 ont dit « oui »
(8,4%), 161 répondirent « non »soit (85,1%), et
12 n'ont pas répondu à la question.
Ce résultat rejoint les observations faites par Todd en
1982. En fait, dans les tribunaux on fait appel aux traducteurs pour traduire
en pidgin ce que l'avocat ou le président du tribunal dit en anglais.
Mais l'inverse n'est pas vrai : lorsqu'une partie parle en pidgin, la
traduction n'est pas nécessaire parce que le président du
tribunal, l'avocat et les autres personnes présentes comprennent le
pidgin. Autrement dit, le pidgin est utilisé dans les cours de justice,
bien que l'anglais reste la langue de travail officielle dans ce contexte.
Ø Dans
les hôpitaux : lors d'une campagne de sensibilisation
Le pidgin bien que proscrit par les autorités est
utilisé de manière mi- institutionnelle dans les hôpitaux.
Regardons cet exemple lors d'une campagne de sensibilisation contre le Sida
dans la ville de Tiko sur le port du préservatif :
Na suks /condoms be ogha quata quata for run
motoli
When you di use am, nfungul, passé passé
sick no get pawa again.
For small small ngonderé, belle no fit enter
again.
Use sucks oh, if yu no wan get 7+1.
If nobi so, na six feet yu di go.
Le préservatif est la solution pour échapper
aux maladies sexuellement transmissibles. Lorsque vous utiliser le
préservatif, les maladies telles que la syphilis, la gonococcie ne
peuvent plus vous atteindre.
Pour les jeunes filles cela permet d'éviter les
grossesses indésirées. Utiliser le préservatif si vous ne
voulez pas attraper le sida, dans le cas contraire c'est la mort qui s'en
suivra.
Sur le plan de l'écriture, s'il est vrai que
jusqu'à nos jours, il n'a pas encore été identifié
de livres entièrement écrits en pidgin, soulignons tout de
même qu'au Cameroun, les documents d'autorité et de portée
universelle tel que la Bible, ont pu bénéficier d'une traduction
unique écrite en pidgin. De même l'usage du pidgin se retrouve
aussi dans la plupart des oeuvres littéraires : Beast of no
Nation de Bate Bessong, Things Fall Apart de Chinua Achebe. Dans
le même sillage, de nombreux contes et légendes du Cameroun, des
berceuses, des proverbes...ont été traduits en pidgin comme le
prouvent les dont un exemplaires figure en annexe.
En somme, que ce soit les médias, les traductions
écrites, les contes et la Bible ou des circonstances d'ordre
évangélique, politique, commercial, tous matérialisent et
favorisent l'utilisation et l'expansion du pidgin, soit directement, soit
indirectement.
II.1.1.2. Niveau d'utilisation
du pidgin
A l'entame de cette étude, nous avons affirmé
que le pidgin demeure une langue non standardisée, non codifiée,
non agréée par les pouvoirs publics au Cameroun puisque ne
bénéficiant ni d'une grammaire autonome, ni d'outils de fixation
que sont les livres ou les dictionnaires. En plus, son étendue,
c'est-à-dire le nombre d'utilisateurs ou de locuteurs reste mal connue.
En dépit de tout cela, nous ne pouvons perdre de vue le
fait que le pidgin s'impose de plus en plus dans tous les secteurs de la vie
nationale. Il est question ici de savoir si le pidgin dans son utilisation
actuelle bénéficie de l'onction des institutions en vigueur dans
notre pays. Par définition, une institution est une structure
organisée agréée par la politique d'un Etat et qui a pour
devoir de s'occuper d'une portion de la vie nationale. En guise d'exemples,
l'Eglise, la Justice, l'Education, sont des institutions. Nous
répondrons par l'affirmation à la préoccupation
soulevée plus haut, car, même si le pidgin demeure une langue
informelle, non standard et non conventionnelle, nous en faisons usage par
nécessité dans les cours de justice, les églises, les
hôpitaux , les bureaux et les marchés ... pour les besoins
de la cause. Au vu de tout cela, il est clair que l'usage du pidgin est
«institutionnel» dans certaines circonstances d'où la
nécessité'importance de développer le concept de
« mi institutionnalisation ».
Arrivés au terme de cette partie, nous trouvons
opportun de réaffirmer que le parler dont il est question ici est de par
sa définition, sa genèse, son contenu, sa structure, son mode
d'expansion. Ce sera à juste titre que de nombreuses contestations se
révèlent au cours de son examen par des observateurs, des
intellectuels avertis. Celles-ci contribueront d'ailleurs à une
maturation accrue des objectifs scientifiques visés par ce travail de
recherche.
Pour finir, nous tenons à repréciser que la
volonté de l'élévation du pidgin au statut de langue
unificatrice ne vise pas le rabais ou la dévalorisation des langues
officielles, mais l'enrichissement de l'échiquier linguistique
camerounais d'une nouvelle langue qui servira de tremplin aux problèmes
de la multiplicité linguistique, de pont, de plate forme de
rapprochement, de compréhension mutuelle entre les multiples tribus du
Cameroun et de moyen de fixation et de partage du contenu culturel du Cameroun
par tous ses enfants.
Pour forger ce destin commun, cette vie commune est aussi
l'objectif que le gouvernement camerounais s'est fixé par l'adoption du
français et de l'anglais comme langues officielles.Mais, ceci ne va pas
sans problème tant il est vrai que ces langues officielles demeurent
pour la plupart des camerounais inconnues et mal maîtrisées au
point où la communauté de destin paraît se faire à
deux vitesses entre érudits et non érudits.
Le point focal de cette étude est de montrer la mise en
exergue la portée littéraire du pidgin par la prise en
considération des composantes de l'oralité africaine à
l'instar des contes et des mythes que nous avons pu obtenir lors de la collecte
des données. Cette langue cesse d'être une simple langue de
commerce, encore moins une simple langue de contact et est devenue par la
force du temps une langue littéraire.Parlant justement de langue
littéraire,
Le pidgin comme tout autre langue permet de véhiculer
des connaissances, des valeurs, des cultures aux populations qui la
pratique.
S'il apparaît de façon indéniable qu'il
existe des textes oraux en pidgin et qu'ils peuvent être localisés
de façon plus ou moins précise, pour en connaître les aires
de déconcentration et partant les peuples ou les individus qui
lescréentparlent, force est de reconnaître que l'existence de lsa
littérature orale en pidgin demeure sujette à controverse.
Se situant dans cette dernière optique, le sujet et
l'analyse du corpus va démontrer qu'il existe une
littératureriche à laquelle les méthodes d'analyses
textuelles de tous genres pourraient see prêter aisément.
Deuxième
partie :
LES FONCTIONS DE
L'ENFANT
L'objectif principal de la théorie structuraliste de
Claude Bremond dans La Logique du
récit(1973 :131)a été principalement
l'établissement d'une analyse du récit qui décrit les
interrelations de rôles au cours d'une action narrative, et surtout
l'étude et la description de la structure d'un large éventail de
textes narratifs. C'est dans cette optique qu'il a conservé comme chez
Propp, l'idée de fonction comme étant
l'élément principal de la narration. Ce dernier définit la
fonction comme: «L'action d'un personnage, définie du point de
vue de sa signification dans le déroulement de l'intrigue
» (1973 :131).
C'est ainsi que la fonction d'un personnage ou son rôle
dans le processus narratif devient l'un des points essentiels dans la
compréhension de sa Logique du récit.
Bremond comme le dit Daniel K. Schneider
(1973 :132-133) :
Propose un modèle ternaire (idéalisé)
"agent-processus-patient" pour saisir le processus narratif. La fonction n'est
donc plus un élément isolé comme chez Propp, elle est
implicitement lié à un patient et à un agent 4(*)et Bremond de
renchérir:la fonction d'une action ne peut être définie
que dans la perspective des intérêts ou des initiatives d'un
personnage qui en est le patient ou l'agent.
Il révise la notion de séquence qui ne sera plus
comme il le dit lui-même une suite identique de mêmes fonctions.
Mais, il fait des groupements qui font prévaloir dans le
développement de tout processus narratif, trois moments essentiels: La
virtualité qui peut être définie comme une
possibilité; une tâche virtuelle susceptible d'être
exécutée; le passage à l'acte (ou non) visant à
exécuter (ou non) cette tâche et finalement, l'achèvement
de la tâche qui peu si l'action a été menée à
terme, amorcer une réussite. Si par contre, elle a été
interrompue, elle peut entraîner un échec. Le schéma qui
suit résume, si besoin est, ces trois moments:
Achèvement réussite
Passage à l'acte
Virtualité
Inachèvement échec
Non passage à l'acte
Dans cette triade (virtualité, passage à l'acte,
achèvement), il est utile de rappeler que:
Jamais l'antécédent n'implique le
conséquent, après chaque fonction, une alternative est ouverte:
La virtualité peut évoluer en passage à l'acte ou
demeurer virtualité; le passage à l'acte peut atteindre
ou manquer son achèvement ( Bremond,1973 :131).
En conséquence, Bremond ne fonde pas sa
Logique durécit sur une suite d'actions, mais plutôt sur
un ensemble de rôles que jouent les personnages. L'objectif ici est de se
demander, si le personnage agit ou s'il est agi, car l'action du personnage se
définit selon la fonction qu'il remplit dans le déroulement de
l'intrigue.
Notre préoccupation majeure dans le cadre du
présent travail sera d'étudier les rôles que remplissent le
personnage de l'enfant dans les contes du Cameroun. Les questions auxquelles
nous allons nous atteler à répondre sont les suivantes: Est-il
patient (sujet d'état) ? Dans ce cas est-il bénéficiaire
d'amélioration ou de protection? Ou victime de dégradation ou de
frustration ? Est-il agent (sujet de faire) ? Dans cet ultime cas, est-il agent
volontaire ou involontaire? Est-il dégradateur ou améliorateur ?
Ou alors frustrateur ou protecteur ?
ChapitreIII:L'ENFANT,SUJET D'ETAT OU PATIENT)ET DE FAIRE (OU
AGENT)
III.1. L'ENFANT, SUJET D'ETAT
OU PATIENT
Le patient est tout personnage que le récit ou la
narration présente comme subissant l'action d'un agent de quelque ordre
que soit. Bremond lui-même, dans sa logique du récit apporte un
éclairage sur cette notion. A cet effet, il la définit comme:
« Toute personne que le récit présente comme
affectée, d'une manière ou d'une autre, par le cours des
évènements raconté ».
(Bremond,1973 :139)
Ce rôle de «patient» qui est d'ailleurs sujet
à des « interprétations subjectives » donne lieu
à des rôles beaucoup plus objectifs comme ceux de
bénéficiaire et de victime. Ces deux dernières notions
font place à d'autres qui peuvent être
bénéficiaire d'amélioration et de protection et de victime
de dégradation et de frustration qui seront pour l'essentiel, l'objet de
notre travail ici.
Mais, pour une bonne compréhension de ces notions
propres à Bremond, nous allons essayer de les définir.
Le terme « bénéficiaire
d'amélioration» concerne tout patient qui bénéficie
d'un passage d'un état initial relativement insatisfaisant à un
stade final plus satisfaisant. Le terme «victime de
dégradation» est un processus contraire au premier, il concerne
tout patient qui passe d'un état satisfaisant à un état de
déficience ou d'insatisfaction. Notons ici que ces deux notions sont des
processus que Bremond appelle «évolutifs» car, ils tendent
à modifier l'état de départ ou initial du patient. Les
deux rôles précédents sont dits
«évolutifs», et laissent quelquefois place à
des processus contre évolutifs :bénéficiaire de
protection et victime de frustration. Ces derniers rôles ne modifient pas
un état initial d'un patient, mais s'emploient à le conserver.
Ainsi,comme le dit Bremond (1973:168) lui même:
La protection réalise un cas particulier
d'amélioration : il ne s'agit pas de faire passer un patient d'un
état de déficience actuel à un état plus
satisfaisant, mais d'opposer à un processus de dégradation qui
n'est pas encore annoncé ou n'a pas encore produit son effet, un
processus contraire, capable de maintenir le patient dans son état
satisfaisant actuel. De même, la frustration consiste, non pas à
faire passer le patient d'un état satisfaisant actuel à un
état moins satisfaisant, mais à opposer à un processus
d'amélioration qui n'a pas encore produit son effet, un processus
contraire capable de maintenir le patient dans son état déficient
actuel.
Toutefois, il convient de dire ici que l'analyse de certains
rôles est subjective. Un rôle de patient ou d'agent peut parfois
devenir ambiguë car, la perception du niveau d'implication n'est pas la
même partout.
A côté de ces processus évolutifs, nous
avons ce que Bremond nomme: «les processus contre-évolutifs»
qui tendent non pas à modifier l'état initial du patient, mais au
contraire à le conserver. Ce sont ici les notions de
bénéficiaire de protection et de victime de frustration. Ces
dernières étant plus complexes, elles méritent
d'être définies selon les propos de Bremond (1973 :169) :
« La protection réalise un cas
particulier d'amélioration: il ne s'agit pas de faire passer un patient
d'un état de déficient actuel à un état plus
satisfaisant, mais d'opposer à un processus de dégradation qui
n'est pas encore amorcé ou n'a pas encore produit son effet, un
processus contraire, capable de maintenir le patient dans son état
satisfaisant actuel. De même, la frustration consiste, non à faire
passer le patient d'un état satisfaisant actuel à un état
moins satisfaisant, mais à l'opposer àun processus
d'amélioration qui n'a pas encore produit son effet, un processus
contraire capable de maintenir le patient dans son état déficient
actuel ».
Enfin, ajoutons qu'un patient peut être, toute personne
qui se laisse dominer par les évènements, ne manifestant aucune
réaction. Cela peut provenir du fait qu'il est inconscient de son
état ou qu'une force mystérieuse semble régir ses actes,
l'empêchant ainsi de se prendre en main, ou de s'assumer.
Nous allons, maintenant entrer dans le vif de notre travail,
en appliquant cette notion de« patient» et ses
différents rôles, à notre corpus de contes et de mythes en
pidgin du Cameroun.
III.1.1. L'enfant dans
l'état de bénéficiaire
L'enfant est en situation de bénéficiaire
lorsqu'il reçoit l'aide d'agents améliorateurs et protecteurs.
Ces derniers l'aident non seulement à passer d'une situation
d'insatisfaction à une situation de satisfaction mais aussi, ils lui
permettent de rester dans l'état satisfaisant dans lequel il se trouve.
III.1.1.1. L'enfant,
bénéficiaire d'amélioration
Dans de nombreux contes de notre corpus, le personnage de
l'enfant se trouve souvent dans un état initial marqué par une
déficience qui se mue, en une situation terminale marquée par une
amélioration. Ceci peut se résumer par le schéma de
Denise Paulme du type « ascendant» :
(Situation initiale) (Situation finale)
Manque Amélioration
Manque comblé
Dans les vingt-cinq (25) contes et mythes de notre corpus,
nous avons dix (10) contes qui présentent ce processus chez l'enfant.
Avant d'entrer dans l'étude proprement dite, nous
allons dire que ce processus se déroule en trois phases marquantes
schématisées comme suit:
Eventuel bénéficiaire d'un éventuel
processus d'amélioration (1)
Eventuel bénéficiaire d'un processus
d'amélioration en cours (2)
Bénéficiaire effectif d'un état
satisfaisantrésultant d'un processus d'améliorationachevé
(3)
Ø L'enfant, éventuel
bénéficiaire d'un probable processus
d'amélioration
L' «éventuel» est
l'événementiel, ce qui dépend de certaines
circonstances.Ici, le raisonnement reste hypothétique, c'est une
possibilité pour l'état insatisfaisant de devenir comme le dit
Bremond: le point de départ d'un processus qui l'annule.
Dans Dylim's children, les enfants de Dylim sont
frappés d'un grand malheur. En effet, leur mère très
malade est mourante. Cependant, avant de mourir, elle leur donne une graine de
melon et leur demande de la planter, tout en les conseillant d'aller vivre
où la graine arrêtera d'ex-croître. Ces
événements auxquels elle accorde de l'importance se
dérouleront après sa mort. On constate que dans ce conte,
à la situation initiale, il ya manque, c'est-à-dire que les
enfants perdent leur mère. Et que dans ce manque, il ya un processus qui
certainement changera la situation de ces jeunes orphelins. Avant de mourir, la
mère leur donne une graine de melon et leur demande d'aller habiter
là où la graine arrêtera d'ex- croître. Donc, les
enfants bénéficieront certainement d'une amélioration de
leur condition si l'action est menée à terme. Autrement dit, ils
sont les éventuels bénéficiaires d'un éventuel
processus d'amélioration.
Dans The orphan boy, un jeune orphelin (enfant de la
seconde femme défunte de son père) est la proie de sa
marâtre. Voulant l'empêcher d'hériter de son père car
elle n'a donné naissance qu'aux filles, celle-ci projette de le tuer.
Toujours dans cette perspective, elle parvient à persuader son mari, le
père dudit orphelin de l'envoyer chercher des lionceaux
nouveau-nés d'une lionne. Les conseils de la grand-mère du
malheureux garçon sont efficaces, il réussit l'épreuve.
Cependant, la méchante femme ne lâche pas prise, elle persuade une
fois de plus son père qui l'envoie à présent chercher le
tam-tam du village qui se trouve dans l'au- dela. Le jeune garçon va une
fois de plus voir sa grand-mère qui s'inquiète mais lui prodique
encore des conseils.
Dans ce conte, on constate que le jeune garçon est
bénéficiaire d'un processus d'amélioration de sa
condition. Tout simplement parce que malgré toutes les actions que
mène sa marâtre pour l'éliminer, il suit à la lettre
les conseils de sa grand mère qui certainement finiront par lui
être utiles. Donc, il est un éventuel bénéficiaire
d'un processus d'amélioration.
Dans NDODOKWAM, l'enfant maillet,abandonnés
par leurs parents, le jeune Ndodokwamet sa soeur aînée sont
livrés à eux-mêmes. Mais, à la surprise
générale ,le jeune garçon qui n'a ni jambes ni bras et qui
ne semble pas visiblement affecté par la nouvelle situation de leur vie,
demande à sa soeur qui n'arrive pas à retenir ses larmes, de le
briser sur un rocher.
Kaye et Gallo présente deux jeunes orphelins:
Kaye et Gollo qui, après la mort de leurs parents, sont condamnés
à vivre seuls dans la forêt. Sans héritage, le jeune
garçon est obligé de subvenir aux besoins de Kaye sa soeur, en la
laissant parfois, toute seule à la maison pour aller chasser. Mais, un
jour, de retour de sa besogne habituelle, il constate qu'un lion a mangé
sa soeur. Pris d'une grande rage, il lui tranche la queue à l'aide d'un
couteau de jet. Le lion ayant malgré tout pris ses jambes à son
cou, nous sommes en droit de penser que Gollo ne laissera pas les choses ainsi.
La fille du paysan dans : Les mauvais génies du
champ de mil, est victime des mauvais traitements de la part des mauvais
génies chaque fois, qu'elle est envoyée par son père pour
chasser les oiseaux qui s'attaquent à la récolte du mil. Ceux-ci,
en effet, font sécher les poissons qu'ils ont au préalable frits
sur le dos de la jeune fille, ce qui lui cause de vives et sérieuses
brûlures. La mère de celle-ci qui a assisté plusieurs fois
à la scène, informe son mari.
Le conte Le mauvais frère, présente un
jeune garçon (le mauvais frère) qui tranche les deux pieds de sa
soeur pour avoir refusé de l'épouser. Elle réussit
malgré tout à s'enfuir dans la brousse en compagnie de son amie.
Dans sa retraite ( sous un arbre), elle fait la rencontre d'un chef qui est
saisi par sa beauté, malgré son infirmité. Sa
beauté pourra-t-elle jouer en sa faveur?
L'union fait la forceconsacre les dernières
heures d'un homme appelé Kouma, père, grand-père et
arrière grand-père d'une multitude d'enfants. Avant de rendre
l'âme, cette bibliothèque vivante pour la dernière fois
fait appel à ses sept fils.Il leur demande chacun d'apporter sa lance
de chasse. Etant donné qu'il est sur le point de mourir, que voudrait-il
leur donner?
Après avoir perdu leur mère, les trois orphelins
dans le conte : Les trois frères, sont encore confrontés
à un grand coup du sort car, la vie de leur père ne tient plus
qu'à un fil. Celui-ci appelle sa progéniture et l'amène
dans la forêt, pour lui donner sûrement quelques dernières
recommandations.
Noana et ses soeurs: présente quatre soeurs
qui, après la mort de leur mère, subissent les foudres de la
deuxième épouse de leur père.Celle-ci projete de les
éliminer afin de les empêcher d'hériter de
l'héritage de leur père après sa mort. Profitant de
l'absence de son mari, elle réussit à jeter les trois soeurs
aînées dans le puits, mais Noana la benjamine, a suivi et compris
les manoeuvres odieuses de la méchante femme.
Le conte:L'orpheline et la vielle femme, est un conte
qui est à l'image de Noana et ses
soeurs ;c'est-à-dire,un conte du cycle de l'orphelin de Pierre
N'DAK (194 :67). La jeune orpheline après la mort
de sa mère, subit la jalousie de la nouvelle épouse de son
père (la beauté de la jeune orpheline faisant contraste avec la
laideur de cette dernière) qui l'oblige à travailler de jour
comme de nuit. Mais, un jour, alors qu'elle était allée faire ses
sempiternelles corvées (aller puiser de l'eau au marigot), elle fait la
rencontre d'une vieille femme au corps encrassé d'une saleté
repoussante. Celle-ci la supplie de lui donner de l'eau à boire.
Après avoir bu, la vieille femme se métamorphose en une belle et
jeune femme. Est-il possible qu'elle l'aide à améliorer son sort
?
Ø L'enfant, éventuel
bénéficiaire d'un processus d'amélioration en
cours.
Ici, ce qui n'était qu'une simple possibilité
s'amorce par un passage à l'acte.
Le processus d'amélioration prend forme et pourra
peut-être aller jusqu'à son terme. Mais, ce qui est à
retenir ici, c'est qu'il est en cours.
Le jeune Ndodokwam qui n'avait ni jambes, ni bras a
retrouvé prodigieusement tous ses membres et l'usage correct du langage.
Il décide alors d'améliorer son sort et surtout celui de sa soeur
qui était, visiblement désemparée de ce que leurs parents
les avaient cruellement abandonnés. Le jeune enfant fit apparaître
un village d'où surgirent des cases de tôles, signe de richesse,
des animaux domestiques de toutes sortes, des richesses incommensurables.
De même, décidé de retrouver sa soeur Kaye
dans Kaye etGollo, Gollo ira trouver le devin qui lui conseillera de
se procurer une gourde neuve dans laquelle, il mettra une goutte d'eau de
chaque rivière,de chaque marigot et de chaque fleuve qu'il visitera.
Toujours sur les conseils du devin, le jeune garçon creuse un puit
très profond dans lequel il met la gourde. C'est ainsi que tous les
cours d'eau furent asséchés, ce qui obligera tous les animaux
à aller boire de l'eau à la distribution d'eau que Gollo leur
offrait. Gollo réussit ainsi à reconnaître le lion qu'il
avait tranché la queue quelques jours auparavant.
Dans Les mauvais génies du champ de mil, le
paysan est décidé de mettre fin aux mauvais traitements
qu'administrent les mauvais génies à sa fille. Il se rend
dès lors le lendemain au champ en compagnie de cette dernière,
mais se cache sous un arbre pour assister à la scène. Comme
d'habitude après le chant de la jeune fille, les mauvais génies
se lancent dans une danse infernale. Mais, le paysan perspicace remarque que la
tête du chef des mauvais génies, atteint la branche où il
se trouve. C'est ainsi qu'il entreprend d'attacher les cheveux de ce dernier
autour de la branche, et lance de toutes ses forces, un caillou qui sème
le trouble parmi la foule des génies.
DansLe mauvais frère, le chef fait la
rencontre de la jeune fille aux pieds tranchés, il est frappé
par l'extrême beauté de cette dernière. Il décide
alors de l'épouser.Mais, n'ayant pas de pieds pour pouvoir se
déplacer, elle est enfermée dans l'une des cases du chef ou elle
est nourrie par les epouses de celui-ci. Mais ces dernières,
désireuses de voir leur rivale demandent à leur mari, les raisons
pour lesquelles la jeune fille ne sort jamais. Lorsque le chef confus leur
répond qu'elle ne pouvait marcher sur un sol nu à moins que
celui-ci soit recouvert d'un tapis, elles demandent au chef de faire le
nécessaire pour qu'elles puissent leur co- épouse. Mais, la jeune
fille informée par son amie de ce qui se tramait et surtout ne voulant
pas être vue par ses co-épouses, s'enfuit en compagnie de son
amie. Dans leur fuite, la jeune fille sauve les petits serpents. La mère
serpent émue lui demande ce qu'elle veut pour récompense.
Les sept fils de Kouma dans L'union fait la force,
répondeà l'appel de leur père mourant, et viennent chacun
avec sa lance de chasse, exactement comme leur père le leur avait
demandé. Le père leur demande alors de lier, ensemble avec une
ficelle résistante, les sept manches en bois de leurs lances. Ensuite,
il leur demande à chacun de briser le faisceau de lances ainsi
formé. Mais, aucun fils ne put le rompre. Enfin, Kouma dit à
l'aîné de détacher le lien qui unit les manches de lances
et de les briser l'un après l'autre. L'aîné détacha
le lien aisément. Quelle leçon Kouma veut-il leur donner?
Dans Les trois frères, le père ayant
amené ses trois garçons dans la forêt, il leur lègue
pour seule et unique fortune: trois fruits. S'il est vrai que chacun a
reçu l'indication sur le fruit qu'il aura à cueillir après
la mort du père, instruction leur fut donné de ramener chacun son
fruit dans la case paternelle, et de le casser après avoir bouché
tous les trous du toît, sans en laisser aucun par où l'on puisse
voir« le dehors du dedans ou l'intérieur de
l'extérieur».
Dans Noana et ses soeurs, la méchante
épouse jette les soeurs de Noana dans le puit mais, la benjamine a
tôt fait de comprendre que la femme de leur père voulait tous les
faire périr, c'est ainsi qu'elle se procure d'un coupe-coupe qu'elle
dissimule sous sa robe et saute dans le puit pour venir en aider à ses
soeurs. A l'intérieur du puit, elle commence à entamer les parois
à l'aide du coupe-coupe.Mais, réussiront-elles à s'en
sortir étant donné que dehors, leur père convaincu par son
épouse, pense déjà à leur ingratitude.
Dans L'orpheline et la vielle femme, la jeune
orpheline avait été envoyée pour faire ses
éternelles commissions au marigot, elle fait la rencontre d'une vieille
femme qui lui demande à boire. Emue par la gentillesse de la jeune fille
qui lui rend ce service, la vieille femme se transforme en une belle jeune
femme. Cette dernière promet à la jeune fille une vie future
radieuse.
Dans Dylim's children: les enfants de Dylim
déjà morte, vont habiter chez Kfukfu, là où la
graine de melon qu'ils avaient semé avait arrêté de
pousser. Mais cette dernière, les maltraite.Elle ne leur donne pas assez
à manger et ne leur prodigue aucun soin. Lorsqu'un jour, les enfants de
Dylim étaient entrain d'accomplir une tâche qui leur avait
été confiée (chasser les oiseaux qui s'attaquaient
à la récolte de maïs), ils se sont mis à chanter une
chanson mélancolique décrivant leur vie. En écoutant la
chanson, Kfukfu réalise que les enfants qu'elle maintenait dans la
frustration n'étaient autres que ses neveux: les enfants de sa defunte
soeur. Les pleurs et la contrition s'emparèrent d'elle.
Dans The orphan boy, le jeune orphelin reçoit
du voyage qu'il mènera aux enfers, des provisions de la part de sa
grand-mère. Dans son itinéraire, il reçoit en rêves,
l'aide de sa défunte mère qui lui permet de trouver la bonne
route à suivre, mais aussi de traverser un grand feu qui lui barrait le
chemin. Il reçoit aussi l'aide d'un grand poisson pour traverser une
grande rivière. Arrivé au pays des enfers, il sauve un chat d'une
mort certaine dans une lutte avec un chien. Le chat lui promet de l'aider
à choisir le véritable tam-tam du village parmi la multitude des
tam-tams qui lui seront présentés.
Ø Bénéficiaire effectif d'un
état satisfaisant résultant d'un processus d'amélioration
achevé
Ici, le processus d'amélioration qui était en
cours n'est pas interrompu, il va jusqu'à son terme, permettant au
patient d'obtenir la satisfaction espérée et souhaitée.
Dans Kaye et Gollo, le lion est identifié, il
est obligé de vomir Kaye, la soeur de Gallo, en Compagnie de deux autres
enfants. C'est ainsi que celle-ci devient bénéficiaire d'un
état satisfaisantrésultant d'un processus d'amélioration
achevé.
Dans, NDODOKWAM, l'enfant maillet, grâce aux
prodiges et aux richesses que fit apparaître le jeune Ndodokwam, sa soeur
aînée se voit ainsi bénéficiaire d'une richesse
considérable.
Le chef des mauvais génies dans Les mauvais
génies du champ de mil est retenu par ses cheveux à
l'arbre.Il ne peut s'enfuir comme le reste de sa troupe. Il reste ainsi
coincé.Mais en voulant s'enfouir, il s'étire tant si bien que sa
tête finit par éclater. C'est ainsi que la fille du paysan
bénéficiera d'une amélioration de ces conditions
d'existence.
Dans Le mauvais frère, la soeur du mauvais
frère est récompensée pour avoir sauvé les petits
de mère serpent. Elle retrouve ses pieds, devient même plus belle
qu'avant,et c'est ainsi qu'elle retourne chez le chef. Les femmes de celui-ci
qui résolurent qu'elle ne sortirait pas furent punies. Le chef
épousera la soeur du mauvais frère.
Les sept fils de Kouma dans L'union fait la force,
reçoivent de leur père un conseil de vie, celui de toujours
rester unis comme les faisceaux de lances.
Dans Les trois frères, les deux frères
aînés qui n'ont pas respecté les consignes que leur avaient
laissées leur père avant de mourir, c'est à dire qu'ils
devraient casser chacun son fruit dans la case paternelle et ceci après
avoir bouché tous les trous de la maison, ont vu leur heritage
s'envoler.
Lorsque ce fut le tour du benjamin d'etre en possession de
son fruit, ses frères le persuadent de casser également le sien
en cours de route. Mais, tel ne fut pas le cas.Le jeune garçon respecte
les consignes du père, et bénéficient ainsi des richesses
inestimables. D'un autre coté, Les frères
bénéficièront aussi d'amélioration dans la mesure
où leur frère (le benjamin) qui avait grand coeur leur donnera
malgré tout une part de sa fortune.
Noana dans Noana et ses soeurs, réussit
à sortir ses soeurs du puit oùellesfurent jetées par leur
marâtre. Leur défunte mère vint en rêve à leur
père pour lui tenir informé des mauvais agissements de son
épouse. C'est ainsi qu'à son reveil, le père ligota
celle-ci et la précipita dans le puit à son tour. Noana et ses
soeurs rentrèrent à la maison paternelle où elles
vécurent heureuses auprès de leur père, jusqu'à
leur mariage.
La jeune orpheline dans L'orpheline et la vielle
femme est battue par la méchante femme de son père
parcequ'elle avait perdu du temps au marigot. Mais, à la surprise
générale, à chaque coup de bâton, des richesses de
toutes sortes couvrirent la jeune orpheline qui, bénéficia ainsi
de la part de la vieille femme qu'elle avait aidé d'une vie bien
appréciable.
Dans Dylim's children, Kfukfu regrette d'avoir
maltraité les enfants qui n'étaient autres que les enfants de sa
soeur disparue: Dylim. Elle les lava, les habilla et décida
désormais de s'occuper d'eux comme s'ils étaient ses propres
enfants. C'es ainsi que, les enfants de Dylim devinrent
bénéficiaires d'amélioration.
Le chat que le jeune orphelin avait sauvé d'une mort
certaine dans le conte, The orphan boy, n'oublia pas sa promesse. Il
aida le jeune orphelin à choisir le tam-tam de son village. De retour au
village, il reçut pour récompense, le titre honorifique de
« Chief ».
Ces dix contes consacrent ainsi, le changement d'état
de l'enfant qui trouve ainsi, grâce à l'aide des prestataires et
améliorateurs divers, un bonheur jusqu'alors inespéré.
v L'enfant, bénéficiaire de protection
Comme nous l'avons dit plus haut, la protection est un cas
particulier d'amélioration: il ne s'agit pas de faire passer un patient
d'un état moins satisfaisant actuel à un état plus
satisfaisant mais, il consiste à maintenir un état satisfaisant
dans lequel se trouve le patient ou, à opposer à un processus de
dégradation qui n'est pas encore amorcé ou est en cours, un
contre processus qui visera à maintenir le patient dans un état
relativement satisfaisant. Dans notre corps, nous retrouvons 5 (cinq) contes
qui font état de cette protection du patient.
L'enfant, éventuel bénéficiaire d'un
éventuel processus de protection. Le processus de protection ici est
éventuel, et vise à écarter la possibilité pour le
patient d'être atteint d'un processus qui l'amènerait à
être insatisfait. Tout ceci dans le but de le maintenir dans
l'état satisfaisant où il se trouve.
Dans Kaye et Gollo, après la mort de leurs
parents, Kaye et Gallo sont désormais condamnés à vivre
seuls. Kaye, la jeune fille est désormais sous la protection de son
frère Gollo. Elle reçoit de lui gîte et couvert. Mais, un
lion profite de l'absence de Gollo partit à la chasse pour attraper Kaye
et la manger. De retour, Gollo surprend le lion entrain de digérer. Dans
le secret désir de le reconnaître le cas échéant, il
lançe un couteau qui tranche sa queue.
Dans Les mauvais génies du champ de mil, la
fille du paysan subit les mauvais traitements des mauvais génies, chaque
fois qu'elle est envoyée par son père pour chasser les oiseaux
qui picorent les grains de mil. Ceux-ci sèchent les poissons qu'ils ont
au préalable frits sur le dos de la jeune fille. Ces mauvais traitements
provoquent de vives brûlures qui sont un danger pour la vie et la
santé de la jeune fille. Mais, la femme du paysan qui avait
assisté à la scène informe son mari.
Le conte: L'union fait la force, présente un
père; Kouma qui, sachant sa mort imminente, fait venir ses enfants.
Celui-ci leur donne une recommandation pour le moins bizarre: il leur dit de
venir chacun muni de sa lance de chasse.
Dans Noana et ses soeurs: la femme du second
mariage voudrait faire périr les orphelines Noana et ses soeurs
aînées: enfants du premier mariage de son mari. Profitant du
voyage de son mari, elle réussit à jeter dans le puits les soeurs
aînées de Noana. Mais, Noana plus éveillée que ses
deux autres soeurs, a suivi les agissements de la mauvaise femme.
Dans le conte the orphan boy: le jeune orphelin est
détesté et haï par sa belle mère, première
épouse de son père. Sachant qu'elle n'a mise au monde que des
filles, elle veut éliminer l'enfant de sa défunte coépouse
qui, se trouvera être sûrement l'unique héritier de son
mari. C'est ainsi qu'elle convint son mari d'envoyer le jeune orphelin à
la recherche de jeunes lionceaux. Le jeune garçon bouleversé, va
voir sa grand-mère pour lui demander conseils.
Ø L'enfant, éventuel
bénéficiaire d'un processus de protection en cours
Le processus de protection proprement dit prend tonne.Il se
manifeste désormais en acte contre un processus de dégradation
dans lequel se trouve le Patient. Comme c'est parfois le cas, il se pose en
acte pour prévenir une potentielle dégradation à venir.
Gollo dans Kaye et Gollo, décide de ramener sa
soeur à la vie. De ce fait, il va voir le devin qui lui donne le pouvoir
d'assécher tous les cours d'eau, afin de contraindre tous les animaux
à venir chercher de l'eau auprès de lui. Tout ceci, dans le
secret désir de reconnaître l'animal dont il avait tranché
la queue et de l'obliger à ramener sa soeur à la vie.
Le paysan dans Les mauvais génies du champ de mil,
est informé par sa femme des mauvais traitements qu'infligent les
mauvais génies à leur fille. Décidé de
protéger la vie et la santé de cette dernière, il va avec
elle un matin afin de les surprendre. C'est ainsi qu'il se cachesous un arbre,
il attache les cheveux du chef des mauvais génies autour d'une branche
et jette de toutes ses forces un caillou au milieu de la foule des
génies qui avaient déjà commencé leurs danses
maléfiques autour de la jeune fille.
Dans L'union fait la force, les enfants de Kouma
respectent les consignes de celui-ci en apportant chacun sa lance de chasse. Le
père leur fait passer une épreuve de force où ils
n'arrivent pas à rompre les faisceaux de lances qu'ils ont liés
avec une ficelle souple et résistante. Mais, lorsque Kouma demande
à l'ainé de détacher le lien qui unit les faisceaux de
lances, il le fit aisément. L'assistance qui n'était pas
visiblement initiée ne put comprendre où voulait en venir le
vieux patriarche.
Noana dans Noana et ses soeurs, réussit
à protéger ses soeurs d'une mort certaine, en les faisant sortir
du puit. Elles allèrent ensuite se cacher dans la forêt où,
elles se nourrissaient de fruits. D'un autre côté, leur
père qui était revenu de voyage et qui avait déjà
conclu (convaincu par sa femme) à une fuite ingrate de ses filles, fut
visité par sa défunte femme qui lui révéla les
agissements odieux de sa femme à l'encontre de ses filles.
Dans le conte The orphan boy, le père du jeune
orphelin est convaincu par sa femme. Celui-ci envoie son unique fils à
la recherche de lionceaux. Le jeune orphelin confus, va demander conseils
à sa grand-mère. Il reçoit d'elle des conseils très
intelligents. Celle-ci lui demande de partir dans la forêt avec une
chèvre ; de la battre afin d'attirer par ses bêlements la lionne
qui, laissera ses petits pour venir chercher la chèvre. Le garçon
aura donc la tâche facile ?
Ø Bénéficiaire effectif d'un
processus de protection achevé
Ici, le patient bénéficie d'un processus de
protection achevé qui a été mené sous la botte d'un
protecteur.
Dans Kaye et Gollo, Gollo réussit à
obliger tous les animaux de se réunir auprès de lui afin de venir
chercher un peu d'eau à boire. C'est ainsi qu'il reconnait le lion et
l'oblige à vomir sa soeur. Cette dernière et d'autres petits
enfants bénéficient ainsi d'une protection contre la
cruauté du méchant lion.
Les sept fils et l'assistance dans L'union fait la
force quiattendent impatiemment les conclusions du patriarche Kouma furent
servis. Kouma n'eut rien d'autre à donner à sa progéniture
comme héritage que, ce conseil ; celui de rester unie comme les
manches de lances qu'il leur avait montré. Tant qu'ils resteront unis,
ils seront forts et solides devant tous les problèmes qui se poseront
à eux. Par contre, leur dit le vieux patriarche, une désunion
sera fatale à leur survie. C'est donc par ces conseils protecteurs que
Kouma quittera la terre et ira rejoindre ses ancêtres. Ces conseils,
s'ils sont respectés, contribueront à opposer à chaque
fois aux difficultés qui se présenteront à eux, des
contre-processus améliorateurs qui les maintiendront dans l'état
satisfaisant dans lequel ils se trouveront.
Dans Noana et ses soeurs, la méchante
épouse du paysan est confondue. Son mari informé de ses
agissements à l'encontre de ses filles, la ligote et l'entraîne
vers le puit où il la précipite. Les jeunes filles cachées
dans la forêt font un rêve dans lequel leur père implore
leurindulgence pour son étourdissement. Elles rentrent enfin à la
maison paternelle où elles restent sous la protection paternelle
jusqu'à leur mariage.
Dans The orphan boy, le jeune orphelin exécute
à la lettre les conseils protecteurs de sa grand-mère. Il bat la
chèvre. La lionne est attirée par les bêlements de la
chèvre et, le jeune orphelin qui a maintenant la tâche facile,
ramasse les lionceaux et réussit ainsi à protéger sa vie.
C'est ainsi que le jeune orphelin bénéficiera des conseils
protecteurs de sa grand-mère.
Ces cinq contes que nous avons étudiés dans le
cadre de l'enfant comme bénéficiaire de protection, consacrent
les forces oppositionnelles qui se dressent à l'encontre de toutes les
frustrations. Celles-ci se dressent aussi contre ces processus pour permettre
à l'enfant de continuer à vivre dans un état
satisfaisant.
III.1.2. L'ENFANT DANS L'ETAT
DE VICTIME
Une victime est toute personne, qui dans le récit, est
le jouet des forces qui le dépasse. Celles-ci agissent d'une
façon négative sur son sort. Dans les récits narratifs, la
victime est un patient qui subit les processus que mènent les
dégradateurs et les frustrateurs. Dans le premier cas, le patient
victime passe d'une situation normale satisfaisante à une situation
anormale insatisfaisante. Dans le deuxième cas, il est maintenu dans un
état de manque et d'insatisfaction par un frustrateur qui
l'empêche de s'élever vers le bonheur, de réaliser d'une
façon appréciable sa destinée.
Ø L'enfant, victime de dégradation
La dégradation est un processus évolutif qui
tend à modifier l'état initial satisfaisant d'un patient en un
état de déficience. Comme le dit Pierre N'DAKqui reprend les
thèses de Denise Paulme :
"Le conte part d'une situation stable ou normale pour
aboutir à une situation
dégradée(1984 :41) ; ceci pourra etre mieux
illustré par la figure suivante :
L'enfant, dans les six (06) contes qui font état de ce
processus de dégradation est victime du jeu des forces. Il se trouve
être, parfois, celui qui met en marche ces forces oppositionnelles et
parfois encore, il est tout simplement la victime accidentelle d'une lutte
entre agents.
Ø L'enfant, éventuel victime d'un
éventuel processus de dégradation
Les évènements narrés ici, annoncent ou
présagent une possibilité de dégradation de la vie du
patient. Mais, si le patient victime se trouve ici dans une phase initiale
encore satisfaisante, il faut noter qu'il y a des situations où
l'état initial est aussi insatisfaisant. Par exemple le cas d'un conte
du type cyclique5(*)intitulé: Tout n'est pas
d'être l'aîné encore faut-il avoir du bon sens! Dans ce
conte, nous sommes en présence d'un père qui a trois fils. Mais,
les évènements que nous narre le récit, nous
révèle que l'aîné de ces trois fils, était si
étourdi que de son vivant, le père fit tout pour le rendre sage,
mais l'entreprise du père interrompue par sa mort, plongea
l'aîné dans une grande pauvreté.
Dans le conte intitulé: Sense pass King, le
chef après avoir tenté une fois de tuer le jeune sense pass
king, organise une course de chevaux où le jeune enfant est
appelé à être participant. Dans le but de le faire tuer par
des mercenaires à l'arrivée, le chef lui donne un cheval blanc
très rapide. Mais, le jeune garçon malin, changer son cheval
avec celui du fils du chef.
Le conte : Trahoré et le mauvais chef, va sur
la même lancée. Trahoré est enfermé dans une case
par le chef et ce dernier, va chercher du feu pour le brûler vif. Mais,
futé et très intelligent, le jeune garçon fait semblant de
manger des kolas lorsqu'il vit les fils du chef passer par là. Ceux-ci
qui veulent également manger ces fruits délicieux ouvrent la
porte au rusé Trahoré qui, les enferme à leur tour.
Le conte : La jeune fille
désobéissantequant à lui, présente une famille
normale. Les parents qui ont de tout temps élevé leurs filles:
Ngo Maliga, Ngo yi et Ngo Lipem, dans le respect des normes de la tribu,
s'aperçoivent que leurs jeunes filles ont déjà atteint
l'âge de l'adolescence. Ceux-ci se donnent alors pour mission essentielle
d'éduquer sexuellement celles-ci, selon les règles et les
traditions propres à ce genre d'éducation. Instruction leur est
donné de ne s'engager dans aucune relation sexuelle avec les jeunes du
même clan encore moin, de se donner au premier venu sans l'autorisation
parentale car, leur disent-ils, cette faute est considérée comme
une ignominie, et elle est punie de la pire des manières par les
ancêtres. Mais un jour vint où, elles furent informées
qu'elles étaient invitées à l'autre rive du fleuve. Quand
on sait que les fêtes sont des occasions aux rencontres les plus
diverses ; pourront-elles respecter les conseils de leurs parents?
Les poussins têtus est un conte
allégorique que nous avons également eu à récolter.
Cette forme particulière de conte est une spécificité de
la littérature orale africaine. En parlant de la société
animale, le conte parle tout simplement de la société humaine. Et
dans le cas présent, ce conte nous présente une mère poule
avec ses poussins: LULU, TITI, KUKU, DUDU et FIFI. Le conte nous informe que
parmi ceux-ci: seuls les deux derniers (DUDU, FIFI) étaient les plus
têtus car, ils n'écoutaient pas les conseils de leur mère.
Cette conseillère et protectrice leur disait toujours de faire
attention au piégeur qui n'est autre que l'aigle car, celui-ci
n'hésite pas à attraper d'éventuels poussins têtus.
Mais, FIFI et DUDU n'en faisaient toujours qu'à leurs têtes.
Dans le conte: La mort tragique de trois frères:
les enfants portent de coutume, dès leur naissance, un nom qui
décrit au mieux, le moindre défaut physique qu'ils portent. C'est
dans ce village où, naquirent Gros- ventre, Petite- bouche et Petites-
jambes. Ces enfants avaient une vie heureuse à l'image de tous les
enfants de leur âge.Mais, un jour, les parents partirent au champ ;
malheureusement, ils ne leur laisserentt rien à manger, alors les
enfants eurent faim et décidèrent de s'engager dans un champ
près de la maison où, se dressait un oranger aux fruits d'un
délice incomparable.
Dans le conte la Malformation, l'interdit de ne se
moquer en aucune des manières d'une personne ayant une malformation de
quelque sorte est rompue par une jeune femme enceinte à l'encontre d'une
jeune fille bossue, qu'elle eut à rencontrer sur son chemin.
Dans ce conte, la jeune femme enceinte va transgresser un
interdit, ce qui sera la cause de la dégradation de sa situation qui, au
début, était stable.
Ø L'enfant, éventuel victime d'un
processus de dégradation en cours
Le processus de dégradation ici prend forme et menace
l'harmonie du patient, qui est dans un état de danger potentiel.
Le père dans: Tout n'est pas d'être
l'aîné, encore faut-il avoir du bon sens !, avait tout fait
de son vivant pour rendre son fils aîné sage. Il revient
mêmeen rêve chez ce dernier et lui convie à une rencontre le
jour suivant dans la forêt. Ce qui fut fait. Le père
décidé de rendre son fils riche, demande aux fantômes de
réaliser ses souhaits. Mais, le fils aîné doit au
préalable apprendre une formule incantatoire que lui enseigne son
père, pour lui permettre d'appeler ces êtres de l'au-delà.
Celui-ci déçoit son père car, il est incapable de retenir
une simple formule même après plusieurs tentatives.
Le jeune Sense pass king dans le conte qui porte son
nom, échange le cheval blanc qu'on lui avait donné avec le cheval
du fils du chef. Celui qui reçoit le cheval ne connaissant pas les
motivations du jeune enfant, fut ravi de cet échange car, il connaissait
la vitesse de course du pur-sang. La course lancée, le fils du chef
s'élance fermement vers l'arrivée ignorant que des mercenaires
avaient été recrutés pour assassiner le chevalier au
cheval blanc.
Trahoré dans Trahoré et le mauvais
chef, le jeune garçon s'enfuit après avoir enfermé
les jeunes garçons dans la cage où, il avait été
enfermé par leur père pour y être brûlé. Ce
dernier revient et entend des voix semblables à celle de ses fils mais,
croyant que c'était encore un subterfuge du jeune Trahoré, met le
feu à la case.
Ngo Maliga, Ngo Yi et Ngo Lipem dans La jeune fille
désobéissante, quelques jours après sont
invitées à une fête au village voisin du leur, sur la rive
opposée du fleuve. Comme le savait les jeunes filles, le fleuve qu'on ne
pouvait traverser deux fois sans se confesser, n'était rien d'autre que
l'antre d'un génie qui veillait au respect scrupuleux des traditions et
des normes de la tribu. Arrivées à la fête, les jeunes
filles furent abordées par quelques jeunes gens, qui furent
éconduits avec désinvolture par Ngo Maliga et Ngo Yi. Mais, la
cadette Ngo Lipem qui fait la sourde oreille aux conseils de ses soeurs,
accompagne les jeunes garçons dans la demi-obscurité.
Dans Les poussins têtus,au CO-KO-CO-KO-KOO de
mère poule, annonciateur d'un éventuel danger: LULU, TITI et KUKU
qui savent l'aigle dans les parages, courrent se cacher sous les ailes
protectrices de leur mère. Mais, DUDU et FIFI qui s'étaient
éloignés comme toujours de leur mère courent
désespérément vers celle-ci.
Parvenu au pied de l'oranger aux fruits délicieux dans
La mort tragique de trois frères, Gros-ventre, après une
dispute avec ses frères, pour la simple raison qu'il faut savoir celui
qui grimper sur l'oranger, décide de grimper avec le désir
secret de manger les fruits à sa guise. Après avoir cueilli les
fruits, le jeune garçon descend de l'arbre. Mais gourmand, il remarque
qu'il a oublié une grosse orange et décide de remonter sur
l'arbre le cueillir malgré la cueillette importante, qu'il avait
déjà faite.
Dans le conte la Malformation, en insultant la bosse
qui était l'infirmité d'une jeune fille, la femme enceinte se
moque d'elle aux éclats. Mais trois mois plus tard, la femme enceinte
mit au monde une fille et constate six mois après sa naissance, une
énorme bosse pestilentielle sur son dos.
Ø Victime effective d'un état
insatisfaisant résultant d'un processus dedégradation
achevé
Le processus prend effet et, plonge le patient victime dans un
état définitivement insatisfaisant.
Le père dans: Tout n'est pas d'être
l'aîné, encore faut-il avoir du bons sens( 23),
fatigué de vouloir faire de son fils un homme, tente malgré tout,
dans une ultime tentative, de lui apprendre la formule incantatoire qui lui
permettra de demander des richesses aux fantômes. Mais, une fois de plus,
celui-ci n'arrive pas à se souvenir de la formule. C'est ainsi
qu'extenués, les fantômes et le défunt père,
abandonnent le jeune garçon, le laissant aussi pauvre qu'il
était.
Les mercenaires dans Sense pass King, tuent le fils
du chef à l'arrivée de la course. C'est avec une colère
sans pareil que, le chef constate que ce n'était pas sense pass king qui
avait été tué, mais son propre fils. Ce dernier fut donc
victime de dégradation.
Dans la même lancée, le chef, dans
Trahoré et le mauvais chef apprend qu'à la place de
trahoré, c'était ses propres fils qu'il avait brûlé.
Ceux-ci et leur père furent donc victimes de dégradation.
Dans La jeune fille désobéissante(24):
après la fête, Ngo Maliga, Ngo yi et Ngo Lipem
décident de rentrer. Mais, comme de coutume, il fallait confesser ses
fautes au génie du fleuve. Ngo Maliga et Ngo yi qui s'étaient
comportées d'une manière admirable traversent sans histoires le
fleuve et rejoignent leurs parents qui étaient venus les attendre. Mais,
Ngo Lipem qui, avait consommé l'acte interdit, elle
ment également au génie du fleuve. Celui-ci engloutit la
jeune fille.
Dans Les poussins têtus, DUDU qui
s'était trop éloigné de sa mère en compagnie de son
frère FIFI, ne peut bénéficier comme ses frères de
la protection de sa mère. L'aigle ne se fit pas prier, il emporta DUDU
qui, trop tard déjà, regrettait de n'avoir pas
écouté les conseils de celle-ci.
Dans La mort tragique de trois frères, l'un
d'euxayant remarqué qu'il avait oublié une grosse orange du haut
de l'oranger, Gros-ventre par gourmandise décide d'aller la cueillir. Il
perd l'équilibre en grimpant et c'est dans sa chute qu'il trouve la
mort. Petite-bouche moqueur se met à se gondoler tant si bien que sa
petite bouche se fendit. Petites-jambes qui s'était aussi mis à
rire du malheur de ses deux frères, se lance dans une course folle pour
porter la nouvelle au village, ces jambes ne purent supporter, il
s'écroula. Ils furent ainsi victimes de la gourmandise et de la
moquerie.
Ainsi, comme nous pouvons le constater, c'est le non respect
de la morale sociale, de la bienséance, de l'éthique qui
mène le héros enfantin à la ruine. Tout se passe comme si
une force mystérieuse agissait comme un principe régulateur des
normes sociales. C'est donc cette force qui plonge l'enfant irrespectueux des
valeurs dans les ténèbres.
Dans la Malformation, la jeune femme ayant
constatée une bosse pestilentielle sur le dos de son jeune enfant,
decide de faire le tour des médecins traditionnels, mais ne trouve
aucune amélioration dans son sort. Allant en dernier ressort consulter
un oracle, elle découvre que cela n'est que la conséquence des
insultes lancées naguère à l'endroit de la jeune fille
bossue. Celle-ci ne peut remédier à la situation, la femme voit
sa vie se dégrader par le sort farouche réservé à
son enfant.
v L'enfant, victime de frustration
Comme nous l'avons vu plus haut, la frustration est un cas
particulier de dégradation, il ne s'agit pas de faire passer un patient
d'une situation de satisfaction à une situation insatisfaisante, mais
d'opposer à un processus d'amélioration qui n'est pas encore
amorcé ou n'a pas encore produit son effet, un contre processus qui vise
à maintenir le patient dans son insatisfaction.
Avant d'entrer dans l'étude proprement dite, il est
utile de dire que de nombreux recits de notre corpus, font état de ce
processus mené pour maintenir l'enfant dans son insatisfaction. Mais
dans certains contes comme: Noana et soeurs, Dylim's children,
L'orpheline et la vieille femme, The orphan boy, Les trois
frères, que nous avons étudiés plus haut, le
processus de frustration entamé par des frustrateurs divers, est
interrompu par des protecteurs. Ceux-ci ne peuvent donc, pas être
étudiés dans ce cadre, parce qu'ils consacrent dans leurs
aboutissement des processus d'une autre sorte que sont les processus
d'amélioration et de protection qui transforment l'enfant (patient) non
plus en victime, mais en bénéficiaire.
Les deux contes que nous allons étudier dans ce cadre
atteignent leur point d'achèvement et se réalisent finalement
dans le cadre d'un processus de frustration achevé.
Ø L'enfant, éventuel victime d'un
probable processus de frustration
Dans ce cadre, ce sont les évènements qui
annoncent un éventuel processus de frustration.
Dans le conte : Tout n'est pas d'être l'ainé,
encore faut-il avoir du bon sens!(23), les évènements qui
nous sont rapportés révèlent qu'un père avait trois
fils. Mais, parmi ces fils, seul l'aîné se révélait
être un problème pour le père. Celui-ci était en
effet si étourdi que son père, en essayant de remplir sa
tâche paternelle, mis tout en oeuvre pour le rendre sage, mais un
événement oppositionnel vient s'opposer au processus
d'amélioration qui était mis en place: la mort du père.
Dans Les poussins têtus: nous avons une
mère poule avec ses cinq poussins: LULU, TITI, KUKU, DUDU et FIFI.
Celle-ci leur conseille de rester toujours sages, de ne pas s'éloigner
d'elle car une éventuelle venue de l'aigle serait surtout fatale pour
FIFI et DUDU qui sont trop têtus.
Ø L'enfant, éventuel victime d'un
processus de frustration en cours.
Ici, des forces oppositionnelles entrent et augurent une lutte
sourde visant à plonger le patient définitivement dans
l'insatisfaction qui s'est déjà amorcée.
Dans Tout n'est pas d'être l'ainé,
encore faut-il avoir du bon sens!, la venue du père défunt,
dans les rêves de l'aîné présage une
éventuelle amélioration du sort de celui-ci, d'autant plus que
lorsque ce dernier arrive au rendez-vous que lui a indiqué son
père dans la forêt, le père lui enseigne une fois de plus
une formule magique qui va lui servir à demander des richesses aux
fantômes. Mais d'un autre côté, l'étourdissement
continuel du fils aîné qui n'arrive pas à retenir la
formule présage lui aussi un autre processus: celui de
l'exaspération des fantômes et du défunt père.
Dans les poussins têtus, l'événement
perturbateur de l'équilibre harmonieux de la mère poule et de ses
poussins est la venue de l'aigle. La mère poule lance son
CO-KO-CO-KO-KOO, pour prévenir ses petits. LULU, TITI et KUKU viennent
se protéger dans les ailes de leur mère. Mais FIFI et DUDU
très têtus se sont comme à l'accoutumée trop
éloignés. Ils courent vers la seule protection que constitue leur
mère sous la menace de l'aigle qui vient vers eux menaçant.
Ø Victime effective d'un processus de
frustration achevé
La frustration ici arrive à son terme, elle s'impose en
acte pour installer définitivement le patient dans les
ténèbres et le désespoir.
Dans Tout n'est pas d'être l'aîné,
encore faut-il avoir du bon sens !, les soupçons se confirment. Le
fils aîné n'arrive pas à retenir la formule magique au
terme d'une ultime tentative. Les fantômes exaspérés s'en
vont, le père aussi. Ceux-ci opposent ainsi au processus
d'amélioration du sort de l'aîné, un contre-processus (le
renoncement) qui maintient ce dernier dans une totale pauvreté.
L'aigle dans Les poussins têtus, capture DUDU
qui courre en compagnie de son frère FIFI vers les ailes protectrices de
mère poule, stoppe ainsi l'amélioration qui était
déjà en cours.
Comme nous le voyons, la frustration intervient ici comme une
sanction qui vient punir ceux qui n'arrivent pas à prendre en main leur
destin. Le patient est ainsi plongé dans la contrition.
Après avoir étudié le rôle et la
perception de l'enfant dans cette partie, nous passerons maintenant à la
prochaine étape, c'est-à-dire l'enfant, sujet de faire. Cette
deuxième partie est étroitement liée à la
première en tant qu'elle ne sera que la résultante des
différentes conclusions que nous aurions eu à ressortir de
l'étude fonctionnelle des contes et des mythes.
III.2. L'ENFANT, SUJET DE FAIRE
(ou agent)
L'agent peut se définir dans le récit comme
toute personne que le récit présente comme menant une tâche
virtuellement conçue, s'engageant activement ou participant à
l'achèvement effectif de celle-ci.
La notion d'agent pour être comprise doit être
scindée en deux : l'agent volontaire et l'agent involontaire.
L'agent volontaire est définie par Bremond
(1973 :176)comme: « Un accomplisseur de
tâche ».
Autrement dit,c'est toute personne qui conçoit un
projet en vue de modifier un état qu'il juge insatisfaisant, passe
à l'acte pour réaliser celui-ci. Ce rôle pour Bremond
est marqué par trois moments: dans un premier moment, il peut
envisager une possibilité de tâche susceptible d'être
assumée; dans le deuxième, il peut décider de passer
à l'acte ou non et finalement, il peut mener cette tâche à
terme, réussissant à réaliser ce projet ou échouer
dans la réalisation de celui-ci parce qu'il ne l'a pas mené
à terme.
L'agent involontaire est celui qui décide
d'entreprendre un acte visant à changer une situation qu'il juge
insatisfaisant d'une manière accidentelle. Cela provient du fait qu'il
ne l'a « ni voulu, ni consenti ». Dans le même ordre
d'idée que dans le rôle d'agent volontaire, le rôle d'agent
involontaire est aussi marqué par trois moments. La seule modification
que nous pouvons apporter est que, son agir est involontaire depuis la
virtualisation jusqu'à la réussite ou l'échec dans
l'accomplissement de la tâche.
A ces rôles, correspondent les rôles
d'améliorateurs et de dégradateurs qui sont les rôles
d'agent modificateur et les rôles de protecteurs et de frustrateurs qui
sont les rôles d'agent conservateur.
III.2.1. L'enfant dans le
rôle d'agent modificateur
Dans le récit, l'agent modificateur est celui-là
qui mène une action pour changer l'état dans lequel se trouve un
patient. Pour cela, il peut être soit un améliorateur en
intervenant favorablement dans le sort du patient ou de lui-même ou,
être un dégradateur en intervenant dans ce cas,
défavorablement dans son propre devenir ou celui du patient.
III.2.1.1.
L'enfant dans le rôle d'améliorateur
L'améliorateur est celui-là qui mène un
processus visant à faire passer un patient ou lui-même, d'un
état insatisfaisant à un état satisfaisant.
Qu'il soit volontaire ou involontaire, ce rôle d'agent
se pose en lutte contre un processus de dégradation ceci dans le but
d'améliorer les conditions insatisfaisantes dans lequel se trouve le
patient.
L'analyse de ce rôle va se scinder en deux parties selon
que l'agent est involontaire ou volontaire. Si le rôle de volontaire va
se dérouler selon un processus bien précis. Celui d'agent
involontaire sera évoqué brièvement, dans la mesure
où son action est non seulement « ni consentie, ni voulue»
mais aussi et surtout elle se révèle être accidentelle.
v L'enfant, agent améliorateur volontaire
Ici, l'action est non seulement voulue et consentie, mais elle
se déroule graduellement au cours d'un processus bien précis qui
s'étale en trois moments essentiels qui sont schématisés
comme suit:
Agent volontaire éventuel (1)
Agent volontaire en acte (2)
Résultats obtenus par l'acte volontaire (3)
Le premier moment consacre celui où l'agent volontaire
voit son action comme une éventualité pour tenter
d'améliorer le sort d'un patient ou de lui-même.
Le deuxième, peut être considéré
comme un passage à l'acte.
Et enfin, le troisième est celui au terme duquel, il
réussit ou il échoue dans son entreprise. Nous avons six contes
qui font état du rôle d'améliorateur volontaire.
Ø Agent améliorateur éventuel
Ici, comme le dit Claude Bremond, ce rôle apparaît
lorsque le récit indique que les conditions sont réunies pour que
l'agent volontaire éventuel décide ou non de passer à
l'acte. Le récit peut alors indiquer qu'il y a l'existence d'un certain
état de démérite et qu'il existe une possibilité de
sanctionner ce fait en passant à l'acte pour améliorer la
situation.
Dans Noana et ses soeurs: la nouvelle belle
mère de Noana profite du fait que son mari ait voyagé pour mettre
ses plans à exécution. Elle réussit par un tas de
stratagèmes à jeter les soeurs aînées dans le puit.
Mais, la benjamine Noana qui a suivi les agissements de la méchante
femme, décide d'améliorer le sort de ses soeurs.
Dans le conte : un jeune enfant sauve humanité,
on présente une population qui vit paisiblement. Un jour, elle se
trouve sous la menace d'un ogre hideux. Ce dernier avale tous ceux qui
s'aventurent dans la forêt, près de sa grotte. C'est ainsi qu'un
nombre considérable d'hommes disparaissent. Mais, pris de pitié,
un jeune enfant décide de se lancer à la rescousse de ses
confrères.
Sense pass king est l'un des rares contes qui fait
partie du cycle des contes de l'enfant prodige et de l'enfant malin de
Pierre Ndak(1984 :75). Il évoque les hauts faits d'un
jeune enfant Sense pass king. Avec ses facultés, il réussit
à prouver au roi qui tente de l'éprouver qu'il est plus
intelligent que lui. Après lui avoir fait perdre la face devant le
conseil des anciens, le roi décide alors de lui faire peur. Lors d'une
course de chevaux qu'il organise et où Sense pass King est
convié, il engage des mercenaires pour le tuer. Mais, le jeune Sense
pass King informé des intentions diaboliques du roi, change son cheval
avec le cheval du fils du roi. C'est ainsi que le fils de ce dernier fut
tué. Sense pass King est forcé, enfermé dans une
boîte en bois et jeté dans la rivière. Mais heureusement
pour lui, il est sauvé par des pécheurs. Il réussit
à améliorer son sort en devenant riche à partir du
commerce de poissons. Mais insatisfait, il décide de revenir dans son
village pour se venger du roi et se faire élire à sa place.
Dans le conte Trahoré et le mauvais chef, un
mauvais chef réussit d'évincer le véritable chef qui
était déjà vieux. Désespéré, il va se
plaindre chez les ancêtres qui lui donnent le pouvoir d'accoucher un fils
car, sa véritable femme était incapable d'accoucher. C'est ainsi
que Trahoré naît de l'ongle du vieux chef afin de le venger.
DansLes trois frères : un homme sentant sa
mort prochaine, donne à ses trois fils en guise d'héritage: trois
fruits. Mais le père avant sa mort leur donne certaines recommandations
: il leur dit qu'après avoir cueilli les fruits, ils doivent
immédiatement rentrer à la maison.Ensuite, ils devrontboucher
tous les trous et c'est après avoir fait tout cela que chacun devait
casser son fruit. L'aîné, pressé, casse son fruit avant
d'arriver à la maison. Celui-ci trompe son cadet qui casse lui aussi le
sien. Mais, le benjamin refuse les conseils de ses aînés qui
veulent lui faire perdre sa fortune au même titre qu'eux. Il
exécute à la lettre les recommandations de son défunt
père et devient riche. Il envoie ses serviteurs à la quête
de ses aînés pour les dresser.
NDODOKWAM, l'enfant maillet, présente
un jeune garçon: Ndodokwam qui est né d'une façon bizarre.
c'est-à-dire qu'il n'a ni bras, ni jambes. Il est aussi biscornu de
part ses agissements car, depuis sa naissance, personne ne mange autour de lui.
Il mange en une fraction de seconde une nourriture préparée pour
toute la famille. Exténués, son père et sa mère
décident de l'abandonner pendant son sommeil. Mais dans leur fuite, les
parents oublient le grattoir avec lequel on gratte le fond de la marmite
à « boule ». La soeur aînée de Ndodokwam est donc
chargée de rentrer, chercher le grattoir. Elle est priée de ne
réveiller en aucun cas le jeune enfant. Mais par oubli, elle ne retient
pas les grelots qui lui servent de cache-sexe et Ndodokwam
réveillé ne peut s'empêcher de demander à sa soeur
de l'amener avec elle vers leurs parents. Parvenu à eux, les parents qui
ne voulaient plus de Ndodokwam l'abandonnent en compagnie de sa soeur. Mais,
Ndodokwam qui a pitié de sa soeur, lui dit de ne pas s'inquiéter
pour son sort.
Ø Agent améliorateur en acte
Comme le dit Bremond(1973 :206)., le rôle d'agent
améliorateur éventuel se mue ici en un rôle d' « agent
entreprenant d'exécuter sa tâche » .C'est dans cette
optique que nous pouvons passer au constat d'échec ou de réussite
ou inventorier les moyens et les actions mis en jeu pour la réalisation
de la tâche.
Dans Noana et ses soeurs, Noana a suivi les
agissements de sa méchante belle-mère qui réussit à
jeter ses soeurs aînées dans un puit. Elle décide d'aller
les sauver. Elle se munit d'un coupe-coupe qu'elle cache sous sa robe et saute
dans le puits. Elle rassure ses soeurs qui se lamentent .Mais, au bout de
quelques encouragements,les filles entreprennent ensemble d'entailler les
parois pour regagner la surface.
Le jeune enfant dans: Un jeune enfant sauve
l'humanité est pris de pitié pour son peuple menacé
d'extermination par l'ogre. Il se munit d'un couteau, du sel et du piment qu'il
cache dans un paquet. Arrivé dans la forêt, il se fait avaler par
l'orge. Dans le ventre du monstre, il retrouve tous les habitants disparus et
commence son entreprise de dépeçage à l'aide de ses armes.
Dans le secret désir de se faire élire chef,
Sense pass King, dans le conte qui porte son nom, va remercier ironiquement le
chef qui voulait le faire périr. Jouant le rôle de
séducteur, le jeune garçon fait tout pour que le roi ait envie
d'être aussi riche qu'il le paraît. Il convaint le roi de se faire
enfermer dans une boîte en bois. Cela fut fait et il fut jeté
dans la rivière. Mais, le chef n'eut pas la même chance que Sense
pass king. Il mourut, et le jeune garçon se proposa comme chef.
Dans le conte : Trahoré et le mauvais chef,
après la déchéance de son père comme chef,
Trahoré se pose en opposant au régime du mauvais chef,et ceci
dans le secret désir de défendre l'honneur perdu de sa famille.
Mais, le chef voulait le faire périr. Après avoir
échappé plusieurs fois à une mort certaine, il
réussit dans une ultime épreuve à se faire libérer
par Dourngonami la femme du chef, d'un tronc d'arbre où il avait
été attaché et abandonné par le mauvais monarque.
Il se déguise ensuite en celle-ci et réussit à tuer
celui-là même qui fit perdre l'honneur à son
père.
Dans Les trois frères, les serviteurs
du benjamin arrêtent les aînés qui s'étaient mis
à lutter. Ils les ramenent auprès de leur petit frère qui,
pris de compassion, leur donne des richesses et des logements.
Dans le conte NDODOKWAM, l'enfant maillet, Ndodokwam
et sa soeur sont abandonnés par leurs parents. Mais, par une suite de
prodiges, le jeune garçon se donne les bras et les jambes et, fait
apparaître un grand village avec de nombreuses richesses devant sa soeur
qui ne peut retenir sa joie.
Ø Résultats obtenus par l'acte
volontaire
Ici, nous faisons le décompte final.
Dans Noana et ses soeurs, la benjamine Noana
qui avait réussi à sauter dans le puit afin de sauver ses soeurs
aînées, réussit dans son entreprise a entaillé la
paroi du puit avec l'aide de sessoeurs. C'est ainsi que Noana améliore
le sort de celles.
Dans Un jeuneenfant sauve l'humanité, le
héros, utilise son couteau et fait une large ouverture dans le ventre de
l'ogre. Il fait sortir tous ceux qui dans le ventre du monstre ont cru en lui.
Le jeune enfant améliore ainsi le sort de l'humanité.
Le conte : Sense pass king quant à lui
présente le jeune Sense pass King, roi au terme d'une élection.
Celui-ci améliore d'une façon considérable son propre sort
et gouvena avec amour et intelligence le pays.
Dans le conte Trahoré et le mauvais chef,
Trahoré défend favorablement l'honneur de son père en
se faisant élire chef à la place du mauvais chef qu'il avait
réussi à tuer. Il épousera même la femme de
Doumgonami et améliorera d'une façon appréciable son sort
et celui de sa famille.
Dans le conte : Les trois frères, le benjamin
en donnant fortunes et logements à ses frères se pose en
améliorateur de leur sort.
Le conte : NDODOKWAM, l'enfant maillet consacre
Ndodokwam améliorateur de son sort et de celui de sa soeur. Grâce
aux prodigieuses fortunes et richesses qu'il avait réussi à faire
apparaître ; il fait passer sa soeur d'une situation insatisfaisante
à une situation enviée et très enviable.
Ici, les améliorateurs font passer les patients ou
eux-mêmes d'une situation de manque à une situation de manque
comblé.
v L'enfant, agent améliorateur involontaire
Ici, l'agent améliore le sort d'un patient d'une
façon inconsciente ou même accidentelle, car son action au
préalable n'avait pas ce but. Nous avons dans ce registre un seul
conte.
DUDU dans Les poussins têtus, en
désobéissant aux conseils de mère poule, s'est
éloigné d'elle et s'est fait prendre par l'aigle. Mais, sa
capture améliore le comportement de son frère FIFI qui,
têtu comme lui, est devenu par ce simple fait obéissant et
décidé surtout à ne jamais se faire prendre par le
méchant aigle. Nous coderons donc le rôle de Dudu : d'agent
améliorateur involontaire du sort de son frère.
L'acte d'amélioration peut donc être inconscient
et involontaire.
v L'enfant, dans le rôle d'agent
dégradateur
Le dégradateur est toute personne qui fait passer un
patient, et parfois sa propre personne, d'une situation satisfaisante à
une situation insatisfaisante. Son action essentiellement modificatrice
contribue à changer un état A en un état non
A. Mais, il faut noter ici, qu'à la différence de
l'améliorateur, son action établit une sorte de malaise
existentielle.
Ø L'enfant, agent dégradateur volontaire
Ici, c'est l'enfant qui est l'initiateur principal, il
contribue ainsi par son agir à enclencher le processus de
dégradation et le mène à terme. Nous avons ici, 5 (cinq)
contes qui font état de ce processus.
Ø Agent dégradateur éventuel
Ici, ce sont les événements du récit qui
annoncent que l'enfant, peut devenir un potentiel agent dégradateur.
Dans Sense pass king, le jeune enfant : Sense pass
King a déjà réussi à s'échapper des
pièges posés par le chef qui a non seulement tenté de le
nuire mais ; également de lui ôter la vie.Ce dernier est
invité par le méchant monarque à une course de chevaux. Le
jour de la course, le jeune enfant reçoit un cheval très rapide.
Très futé, le jeune garçon se méfie.
Dans Trahoré et le mauvais chef, le
mauvais chef est harassé par l'intelligence et la ruse du jeune
Trahoré qui constitue une menace pour son autorité. Après
avoir prié le jeune enfant d'entrer dans une case pour passer les cordes
servant à poser le toît, le méchant monarque referme la
porte derrière lui et décide de le brûler vif. Mais,
lorsqu'il part chercher du feu, le rusé Trahoré feignant de
manger des kolas, invite les jeunes fils du chef, qui voulent également
goutter à ces fruits de venir les partager avec lui dans sa cage.
Dans Frère etSoeur: un garçon et sa
soeur allèrent pêcher. Mais cette pêche particulière,
pouvait durer longtemps. Il fallait non seulement pêcher mais aussi,
sécher les poissons et, cette dernière entreprise pouvait durer
des semaines entières. Mais, quand on sait que ces jeunes adolescents
étaient à la fleur de l'âge, le fait de n'avoir
prévu qu'un seul lit ne pouvait-il pas constituer un risque?
Ngo li Pem et ses soeurs, dans le conte La jeune
fille désobéissante, sont éduquées par
leurs parents selon les lois, les traditions et les interdits de leur tribu.
Elles savent qu'il ne faut en aucun cas avoir des relations sexuelles avec
leurs frères de même sang, ni de s'offrir au premier venu sans le
consentement des parents. Aussi et surtout, elles savent que toute
contrevenance, à ces prescriptions est punie sévèrement
par un génie qui est non seulement, celui qui dicte aux hommes la voix
des ancêtres mais aussi, le garant des traditions. En outre, elles savent
également que, personne ne peut traverser deux fois le fleuve sans se
confesser. Mais, lors d'une fête où elles étaient
conviées, celles-ci font la rencontre des hommes et femmes de toutes
sortes mais aussi, des jeunes et beaux garçons aux malices les plus
subtiles.
Mère poule dans Les poussins têtus,
éduque ses poussins sur tout ce qui peut être susceptible
d'entraîner leur perte. Elle leur conseille de ne pas s'éloigner
d'elle car, l'aigle leur pire ennemi est toujours dans les parages.Il n'attend
qu'une seule occasion pour se déployer sur une éventuelle proie.
Mais, parmi les poussins, seulsles deux derniers, c'est-à-dire DUDU et
FIFI qui sont les plus têtus.
Ø Agent dégradateur en acte
Ici, l'acte de dégradation prend forme, l'agent
entreprend activement de réaliser son voeu.
Le cheval blanc que reçoit Sense pass King dans le
conte Oku qui porte son nom, est très rapide. Mais des mercenaires ont
été recrutés par le roi pour tuer le jeune garçon
qui arrivera sûrement le premier à la ligne . Celui-ci connaissant
les intentions du roi à son égard, échange son cheval
avant le début de la course avec celui du fils de son ennemi.
Dans Trahoré et le mauvais chef, le
jeune garçon suscite l'envie chez les jeunes fils du chef de manger les
kolas, Trahoré les inviteà venir le retrouver dans la case
où, il avait été enfermé pour y être
brûlé. Dès que les enfants furent entrés,
Trahoré s'enfuit après avoir verrouillé la porte
derrière eux. Il les condamna ainsi, à une mort certaine.
Dans Frère et soeur: le garçon
et sa soeur qui étaient partis à la pêche et qui dormaient
ensemble, eurent un enfant. Connaissant les lois qui réprimandent
l'inceste, le jeune couple décide d'abandonner le nouveau-né.
Mais, lorsqu'ils constatent que le produit de leur union (qui les suivait en
chantant leur crime) était capable de révéler la
vérité, ils se chargèrent de le museler,de le tuer et
ensuite de l'enterrer.
Dans La jeune fille désobéissante, Ngo
Yi, Ngo Maliga, les soeurs de Ngo Lipem, refusent les propositions des jeunes
gens qui s'approchaient d'elles pour leur demander leur main. Mais, lorsque ces
derniers abordent Ngo Lipem la cadette, elle accepte leurs avances. Elle refuse
d'écouter ses soeurs qui lui rappelent sans cesse les recommandations
des parents. Mais, après la fête, il fallait non seulement
rentrer, mais aussi et surtout, il fallait se confesser.
FIFI et DUDU dans Les poussins têtus persistent
dans leur entêtement malgré les reproches de mère poule.
Ils s'éloignent pendant que leurs frères LULU, TITI et KUKU
restent toujours près d'elle. Lorsque, mère poule aperçoit
l'aigle, elle fait son CO-KO-CO-KO-KOO annonciateur du danger. Les poussins
LULU, TITI et KUKU courent se cacher sous les ailes protectrices de leur
mère. Mais FiFI et DU DU s'étant trop éloignés, ils
constituaient ainsi une proie facile pour l'aigle.
Ø Résultats obtenus par l'acte
volontaire
Ici, l'action entreprise d'une façon active, par
l'agent, produit le résultat auquel il aura contribué d'une
certaine façon.
DansSense pass King,le jeune garçonarrive le
premier au terme de la course, le fils du roi est tué par les
mercenaires à la place de Sense pass King. Le roi ne peut retenir sa
colère. Mais, n'ayant rien fait pour empêcher la mort du jeune
prince, Sense pas King se pose ainsi en dégradateur volontaire car, il
laisse le fils du chef se faire tuer, réalisant ainsi le sort qui lui
était destiné.
Dans Trahoré et le mauvais chef,
Trahoré se sert de la ruse pour enfermer les enfants du chef dans
la case afin que ceux-ci soient brûlés à sa place, et il ne
fait rien pour les sauver. Au contraire, il les condamne à une mort
brutale pour se venger de leur père. Nous coderons son rôle
d'agent dégradateur entreprenant de neutraliser une obstruction par la
mort d'un patient qui décide de porter par cet acte, un coup fatal
à son ennemi.
Dans Frère et soeur, le garçon
et sa soeur se sont donnés une peine inutile: l'enfant qu'ils avaient
muselé, tué et enterré n'était pas mort. Il se
chargea d'annoncer la triste et odieuse nouvelle qui, à présent,
circulait de bouche à oreille. Le frère et la soeur
échouent dans leur mission de dissimuler la vérité.
Connaissant les lois de la société traditionnelle
réprimant l'inceste, les deux jeunes enfants seront certainement punis
et soumis à une vindicte populaire.
Dans La jeunefille désobéissante;
arrivées devant le génie du fleuve, Ngo Yi et Ngo Maliga qui
elles n'ont rien fait de répréhensible, retrouvent leurs parents
après la confession. Mais Ngo Lipem quant à elle, avait commis
l'acte interdit, et de plus, mentit au génie du fleuve qui l'emporta.
C'est ainsi que Ngo Lipem fut en quelque sorte dégradatrice de son
propre sort.
La désobéissance dans Les poussins
têtus de DUDU causa sa perte. Le jeune poussin fut emporté
par l'aigle. Nous dirons ici, qu'il fut sans contexte, l'artisan principal de
sa propre mort.Nous coderons son rôle ici comme agent dégradateur
volontaire de son propre sort.
Comme nous venons de le voir, l'enfant est quelque fois
celui-là même qui provoque sa propre déchéance,
parfois aussi, il se pose en dégradateur pour se venger de ses
ennemis.
III.2.2. L'enfant dans le
rôle d'agent conservateur
L'agent conservateur est celui-là qui maintient la
situation initiale du patient. C'est dans ce sens qu'il oppose aux processus
qui ne sont pas encore amorcés ou n'ont pas encore produit leurs effets
des contre-processus visant à protéger ou à frustrer le
patient. Autrement dit, l'enfant qui est ici agent, mène ces processus
pour maintenir une situation précise. Ces rôles conservateurs
sont: le rôle de protecteur et celui de frustrateur.
III.2.2.1. L'enfant dans le
rôle d'agent protecteur
Dans ce rôle, l'agent tend à maintenir le patient
menacé d'une dégradation de son sort dans l'état de
satisfaction où il se trouve. Nos pouvons noter que, cet agent peut
être protecteur du sort d'autrui ou parfois, de son propre sort.
v L'enfant, agent protecteur volontaire
Ici, c'est l'enfant qui entreprend
délibérément et volontairement ce processus. Dans ce
rôle, nous avons quatre contes de notre corpus qui le decrivent de
manière explicite.
Ø Agent protecteur éventuel
Ici, les informations que reçoivent l'agent sur un
état de démérite, d'injustice ou d'un processus de
dégradation (mené à l'encontre du patient) qui n'est pas
encore amorcé ou est en cours peuvent l'amener éventuellement
à se muer en agent protecteur.
Le conte : les cadets d'lDIRIWONG fait
partie du cycle des contes « des enfants jumeaux »
de Pierre NDAK.Ce conte présente une mère avec ses
jumeaux: Bidias et Igom. Ceux-ci après avoir grandi, demandent à
leur mère, s'ils n'avaient pas d'aîné à qui rendre
visite. Informés de ce qu'ils avaient effectivement une soeur
aînée nommée Idiriwong qui était allée en
mariage au pays des cannibales quelques années auparavant, ils
décident d'aller la secourir.
Dans Trahoré et le mauvais chef, le
mauvais chef, monte un plan pour déposséder les habitants
propriétaires d'un troupeau de boeufs de leurs avoirs. Il leur ordonne
de se livrer à une course au terme de laquelle, le gagnant remportera
tous les troupeaux du village. Mais, le père de Trahoré qui a
été affecté par sa déchéance, est trop vieux
et peut à peine marcher.Cependant, il ne souhaite pas perdre les seuls
biens qui lui restent, c'est ainsi qu'il se lamente auprès de son fils
Trahoré qui sèche ses larmes.
Dans Sense pass King, le chef qui a connu un affront
devant le conseil des anciens face au jeune enfant Sense pass King,
décide de le faire périr. C'est ainsi qu'il creuse dans sa maison
un trou dans lequel le jeune enfant serait enterré ; trou auquel il
couvre avec une belle natte. Afin de mettre son plan à
exécution, le roi décide de l'inviter chez lui, mais ce que ce
dernier ignorait, c'est que son plan allait être dévoilé au
jeune Sense pass King.
Du temps où, dans un jeuneenfant sauve
l'humanité, l'existence des hommes était paisible. Ceux-ci
décident de venir s'établir près d'une forêt
mystérieuse sans bruit et sans animaux. Cette forêt constituait un
problème car,chaque fois qu'un homme s'y aventurait, un monstre avait
tôt fait de l'avaler. Aussi, lorsqu'un jour,un jeune enfant constate que
le nombre des hommes diminuait considérablement, il eut pitié de
son peuple et décide de les venir en aide.
Ø Agent protecteur en acte
Ici, l'agent protecteur qui était jusqu'alors
« éventuel» décide de passer à l'acte
pour réaliser la mission qu'il s'est fixée.
Dans le conte, les cadets d'IDIRIWONG, Bidias et Igom
décident de voler au secours de leur soeur IDIRIWONG mariée au
pays des cannibales. Après avoir pris les provisions que leur
mère leur avait préparées, ils s'envolent munis d'ailes
d'oiseaux qu'ils ont au préalable tués. Arrivés au pays
des cannibales, ils retrouvent leur soeur aînée qui leur
révéle qu'elle finirait par être mangée tôt ou
tard. Pour éviter cette éventualité, ils profitent de ce
que le mari soit sorti, pour rassembler les objets de celle-ci. Ses
frères lui confectionnèrent des ailes puis ils
s'envolèrent ensemble avec leur soeur pour retrouver leur mère
qui était restée seule à la maison.
Dans Trahoré et le mauvais chef, pour
protéger le troupeau de boeufs de son père qui ne peut plus
compétir à cause de sa vieillesse, Trahoré décide
de courir à sa place. Après avoir rassemblé le troupeau,
le jeune Trahoré monte sur l'un des boeufs du troupeau puis, souffle
dans une flûte ; ce qui poussent les boeufs à se mettent
dans une course folle. Le mauvais chef qui était sûr d'être
le gagnant fut désagréablement surpris de trouver le jeune enfant
Trahoré seul, à la ligne d'arrivée.
Dans Sense pass King, le jeune Sense pass King honore
le rendez-vous que lui avait fixé le chef chez lui. Il fut reçu
royalement par celui-ci. Mais, lorsque le jeune garçon s'assit sur la
natte que son hôte lui avait désignée afin de discuter
après le repas, il tomba dans le trou qui fut immédiatement
recouvert. Mais, ce que le chef ignorait, c'est que, le jeune Sense pass King
avait été informé de son plan bien avant qu'il prenne
acte. Ainsi, il s'était chargé de creuser un tunnel qu'il avait
connecté au trou creusé. C'est ainsi que le jeune Sense pass King
se sauvera des griffes du chef.
Dans un jeune enfant sauve l'humanité, muni
d'un paquet où il avait pris un couteau, du sel et du piment, le jeune
enfant s'engagea dans la forêt, décidé de ce
faitd'éliminer l'orgue qui menaçe l'humanité de
disparition. Arrivé dans la forêt, il provoque l'orgre et se fait
avaler par celui-ci. Dans le ventre du monstre, il retrouveà sa grande
joie tous les hommes disparus. Sans attendre, il entreprend de faire le
dépeçage du ventre de l'orgue afin de sauver tous ceux qui
avaient mis leur confiance en lui.
Ø Résultats obtenus par l'acte
volontaire
Ici il y a achèvement de l'acte de protection et
succès de l'agent initiateur de ce processus de protection.
Dans Les cadets d'Idiiriwong, Igom et Bidas
réussissent dans leur mission à ramener leur soeur
aînée ldiriwong à la case maternelle. Ils
réussissent ainsi à la protéger d'une mort certaine.
Dans Trahoré et le mauvais chef,
Trahoré en gagnant la course réussit à protéger non
seulement les troupeaux de boeufs de son père, mais en recevant du chef
tous les autres troupeaux en guise de récompense, il réussit
même à accroître leur nombre.
Le jeune Sense pass King en creusant un tunnel qu'il connecte
au trou que le roi avait creusé pour le faire enterrer, réussit
à protéger sa propre vie. Une fois de plus, l'intelligence
extraordinaire du jeune garçon dans le conte Sense pass king lui permit
de vaincre la cruauté du mauvais roi.
Dans Un jeune enfant sauve l'humanité, le
jeune enfant en réussissant à libérer les hommes qui
avaient cru en lui dans le ventre du monstre, réussit aussi à
protéger leur vie car, ils étaient condamnés à une
mort certaine.
v L'enfant, agent protecteur involontaire
Ici, l'action engagée par l'agent n'est ni voulue, ni
consentie.C'est au terme de son action que le rôle de protection
involontaire se confirme. Dans notre corpus de contes nous avons 1 (un) seul
qui fait état de ce rôle.
Dans le conte: kaye et Gollo, le jeune
garçon Gollo qui a entrepris au préalable de retrouver le lion
qui a mangé sa soeur Kaye afin de la protéger d'une mort
certaine, retrouve l'animal avec l'aide du devin. Obligé par tous les
animaux y compris le jeune Gollo de vomir Kaye, le lion sortit de son ventre
deux jeunes enfants ainsi que Kaye. C'est ainsi qu'involontairement Gollo
protégea la vie de deux jeunes enfants.
v L'enfant dans le rôle d'agent frustrateur
Ici, comme le dit Claude Bremond, l'agent tend
à maintenir le patient susceptible de bénéficier d'une
amélioration de sa condition de vie dans l'état relativement
déficient où il se trouve. Ici aussi, notons-le, l'agent peut
être frustrateur du sort d'autrui ou même parfois de son propre
sort.
v L'enfant, agent frustrateur volontaire
Dans notre corpus, nous avons quatre contes qui font
état de ce processus.
Ø Agent frustrateur éventuel
A cette étape, l'action est envisagée comme une
possibilité. Mais, les conditions qui peuvent motiver l'agent
frustrateur à agir dans la voie qu'il a choisie sont déjà
réunies.
Dans le conte Frère et soeur, un
jeune garçon et sa soeur se livrent à une relation incestueuse
alors qu'ils étaient partis pourune partie de pêche. A la suite de
cette relation, la soeur conçoit et accouche. Au moment de rentrer au
village les jeunes gens, ne voulent pas qu'on découvre le
résultat de cet acte réprimé
sévèrement.Alors ils décident d'abandonner le nouveau
né dans la foêt. Mais chemin faisant, ils s'aperçoivent
que le bébé les suivait en entonnant une chanson dévoilant
leur acte.
Dans le conte : Les trois frères, trois
enfants reçoivent de leur père mourant chacun un fruit en guise
d'héritage. Instruction leur est donnée, d'aller chacun casser le
fruit dans la maison paternelle et ceci après avoir fermé tous
les trous de la maison. Mais, l'aîné s'étant
précipité, casse son fruit dans la forêt avant même
d'arriver à la maison. Il trompe ensuite le cadet qui casse aussi le
sien. C'est ainsi qu'ils perdirent leurs richesses. Voyant que le benjamin
allait casser son fruit à la maison, ils eurent l'idée de le
tromper également.
Le jeune enfant dans Un jeune enfant sauve
l'humanité, est décidé d'aller à la rescousse
des hommes qui étaient menacés de disparition par un orgre. Muni
d'un couteau, du sel et du piment qu'il avait mis dans un paquet, il
déchire le ventre de l'orgue. Arrivée à l'antre du
monstre, il le provoque et se fait avaler par celui-ci. Dans le ventre du
monstre, il retrouve tous les hommes disparus et leur demande, s'ils ont
confiance en lui. Tous avaient effectivement confiance en lui à
l'exception d'un, c'est-à-dire celui qui n'avait jamais cru qu'en
lui-même.
Dans le conte NDODOKWAM, l'enfant maillet: le jeune
Ndodokwam et sa soeur qui ont été abandonnés jàdis
par leurs parents sont devenus, à cause des prodiges faits par
Ndodokwam, riches et propriétaires non seulement d'un village entier,
mais aussi de boeufs, de chèvres, des greniers pleins à craquer.
Ils vivaient dans l'opulence et la tranquillité lorsque leur mère
qui avait appris qu'ils étaient riches, décide enfin de venir les
voir.
Ø Agent frustrateur en acte
Ici, l'agent qui n'était qu'éventuel se mue en
agent entreprenant d'exécuter sa tâche frustratrice.
Dans Frère etsoeur, le garçon et sa
soeur, voyant que le nouveau-né s'était mis à les suivre
en entonnant une chanson qui décrivait leur acte,ils lui
sautèrent dessus, le muselèrent, le tuèrent et ensuite
l'entèrent. Mais, ils ne crurent pas leurs yeux lorsqu'ils le
virentà l'entrée du village décidé de
dévoiler le secret que les jeunes enfants se donnaient tant de mal
à cacher.
Dans les Trois frères: Ayant perdu leur
fortune pour avoir désobéi aux conseils de leur père, les
frères aînés du benjamin, s'étaient
décidésà tromper ce dernier afin qu'il soit, lui aussi,
dépossédé de sa part de fortune. Ils firent tout pour le
convaincre de casser son fruit, mais le benjamin était intransigeant et
ferme, il entendait exécuter à la lettre les recommandations du
père.
Dans NDODOKWAM, l'enfant maillet, la mère des
deux enfants vient à leur rencontre. Mais, elle est froidement
accueillie par Ndodokwam.Son fils lui reprochait de les avoir abandonnés
quelques temps plutôt. Il la chasse de chez lui après lui avoir
offert quelques cuisses de boeuf. Puis, il répand des substances
magiques pour que, ni son père ni sa mère, ne puisse retrouver le
chemin qui conduit vers la demeure si jamais ils avaient l'intention de
revenir.
Dans Un jeune enfant sauve l'humanité: le
jeune enfant, dans le ventre de l'orgue reçoit la confiance de tous les
hommes qu'il trouve à l'exception d'un seul : l'homme qui n'avait
jamais cru qu'en lui même. Il entreprend de faire une large ouverture sur
le flanc du monstre avec son couteau, c'est ainsi qu'il fait sortir tout le
monde à l'exception d'un. Il referma aussitôt l'ouverture
après y avoir appliqué du sel et du piment.
Ø Résultats obtenus par l'acte
volontaire
Ici, nous voyons les résultats de l'action de l'enfant
frustrateur en termes d'échec ou de réussite.
Dans le conte Frère et soeur, le garçon
et sa soeur échouent dans leur entreprise de frustration du
nouveau-né. Ils échouent dans leur mission de cacher la
vérité sur leur acte incestueux. L'enfant qu'ils avaient mis au
monde, qu'ils avaient ensuite muselé, tué et enterré
s'était chargé de tout révéler au village.
Les deux frères aînés, dans Les trois
frères échouent dans leur voeu de déposséder
leur benjamin de sa part de fortune laissée par leur père.
Celui-ci devient très riche et respecté.
Dans NDODOKWAM, l'enfant maillet, ne sachant pas que
leur fils Ndodokwam avait répandu les substances magiques pour qu'ils ne
retrouvent pas le chemin qui conduisait chez lui, les parents de ce dernier se
perdirent dans la brousse. C'est ainsi qu'à la méchanceté
de ses parents, Ndodokwam y opposa la frustration.
Dans Un jeune enfant sauve l'humanité,
à cause de son orgueil, l'homme qui n'avait jamais cru qu'en
lui-même, au lieu d'être sauvé comme tous les autres hommes,
fut abandonné par le jeune enfant. Celui-ci opposa à l'orgueil de
cet homme la frustration qui entraîna sa mort dans le ventre de l'orgue.
L'orgueil et la méchanceté sont souvent punis
avec sévérité. Aussi, lorsque l'action frustrative va
à l'encontre des normes sociales comme dans le conte Frère et
soeur, les contrevenants doivent s'attendre eux aussi à une
punition sévère.
v L'enfant, agent frustrateur involontaire
Dans ce registre, l'agent mène une action qui a un but
autre que le résultat final de son acte. Ce résultat n'est par
conséquent ni voulu, ni consenti. Nous avons dans notre corpus un seul
conte qui fait état de ce processus.
Dans le conte Tout n'est pas d'être
aîné, encore faut-il avoir du bon sens !
Dansce conte,l'aîné qui était resté
pauvre depuis la mort de son père est convié (dans les
rêves) à un rendez-vous dans la forêt. Le père
entreprend de demander des richesses aux fantômes pour améliorer
les conditions de vie de son enfant. D'abord, il lui apprend une formule
incantatoire pour appeler les êtres mystérieux. Mais, celui-ci,
étourdi, ne peut retenir la formule, même après plusieurs
tentatives. Dans une ultime tentative, le père et les fantômes
fatigués et exaspérés disparaissent et laissent le fils
aîné aussi pauvre qu'il était. Nous coderons donc son
rôle de frustrateur involontaire de soi-même et d'autrui (car il
frustre son père) en entreprenant une tâche d'amélioration
de son propre sort.
Tableaux representatifs des différentes
fonctions de l'enfant
Tableau N° 1 : L'enfant, sujet
d'état (ou patient)
Contes
|
Bénéficiaires
|
Victime
|
Amélioration
|
Protection
|
Dégradation
|
Frustration
|
Tout n'est pas d'être l'aîné, encore
faut-il avoir du bon sens.
|
|
|
Le fils aîné
|
Le fils aîné
|
L'orpheline et la vieille femme
|
La jeune orpheline
|
|
|
|
Un jeune enfant
sauve l'humanité
|
|
|
|
|
Frère et soeur
|
|
|
|
|
L'union fait la force
|
Les fils de kouma
|
Les fils de kouma
|
|
|
La jeune fille désobéissante
|
|
|
Ngo Lipem
|
|
Les trois frères
|
Le benjamin et ses frères aînés
|
|
|
|
Les cadets d'idiviwong
|
|
|
|
|
Noana et ses soeurs
|
Noana et ses soeurs
|
Noana et
ses soeurs
|
|
|
Les poussins têtus
|
|
|
Dudu
|
Dudu
|
The orphan Boy
|
Le jeune orphelin
|
Le jeune orphelin
|
|
|
Sense Pass king
|
|
|
Le fils du chef
|
|
Dylin's children
|
Les enfants de dylim
|
|
|
|
La mort tragique
des trois frères
|
|
|
Gros ventre
Petites-jambes
Petite bouche
|
|
Ndodokwan, l'enfant maillet
|
La soeur de Ndodokwan
|
|
|
|
Kayeet Gollo
|
Kaye
|
Kaye
|
|
|
Les mauvais génies du champ de Mil
|
La fille du paysan
|
|
|
|
Le mauvais frère
|
La soeur du mauvais frère
|
|
|
|
Trahoré et le mauvais chef
|
|
|
Les jeunes fils du chef
|
|
Tableau N°2 : L'enfant, sujet de
faire (ou agent)
Contes
|
Agent modificateur
|
Agent conservateur
|
Améliorateur
|
Dégradateur
|
Protecteur
|
Frustrateur
|
Volontaire
|
Involontaire
|
Volontaire
|
involontaire
|
Volontaire
|
involontaire
|
volontaire
|
involontaire
|
Tout n'est pas d'être l'aîné encore faut-il
avoir du bon sens
|
|
|
|
Le fils aîné
|
|
|
|
Le fils aîné
|
L'orpheline et la
vieille femme
|
|
|
|
|
|
|
|
Un jeune enfant
sauve humanité
|
Le jeune enfant
|
|
|
|
Le jeune enfant
|
|
Le jeune enfant
|
enfant
|
Frère et soeur
|
|
|
Le garçon
et sa soeur
|
|
|
|
Le garçon et
et sa soeur
|
|
L'union fait la force
|
|
|
|
|
|
|
|
|
La Jeune fille désobéissante
|
|
|
Ngo Lipem
|
|
|
|
|
|
L. trois frères
|
Le benjamin
|
|
|
|
|
|
Les deux frères aînés
|
|
Las cadets
d'ldiviwong
|
|
|
|
|
Bidias et igom
|
|
|
|
Noana et ses
soeurs
|
Noana
|
|
|
|
|
|
|
|
Les
poussins têtus
|
|
Dudu
|
Dudu
|
|
|
|
|
|
The orphan Boy
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Sens Pass king
|
Sense Pass king
|
|
Sense Pass king
|
|
Sense pass king
|
|
|
|
Dylin's children
|
|
|
|
|
|
|
|
|
La mort tragique des trois frères
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ndodokwan,
L'enfant maillet
|
Ndodokwan
|
|
|
|
|
|
Ndodokwan
|
|
Kayeet Goilo
|
|
|
|
|
|
Gollo
|
|
|
Les Génis du champ da Milmauvais
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Le mauvais frère
|
|
|
|
|
|
|
|
Trahoré et lemauvais chef
|
Trahoré
|
|
Trahoré
|
|
Trahoré
|
|
|
CONCLUSION PARTIELLE
L'application de la théorie structuraliste de
Claude Bremond, nous a permis de ressortir à travers notre
corpus des contes et des mythes, les interrelations de rôles entre les
personnages au cours de l'action narrative. Dans une large mesure, elle nous a
présenté dans un cadre purement humain, l'action de l'homme pris
dans notre perspective traditionnelle. Celle-ci peut permettre, comme nous le
verrons, l'engendrement d'une multiplicité de sens. Et dans cette
perspective, nous dirons que le conte et le mythe sont l'expression de la
culture traditionnelle, leurs études par extension nous a plongés
au coeur des sociétés camerounaises traditionnelles prises dans
leur manifestation les plus simples et les plus ordinaires. A travers
l'étude que nous avions faite, c'est la vie sociale des populations du
Sud -ouest qui nous a donné une vision à la fois
éclatée et cohérente de ce qui pourrait être leurs
attentes, leurs aspirations et surtout leurs conceptions sur ce qui constitue
la personne même de l'enfant.
Il ressort de notre analyse générale qu'un
même personnage peut jouer plusieurs rôles selon les
événements que raconte le récit. De plus, une brève
observation des tableaux représentatifs des différentes
fonctions de l'enfant6(*),
nous montre que l'action décrite par les récits se
résume en une suite de personnages qui sont soit patients, soit
agents.
Lorsque nous essayons de faire une analyse profonde de
l'apparition du personnage de l'enfant dans chacun des rôles de patient
et d'agent, nous sommes frappés par une sorte de dichotomisation : un
même personnage pouvant jouer plusieurs rôles. Plus loin, un
même récit pouvant se ranger dans une catégorie comme dans
une autre.
Même si notre analyse fait abstraction de cette
dichotomisation pour ne pas compliquer les démonstrations, il est
important de dire que dans notre corpus, il existe sept (7) contes où
l'enfant joue exclusivement le rôle de patient, trois (3) contes
où il joue exclusivement le rôle d'agent et, dans neuf (9) autres
contes, il joue tant dans l'un que dans l'autre ces deux rôles.
Partant du fait que cette alternance tant dans l'un que
l'autre de ces rôles (patient, agent) a une signification précise
que nous allons dégager, nous n'allons pas en tenir compte à
l'intérieur de chacun de ces rôles où les alternances sont
encore beaucoup plus présentes.
Dans le cas de l'enfant dans le rôle de patient et
principalement de l'enfant dans le rôle de bénéficiaire,
une observation brève et rapide nous montre que nous avons dans notre
corpus, dix (10) contes qui décrivent ce rôle. Et, l'analyse nous
a montré que ceux qui maltraitent les enfants, subissent toujours un
châtiment exemplaire: c'est le cas des méchantes femmes dans les
contes Noana et ses soeurs et l'orpheline et la
vieille femme.
Toujours dans ce rôle de bénéficiaire,
nous avons remarqué que les parents peuvent parfois être des
obstacles au bonheur de leurs enfants.Le cas des parents de Ndodokwam et de sa
soeur ou encore du père du jeune orphelin dans The orphan boy,
en sont des cas illustrateurs.
Mais, heureusement comme ce l'était pour la plupart
des cas, certains êtres de l'au-delà comme les mères
défuntes à l'image de la mère défunte du jeune
orphelin dans The orphan boy ou encore celle de Noana et de ses soeurs
dans Noana et ses soeurs, viennent s'opposer aux forces qui
visent à dégrader le sort déjà pas enviable de
leurs enfants. A celles-ci, viennent s'ajouter le rôle positif des
pères qui font tout pour assurer une bonne éducation à
leurs enfants, c'est par exemple le cas de Kouma dans l'union fait la force
ou du père dans le conte les trois frères.
Dans les autres contes où l'enfant est une victime
effective et achevée des processus de dégradation et de
frustration, plusieurs conclusions peuvent être observée d'une
façon prononcée. Dans ces contes, la remarque importante est que:
ce sont les enfants eux-mêmes, par leur désobéissance ou
part leur non respect des morales ou prescriptions sociales qui deviennent
victimes des processus de dégradation ou de frustration qu'ils ont
eux-mêmes enclenchés. Et dans ce dernier cas, l'exemple de Dudu
dans les poussins têtus ou de Ngo Lipem dans la jeune
fille désobéissante vient nous rappeler, combien il
est important d'écouter les conseils des parents.
D'un autre côté, la remarque que nous avons aussi
faite dans ce rôle de victime est la suivante: la faute des parents
retombe toujours sur leurs enfants. Et dans ce cas, la mort du fils du chef
dans le conte Sense pass King ou encore celle des jeunes du chef dans
Trahoré et le mauvais chef, montre surtout aux parents
combien ils doivent faire attention aux conséquences de leurs actes.
Après avoir analysé les fonctions de l'enfant,
nous passons maintenant à l'autre étape de notre travail à
savoir l'analyse mytho-critique. Il faut noter que cette analyse
également va en droite linge avec l'être même de l'enfant.
Nous allons démontrer en quoi est ce que le mythe à travers une
analyse ressort le rôle de l'enfant et les différentes
leçons qu'il en tire.
Chapitre IV : ANALYSE CRITIQUE DES MYTHES DE NOTRE
CORPUS
L'analyse mytho-critique est une approche qui fait de
l'oeuvre un objet en relation avec le mythe. La question que l'on pourrait
cependant se poser est celle de savoir qu'est-ce qu'un mythe ? A quoi
sert- il, quel est son apport dans l'éducation de l'enfant ? Dans
cette partie de notre travail, nous allons dans une première phase
donner les différentes acceptions de la notion du mythe, nous
procéderons ensuite à l'analyse de nos mythes en nous appuyant
sur l'approche mytho-critique. Nous évoquerons également tour
à tour dans nos sous- parties ce que nous entendons par environnement
mythique, ce qui nous conduira à soulever le volet qui parle de la
typologie des contes et des mythes éducatifs.
IV.1. CONCEPTION GENERALE DU
MYTHE
Dès que l'intelligence humaine s'interroge sur son
propre devenir, sa raison d'être, le sens ou le non-sens de la vie et du
destin, de l'univers, le problème essentiel dont procéderont
toutes les données de base, toutes les convictions, ou tous les grands
édifices de la pensée religieuse, métaphysique, ou
dialectique,de la connaissance,le sujet devient immédiatement tabou.
De même, dès que l'intelligence pose la question
sur l'explication du formidable processus cosmique initial, du
phénomène premier, de l'étincelle divine ou
mécanique, intentionnelle ouFortuite, Verbe sacré ou accident
nucléaire ayant amorcé l'oeuvre de création, suscitant
dans le néant ou le chaos des origines l'apparition du temps, de
l'espace, de la causalité, provoquant le passage du non-manifesté
au manifesté, produisant une chaîne ininterrompue de
réactions chimiques, de la plus simple vibration et de la plus
grossière molécule jusqu'aux formes les plus subtiles et
sophistiquées de la réalité consciente, n'aller pas
chercher trop loin, il faut toujours s'attendre que l'on parle de la notion du
mythe.
De manière générale, le mythe
apparaît comme l'élément fondamental de la
littérature sacrée, ésotérique et profonde. Il joue
le même rôle, dans la civilisation orale, que le dogme des
religions liées à l'écriture. Cette manière de
penser, loin d'exclure la raison, se contente seulement de la dépasser,
ou plutôt d'en éprouver l'insuffisance, car le mythe se fait
connaissance existentielle ; « celle de la participation de l'homme et
de son groupe au cosmos, de l'envahissement des gens dans les choses, les
végétaux, les animaux ; des sujets par des objets, celle du
sentiment de l'identité entre le vivant et le monde » R.
BASTIDE.
Cependant, nous avons constaté durant nos
enquêtes sur le terrain que, les mythes ne sont pas restés
à l'état statique. Le mythe, comme tout phénomène
social, vit, évolue tout en se transformant, disparaît et
réapparaît à des moments précis de l'histoire d'une
communauté donnée. De nos jours, les mythes anciens ont perdu
leur signification originelle pour épouser les nouvelles
réalités socio-économiques de la société.
Alors, la question qui nous vient à l'esprit est celle
de savoir comment la notion de mythe est-elle perçue et vécue
aujourd'hui dans les nouvelles sociétés post-coloniales
africaines en général et dans la société
camerounaise en particulier?
J. Girard, dans son ouvrage intitulé Dynamique de
la société ouobé: loi des masqueset coutume
apporte un début de réponse à cette interrogation. Il
explique que, pour la grande majorité de la population
Ouobé-guéré actuelle, la vie journalière se calque
étroitement sur l'événement mythique primordial
situé non pas dans la nuit des temps, mais dans un passé si
proche qu'il imprègne le présent et le conditionne.
Ainsi donc, si le mythe demeure et continue
d'être perçu comme tel, sa forme se modifie. Les
événements nouveaux sont repensés,
réinterprétés de façon à s'insérer
dans l'explication cosmogonique traditionnelle.
À l'usage, différentes versions du même
événement apparaissent, coexistent et sont simultanément
considérées comme exactes. Peu à peu, le modèle
archaïque tombe dans l'oubli car, il ne coïncide plus avec les
connaissances présentes. Retrouver le mythe à l'état pur,
nous paraît impossible. Il en va ainsi chez les ouobé.
J. Girard voudrait tout simplement souligner dans
son analyse que les mythes peuvent se vider de leur contenu spirituel avec les
multiples transformations de la société. Cela est d'autant plus
vrai que la plupart des sociétés africaines ont connu l'influence
de la culture occidentale à travers la colonisation. Par exemple,
l'avènement du christianisme et de l'islam en Afrique s'est
matérialisé par le bouleversement des croyances animistes qui
constituaient les ressorts de l'organisation sociale de cette partie du monde.
La «Grande Royale» rend compte de ce choc culturel entre l'Occident
et l'Afrique dans l'aventure ambigüe de Check Hamidou Kane.
Maintenant, regardons les différentes acceptions du vocable mythe.
Ø La définition du terme mythe selon
l'homme de la rue
L'homme de la rue considère le mythe comme une
« fiction », une « invention », une
« fable », mieux encore une
« illusion ». On constate alors que le vocable
« mythe » a donc été progressivement
vidé de sa valeur sémantique, cette valeur qui est à la
fois religieuse et métaphysique. Il dénote aujourd'hui tout ce
dont on doute l'existence, ou alors tout ce qui ne peut réellement
exister. C'est pour cette raison qu'il est généralement
opposé à la « réalité ». A
titre d'exemple : « le contrôle exécutif au
Cameroun : mythe ou réalité ?».
De nos jours, le mythe est pris dans le sens du
symbole : Thomas Sankara à titre d'exemple est
considéré comme un mythe parce qu'il incarnait les aspirations
des peuples africains. Cette nouvelle valeur sémantique attribuée
au concept « mythe » rend son emploi dans le langage
courant assez équivoque. Il importe donc de restituer au vocable
« mythe » son sens profond et originel. Comme nous pouvons
le constater, chacun a sur le mot mythe des opinions et chacun tire des
conclusions. A l'évidence, il faut admettre qu'il ya bien un
faussé entre la définition traditionnelle du mythe et celle que
nous avons aujourd'hui.Nous allons dans un premier temps dégager les
differentes difinitions des uns et des autres sur le concept de mythe.
Ø La définition du mythe de
manière générale
Dans un sens général, le mythe peut se
définir comme un récit dont le genre littéraire fait dans
le registre de l'imaginaire et donc l'origine est sociale et humaine ; son
auteur n'est généralement pas connu, ayant été
dilué par la conscience populaire qui en a fait un objet de croyance et
de mystification. Le mythe dans ce sens fonctionnerait donc comme une
religion.
Ø La définition du mythe selon les
linguistes
En ce qui concerne Rolland Barthes dans sa définition
du mythe, à la question: «Qu'est-ce qu'un mythe
aujourd'hui?», Barthes donne la réponse suivante: «Le mythe
est une parole» (1957 :215). Mais, il s'empresse de donner la
connotation qu'il entend par le mot parole:
« On entendra désormais, par langage,
discours, parole, etc., toute unité ou toute synthèse
significative, qu'elle soit verbale ou visuelle: par exemple, une photographie
sera pour nous parole au même titre qu'un article de journal: les objets
eux-mêmes pourront devenir parole, s'ils signifient quelque chose» (
Rolland Barthes,1970 :166).
En d'autres termes, pour Roland Barthes
.(1970 :26), le langage des mythes invite toujours à la
démystification puisqu'il s'interprète comme «une
synthèse significative», c'est-à-dire un ensemble de
signes qui traduisent un message et qui signifient quelque chose. C'est
pourquoi, Roland Barthes affirme que, le mythe est une forme de discours parce
qu'il est d'abord et avant tout une manière de dire et pour ce fait, il
est porteur de sens. C'est sans doute pour cette raison qu'il soutient dans son
ouvrage Mythologies que «le mythe ne se définit pas
par l'objet de son message, mais par la façon dont il le
profère».
Pour Barthes donc, le message du mythe constitue un ensemble
d'énonciations, de phrases qu'il faut décoder. Autrement dit, le
mythe fonctionne comme un signe ; c'est-à-dire qu'il ne
crée pas le langage, il le détourne. Son message qui fait
référence au réel peut recevoir différentes
connotations. C'est la raison pour laquelle, Barthes distingue dans tout
discours mythologique trois termes différents: le signifiant, le
signifié, et le signe, qui de son point de vue, est le total associatif
des deux premiers termes.
Il lève cependant l'équivoque et fait par
ailleurs remarquer que le rapport qui existe entre signifiant et
signifié n'est pas un rapport d'égalité, mais plutôt
un rapport d'équivalence dans la mesure où le signifiant exprime
le signifié. Ce qui veut dire que le mythe est à
déchiffrer puisque les matières de sa parole à savoir
«langue proprement dite, photographie, peinture, affiche, rite, objet,
etc» se ramènent tous à une pure fonction signifiante.
Ainsi décrite, pour Barthes (1957 :217), la signification de la
parole du mythe peut se résumer en ces termes:
Le mythe est une parole volée et rendue. Seulement,
la parole que l'on rapporte n'est plus tout à fait celle que l'on a
dérobée: en la rapportant, on ne l'a pas exactement remise
à sa place. La signification mythique, elle n'est jamais
complètement arbitraire, elle est toujours en partie motivée. La
motivation est nécessaire à la duplicité même du
mythe: le mythe joue sur l'analogie du sens et de la forme: pas de mythe sans
forme motivée..
En affirmant que le mythe est «une parole volée et
rendue», Roland Barthes a la même conception du mythe que Bohui
Dali, qui dans son poème Maïéto pour Zékia
fait remarquer que l'oeuvre qu'il a produite n'est pas sortie ex-nihilo,
mais qu'elle tire sa source dans «la parole d'un peuple qui ne l'a
jamais remise».
Ø La définition du mythe selon les
anthropologues
Mircea Eliade lui pense que le mythe est difficile à
cerner parce qu'il est considéré tantôt comme une
«histoire vraie», tantôt comme un «récit purement
imaginaire». Dans son livre intitulé Aspects du mythe,
Eliade(1963 :16-17), définit le mythe en ces termes:
«Le mythe raconte une histoire sacrée; il relate un
événement qui a lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux
des commencements (...). On rapporte comment quelque chose a été
produite, a commencé à être. Le mythe ne parle que de ce
qui est arrivé réellement, de ce qui s'est pleinement
manifesté».
Au total, l'importance du mythe chez Mircea Eliade s'explique
par le fait qu'il est une tentative d'explication du monde, un effort de
connaissance des faits sociaux. C'est ainsi que l'on se trouvera en train de se
poser des questions telles que : Quel est le secret de la création?
Comment les hommes et les femmes ont-ils été créés?
Sans toutefois vouloir donner notre point de vue, nous dirons
que selon Eliade, le mythe peut être considéré comme le
creuset de l'expérience d'un groupe social donné puisqu'il
traduit ses « faits et gestes » à une période
précise de son histoire. Grâce aux mythes, les hommes apprennent
non seulement comment tel fait social est venu à l'existence, mais aussi
et surtout, ils font la connaissance de l'origine du monde et de sa
création. Le caractère sacré du mythe s'explique par le
fait qu'il renferme des connaissances considérées comme
«ésotériques» et qui ne se dévoilent en principe
aux néophytes qu'au cours des cérémonies d'initiation.
Dans certains pays de l'Afrique de l'Ouest comme la Côte d'Ivoire par
exemple, tout le monde n'a pas accès aux mythes. Le mythe qui englobe
les pensées religieuses, sociales et politiques de la
société qui l'a généré est perçu dans
maints endroits du monde comme l'expression du sacré. Mieux, il
constitue le message de l'âme collective d'un peuple. C'est sans doute
dans cette optique que Roger Caillois (1938 :217) fait observer :
Le mythe, au contraire, appartient par définition
au collectif, justifie, soutient et inspire l'existence et l'action d'une
communauté, d'un peuple, d'un corps de métier ou d'une
société secrète. .
Au sortir de cette explication d'Eliade sur ce qu'est le
mythe, nous pourrons dire sans risque de nous tromper que les mythes, se posent
comme le réceptacle des désirs et de la vision du monde et des
peuples. Ils jouent dans certaines sociétés un rôle
important dans l'organisation sociale. Ils nourrissent la conscience collective
en tissant dans l'imaginaire des assurances pour suppléer au vide des
angoisses existentielles. Enfin, ils permettent à l'individu
d'intégrer son existence à la connaissance de l'univers en lui
fournissant des modes de pensée pour l'aider à mieux
appréhender les phénomènes de la vie et de la nature. Si
tel est la définition d'Eliade sur le mythe, Isidore Okpehwo dans
son article « Rethinking
myths »(1983 :65) ne semble pas être de cet avis.
Ø La conception africaine du mythe
Isidore Okpehwo s'insurge contre la définition
générale donnée par les critiques européens et
propose une définition qui tienne compte des réalités
africaines. Il considère que le mythe n'est pas vraiment une forme
particulière du récit, ce n'est ni la contre partie parlée
d'un rituel antérieur, ni un récit déterminé
exclusivement par un schéma binaire d'idées abstraites, et non
plus un ordre de succession d'éléments. C'est simplement cette
qualité de l'imagination qui colore les pouvoirs créateurs ou
configurateurs de l'esprit humain selon les variés d'intensités.
Le mythe est la littérature et à ce titre ressort d'abord de
l'expérience esthétique et de l'imagination.
E. Matatayou dans son livre intitulé An Anthology
of Myths, Legends and Folk tales from Cameroon (1997:23) n'est pas
très loin de la définition de son prédécesseur.
Selon lui, le mythe pourrait signifier des récits, des
croyances, des opinions sans fondements, issus de l'imagination des hommes. Il
peut également signifier un ensemble de croyances ou d'idées
directrices qui constituent la projection sublimée de l'image qu'un
individu ou une société se fait de lui-même. L'auteur
pousse sa pensée plus loin et explique que dans la plupart des histoires
mythique, il n y a pas de frontière entre l'autre monde qu'il nomme ici
« the other world », c'est-à-dire le
monde de l'invisible et celui que nous vivons. Ici, beaucoup de personnages
agissent exactement comme des êtres humains. Toutefois, les mythes
diffèrent d'une région à une autre d'où l'existence
de plusieurs mythes.
Eu égard à toutes ces définitions, nous
constatons que les notions de religion, de sacré, de création,
font surface. De même,force est de constater que ces récits
représentent un véritable effort de réflexion sur le monde
environnant et apparaissent comme des tentatives d'explication de la nature, et
de la façon dont elle s'est organisée.
Autrement dit, tout récit mythologique (puisque nous
sommes dans le domaine du sacré) peut être lu et compris selon
deux modes foncièrement différents. La Bible nous en offre un
exemple flagrant. Pour cela, on peut s'en tenir à une
interprétation strictement littérale de l'histoire d'Adam et
d'Eve dont la désobéissance entraîne l'humanité dans
la chute et le péché, la souffrance et la mort d'une part et
d'autre part ,dans une toute autre compréhension, Adam et Eve, en
goûtant le fruit de l'Arbre de la connaissance du Bien et du Mal,
s'exilent eux-mêmes de l'Unité divine, et basculent dans le monde
de la dualité.Ce monde est celui des contraires : noir-blanc,
bonheur-malheur, vie-mort, etc. Ils mettent ainsi en marche le mouvement
universel impliquant les antagonismes, les violences, le caractère
inéluctablement conflictuel inhérent à tout processus
dualiste.
En résumé, le pouvoir spécifique du mythe
consiste précisément à jeter un pont entre le temps et
l'éternité, ou plutôt entre l'historique et l'atemporel,
entre l'extérieur et l'intérieur, le centre et la
périphérie. A cet égard, si certains textes sont plus
transparents et démontrent une vocation symbolique plus évidente,
plus difficile à verrouiller dans les limites et dans les normes d'un
récit « objectif », tous les mythes participent de cette
double nature qui leur donne une richesse et une complexité
inépuisables, en leur permettant de se renouveler sans cesse, de
s'adapter à toutes les époques et à tous les contextes
culturels. Lieu géométrique de l'inconscient individuel et de
l'inconscient collectif, le mythe concerne chacun dans sa relation à la
totalité, tout comme il figure ou mime une certaine manière, pour
la totalité, d'être contenue en chacun.
En d'autres termes, le mythe apparaît comme
l'élément fondamental de la littérature sacrée,
ésotérique et profonde. Il joue le même rôle, dans la
civilisation orale que le dogme des religions liées à
l'écriture. Cette manière de penser, loin d'exclure la raison, se
contente seulement de la dépasser, ou plutôt d'en éprouver
l'insuffisance, car le mythe se fait connaissance existentielle ; « celle
de la participation de l'homme et de son groupe au cosmos, de l'envahissement
des gens dans les choses, les végétaux, les animaux ; des sujets
par des objets, celle du sentiment de l'identité entre le vivant et le
monde » (R. BASTIDE, 1966 :1031)7(*).
De tout ce qui ressort, on peut conclure que le mythe
constitue la plate-forme, le socle de toutes les sociétés
qu'elles soient africaines ou occidentales, car c'est lui qui établit
les règles et les lois et indique pour ce fait, la conduite à
suivre pour la bonne marche d'une société. Ainsi donc, une
emphase est faite sur les facultés qui se présentent comme le
seul et l'unique moyen pour parvenir à réaliser un voeu les plus
secrètement enfouis.
Ils permettent aussi de se soustraire de tous les
pièges existentiels facilement observables dès lors que l'on est
comme chaque homme, empêtré dans les vicissitudes de l'existence
et dans la lutte déclarée contre la mort et la destinée
incapable qui, n'offre pas toujours à l'homme les moyens de se
soustraire des multiples difficultés qui l'assaillent.
C'est dans cette optique que les professionnels de la
littérature orale essayent tant bien que mal d'éduquer aux
valeurs, de persuader aux normes à faire prévaloir, de consolider
sur l'effort que devrait avoir chacun dans l'oeuvre collective d'instauration
de la paix et de l'harmonie des groupes. Ceci devraitse faire en stricte
conformité avec les normes traditionnelles de vie prescrites et
fondées par des siècles d'ancêtres. Le mythe étant
ainsi défini, nous allons maintenant passer à l'analyse
proprement dite des textes de notre corpus.
IV.2. ANALYSE MYTHO-CRITIQUE
DES TEXTES DE NOTRE CORPUS
Cette partie presente une lecture mythocritique des contes et
des mythes en pidgin, série de récits traditionnels recueillis
dans la région du Sud-Ouest à Buea. L'analyse qui repose sur les
éléments théoriques poposés par Gilbert Durand
tente de montrer que ces myhtes et ces contes en pidgin fondent en grande
partie la comprehension des usages et des mentalités des peuples issus
de cette partie du pays.
André Jolles, cité par Pierre Brunel
définit le mythe comme la forme qui prendplace quand l'univers se
crée à l'homme par question et réponse.Le mythe est donc
une réponse à la quête, à la questa, la
question ontologique première. C'est en cela qu'il est fondement, graine
et origine de la culture.Par ricochet, le mythe est un moyen de transmission
des savoirs dans la perspective d'assurer la perpetuité et le
rayonnement d'une culture.
Autrement dit,le conteur, le griot lorsqu'il raconte une
histoire mythique, il contribue à former une personne,
spécialement un enfant,en developpant ses qualités
intellectuelles et morales dans le but de faire assoir des règles et un
certain code de conduite qui permettra à ce dernier de bien se mouvoir
dans la société.C'est en cela que l'on dira que le mythe
constitue une base, une semence qu'on plante dans le cerveau d'un enfant.Etant
donné la mouvence des contes et des mythes, le but de cet exercice est
d'avantage de souligner l'importance du mythe en tant que fondement de
l'éducation d'un enfant dans la société traditionnelle
africaine que d'analyser tous les éléments porteurs de sens qu'il
contient.
Dans une perspective épistémologique, le texte
se trouve d'abord dans le reservoir imaginaire d'une conception du monde et des
croyances réligieuses, cristallisées sous forme de
mythe.Essentiellement vrai, ce texte et donc sacré, et c'est d'abord
oralement qu'il est transmis aux sages, l'écriture n'étant qu'une
conservation de cette parole.Le texte constitue le tissu de l'imaginaire d'une
société et de l'humanité.
Pierre Brunel souligne l'usage étymologique qui veut
que textum signifie ce qui est tissé, qu'il s'agisse de coton
ou de parole.Il rappelle de plus que les conteurs, en diposant les premier
éléments de l'intrique, ourdissent leur hitoire qu'ils
développent à partir d'un caneva.
La tradition est donc la chaine projetée dans la
culture, l'expérience et le savoir humain, de tout le tissu imaginaire
qui, à l'issue d'un cycle, ramène l'homme à son
essence.
Le rôle du conteur ou de l'artiste a ceci de
sacré qu'il glisse la parole dans le langage, la cristallisant en
peronnages et en histoire qui donne à l'enfant une prise sur les
dimensions multiples de sa réalité.Il lui permet de s'identifier
à des héros fictifs grâce auxquels ,il se
dépasse.Par l'esprit de la parole présente dans le langage, le
jeune enfant s'identifie au héros pour accomplir des choses plus grande
que ce qu'il croyait possible. Les héros que lui presente l'artiste sont
porteurs de forces et de pouvoirs qui galvanisent le jeune enfant. En
s'identifiant à des héros extraordinaires, l'enfant fait vivre en
lui-même leurs vertus et leurs pouvoirs. Elles sont en chacun, elles sont
la vérité de l'homme et par cette identification au héros,
il « joue sur le regisre » et les actualise.
On parlera ici d'un jeu de mirroir qui s'établit avec
les personnages fictifs qui, en fait, ne sont que la projection de ce qu'est
l'homme intrinsèquement de cette réalité qui est au coeur
de lui, mais avec laquelle , au fil du temp, il a perdu contact.D'où
l'importance de retrouver la structure fondamentale de la Tradition.
Par ailleur, il faut noter que dans ce jeu, le héros
est donc à lui seul une brèche dans le
« réel ».En d'autres termes, ce qui est
généralement considéré comme « le
réel », n'est pour nous qu'une partie de la
réalité. Dans ce sens que nous considerons que l'imaginaire et
les dimensions spirituelles font tout autant partie du
« réel » sinon plus, que le monde
matériel.
Dans nos récits en pidgin, il est possible de ditinguer
les concepts qui découlent de ce fondement primodial de l'éthique
de vie, de ceux qui prônent des valeurs et des pincipes moins essentiels,
et dont la présence peut etre récente.
Notons cependant que les concepts qui semblent les plus
anciens correspondent aux valeurs universelles, les plus nobles et les plus
positives. Les anti-valeurs, qu'elles émergent grossièrement du
récit ou que leur présence se fasse plus subtile, manifestent au
contraire certains « glissements » relativemnt
récents de la conscience.Bien plus, les mythes se comportent d'ailleurs
comme s'ils étaient tous liés entre eux, dans un « tout
ininterrompu » et une symétrie globale. Ainsi, la modification
d'un mythe répond généralement, et en
complémentarité, à l'évolution d'un autre mythe
appartenant à une autre culture.L'information voyagerait dans une
dimenion autre, en accord avec l'espace-temps, en engendrant les
événements qui y déroulent.
Pour étayer nos propos, nous allons étudier le
récit intitulé : Nyamaboh et sa tante
Dans ce récit, on ce rend compte que l'enfant,
héros, illustre la dichotomie des imaginaires de l'immanence et de la
transcendence. Dans ce récit, le conteur décrit les
péripéties dont le jeune orphelin fait face.Nyamaboh est d'abord
abandonné à lui-même, ensuite, il est misen danger par sa
tante ; situation apparement sans issue que seule une solution
inespérée pourra résoudre.
Cette solution nouvelle et encore inconnue naît de ce
que l'enfant « personnifie des forces vitales qui résident
au-delà du cercle limite de la conscience » (Carl Gustav,
1993 :130). Comme nous pouvons le constater, cette force vitale, cette
invincibilité de même que ce courage innée de l'enfant se
mamifestent lors qu'il traverse des bosquets entiers à la recherche de
la machette de sa tante ; mais beaucoup plus, lorsqu'il fait la rencontre
de la vieille dame dans la nuit noire.
En l'envoyant courrir à sa perte, c'est-à-dire
en l'envoyant chercher la machette dans le noir et sous la pluie, cette
épreuve constitue pour lui un défi pour lui-même. Mais, le
hasard étant ce qu'il est, la rencontre avec la vieille dame constitue
ce qui donnera un tournant à sa vie.
Le jeune enfant incarne la bravoure, l'honneur et la vertu,
mais en plus d'etre doté d'un courage inoui, il se distingue des
héros ordinairespar sa grande sensibilité. Ses qualités
l'éloigne des stéréotypes habituels et en font un model
à la mésure de l'homme. Son humanité émeut d'autant
plus qu'il est vulnérable et, même sa démesure,
vraissemblable.
Quant au personnage de la tante qui n'est pas bien
élucider, le conte l'affuble d'une constitution bien étrange,
pour marquer combien de fois elle terrorisait son neuveu.Cette femme symbolise
la terreur totale, elle personnifie la corruption, les vices et les faiblesses
du peuple qui l'a généré.
Alors que la tante de Nyamaboh represente la part
d'obscurité de l'homme, Nyamaboh en est la part de lumière,
dichotomie où le germe de lumière fera basculer le monde.
En étudiant ce récit, nous avons eu à
observer comment s'effectue certains retournements dans le cycle de l'histoire.
Il faut noter que, la méthode mythocritique ne se
limite pas seulement à ressortir cette dichotomie entre les
personnages.
Maurice Emond (1987 :91) parlant de la lecture
mytho-critique dira à cet effet que : « la
mythocritique dévoile des images archaïques, des archétypes,
des mythes qui se cachent derrière des personnages, des convergences
thématiques, l'organisation même du récit ».
Dans sa classification des images, Gilbert Durand distingue 3 régimes de
l'imaginaire qui sont:
- repérer les thèmes et les mythèmes dans
un texte.
- décrire les structures mythémiques du
texte.
- identifier et interpréter un mythe sous-jacent
à un texte, à travers ses thèmes, ses situations et ses
figures.
- Dans un premier temps, nous parlerons de l'identification
des mythèmes dans nos différents récits.
v Identification des mythèmes
Il s'agit ici de distinguer les mythèmes qui
constituent le mythe et de cerner les grandes redondances qui en font la
clé schématique ou verbale.
Les mythèmes désignent les grosses
unités constitutives qu'on retrouve au niveau habituel de l'expression
linguistique. Autrement dit, elles sont de nature plus complexes que celles de
l'expression linguistique de type quelconque, à savoir les
phonèmes, les morphèmes et les sémantèmes. Les
mythèmes ont ceci de particulier qu'ils se caractérisent par un
haut degré de complexité et se situent à un niveau plus
élevé .Dans le cas contraire, le mythe serait indistinct de
n'importe quelle forme de discours. Pour les isoler, il faut les reconnaitre
dans leur nature, dans leur relation, mais il faut noter que ce ne sont pas des
relations isolées, mais des paquets de relations qui se
présentent en redondances, en
« synchronicités » (Claude L. Strauss,
1958 :243). En résumé, les quatre grandes structures
mythémiques de nos mythes que nous allons isolées sont les
suivantes :
- L'initiation
- les épreuves de l'initiation
- Le retour
- Le mythème objet.
Les mythes de « l'orphelin »,
« le mariage du voyageur avec la femme du dieu des eaux »,
« Nyamaboh et sa tante » sont constitués des quatre
séquences que nous allons délimiter. On peut reconnaitre et
isoler premièrement la redondance, la
« synchronicité » du caractère initiatique du
héros, ensuite, un autre groupement symbolique qui manifeste le retour.
Enfin, on peut, isoler le mythème objet repérable par la
redondance de l'objet.
Après cette distinction des quatre structures
mythémiques, il est à présent question de mettre en
exergue les grandes répétitions ou redondances qui constituent
l'essentiel du schéma du mythe. La distribution séquentielle nous
y aidera.
Ø Le mythème «
initiation »
L'initiation peut être définie comme une
révélation ou comme l'admission à la connaissance de
certaines choses secrètes. C'est aussi une cérémonie par
laquelle on initie à la connaissance et à la participation de
certains mystères, ou encore une cérémonie accompagnant
l'admission d'un nouveau membre dans une société secrète
(dictioonaire encyclopédique, 1990).
Le caractère initiatique du héro attire
l'attention dans le mythe par sa redondance. Dans le récit
« l'orphelin », le jeune homme est victime de la
haine de la première épouse de son père. Cette
dernière veut empêcher le jeune garçon d'hériter de
son père car, elle n'a donné naissance qu'aux enfants filles,
c'est pour cette raison que celle-ci projette de le tuer. Toujours dans cette
perspective de vouloir éliminer le jeune homme, elle parvient à
persuader son mari de l'envoyer chercher des lionceaux nouveau-nés d'une
lionne. Mais, les conseils de la grand-mère sont efficaces et il
réussit à l'épreuve. Cependant, la méchante femme
ne lâche pas prise, elle persuade une fois de plus le père de
l'enfant qui l'envoie à présent chercher le tam-tam du village au
pays des morts. Le jeune garçon ira une fois encore voir sa
grand-mère qui s'inquiète, mais lui prodigue des conseils.
Dans ce récit, on constate que le caractère
initiatique de notre jeune garçon attire l'attention par sa redondance.
Le fait d'envoyer l'enfant prendre les lionceaux nouveau-nés d'une
lionne, seul, dans une forêt dense, exposé aux attaques de toutes
sortes.L'on dira que, cette requête est considérée comme
une épreuve d'initiation. On constate ici que le phénomène
initiatique imposé aux enfants leur initie au courage et à la
bravoure ; qualité que l'on encourage dans la société
traditionnelle.
En évoluant avec notre analyse, on se rend compte que
l'initiation ne s'arrête pas seulement à la première
séquence. Dans la seconde séquence du récit, la
« catabase » du voyage dans l'au- delà n'est autre
chose qu'une autre rude épreuve d'initiation. Il est question ici pour
le jeune garçon d'effectuer un voyage dans le pays des ancêtres.
Ce voyage ne se fait pas sans conséquence. Dans la plupart des cas, il
se fait en aller sans retour. Le retour signifiant qu'on a pu braver les
différents obstacles et par conséquent que l'on a réussi
à l'initiation. Au cours de sa quête dangereuse, le jeune
garçon reçoit l'aide d'un grand poisson qui lui fait traverser
une grande rivière et chemin faisant, un oiseau l'aide à
traverser un feu énorme qui fait obstacle à son chemin.
Une fois de plus, on constate que l'enfant est secouru par
des êtres étranges grâce à son sens de partage,
d'humilité et d'obéissance. Ces atouts sont autant de valeurs qui
constituent la base même de l'éducation de l'enfant dans la
société traditionnelle.
Notre récit nous fait remarquer que le héros
connait des aventures qui sont réservées uniquement aux seules
personnes initiées. Il vit dans un monde secret et interdit aux femmes,
mais réservé aux hommes initiés seuls.
Dans la suite de l'aventure au pays des enfers, on constate
que les événements se succèdent.On a le chat qui aide
à choisir le tam-tam parmi le nombreux tam-tam et qui se met à
jouer seul dès que le jeune homme l'identifie, la scène de
l'enfant qui rentre en grande pompe du pays des morts à celui des
vivants initie en quelque sorte l'aventure tant physique que
métaphysique. Tout ceci constitue les différentes étapes
du mythe.On peut donc dire que le jeune orphelin, qu'il soit initiateur,
est en partie lié avec l'initiation.
Dans Nyamaboh et sa tante, ce qui attire l'attention
à la lecture de cette histoire c'est la redondance, la
synchronicité du terme « initiation » de ses
composants, et du caractère initiatique du héro.
L'on nous fait comprendre que dès sa tendre enfance, le
jeune Nyamaboh s'occupait déjà de toutes les tâches
ménagères. Toutes les corvées reposaient sur ses
épaules. « C'est lui qui devait chercher du bois mort dans
la forêt, c'est lui qui faisait la cuisine ; c'est encore lui qui
devait aller puiser de l'eau à la source ». Tout ceci
contribue à initier le jeune homme à la dureté de la vie
et aux épreuves insoutenables que l'on fait face une fois venu au
monde.
De même, envoyer chercher la machette qui s'est perdue
au milieu d'une nuit noire, dans une forêt épaisse et
ténébreuse et ceci sous une pluie torrentielle, tout cela est
lié à l'initiation. L'on conclura que toutes ces épreuves
amènent le jeune homme à apprendre à sonder les secrets de
la forêt et de la nuit. Il doit également apprendre à
surmonter ses peurs, à vaincre la solitude et surtout à se
surpasser.
L'autre étape de l'initiation est la rencontre du jeune
garçon avec la vieille femme dans la forêt. Celle-ci lui demande
de porter son fagot de bois et de l'emmener dans sa hutte. Dans la même
lancée, la dame lui demande de l'aider à se débarrasser
des puces qu'elle avait partout sur son corps. Ce que fit sans hésiter
le jeune garçon. Le héros ici est initié au silence,
à la soumission et à l'obéissance. Dans ces
différentes épreuves, on constate que malgré la
dureté des circonstances, le jeune Nyamoboh accomplit ses
différentes tâches sans se plaindre et ceci sans répulsion.
Le jeune héro est ainsi initié au silence, à la soumission
et à l'obéissance ; qualités que seules les
initiés sont capables de respecter.
La dernière étape, celle de l'oeuf ou
plutôt le miracle de l'oeuf. Cet oeuf contient en son sein plusieurs
objets de valeur. Une fois cassé, il laisse apparaitre les maisons, les
machettes, les houes, des vastes plantations, des bijoux... tout ceci initie
l'enfant en quelque sorte tant dans le monde métaphysique que physique.
Après cette dernière analyse sur le mythème
« initiation », nous allons passer à
l'épreuve de l'initiation proprement dite.
Ø Les épreuves de
l'initiation
On parle d'épreuve généralement quand on
fait allusion à des événements qui font apparaitre les
qualités morales de l'homme, et par extension de toutes sortes de
malheurs, d'événements pénibles, douloureux. Les
épreuves peuvent être actives ou passives.
Le deuxième groupe synchronique de mythèmes que
l'on peut reconnaitre et isoler détaille les épreuves de
l'initiation. Pour illustrer notre argumentation, nous utiliserons les
récits « the orphan boy » et celui de
« nyamaboh et sa tante ».
Des difficultés éprouvent le courage de nos
différents héros. Elles provoquent la souffrance.Dans
« l'orphelin », la nécessité de l'initiation
s'impose de même que celle de braver les obstacles que constituent les
épreuves. L'orphelin est soumis à plusieurs séries
d'épreuves :la capture des lionceaux nouveau-nés d'une
lionne dans la forêt constitue en général le symbole des
épreuves auxquelles le jeune garçon sera confronté. Le
jeune homme est la proie de sa marâtre. Voulant l'empêcher
d'hériter de son père car, elle n'a donné naissance qu'aux
bébés filles, celle-ci met tous les moyens en oeuvre pour se
débarrasser du garçon. C'est ainsi qu'elle persuade son mari (le
père du garçon) de l'envoyer chercher les lionceaux dans la
forêt. Ce dernier est aidé par les conseils de sa
grand-mère qui, heureusement pour lui sont efficaces. C'est ainsi qu'il
sort victorieux de l'épreuve « de la chasse aux
lionceaux ». Mais, notre marâtre ne lâche pas prise et
continue dans sa salle besogne.
Nous constatons que, dans bien des cas, les enfants ne sont
pas souvent à l'origine de leur souffrance, parfois ce sont les parents
qui en sont la cause. Toutefois, l'enfant à travers l'obéissance,
et la soumission peut réussir à changer sa situation de
maltraitance et améliorer ainsi sa condition de vie.
Nous devons comprendre que les différentes
épreuves bravées par le jeune homme lui permettent de venir
à bout de son initiation. Il devient aussi le héraut, le chantre
d'une culture, le model par rapport auquel devront se définir ses
frères.
Il ya donc dans « l'orphelin » un
groupement synchronique de mythèmes détaillant les
épreuves de l'initiation. Dans ce mythe, nous allons le voir, il ya
redondance de mythème de même nature.
Toutefois, l'on constate que l'histoire de
« l'orphelin » et celle de « Nyamaboh et sa
tante », sont similaires, c'est la raison pour laquelle nous allons
les analyser de manière parallèle.
L'orphelin et Nyamaboh sont soumis à des séries
d'épreuves dans le double cadre spatial, humain et mythique.
Alors que l'itinéraire de l'orphelin le situe encore
dans l'espace humain, il est soumis à une autre épreuve, cette
fois ci, allé chercher le tam-tam du village aux pays des morts. Mais,
sur son chemin, il fait face à un énorme feu. C'est ainsi que,
grâce à un grand oiseau, il réussit à surmonter cet
obstacle. Mais, il n'est pas au bout de ses peines, il doit traverser un fleuve
en crue.Il le fait sur le dos d'un gros poisson. Finalement, l'enfant sort
victorieux puisqu'il parvient à surmonter ces obstacles sans incident.
C'est par le fleuve que l'orphelin amorce le second parcours de son
itinéraire qui l'introduit dans l'espace mythique où se trouve
une autre série d'épreuves.
L'orphelin au pays des ancêtres est d'abord soumis
à l'épreuve de plusieurs routes identiques dont il doit choisir
la meilleure. Puis à celle de la femme couverte de pustiles ;
pustules qu'il doit percer et nettoyer ; cette mission lui donne envie de
vomir et cela lui soulève le coeur. Comme si cela n'était pas
assez, il doit partager ses nuits avec les animaux de toutes sortes. Bref,
l'enfant expérimente un bouleversement dans sa conscience, ce qui ma foi
change complètement sa vision des choses dans ce monde mystérieux
et mystique. Les tribulations que connaissent l'orphelin sont semblables
à celles que vivent Nyamaboh tant dans l'espace humain que mystique.
Pendant qu'il surmonte l'épreuve de la brimade avec sa
tante, Nyamaboh est soumis à une autre, celle d'aller chercher la
machette de l'autre côté des collines en pleine nuit. Pis encore,
il doit passer l'épreuve des moustiques. Autrement dit, il doit se
laisser piquer toute la nuit par ces bestioles sans toutefois réagir
à leurs piqures. Epreuves que notre héros surmonte avec bravoure.
La bravoure, le sang-froid et la vaillance sont autant de vertus
encouragées dans la société traditionnelle.
A partir de ce qui précède, on peut donc
affirmer que « les épreuves de l'initiation »,les
structures mythémiques du mythe en général, trouvent dans
nos différentes histoires leur écho. Qu'en est -il de
l'étape du retour ?
Ø le retour
Dans « l'orphelin », à la
première séquence de notre histoire, l'enfant a pour mission
d'aller dans la forêt et de ramener les lionceaux nouveaux nés
d'une lionne. Dans la deuxième séquence de la même
histoire, cette fois-ci, l'ordre lui a été donné d'aller
au pays des morts, de retrouver, mais surtout de ramener le tam-tam du village
qui s'y trouve.
Dans « Nyamaboh et sa
tante », la machette qui s'était perdue au delà
des collines en pleine nuits est retrouvée et ramenée à la
méchante marâtre. Nyamaboh revient également de cette
quête avec un oeuf, oeuf qui transformera sa vie à jamais.
v Le mythème objet / lionceaux-tam-tam
(orphelin) et machette (Nyamaboh et sa tante)
Dans la première séquence de l'histoire de
l'orphelin, le jeune garçon de retour de la forêt avec les
lionceaux, surpasse sa redoutable marâtre. Il échappe ainsi
à la mort grâce aux conseils de sa grand-mère qu'il met en
pratique et déjoue pour ainsi les plans de sa marâtre.
Dans la séquence de la descente aux Enfers, les
conseils de la grand-mère une fois de plus ont joué un
rôle déterminant tout au long du voyage, dans la mesure où
il les suit et les applique ; c'est ce qui lui vaut les aides qu'il
reçoit ça et là. C'est grâce à son
humilité et à son obéissance il finit par obtenir l'objet
de sa quête : le tam-tam, ce qui lui donne également le titre
de chef du village.
Quant à l'histoire de « Nyamaboh et sa
tante », le courage du jeune garçon joue un rôle
primordial dans la suite de sa quête. Muni de cette arme redoutable, il
surpasse la peur et les angoisses, récupère la machette
auprès de la vieille dame qui loue son comportement impeccable. Elle est
séduite par l'attitude du garçon et décide ainsi de lui
donner un oeuf qui transformera positivement sa vie.
En définitive, il ressort de l'analyse qui
précède que le même schéma, à la fois des
ensembles synchroniques (de haut en bas) et du récit diachronique (de
gauche à droite) se retrouve identique dans les mythes que nous avons eu
à étudier.
Nous constatons que dans les différentes aventures de
« l'orphelin » ; « Nyamaboh
et sa tante » en passant par « le mariage du
voyageur avec la femme du Dieu des eaux » gravitent autour d'un
leitmotiv permanant et obsédant : la nostalgie (dans son sens
premier de nostos ou retour et de olgia ou douleur /
souffrance.
Par ailleurs, l'analyse mythémique dans nos
différentes histoires nous montre que, que ce soit dans
« l'orphelin » ou dans « Nyamaboh et
sa tante » en passant par « le mariage du voyageur
avec la femme du Dieu des eaux » du retour de leurs
différentes missions, aucun de nos héros n'oublie ses
épreuves. N'est ce pas pour signifier que ces retournements
rudimentaires des épreuves ont plutôt milité en leur
faveur, en leur imposant la rédemption des peines et des tortures pour
les hisser au rang des héros.
Nos héros demeurent et triomphent parce qu'ils sont
victimes. Mais dans cet état de victime, ils parviennent à
surpasser leurs épreuves avec courage et détermination. N'est-ce
pas là,la suprême leçon de nos mythes pour nos
enfants?
Nous allons à présent résumer toute
l'analyse dans un tableau que nous voulons explicite. Comme l'affirme
Lévi-strauss (1958 :264), la structure synchro-diachromique qui
caractérise le mythe permet d'ordonner ses éléments en
séquences diachromiques (les rangées de notre tableau) qui
doivent être lues synchroniquement (les colonnes) ainsi qu'il
suit :
Le mythe de l'orphelin
Mythème séquence
|
A- initiation
|
B- les épreuves de l'initiation
|
C- Le retour
|
D- L'objet
|
|
L'initié
L'initiation
|
-pastor et agnus (maitre et victime)
|
`'nostos'' le retournement, retourner, ramener
|
-les lionceaux
-le tam-tam
|
Séquence 1
|
L'orphelin, initié aux mystères de la
forêt
|
Il maîtrise la lionne en lui offrant la chèvre
que lui avait donnée sa grand-mère
|
-a pour mission de ramener les lionnes aux nouveau-nés
|
-son courage et sa détermination surpassent la fureur
de la lionne.
|
Séquence 2
|
Voyage au pays des morts
|
- Surpasse l'épreuve du feu
- Réussit à traverser le grand fleuve
Retrouve la route parmi la multitude des chemins identiques
|
|
|
Séquence 3
|
Retour chez les vivants
|
|
Le tam-tam
retrouvé
|
Les résultats de l'obéissance et de la
soumission
|
Nyamaboh et sa tante
Mythèmes
|
A- l'initiation
|
B- les épreuves de l'initiation
|
C- le retour
|
D-l'objet
|
Sequence
|
L'initié Nyamaboh
|
- maître et victime
|
Retrouver, ramener
|
- la machette
-l'oeuf
|
Séquence 1
|
Nyamaboh initié aux mystères de la nuit
|
Surpasse ses peurs face à l'opacité de la
forêt et à la nuit.
|
A pour mission de ramener la machette
|
Son obéissance à la vieille dame lui fit entrer
en possession de sa machette.
|
Séquence 2
|
Passe la nuit avec la vieille dame en brousse dans une cabane
plein d'animaux sauvages et de moustiques
|
-surmonte l'épreuve des piqures de moustiques et autres
bestioles.
-parvient à débarrasser la vieille dame de ses
pustules.
|
|
Enchante, séduit le coeur de la vieille dame.
|
Séquence 3
|
Doit choisir un oeuf
|
|
Retourne au pays rempli de trésor
|
Le miracle de l'oeuf
|
v Identification et interprétation des mythes
sous-jacents à travers des thèmes, des
situations et des figures
Tout récit mythique peut être lu et compris selon
deux modes foncièrement différents. La Bible nous offre un
exemple de lecture. De la même manière que l'on peut lire un
texte sous l'angle biblique, de la même manière il peut
également être lu sous un angle purement littéraire. Pour
mieux étayer notre illustration, on réutilisera l'un des textes
qui ont servi de support dans les situations précédentes
(L'orphelin) et à cela, on ajoutera un autre texte du corpus.
Dans cette partie du travail, il s'agit, non seulement de tirer la
leçon du texte en rapport avec l'éducation de l'enfant, mais
aussi d'identifier les mythes sont sous-jacents et par là de
découvrir la signification de ces mythes.
On reconnait dans le texte de l'orphelin, les
structures mythémiques de la détermination et du courage. Dans
le récit de l'orphelin, le jeune homme est la proie de sa
marâtre. Voulant l'empêcher d'hériter de son père
car, elle n'a donné naissance qu'aux filles, celle-ci projette de le
tuer. Toujours dans cette perspective, elle parvient à persuader son
mari, le père dudit orphelin de l'envoyer chercher des lionceaux
nouveau-nés d'une lionne. Les conseils de la grand-mère du
malheureux garçon sont efficaces, il réussit l'épreuve.
Cependant, la méchante femme ne lâche pas
prise.Elle persuade une fois de plus son père qui l'envoie à
présent chercher le tam-tam du village au pays des enfers. Le jeune
garçon va une fois de plus voir sa grand-mère qui
s'inquiète mais, lui prodique encore des conseils. Son voyage au pays
des ancêtres ne se fait pas sans embuches, car sur son chemin, se dresse
un grand feu qui l'empêche d'avancer.Il fait également face
à une grande rivière qui lui barre le chemin et l'empêche
d'aller à la quête de l'objet. Mais, malgré tous ses
obstacles, il sort victorieux de la partie.
L'objectif de l'approche mytho critique dans
l'interprétation des mythes sous-jacents à travers des
thèmes et des situations est d'identifier dans le texte la
réémergence d'un ou de plusieurs mythes d'un espace culturel
déterminé. Cette relecture des textes coïncide avec les
intentions présentes qui sont les nôtres de repérer, autant
que faire se peut, la nature anthropologique et l'inscription culturelle du
texte littéraire. Comme nous allons le constater, plusieurs mythes sont
reconnaissables dans cette scène de l'orphelin. Au-delà de la
mise en scène, à travers une descente allégorique aux
enfers, du mythe de la quête et de la conquête du tam-tam au pays
des morts, nul doute que le texte peut être lu comme la
réitération du mythe de prométhée.
De même, l'orphelin qui s'empare du tam-tam du pays des
ancêtres, n'est-il pas assimilable au dieu voleur de feu de la mythologie
grecque ? La marâtre, épouse du père et
détenteur du pouvoir, pourrait, en effet, incarner la figure de Zeus
irrité ; et les commissions démesurées et
ambigües qu'elle demande au jeune garçon d'accomplir, pourraient
dans ce sens, annoncer l'enchaînement de Prométhée. Sous un
autre angle, cela peut également être assimilé au
système culturel judéo-chrétien et à ses mythes
spécifiques. A travers l'incapacité initiale de la marâtre
de faire périr le garçon, à travers la figure souffrante
de la grand- mère, la mise en scène du tragique de l'homme
renvoie d'évidence le lecteur au mythe adamique de la chute.
Tout compte fait, on constate qu'à l'inverse de la
psychocritique où une approche particulière est appliquée
à un objet, il s'agit dans la mytho critique d'appliquer un objet
à un autre objet, de lire le texte sous l'angle du mythe, un
récit à travers un récit. Cette méthode paradoxale
présuppose en réalité un statut particulier accordé
au mythe. C'est pour cette raison que nous dirons que le texte de l'orphelin
peut également être lu sous un autre angle. Il peut être lu
comme une variation du mythe d'Orphique. On reconnait dans le personnage de
l'orphelin les structures mythémiques de la détermination et du
courage.
Faisons un petit rappel sur le mythe d'Orphée.
Orphée est fils d'Oeagre, roi de Thrace et de Callope. Joueur de lyre et
de cithare, il envoute au moyen de son art les dieux, les hommes, les animaux
et même les objets inanimés. On sait, en effet que son
épouse Eurydice, étant morte.Il descendit aux enfers où il
parvint à émouvoir les dieux infernaux par son chant. Il obtient
d'eux le pouvoir de ramener Eurydice sur terre. Mais son voyage est
truffé d'embûches. Alors que son itinéraire se situe encore
dans l'espace humain, Orphée s'applique à la construction de sa
maison pendant les trois années que durent les fiançailles. Une
fois cette épreuve achevée, il est soumis à une
autre ; on leur demande de traverser le fleuve Blanc en crue. Dans
l'espace mythique, Orphée est soumis à l'épreuve de deux
routes identiques dont il doit choisir la meilleure, puis à celle de la
spirale en forme de sept où Orphée doit passer par une descente
abrupte et sinueuse qui lui donne les vertiges et lui soulève le coeur.
Mais par son courage et sa détermination, il réussit à
passer outre tous ses obstacles.
Après ce bref rappel sur notre héros
Orphée et si l'on fait une similitude au niveau de l'identification des
personnages, on se rendra compte qu'à travers la figure
d'Orphée, on reconnaît aisément celle de l'orphelin.
Le jeune garçon, malgré la dureté et la
rudeste de ses épreuves, en sort toujours victorieux. Par ailleurs, si
le garçon s'en sort dans l'espace mythique, c'est grâce à
l'aide précieuse de sa défunte mère. En réponse
à ce mythe tragique, apparaît le mythe messianique.C'est
grâce à la défunte maman que notre héros
réussit « la traversée miraculeuse » du
grand feu sur les ailes d'un oiseau et la traversée du fleuve sur le dos
d'un gros poisson ; ce qui peut être assimilé à la
figure symbolique du Dieu Sauveur (Jésus Christ).
Dans le second texte, « the Oijin of
God/Deities » il apparaît d'évident que, ce texte
mobilise des images ou des attitudes correspondantes au régime diurne de
l'image et à ses structures héroïques. Le caractère
polémique des relations entre les mythèmes du texte et entre les
personnages le démontre. Dans ces structures, les acteurs sont l'objet
d'une dégradation et d'une chute comme cela est raconté dans
l'histoire. On reconnaîtra, sans effort, dans ce texte, les structures et
les figures du mythe adamique de la Chute. Les personnages ne sont-ils pas
amenés à violer les interdits du maître suprême Dieu.
Notre récit nous fait savoir que , Dieu vivait sur la
terre avec les hommes, il leur avait donné le pouvoir sur tout, il leur
avait demandé de tout faire mais à une condition, ils ne
devraient inhumer aucun corps durant son absence car, Dieu voulait effectuer un
voyage. Mais, à peine avait-il le dos tourné qu'un vieillard qui
fut malade depuis longtemps rendit l'âme. Malgré les efforts de la
population de respecter les dernières recommandations de Dieu, la
puanteur du mort était insoutenable, c'est ainsi que la population
outre passe les interdits de Dieu et enterre le mort.
Si l'on examine de près cette histoire, elle peut
être identifiée à celle d'Adam et Eve dans le jardin
d'Eden. Dieu avait donné le pouvoir à Adam et Eve de manger tous
les fruits que l'on pouvait trouver dans le jardin à l'exception d'un
seul : le fruit de la connaissance du Bien et du Mal, et comme toujours,
il ya un élément perturbateur qui viendra chambouler l'ordre
établit.Ce bouleversement n'est autre que la désobéissance
d'Adam, car les deux finissent par transgresser l'interdit en mangeant le fruit
défendu. Parallèlement, ce texte peut être vu sous un
angle purement biblique, car cela peut être identifié à
l'histoire d'Adam et Eve dont la désobéissance, a
entrainé l'humanité entière dans la chute et le
péché, la souffrance et la mort. Ce texte amène l'enfant
à se rendre compte des conséquences de la
désobéissance. En fait, toute personne qui désobéit
soit à l'ordre suprême ou à un parent est sujet à
une malédiction ou à une sentence.
De même que les personnages de notre récit qui
de par leur désobéissance se retrouvent en ballotage et par
conséquent s'éloignent de l'oeil divin ; de même
qu'Adam et Eve, ayant violer l'interdit s'exilent eux-mêmes de
l'unité divine, basculant ainsi dans le monde de la dualité, qui
est celui des contraintes : noir-blanc, bonheur-malheur, vie-mort. Ils
mettent ainsi en marche le mouvement universel impliquant les antagonismes, les
violences, le caractère inéluctablement conflictuel
inhérent à tout processus dualiste.
A travers notre analyse, on se rend compte que la mytho
critique est une discipline qui en partie est liée avec d'autres
disciplines telles que l'anthropologie, l'histoire des religions, l'histoire
des mythologies et des sciences de l'homme en général.
Après avoir fini l'épisode sur l'interprétation des
mythes, maintenant, passons à l'identification des thèmes et des
mythèmes dans les différents textes choisis.
v Identification des thèmes et mythèmes
dans le texte
Il est question dans cette partie de constituer, dans un
premier temps, une liste des thèmes des différents textes que
nous aurons choisis. Ensuite, il faut retenir que dans cette liste, nous nous
devons de ressortir ceux qui peuvent entrer en relation d'association ou
d'opposition, faire correspondre pour chaque thème retenu au moins deux
péripéties, ou mythèmes qui l'illustrent. Le
résultat de ces différentes opérations donne lieu à
la mise en place d'un tableau. Rappelons que la suite ordonnée des
mythèmes retenus doit permettre de reconstituer le
"résumé" du texte. Pour cette étude, nous avons choisi 2
textes à savoir : « pourquoi la carapace de la
tortue se retrouve en mille morceaux » et « Dylym's
children ».
Texte 1: « Pourquoi de carapace de la
tortue se retrouve en mille morceaux ».
I
mémoire
|
II
Fête
|
III
réglementation
|
IV
voyage
|
V
Enfreint à la réglementation
|
VI
cupidité
|
VII
gentillesse
|
VIII
malice
|
IX
Fait inopiné
|
X
Individualisme/gloutonnerie
|
XI
colère
|
XII
La vengeance
|
1-il était une fois
|
2-le roi organisa une grande cérémonie
|
3-tous les oiseaux devraient prendre part
4-seuls les oiseaux pouvaient s'y rendre
|
5-pour y aller, il fallait voler
|
6-tortue ne voulait pas rater un si grand
événement
|
7-tortue supplie les oiseaux de lui emprunnter chacun une
plume
10-tortue
demande à chacun de se donner un nom
|
8-ils acceptent de lui donner des plumes
9-ils invitent tortue à prendre part à leur
fête
|
11-tortue se fait appeler « vous tous »
|
12-Le serveur arrive avec la nourriture et
dit : « c'est pour vous tous »
13-il arrive ensuite avec la boisson et dit « c'est
pour vous tous »
|
14-tortue mange toute la nourriture sans donner à ses
amis oiseaux qui l'ont amené à la fête
15-il boit toute la boisson sans donner aux oiseaux
|
16-tous les oiseaux dans un élan de colère
récupèrent leurs plumes
|
17-poli -poli transmet le contraire du message de tortue
18-tortue tombe sur les objets durs et sa carapace se brise en
mille morceaux.
|
Après avoir présenté dans un tableau les
thèmes majeurs, on passe maintenant à la deuxième phase du
travail qui n'est autre que celle de produire un commentaire où sont
décrits les thèmes et mythèmes du texte et d'observer les
relations structurelles qu'ils entretiennent. La description du tableau et des
relations qui établissent les thèmes et les mythèmes peut
donner lieu au commentaire suivant:
Le thème de la fête est commun aux
péripéties de la première colonne. C'est suite à
cette manifestation que notre conteur commence son histoire. La deuxième
colonne a pour trait ici la recommandation, car ce n'est qu'une
catégorie d'animaux qui doivent prendre part à cette
manifestation. La troisième colonne quant à elle parle du voyage
pour le ciel ; ici, il ne s'agit pas de n'importe quelle voyage, de plus,
la fête était réservée uniquement aux oiseaux ;
alors pour s'y rendre, il fallait voler, c'est-à-dire, avoir des ailes.
La quatrième colonne quant à elle ressort le thème de la
violation de la réglementation par dame tortue, car elle veut aller au
ciel prendre part à cette manifestation. La cinquième colonne
parle de la cupidité. Dame tortue réussit à obtenir un
emprunt de plumes auprès des oiseaux. Le thème de la malice
intervient à la septième colonne lorsque tortue use de sa ruse
et se fait appeler « vous tous ». La
neuvième colonne fait apparaître le thème de la surprise,
les éléments qui la composent interviennent tous comme des faits
inopinés de la part des oiseaux. La dixième colonne est
réservée au thème de la gloutonnerie tandis que les deux
dernières sont respectivement dévolues au thème de la
colère et de la vengeance.
Les relations qu'entretiennent les mythèmes du tableau
sont de deux ordres : considérés dans leur succession
chronologique, ils constituent un récit. Considérés dans
la relation synchronique des thèmes auxquels ils participent, ils se
structurent comme une combinaison ou comme un système qui demande
à être dégagé. Passons maintenant à notre
deuxième récit.
Texte2 : Dylim's children
Dans notre processus d'analyse, nous allons procéder
par différentes étapes : La première étape
consiste à repérer les thèmes et les mythèmes du
texte. Six thèmes permettent de rendre compte des différents
mythèmes de ce texte.
Tableau
|
I
Mémoire
|
II
La mort
|
III
Instruction/recom- mandation
|
IV
obéissance
|
V maltraitance
|
VI
souffrance
|
VII
Pitié/compassion
|
VIII
regret
|
IX
enseignement
|
1-il était une fois, une femme vivait paisiblement avec
ses enfants
|
2-elle tomba malade
3-sachant qu'elle n'avait plus pour longtemps fit ses adieux
à ses enfants
|
4-Elle leur remet une graine, et leur demande de la planter
5-elle dit aux enfants d'aller habiter là où la
graine arrêtera d'ex- croître
|
6-les enfants suivent les recommandations de leur mère
et vont habiter là ou la graine arrête d'ex croître
|
7-malheureusement Kfukfu ne les aime pas
8-elle se mit plutôt à les maltraiter
9-ce sont les enfants qui constituaient la main d'eouvre
ouvrière dans les champs de cette dernière
|
10-les enfants pleurent tout le temps en ces termes :
lorsqu'elle prépare le couscous, elle nous donne la croûte
11-Lorsqu'elle prépare les légumes, elle nous
donne les tiges
|
12-un jour un passant suivit cette mélodie et eut
pitié de ces enfants
13-elle réussit à convaincre Kfukfu de se rendre
au champ et de suivre la chanson
|
14-Kfukfu se mit à pleurer et regretta d'avoir
maltraiter ses neveux
|
15-l'enfant n'a pas de géniteur immuable
16-faire du bien à un enfant profite à toute une
société
|
Le thème de la mémoire est commun aux
péripéties de la première colonne. C'est, en effet, par le
souvenir que le conteur commence son texte. La maladie qui conduit à
la mort constitue la caractéristique commune aux éléments
mythémiques de la deuxième
colonne : « sachant qu'elle n'en a plus pour longtemps,
elle fait ses adieux à ses enfants ». La troisième
colonne du tableau a pour trait commun les recommandations. C'est en suivant
les recommandations de leur mère que les enfants pourront avoir un
toît ou passer le restant de leurs jours. Le thème de la
maltraitance qui est semblable au rejet caractérise la quatrième
colonne. La cinquième colonne est marquée par un même motif
qui est celui de la souffrance intérieure des enfants qui
n'arrêtent pas de pleurer sans cesse leur maman disparue.
L'avant-dernière colonne est réservée à la
pitié et à la compassion d'un passant qui, attristé par
les plaintes des enfants finit part avertir leur marâtre la
nommée Kfufku, tandis que la dernière est consacrée aux
regrets, car Kfukfu finit par se rendre compte que les enfants dont elle a tant
rejetés ne sont autres que ses neveux, donc les enfants de sa
défunte soeur. Au terme de cette partie de notre travail, on peut
conclure que les contes et les mythes en pidgin obéissent aux
méthodes d'analyse classique tout comme les autres genres. Passons
maintenant à la découverte de l'environnement mythique dans nos
différents récits.
IV.3. ENVIRONNOMENT
MYTHIQUE
L'environnement peut être vu comme un ensemble des
conditions naturelles (physique, chimique, biologique) et culturelles
susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les activités
humaines. Dans notre travail, nous avons le cadre spatial et le cadre
humain. Nous nous servirons de deux récits à savoir
« the orphan boy » et « ngoniton ».
IV.3.1. Le cadre spatial du
mythe
Les récits mythiques nous situent le plus souvent dans
les espaces extra-terrestres ou n'interviennent généralement que
des forces ou des personnages surnaturels. Cela relève peut être
du fait que le mythe, comme le dit R. Bultmana (1995), est une
« histoire des Dieux ».
Cependant, les mythes que nous avons en notre procession
couvrent à la fois un « ici » qui est un
cadre humain et un « ailleurs », cadre mythique
constitué d'un univers infernal. Le premier pôle présente
un espace humain où évoluent des personnages essentiellement
humains, et le second pôle présente un espace mythique que
peuplent les divinités et les êtres surnaturels. En prenant pour
ligne de repère l'itinéraire que suivent nos héros, nous
pouvons faire l'inventaire des lieux qui composent les deux pôles.
v Le cadre spatial dans « the orphan
boy »
Ø L'espace humain
Les deux premières séquences de l'histoire
présentent le premier pôle du récit. Le village natal de
l'orphelin est le point focal de la première étape de notre
récit. C'est donc le lieu à partir duquel se déploie
l'action. Autrement dit, c'est en ce lieu que l'enfant perd sa mère et
devient un orphelin, et c'est la perte de la maman qui donne une autre tournure
à l'histoire. La marâtre restée avec le garçon veut
à tout prix se débarrasser de lui, mais sans succès.
Les autres points de l'espace humain sont la case de la
grand-mère. C'est à cet endroit que l'enfant reçoit les
conseils et la conduite à suivre face aux différents obstacles
auxquels il sera confronté. Cependant, au-delà de l'espèce
humain, il ya ce que nous appelons un lieu frontière entre l'espace
humain et l'espace mythique, ou plutôt un lieu de conjonction entre les
deux mondes. Ici on parlera du : « carrefour avec plusieurs
embranchements ».
Ainsi, le village, (la maison parentale), la forêt, la
case de la grand-mère sont les différents lieux qui composent le
microcosme humain du premier pôle. Qu `en est- il de l'espace
mythique ?
Ø L'espace mythique
L'espace mythique couvre la deuxième partie du
récit. Comme nous l'avons dit, c'est par le lieu frontière entre
l'espace humain et l'espace mythique plus précisément
« le carrefour à plusieurs embranchements » que le
héros s'engage courageusement aux Enfers. Il utilise le passage que lui
indique sa défunte mère à travers un rêve. Il
traversera tour à tour un grand feu qui essaye de lui barrer le chemin,
un grand fleuve aux chutes et rapides vertigineuses, pour enfin se retrouver
aux pays des morts.
Le mythe de l'orphelin est donc composé aussi bien d'un
espace humain que d'un espace mythique. Cette structure bipolaire du cadre
spécial se retrouve, comme nous allons le voir à travers
l'itinéraire suivi par le héros, dans l'histoire de
«Ngoniton ».
v LE CADRE SPATIAL DANS
«NGONITON. »
Ø L'espace humain
Le village natal de Ngoniton est le point spatial qui borde
la première étape du parcours de Ngoniton. C'est donc le lieu
à partir duquel se déploie l'action du récit. C'est
à ce lieu que grandit la jeune fille, c'est à dire entre ces
différentes belles-mères qui sont jalouses de son immense
beauté. Puis, s'en suit cette situation de manque qui conduira les
coépouses à proposer à leur rivale une solution
diabolique. De là, l'action se déporte au fleuve, ce fleuve
où la mère de Ngoniton pratique sa pêche. Une mention
descriptive est faite à cet endroit précis : il ya
échange. Le pacte est scellé entre la mère de Ngoniton et
le Dieu des eaux. C'est parce que les trappes de cette dernière ne sont
plus fluctueuses qu'elle propose au Dieux des eaux, en échange du
poisson, sa fille unique : Ngoniton. Et c'est à l'issu de ce
contrat que la jeune fille se retrouve captive par les eaux. Cet échange
est le lieu de conjonction entre l'espace humain et l'espace mythique, et par
conséquent entre les deux mondes. Cet espace mythique n'est autre que
la rencontre entre la jeune femme avec la déesse des eaux.
Ils auraient été impossibles de parler de ces
lieux sans évoquer la typologie des contes éducatifs. C'est dire
que l'espace est toujours associes, voire intégré aux types de
contes.
IV.4.1. La typologie des contes
éducatifs
Le nombre et la variété des
contes ont amené folkloristes et chercheurs à procéder
à des regroupements des contes afin de les étudier plus
correctement. Mais la plupart des classifications proposées n'ont pas un
caractère scientifique. Leurs auteurs d'ailleurs n'avaient pas toujours
le souci de mettre sur pied un système cohérent de classification
des contes. Ils se sont donnés des outils de travail commode. Ils ont
donc classé leurs contes soit à partir du personnage central,
soit d'après le thème ou la finalité ou le ton, soit
d'après un ou plusieurs traits dominants.
Ceci dit, si nous prenons par exemple les contes africains
recueillis par Equi1becq(1972), nous constaterons que l'auteur fonde sa
classification sur plusieurs éléments à la fois, le ton,
le personnage, le thème, la finalité. Il a réparti les
contes en sept catégories qu'il a pris soin de bien définir tout
en précisant que « cette division en
catégories n'a rien de relatif, et pour l'établir, j'ai du ne
tenir compte que du caractère le plus marqué du récit
à classer, alors que par ces caractères accessoires, le
même récit pourrait se voir ranger dans une ou deux autres
catégories ». C'est ainsi que l'auteur classe ses contes
en 7 catégories : il s'agira notamment :
1) « les légendes cosmogoniques,
ethniques, héroïques et sociales »
Il s'agit là essentiellement des récits de
genèse qui expliquent l'origine d'un peuple, de l'univers, l'histoire
d'un héros fabuleux.
2) Les contes de sciences fantaisistes
Ces récits, explique-t-il, ne prétendent
nullement pas à la science et c'est consciemment qu'ils procèdent
de l'imagination de leurs conteurs. Les auditeurs ne les tiennent guère,
non plus, pour scientifiques et leur demandent un amusement bien plus qu'un
enseignement. Le plus souvent, ces contes donnent la cause originelle à
des particularités physiques de certains animaux .....
En effet, cette catégorie de contes constitue ce qu'on
appelle les contes explicatifs ou contes étiologiques.
3) les récits (merveilleux ou non) de pure
imagination sans intention didactique
Comprenant les récits merveilleux et les contes
anecdotiques et romanesques.
4) Autre catégorie, nous avons lescontes à
intentions didactiques, comprenant les contes de morale pure ou
théorique et les contes de morale pratique. Cette dernière peut,
au point de vue forme, se diviser en apologue symbolique (on parlera peut
être des paraboles) ou en contes proprement dits.
5) Il parlera également des fables qui se
distinguent des contes proprement dits parce que leurs principaux acteurs sont
des animaux.
6) les contes égrillards humoristiques et à
combles. Par « contes à combles », l'auteur
entend les récits d'exagération puérile ou la
drôlerie résulte du caractère excessif des actes
prêtés à ceux qui y figurent.
7) les contes- charades : ici, il s'agit des
récits qui conduisent à des discussions.
Comme on peut le constater dans ce cas précis, les
critères de différenciation des contes sont divers.cependant,l'on
constate quela classification d'Equi1becq n'est pas rigoureuse et ne peut donc
pas servir de base à une typologie générale des contes.
Par ailleurs, la question que l'on pourrait se poser serait
celle de savoir comment classer par exemple les contes qui sont à la
fois moraux, merveilleux et étiologiques ? La réponse
à cette question ne nous a pas été donnée.
Prenons maintenant un autre système de classification
plus simple. Selon Denise Paulme (1976 :19), la plupart des
travaux récents classent les contes d'une autre façon :
c'est ainsi que l'on voit des contes merveilleux, contes de moeurs, contes sur
les animaux. Cette c1assification reprend en fait la division proposée
par V.F. Mil1er. Cette classification qui simplifie les choses est tout
à fait séduisante et semble apparemment juste. Mais,on constate
que notre auteur pèche par excès de simplification, car il
laisse arbitrairement de côté les sous-genres.
C'est dans cette simplification que l'on constate par exemple
que, les contes mythiques, étiologiques, humoristiques etc... n'ont pas
de place dans cette répartition. De plus, la distinction entre contes
d'animaux et contes merveilleux n'est pas pertinente, car il ya des contes sur
les animaux qui contiennent des éléments de merveilleux et
inversement certains animaux ont un rôle important dans les contes
merveilleux. Alors, où donc classer, par exemple, le conte dans lequel
le lézard ridiculise le coq,ou courroucé par les attaques de
lézard, le coq décide d'en découdre avec lui en lui
donnant des coups de bec sur la tête. S'agit-il de conte d'animaux ou de
conte merveilleux?
Par ailleurs, étant donné que
« les contes, attribuent les mêmes actions aux hommes, aux
choses et aux animaux », la distinction entre contes de moeurs
et contes d'animaux dans ce cas paraît artificielle.
En outre, dans les contes africains, certains animaux sont des
personnages allégoriques car leurs habitudes et leurs comportements sont
ceux des hommes auxquels s'adresse en fait la morale de ces récits,
c'est par exemple le contes des poussins têtus.
De même par exemple, quand le lièvre ridiculise
le lion ; personne n'est sans savoir qu'il s'agit là d'une satire
des puissants, des rois autoritaires. Il arrive aussi que certains contes
soient à la fois merveilleux et moraux, c'est le cas du conte de la
fille désobéissante qui se laisse entrainer par des
garçons malgré les conseils des parents et se fait avaler par
le génie des eaux. Comme on peut le constater, il parait difficile de
classer les contes d'après la division de Miller, parce que, certains
contes appartiennent en fait à plusieurs catégories à la
fois. Selon Propp, « chaque chercheur qui déclare
effectuer la classification d'après le schéma proposé
opère en fait autrement. C'est justement parce qu'il se contredit que ce
qu'il fait est exact ». En effet, il classera tel conte dont les
auteurs sont des animaux, dans la catégorie des contes merveilleux parce
qu'effectivement, il voit bien qu'il ne s'agit pas là d'une simple
fable, d'un conte ordinaire sur les animaux.
Cette classification non plus ne permet pas d'établir
une typologie correcte des contes de l'enfant, qui relèvent de plusieurs
catégories.
Considérons maintenant la classification internationale
d'Aarne-Thompson(1964)). Les auteurs de cet index distinguent quatre grands
groupes de contes :
1. - Les contes sur les animaux
2. - Les contes proprement dits ou contes merveilleux
3. - Les anecdotes
4. - Les contes-charades
Les contes merveilleux se subdivisent en sept
catégories
1.- L'adversaire surnaturel;
2. - L'époux (épouse) surnaturel
3. - La tâche surnaturelle,
4. - L'auxiliaire surnaturel
5. - L'objet magique;
6. - Le pouvoir surnaturel
7. Autres éléments surnaturels.
Malgré cela, Propp reconnait à cet index le
mérite d'avoir introduit les sous-classes, mais cette classification non
plus ne permet pas d'effectuer une typologie claire; car à
l'intérieur, ne serait-ce que des contes merveilleux, certains contes
n'ont pas de place dans les subdivisions. Alors, « Que
faire » interroge Propp des contes où la tâche
surnaturelle est exécutée grâce à un auxiliaire
surnaturel ou bien les contes où l'épouse surnaturelle est
justement l'auxiliaire surnaturel » ?
Si l'index d'Aarne-Thompson n'est pas non plus satisfaisant,
en tant que modèle de classification, il a au moins l'avantage
d'être un outil de références intéressant, de
portée internationale, qui permet de voir l'universalité de
certains contes.
Néanmoins, l'on constate que la démarche de
Propp peut s'appliquer aux contes africains à condition, dit Denise
Paulme, « d'assouplir la méthode et d'observer quelques
distinctions ». Alors que pour le savant russe , il y a une
sorte de nécessité absolue dans l'enchainement des
séquences entre elles, de sorte qu'une interdiction est toujours
transgressée, un défi toujours relevé, une épreuve
toujours subie, un combat toujours victorieux, Denise Paulme affirme que dans
l'étude des contes dans la tradition orale, on peut constater les
variantes d'un même conte et que, il peut exister des alternatives, des
bifurcations, « des fonctions-pivot », et que
l'ordre des séquences n'est pas nécessairement immuable ; qu'une
ou plusieurs peuvent se développer jusqu'à former une histoire
à part à l'intérieur de la narration elle-même, et
dans ce cas , on parlera en quelque sorte, des récits dans le
récit.
Après une lecture critique de tout ce qui a
été dit plus haut, l'on dira que, l'analyse des contes africains
doit tenir compte de toutes ces considérations. Cependant, en
s'appuyant sur la démarche proppienne, on doit chercher à coder
le sens du ou des mouvements que comporte le conte. Le sens de chaque mouvement
est ascendant ou descendant, positif ou négatif, selon que son terme est
la réussite ou l'échec du héros, l'amélioration ou
la dégradation d'une situation.
Ainsi donc, le découpage des contes en mouvements et
leur codage positif ou négatif permettent de les classer en deux grandes
catégories (le type ascendant et le type descendant) à partir
desquelles se forment tous les autres types de contes, suivant la
manière dont se combinent les mouvements des récits. On obtient
ainsi plusieurs schémas structuraux composés par exemple de
mouvements ascendants ou descendants, des mouvements cycliques, des mouvements
symétriques et de sens inverse, des mouvements plus complexes etc...
Reprenant les travaux de Propp, Denise Paulme a établi
que toute structure narrative comporte une série de situations, le
passage d'une situation à la suivante étant rendu possible par
une modification. D'après elle, un grand nombre de contes africains
peuvent être considérés comme la progression d'un
récit qui part d'une situation initiale de manque (causée par la
pauvreté, la famine, la solitude ou une calamité quelconque) pour
aboutir à la négation de ce manque, en passant par des
améliorations successives.
La démarche inverse se rencontre aussi, il s'agit des
contes qui débutent par une situation stable, qu'un
événement quelconque (le plus souvent une faute du héros)
vient troubler; ce qui crée la rupture d'équilibre qui se
traduira par la punition, qui peut aller jusqu'à la mort, d'un ou de
plusieurs personnages.
Tout compte fait, notre préoccupation majeure n'est pas
l'étude de la structure des contes africains ; aussi, nous
contenterons-nous des conclusions de l'analyse de cette spécialiste de
la littérature orale africaine qu'est Dénise Paulme. Elle
distingue grosso modo sept combinaisons courantes des contes africains.
Mais, après analyse de chacun des contes de notre
échantillon, nous sommes arrivés à la conclusion que les
contes portant sur l'éducation de l'enfant, n'ont pas de structures
particulières ou spécifiques; ils se rangent parfaitement dans
les types de contes connus.
Le problème qui est le nôtre est de savoir dans
quels types de contes se rangent plus volontiers les contes et les mythes en
pidgin qui parlent de l'éducation de l'enfant dans la
société traditionnelle. Il s'agit donc pour nous d'analyser les
structures des contes de chaque type d'enfant et de les classer dans les types
de contes africains. Cette répartition permettra de mettre en
évidence les schémas structuraux les plus courants.
Eu égard à toutes ces observations, on peut
enfin affirmer que, le critère d'une bonne classification des contes
africains est le critère de la dynamique interne : entre la
situation initiale et la situation finale, il ya-t-il eu amélioration ou
dégradation ? On peut alors distinguer, avec Denise Paulme
(1976 :19-50) huit combinaisons essentielles, toutefois, nous n'allons pas
parcourir ces différentes combinaisons, on s'en tiendra essentiellement
à ce qui nous concerne.
Ø Type ascendant
Il s'agit des contes à un seul mouvement qui
amène la réussite du héros. C'est le cas de tous les
récits qui, partant d'une situation initiale de manque, aboutissent
à la liquidation de ce manque en passant par une amélioration.
Prenons un exemple de conte ascendant intitulé :Dylim
children.
Schéma structural :
manque-------------amélioration----------------manque comblé
Conteur : Histoire
Public : Raconte
Conteur : Il était une fois, une femme qui
vivait paisiblement avec ses trois enfants. Elle tomba malade et sachant
qu'elle n'en avait plus pour longtemps, elle fit ses adieux à ses
enfants. Elle leur remit une graine de melon à planter et leur demanda
d'aller habiter là où cette graine arrêtera de pousser. La
graine arrêta de pousser à côté de la maison de la
nommée Kfukfu et les enfants suivirent la dernière volonté
de leur défunte mère.
Malheureusement pour eux, Kfukfu ne les aimait pas. Elle se
mit plutôt à les maltraiter. Ces enfants servirent de la
main-d'oeuvre pour elle.Ce sont eux qui allaient chaque jour chasser les
oiseaux du champ de maïs de Kfukfu. Une tâche difficile pour ces
orphelins affamés et fatigués. Les cultivateurs d'autres champs
qui venaient à passer par-là étaient obligés de les
rappeler ce pourquoi ils étaient en brousse en ces termes :
« oh, les enfants, venez chasser les oiseaux sur le
maïs ». En y allant, ils avaient toujours chanté cette
mélodie en pleurant :
« Narrator: Dylim- ee-e Endede ndee, laan kebaa ndu
ndaa Kfukfu.
Audience: Endede ndee ndee.
Narrator: Eh lamk ban eh fo kekong se ghes.
Audience: Endede ndee ndee
Narrator: Eh chite mbas eh fo itie se ghes.
Audience: Endede ndee ndee-ee laam kebaa ndu ndaa Kfukfu
endede ndee ndee».
Traduction du refrain: Lorsqu'elle prépare le
couscous, elle nous donne la croute. Lorsque ce sont des légumes, elle
nous donne tiges. C'est la graine de melon qui nous a conduits dans la maison
de Kfukfu.
Un jour, l'un des passants suivit cette chanson, il alla voir
Kfukfu et lui demanda la signification de cette mélodie, mais elle fut
incapable de lui répondre. Alors,il réussit à convaincre
Kfukfu de se rendre au champ avec lui.
Une fois sur place, le cultivateur demanda aux enfants de
chasser les oiseaux sur le maïs ences termes: « oh, les enfants,
venez chasser les oiseaux sur le maïs ». Et comme d'habitude,
les enfants chassèrent les oiseaux en chantant la même
chanson :
Narrator : Dylim- ee-e Endede ndee, laan kebaa ndu
ndaa Kfukfu.
Audience: Endede ndee ndee.
Narrator: Eh lamk ban eh fo kekong se ghes.
Audience: Endede ndee ndee
Narrator: Eh chite mbas eh fo itie se ghes.
Audience: Endede ndee ndee-ee laam kebaa ndu ndaa Kfukfu
endede ndee ndee».
Kfukfu se mit à pleurer et elle regretta d'avoir
maltraité ces enfants car, ils n'étaient autres que les enfants
de sa défunte soeur.
Moralité : l'enfant n'est pas uniquement
celui du géniteur, c'est celui ou celle qui s'occupe de ce dernier qui
en est le véritable parent de cet enfant. Faire du bien à un
enfant a un effet bénéfique pour sa propre progéniture.
· L'analyse du conte
La structure de ce conte est très simple et peut se
résumer ainsi qu'il suit : les enfants de Dylim sont frappés
d'un grand malheur. En effet, leur mère très malade est mourante.
Cependant, avant de mourir, elle leur donne une graine de melon et leur demande
de la planter, tout en les conseillant d'aller vivre où la graine
arrêtera d'ex- croître. Ce récit peut se diviser en quatre
séquences.
1- -situation initiale (Situation de manque),
c'est-à-dire que les enfants perdent leur mère.
2 - situation d'amélioration : (il ya un processus
qui certainement changera la situation de ces jeunes orphelins). Avant de
mourir, la mère leur donne une graine de melon et leur demande d'aller
habiter là ou la graine arrêtera d'ex croître.
3 -les enfants ont suivi les conseils de leur mère
(curieusement, cette plante arrête d'ex-croitre chez Kfukfu qui est en
fait leur tante).
4-situation finale : Les enfants qui au
départ connaissaient une situation de manque voient leur manque
comblé par la présence d'une nouvelle mère à leur
coté, mère qui n'est autre que leur tante.
La situation qui, au départ est marqué par un
manque (séquence 1) est à la fin comblée (séquence
4), après des améliorations progressives (séquences 2 et
3).
Ce mouvement ascendant est de sens positif: d'un manque, on ne
peut aboutir par détérioration à une situation normale ;
autrement dit le mouvement de ce récit est à sens unique.
Manque comblé
(retrouvaille d'une nouvelle maman)
La figure graphique de ce conte est la
suivante :
3
2
Améioration
1
Situation initiale (manque : perte de la maman)
Ø Type descendant
Le type descendant est évidemment l'inverse du type
ascendant. Le conte part d'une situation stable, normale, pour aboutir à
une situation dégradée, déséquilibrée. C'est
le cas de tous les récits d'un seul mouvement qui amènent
l'échec du héros. Le mouvement est négatif à sens
unique.
Conte :la jeune fille
désobeissante
En ce temps -là un homme et sa femme eurent trois
enfants : Ngo Maliga, Ngo Yii et Ngo Lipem.
Ils les élevèrent du mieux qu'ils purent dans la
stricte observation des lois de la tribu et des interdits de la tradition. Les
parents s'étant apercus qu'elles atteignaient l'âge nubile, les
appelèrent un jour et leur prodiguèrent des conseils en ces
termes :
-Vous êtes de la tribu des Ndog- Béa. Toutes les
filles Ndog-Béa sont vos soeurs et tous les garçons sont vos
frères ou vos cousins. Autrement dit, vous avez le même sang. La
moindre frivolité entre les membres du clan est sévèrement
réprimée par les ancêtres. Quant au mariage avec eux, il ne
faut pas y songer. C'est une chose impossible. L'avez-vous compris ? Les
enfants répondirent :
-Père, nous avons compris.
Le père poursuivit :
-Vous êtes des jeunes filles, donc des femmes,
c'est-à-dire destinées au mariage. Mais tout mariage, pour
être béni, doit être précedé par un ensemble
de rites que le jeune prétendant doit accomplir dans la famille de la
personne qu'il aime. Ainsi dans vos pomenades et vos voyages, ne vous offrez
pas au premier venu, sans le consentement de vos parents.
Un jour, on annonca qu'une fête de mariage aurait lieu
au village voisin, de l'autre coté de la rive.Ce fleuve était
large, si large qu'on n'apercevait pas l'autre bout. Son eau était noire
comme la nuit et profondecomme un abîme. On eût dit qu'elle ne
coulait pas tant le sens du courant était imperceptible.
Ce fleuve n'était pas simplement un fleuve.
C'était le domicile du gardien de la tradition qui n'était autre
qu'un genie qui dictait aux hommes la voix des ancêtres. Tout le monde
savait qu'on ne pouvait pas traverser deux fois de suite ce fleuve sans
confesser ses fautes et jurer de ne plus les commettre. N'avait-on rien
caché, on traversait sans encombre ; sinon arrivé au milieu
du fleuve, on était englouti dans les eaux noires et profondes.
Ngo maliga, Ngo Yi et Ngo Lipem le savaient.Invitées
aux noces, elles s'apprétèrent comme il convient en pareille
circonstance. Elles furent reçues avec joie par leurs hôtes et
prirent part à la fête. De temps en temps, on interrompait les
danses pour manger ou pour faire passer une annonce, et on recommencait
à danser.
Minuit approchait, la fin des cérémonies aussi.A
ce moment, quelques jeunes gens s`approchèrent de nos trois convives.
Ils s`adressèrent d'abord à Ngo Maliga et lui demandèrent
la main. Ngo maliga fit trente mines et elle repondit enfin :
« je refuse ! ». Ils se retounèrent vers Ngo
Yi. Celle-ci fit moue, fronca le sourcil et sans mot dire, leur tourna le dos
et s'en alla.Les jeunes gens abordèrent enfin la cadette des trois
filles qui accepta le plus facilement du monde leurs avances. En vain, ses
soeurs lui rappelèrent les recommandations de leurs parents.La jeune
fille fit la sourde d'oreille et elle suivit ses nouveaux amis.
Le matin venu, elles se rassemblèrent pour rentrer chez
elles. Avant la traversée, chacune devait se confesser.
L'aînée Ngo Maliga s'engagea sur le tronc d'arbre en
chantant :
Fleuve de mes aïeux, kekédi !
Je reviens du mariage, kékédi !
Je rentre à Minka, kékédi !
J n'ai pas commis de faute, kékédi !
Ngo Maliga traversa le fleuve sans histoire. Elle embrassa son
père et sa mère. Puis vint le tour de la suivante. Ngo Yi mit les
pieds sur le tronc d'arbre qui servait de pont et chanta comme sa
soeur :
Fleuve de mes aïeux, kekédi !
Je reviens du mariage, kékédi !
Je rentre à Minka, kékédi !
J n'ai pas commis de faute, kékédi
La jeune fille atteignit aisement l'autre rive. Elle embrassa
son père et sa mère qui pleurèrent de joie en la
retrouvant saine et sauve.
Restait Ngo Lipem. Elle aussi s`engagea sur le tronc d'arbre
en chantant :
Fleuve de mes aïeux, kekédi !
Je reviens du mariage, kékédi !
Je rentre à Minka, kékédi !
J n'ai pas commis de faute, kékédi
A peine avait-elle mis les pieds sur le tronc d'arbre que
l'eau commenca à monter. Elle couvrit ses pieds et atteignit ses
chevilles, puis les genoux. Avant d'arriver au milieu du fleuve Ngo Lipem avait
déjà l'eau jusqu'à la poitrine ! Elle continua de
chanter et d'avancer. Mais l'eau montait, montait toujours. Elle atteignit les
épaules, puis le cou, la bouche. Bientôt, elle ne put plus
chanter. Quelques pas encore, seuls les cheveux frottaient au- dessus de la
masse noire de l'eau.
De loin, la famille rassemblée sur l'autre au bord de
la rive, assistait, impuissante, à cette effroyable scène.
Morale : C'est depuis ce temps-là qu'il
arrive malheur à tous les enfants qui désobeissent à leurs
parents.
La structure de ce récit : elle
est simple et peut se résumer ainsi :
-Châtiment d'une jeune fille qui désobéit
à ses parents.
Nous avons quatre séquences.
1- situation initiale : normale
2-équilibre menacé : (du fait de la
désobéissance et du mensonge de la jeune fille)
3-Dégradation de la situation (menace de mort par
l'épreuve de la traversée)
4- situation finale: mort de la jeune fille
désobéissante et souvenir.
La dégradation totale de la situation résulte de
l'entêtement de la jeune fille. C'est dans ce type de conte qu'on classe
les récits où un enfant, par suite d'une
désobéissance ou d'une bêtise, est puni. On part d'une
situation normale pour aboutir à une situation dégradée,
à un manque, à un châtiment ou à une mort).
La représentation graphique est la suivante :
Situation 1
initiale (normale)
Equilibre menacé
(désobéissance et
mensonge de la jeune fille)
2
Situation 3
Finale : dégradation totale (mort de la jeune fille
désobéissante)
Ø Type cyclique
Ce type de récit part d'un mouvement ascendant pour
revenir à l'état initial par un mouvement descendant. La
démarche inverse se rencontre aussi. La situation finale ressemble
à la situation initiale mais, il ya une différence à cause
des épisodes intermédiaires .Il s'agit bien d'un cycle complet
qui peut être positif ou négatif selon qu'il se termine par la
réussite ou l'échec du héros, l'amélioration ou de
la détérioration de la situation.
Le type cyclique comprend donc deux mouvements de sens
opposés. Dégageons la structure de ce type de conte à
l'aide de cet exemple.
Conte : Les poussins
têtus
La mère poule avait cinq poussins: LULU, TITI, KUKU,
DUDU, et FIFI.
Elle les emmenait manger tous les jours. Elle les nourrissait
d'insectes, d'herbes, de graines, et de fruits. Avant de les sortir, elle les
demandait toujours de bien suivre ses conseils. Elle leur disait:
« Si je fais Co-ko-co-ko-ko-koo, cela veut dire que
l'aigle, notre ennemi, n'est pas si loin. Vous devez courir et venir vous
cacher sous mes ailes. Si vous ne vous cachez pas sous mes ailes, l'aigle vous
emportera avec lui. Il vous emportera et fera un bon festin avec sa
famille».
Parmi ces cinq poussins, FIFI et DUDU étaient les plus
têtus, ils n'écoutaient pas leur mère. Chaque fois que la
mère poule apercevait l'aigle, elle faisait Co-ko-co-ko-kokoo ;
trois de ses poussins: KUKU, TITI et LULU l'écoutaient. Ils couraient et
se cachaient sous les ailes de leur mère.
La mère poule était toujours en colère
contre DUDU et FIFI. Elle leur disait : « s'il vous plaît les
enfants, n'allez pas loin quand nous allons manger. Ecoutez-moi, sinon un jour
l'aigle vous attrapera ».
DUDU et FIFI ne voulaient pas écouter leur mère.
Un jour pendant qu'ils mangeaient, monsieur l'aigle est revenu. Aussitôt
que la mère poule a aperçu l'aigle, elle a fait
Coko-co-ko-ko-koo. Les trois poussins obéissants, LULU, TITI et KUKU ont
couru et se sont cachés sous les ailes de leur mère. Mais DUDU et
FIFI étaient très loin. Quand ils ont vu le danger, ils ont
essayé de courir pour se cacher sous les ailes de leur mère, mais
il était trop tard. L'aigle a rapidement attrapé DUDU.
FIFI a couru vers la mère poule en pleurant :
« Mère, mère, l'aigle a attrapé DUDU».
La mère poule et les autres poussins ont entendu Dudu
pleurer là-haut dans le ciel en disant:« Si j'avais
écouté les conseils de ma mère, je n'aurai pas
été pris par l'aigle. »
FIFI en voyant la scène, s'est adressé à
sa mère en pleurant: « Mère, je t'écouterai toujours.
Monsieur l'aigle ne m'attrapera pas comme il a attrapé mon frère
DUDU. J'ai vu l'aigle déchiré mon frère dans les airs
».
Le lendemain, ils sont allés manger. Cette fois-ci,
FIFI ne s'est pas éloignée, elle est restée à
quelques pas de sa mère. L'aigle affamé est revenu. Mais, il
n'attrapa aucun poussin. Quand la mère poule a vu l'aigle, elle a fait
Co-ko-co-ko-koo. Tous les poussins, y compris FIFI, l'ont entendu et sont venus
se cacher sous ses ailes. Monsieur l'aigle était très
déçu. Il s'en est allé chercher ailleurs les poussins
têtus à attraper.
L'analyse du conte: les petits poussins
têtus
La structure de ce conte peut se résumer de cette
façon : un enfant entêté est Châtié, mais
sauvé de justesse.
Nous avons deux mouvements : le premier est négatif,
descendant. Il comprend trois séquences :
1- Situation initiale :situation normale, mais
l'équilibre devient instable à cause de la conduite inhabituelle
de DUDU et de FIFI (mère poule éduque ses poussins sur tout ce
qui peut être susceptible d'entrainer leur perte. Elle les conseille de
ne pas s'éloigner d'elle car, l'aigle, leur pire ennemi rode dans les
parages, n'attendant qu'une seule occasion pour se déployer sur sa
proie).
2- Dégradation de la situation par
désobéissance ou indiscrétion. (Les poussins têtus
persistent dans leur entêtement malgré les reproches et les
conseils de leur mère. Ils s'éloignent pendant que leurs
frères LULU, TITI, et KUKU restent auprès de leur mère).
3- Danger couru du fait de leur mauvaise conduite (FIFI et
DUDU étaient trop éloignés, et constituaient ainsi une
proie facile pour l'aigle. DUDU causa sa perte, le jeune poussin fut
emporté par l'aigle).
4-Situation à nouveau normale : (en fait plus
stable, puisque FIFI change complètement de conduite et devient
obéissante suite à la mort de sa soeur causée par leur
désobéissance).
Au bout du compte, le cycle est complet : à partir
d'une situation plus ou moins stable au départ, le héros
désobéissant ou indiscret se trouve transformé à la
fin après le grave danger auquel il a échappé. La
situation est rétablie après avoir été
dégradée.
Schémastuctural du type cyclique positif :
Situation :
normale .........détérioration..... Manque.........amélioration ......situation
stable (réussite).
Situation initiale normale 1
Représentation graphique:
Situation à
nouveau normale
(Fifi change complètement de conduite et devient
obéissante 4
Dégradation de la situation (désobéissance
et indiscrétion de Dudu
et de Fifi
2
Dégradation (mort de Dudu)
3
Comme on vient de le voir, « les contes
africains sont structurés et ne sauraient plus longtemps
être tenus pour l'assemblage capricieux de modèles choisis au
hasard ». (Denise Paulme, 1976 :44). Appliquée aux contes
en pidgin, l'analyse structurale permet de mettre en évidence les traits
qui leurs sont propres. C'est sans doute pour cette raison que l'on
conviendrait avec Denise Paulme ( 1976 :44) lorsqu'elle affirme :
« l'analyse morphologique n'est pas une fin en soi mais, un moyen
pour mieux comprendre l'esprit humain tel qu'il s'exprime à travers une
création particulière , qui est , ici, l'oeuvre
littéraire » .
L'étude des structures en effet peut permettre
d'établir aussi une relation analogique entre la structure de la
narration et la structure sociale ou même la structure de la
pensée, dans la mesure où le conte, tout comme le mythe, et
comme toute littérature, sont tributairesde la société
qui les produit et par conséquent, révélateur des
valeurs idéales du groupe social. Faut -il encore mentionner ici que,
c'est le recours à l'analyse morphologique qui permet
véritablement de voir les ressemblances et les différences
réelles entre deux contes.
Il faut donc convenir avec nous qu'une typologie des contes ou
des mythes qui ont des thèmes majeurs à partir des personnages
principaux, si elle est commode ; n'a pas un caractère
scientifique, car elle repose sur des critères conjoncturels, caducs.
Seule une analyse structurale, tenant compte de la grammaire narrative des
populations africaines, permet de mettre en évidence la
spécificité des divers contes et la différence
réelle entre des récits apparemment identiques.
Troisième Partie :
DE L'EDUCATION
TRADITIONNELLE DE L'ENFANT DANS LA REGION DU SUD OUEST
Chapitre V : DU SYSTEME EDUCATIF TRADITIONNEL AFRICAIN
AUX MYTHES PIDGIN : VALEURS ET IMPACT
S'il est admis que l'éducation dans la
société traditionnelle est menée comme nous l'avons vu, de
mains de maître, par ceux-là que nous avons nommé:
acteurs de l'éducation ; s'il est
avéré que cette éducation est faite dans des cadres aussi
divers que variés, il n'est pas inutile de dire, qu'elle a un contenu
qui lui permet d'atteindre ses missions de socialisation, d'intégration
et d'enracinement de l'enfant dans son milieu social.
Etant donné que l'éducation dans la
société traditionnelle vise l'enseignement de tout ce qui dans la
société peut amener l'enfant à son intégration, il
reste logique de dire que, le contenu de l'éducation devient la
société toute entière dans ses composantes et dans ses
aspects.
Parlant donc de contenu de l'éducation, nous dirons
qu'il est divers et varié. Il peut se synthétiser dans une
moindre mesure à travers les différents éléments de
transmission des valeurs sociales du passé qui se regroupent dans les
genres de la littérature orale .Cela peut se résumer
à travers une pédagogie traditionnelle. Ainsi aurions-nous dans
cette partie les différents volets à savoir le conte, une
école d'éducation et de formation, l'initiation dans la
société secrète et enfin un ensemble de croyances qui est
l'essentiel des représentations ou des visions du monde de l'Africain
traditionnel.
S'il reste vrai que ces éléments que nous allons
étudier ici, ne peuvent à eux seuls englober le contenu vaste de
l'éducation dans la société traditionnelle africaine, ils
ont le mérite de nous permettre de fixer les bases d'une
réflexion sur les conclusions définitives que nous aurons
à tirer dans le cadre de ce travail.
V.1. DU SYSTEME EDUCATIF
TRADITIONNEL AFRICAIN
Dans cette partie du travail, nous mettrons beaucoup plus
d'accent surles contes. Faut-il le rappeler, le conte est non seulement le
genre de la littérature orale profane qui épouse les contours de
plusieurs autres genres que sont: le proverbe, le mythe, la légende, la
fable mais surtout, il est admis qu'il reste le genre particulièrement
prisé par l'enfant qui est ici l'objet de notre travail.
Dans la mesure où le conte est: « un fait
de civilisation, le reflet de valeurs idéologiques
», il est une école de la vie et est à même de
nous renseigner sur les vertus enseignées et les vices combattus dans la
société traditionnelle.
Enfin, dans le cadre de l'initiation et des croyances, nous
montrerons comment elles servent toutes les deux comme contenus, aux missions
de l'éducation de l'enfant dans la société traditionnelle
africaine citées plus haut.
V.1.1. Le conte pidgin : une
école d'éducation et de formation
S'il y a un genre littéraire qui peut réclamer
une certaine universalité, tant il est connu de tous de part le monde,
c'est sans contexte le conte. Car, plutôt qu'un simple genre oral, il est
l'expression de la société dans toutes ses manifestations, il
est le propre de l'homme de toutes les cultures et de toutes les
époques.
Dans la société traditionnelle africaine en
particulier, le conte est le genre qui : « semble passer pour le
résumé de la littérature orale »
(J. M.Awouna, 1970 :55). Ceci, en raison de ses nombreuses
affinités avec plusieurs autres genres que sont: le mythe, la fable, la
légende etc.
Comme l'ont montré des chercheurs tel que Pierre N'DAK
(1984) qui, lui-même s'est servi des théories sur les origines des
contes: le conte, comme le mythe, est une histoire qui relate les
événements situés dans les temps immémoriaux mais
à la différence, l'histoire racontée par le conte a un
pied dans la réalité alors que le récit du mythe reste
antérieur à l'histoire.
Ensuite comme la fable, le conte situe son histoire dans une
société imaginaire avec les personnages animaux mais à sa
différence, le conte raconte des histoires merveilleuses alors que la
fable reste dans le monde du possible, du réel.
Enfin, comme la légende, le conte hyperbolise les faits
en relatant les exploits des personnages. Dégradés, les
légendes comme les mythes peuvent donner lieu à des contes. Ce
sont ces affinités qui ont amené à dire: « la
ligne de démarcation entre les genres narratifs traditionnels est en
réalité très tenue, floue et poreuse et l'on passe de l'un
à l'autre naturellement » (Pierre Ndak,
1984 :22).
Après cette pause définitionnelle, entrons dans
le vif de notre propos en répondant aux questions suivantes: en quoi le
conte est-il une école? Et d'abord qu'est-ce qu'une école?
Simplement dit et conformément au sens commun, une
école est une institution à plusieurs niveaux où les
enfants reçoivent un enseignement différencié selon ces
niveaux et où ceux-ci sont soumis à des maîtres qui
respectent scrupuleusement un programme prédéfini, bien entendu,
propre à chacun de ces niveaux.
En appliquant cette définition dans notre contexte,
nous dirons que le conte est une école parce qu'il a des niveaux qui
sont dans son cas des niveaux d'âges. Il a un programme non pas
défini mais qui fluctue au gré des événements de la
société traditionnelle et selon que le conteur qui est le
maître ici juge de la nécessité de faire sa
récitation ou son cours sur telle ou telle leçon, qu'il juge apte
à apporter aux auditeurs un enseignement sur tel ou tel acte de la vie.
A la différence du maître d'école, le
conteur donne sa leçon ou l'enseignement du conte aussi bien aux enfants
qu'aux adultes. C'est dans cette optique que Amadou HampateBä
(1994 :33) a pu dire que le conte est un : « support
d'enseignement aussi bien pour l'éducation de base des enfants que pour
la formation morale et sociale, voire spirituelle ou initiatique, des
adultes ».
Approuvé comme tel, nous dirions que dans la
société africaine, il n'y a pas d'âge pour recevoir des
enseignements. Tout le monde, jeune comme vieux reçoit la même
éducation et à la même école. Toutes les occasions
sont bonnes pour enseigner, informer de telle sorte que: « Tout est
école, rien n'est simplement recréation (...) Que
ce soit par les contes, par les chants, par la parole, rien en Afrique
n'est vraiment une distraction simple ... tout a un but, tout a
un motif » (A.Hampaté Ba, 1994 :335).
Bien plus, dans la société traditionnelle
africaine:
Chaque conte est un livre que le maître
récite et commente, le jeune, lui doit écouter, se
laisser imprégner, retenir le conte autant que possible, le revivre
en lui-même. On lui recommande de revenir sans cesse au conte
à l'occasion des évènements marquants de sa
vie. Au fur et à mesure de son évolution
intérieure, sa compréhension se modifiera, il
y découvrira des significations nouvelles. Souvent telle
épreuve de sa vie l'éclairera sur le sens profond de tel
ou tel épisode du conte; inversement, celui-ci pourra l'aider
à mieux comprendre le sens de ce qu'il est en train de
vivre (A. Hampate Bä, 1994 :16).
En d'autres termes le conte dans la société
traditionnelle, doit être suivi et vécu par tout un chacun afin
d'acquérir des valeurs indispensables pour une intégration totale
dans la société.
Accepté donc comme tel, le rôle éducatif
du conte n'est plus à démonter. Mais on n'y insiste pas toujours
assez. Pour notre part, il s'agit de mettre en relief à partir des
contes recueillis l'importance du conte dans l'éducation et la formation
de l'homme (enfant et adulte).Cette éducation et cette formation sera
développée sur deux volets :
o La fonction morale du conte
Surle plan moral, le conte constitue une des bases
essentielles de l'enseignement traditionnel, un élément
privilégié de l'éducation formelle.
Autrement dit, l'enfant apprend les rudiments de la morale en
écoutant les récits que lui fait sa mère ou son
père, en assistant à des séances de contes. Les contes, en
effet véhiculent les idéaux de la société,
indiquent les règles de conduite à tenir dans telle ou telle
circonstance adopter pour la réussite de la vie personnelle et la bonne
marche de la communauté. C'est dans ce sens qu'on a écrit que le
conte est « une source de lumière pour la conduite
personnelledans la vie et l'intégration harmonieuse dans le milieu
social » (Victoire-hortense).
En effet, le conte contient l'essentiel de l'éthique
traditione1le et invite chacun à s'y conformer. Quiconqueparticipe aux
séances de contes s'en imprègne et les assimile parfois
mêmesans s'en rendre compte.
Les principes éducatifs utilisés dans les contes
traditionnels sont ceux de la pédagogie moderne : pour qu'une histoire
intéresse l'enfant, il faut qu'elle soit amusante, qu'elle
éveille sa curiosité, stimule son imagination. En d'autres
termes, il s'agit de provoquer chez l'auditeur (l'enfant en particulier)
l'intérêt et la motivation, et c'est ce à quoi s'emploie le
bon conteur. Autrement dit, une approche attrayante; une mise en scène
originale permettent à l'enfant de comprendre la situation et par
conséquent de saisir sans trop de peine le message du conte.
Ainsi,la trame du récit, la présentation des
acteurs, leurs actions, tout concourt à mettre en évidence les
valeurs qui doivent être les normes de conduite. Aussi, lorsque la fin du
conte ne donne pas les conseils appropriés, on peut soi-même
à partir de conduites rapportées, dégager les
leçons qui s'imposent.
En restant dans cette logique des choses, nous dirions que le
conte contribue à développer le sens moral en présentant
des aspects visibles du bien ou du mal. Par ailleurs, s'il est des
récits dont la portée morale est incontestable, c'est bien les
contes de l'enfant car, ils sont riches d'enseignements moraux. Prenons par
exemple les contes de l'orphelin. Ils juxtaposent souvent deux personnages (une
orpheline et sa demi-soeur) dont le contraste des comportements a pour but de
souligner les qualités appréciées par la
société et les défauts condamnables. Ainsi, l'orpheline
incarne l'obéissance, la soumission, le dévouement, la
serviabilité, le courage, la docilité, tandis que sa demi-soeur,
(la fille de la marâtre) représente la suffisance, l'insolence,
l'impolitesse ; ainsi la vieille femme rencontrée symbolise la
compassion, la bonté, la protection maternelle tandis que la
marâtre incarne la méchanceté, la cruauté, et l'on
peut soi-même, à partir des conduites rapportées,
dégager les leçons qui s'imposent.
Si nous prenons cet autre exemple, l'on se rendra compte que
l'indiscrétion est stigmatisée dans les contes de l'enfant.
L'attitude inhospitalière, la dureté de coeur sont
fustigées dans les contes du pianique tandis que les contes de l'enfant
malin revè1ent la valeur de l'intelligence. Ainsi donc les vertus sont
exaltées et les vices condamnés.
C'est fort de cela que nous adopterions les pensées de
Mahamadou Kane (1968 :20) qui dit que le conte
Constitue un genre vivant qui guide les premiers pas de
l'enfant africain qui y puise les règles de morale pratique et lui
permet ainsi de faire l'apprentissage de la sagesse. Il renforce chez l'adulte
l'expérience de la vie et constitue une sorte de vaste répertoire
de conduite à bannir ou à adopter et à partir desquelles
il lui sera loisible de guider sa vie.
Dans cet extrait, l'auteur voudrait nous faire comprendre
que l'enseignement des contes est essentiellement un enseignement de morale
pratique ayant prise directe sur la vie. Car l'enfant ou même l'adulte
a
besoin d'éducation qui subtilement,
uniquement par des sous-entendus lui fasse avoir des avantages d'un
comportement conforme à la morale non par l'intermédiaire des
préceptes éthiques abstraites mais par le spectacle des aspects
tangibles du bien et du mal qui prennent alors pour lui toute leur
signification (B.Bettelheim, 1976 :16).
Sans doute, il s'agit de donner une éducation telle que
tout individu puisse s'intégrer sans heurt dans la
société. Il s'agit encore de lui inculquer un sens moral et
particulièrement une morale telle qu'il puisse se conduire dans
l'intérêt de la communauté.
En revanche, ce n'est pas par hasard si bon nombre de nos
contes concernent effectivement les relations humaines, les rapports sociaux;
rapport entre les frères, rapport entre parents et enfants, rapport
entre marâtre et orphelin. Rapport entre le roi ou le chef et les sujets,
rapport entre la communauté villageoise et l'individu
déshérité ou malade etc.
En tout état de cause, c'est à travers la
critique des relations humaines que se dégage la portée morale
des contes qui n'échappe pas à l'auditeur. Cette critique
paradoxalement devient un élément indispensable pour
l'apprentissage et le développement des qualités humaines. Cela
nous amènera à dire sans risque de nous tromper que les contes
sont extrêmement formateurs.
o Fonction sociale du conte
A côté de l'éducation purement morale
qu'il assure, le conte, tel qu'il se pratique dans les villages a aussi une
fonction d'ordre social : il aide au renforcement des relations
interpersonnelles, à la cohésion du groupe auquel il enseigne les
mêmes normes morales ; il crée et développe
également l'esprit d'amitié, de fraternité et de
solidarité, il est aussi facteur de continuité de la tradition.
Et parlant justement de continuité, Roland Colin (1966)
dira à ce propos que : « c'est un ciment puissant non
seulement entre une pierre humaine d'une même époque de
l'histoire, mais entre les cycles de l'histoire qui se reproduisent entre hier
et demain ».
Notre auteur voudrait tout simplement dire que le conte sert
de véhicule qui permet de transmettre de génération en
génération une part importante du patrimoine culturel. Autrement
dit, il s'agit de transmettre les idéaux et les principes qui soutendent
et maintiennent l'ordre social. Le conte reflète une sorte de
mémoire collective que chacun contribue à entretenir, car il
n'est pas une femme, un homme, un enfant, qui ne connaisse un certain nombre de
contes.
C'est sans doute pour cette raison que Struyf, cité par
P. Erny (1972 :173) aura noté en exagérant un peu que
« ces histoires sont retransmissent d'une
génération à l'autre mot à mot. Chacun en connait
des centaines depuis son enfance ».
Etant donné que la transmission des contes se fait
oralement, le répertoire de contes que certaines personnes
possèdent est la preuve que le conte contribue au développement
de la mémoire et de l'attention soutenue, car il faut bien une
mémoire exercée pour retenir tant de contes et surtout des contes
dans l'ordre des séquences. Ainsi, dirions-nous que la séance de
conte constitue donc un exercice de mémoire et une occasion de faire
preuve de cohérence et de 1ogique.
Sans vouloir pousser le bouchon plus loin, l'on dira que, par
les images et les émotions qu'ils impriment en chaque auditeur
(spécialement l'enfant) les contes concourent à la formation de
la sensibilité. En effet, les contes avec un enfant pour héros ne
peuvent laisser indifférent. L'on est particulièrement sensible,
par exemple, aux souffrances de l'orpheline chez une marâtre cruelle,
à ses aventures, seule, dans un monde étrange. C'est avec
soulagement et une grande joie que l'on la revoit, à son retour,
comblée d'abondance et debonheur. L'on est également
touché par l'attitude méprisante et inhospitalière des
villageois qui chassent l'enfant pianique (P.N'Dak, 1984)et l'on approuve
instinctivement le châtiment qui leur est infligé à la fin.
Les malheurs de l'enfant désobéissant intéressent plus
d'un enfant et le message du conte s'imprime profondément dans le coeur
de chaque auditeur. L'on prend part à l'affliction et à la
désolation de la femme stérile qui perd son unique enfant qu'un
génie bienveillant lui a donné. De même, l'on se
réjouit de la victoire de l'enfant terrible sur les puissants, les rois,
les ogres. Comme nous pouvons le constater, les contes déclenchent chez
l'enfant (ou même chez l'adulte) une résonance affective telle
qu'il sympathise spontanément avec le héros et finit par
s'identifier à lui.
A propos de cette identification, Charles Perrault (1968)
écrivaitau17° siècle « il n'est pas
croyable avec quelle avidité ces âmes innocents (...)
reçoivent ces instructions cachées ; on les voit dans la
tristesse et dans l'abattement tant que le héro et
l'héroïne du conte sont dans la malheur ».
Et pour emboiter le pas à Perrault, Bruno Bettelheim
(1976 :20), l'un des plus grands spécialistes de la psychologie
enfantine de notre temps écrit à cet effet :
à cause de cette identification, l'enfant
imagine qu'il partage toutes les souffrances du héro au cours de ses
tribulations et qu'il triomphe avec lui au moment où la vertu l'emporte
sur le mal. L'enfant accomplit tout seul cette identification et les luttes
intérieurs et extérieurs du héro impriment en lui le sens
moral.
Toutefois, pour une compréhension plus approfondie, il
convient de faire une petite mise au point sur cette notion d'identification.
Si l'enfant s'identifie avec tel ou tel héros du conte; c'est parce
qu'il se reconnait en lui ou l'admire ou simplement parce que plus prompt
à s'apitoyer, à s'émerveiller, à s'émouvoir,
à sympathiser.Il "épouse" l'autre et se substitue à lui.
Mais, faut-il relever l'équivoque en insistant sur le
fait que,cette identification ne signifie nullement que le conte s'adresse
à l'enfant et d'abord à lui. Ce n'est pas parce qu'un enfant
pleure ou admire le héros du conte ou se prend pour ce personnage
qu'il comprend mieux l'enseignement proposé par le narrateur. Cen'est
pas non plus parce que le héros, d'un conte, d'un film ou d'une
piècede théâtre est un enfant que ce conte, ce film, cette
pièce s'adressent àl'enfant qui, sentimentalement s'identifie
naturellement aux héros.
Cependant, il faut signaler et cela sans risque d'offusquer
les uns et les autres sur le fait que la plupart des contes visentd'abord les
adultes mais, il est indéniable qu'ils concernent également
lesenfants sur lesquels ils agissent nettement. Grâce aux contes,
l'enfant apprend à participer par symbiose affective aux souffrances et
aux joies des autres. Autrement dit, il développe en lui le sens de la
fraternité humaine.
Fort de tout ce qui précède nous pouvons
conclure que toute école, qu'elle soit moderne ou traditionnelle, dans
ses finalités doit permettre à l'enfant de posséder
à la fin de sa formation un certain nombre de savoirs que nous
regrouperons en quatre: un savoir (sur le plan psycho cognitif) ; un
savoir-faire (sur le plan psychomoteur) ; un savoir-être (sur le plan
psychoaffectif) et un savoir-vivre (sur le plan psycho-environnemental). Voyons
à présent en quoi le conte apporte, comme une école, ces
savoirs à l'enfant.
Ø Un savoir (sur le plan psycho
cognitif)
Entre la connaissance et l'intelligence il n'y a qu'un pas.
Les contes, dans le cas particulier des contes de l'enfant malin comme par
exemple: les contes, Sense pass king ou encore Trahoré
et le mauvais chef,ces récitssuscitent et encouragent chez
l'enfant l'intelligence. L'apologie de cette vertu atteint son paroxysme dans
ces récits et est présentée aux enfants comme le seul
moyen susceptible d'apporter des solutions adéquates aux
difficultés qu'ils rencontrent dans la vie. Ici, les héros
intelligents sont présentés aux plus jeunes et leurs exploits
devant les chefs et les rois méchants qui leur tendent des
pièges sont brandis comme des modèles.
Par ces actes intelligents, la société
traditionnelle africaine, par le canal des éducateurs publics que sont
les conteurs, informe les enfants sur des faits indispensables et aptes
à développer chez eux non seulement l'intelligence,mais une
capacité d'adaptation à la vie et surtout à la
connaissance.
Cette connaissance, le conteur l'apporte aux enfants par le
canal des contes étiologiques qui dévoilent l'origine de tel ou
tel événement.
La connaissance est aussi véhiculée par le canal
des contes généalogiques qui offrent un enseignement profond de
l'histoire des membres de la famille de l'enfant. Ces contes permettent de
connaître les liens de parenté ou des alliances qui se sont faits
entre les familles afin de faire connaître aux enfants les limites
à ne pas dépasser lorsque, le moment venu, ils décideront
de prendre femme.
Parce qu'ils sont dits le plus souvent en langue vernaculaire,
le conte permet aux enfants de cultiver l'éloquence mais aussi, il leur
permet de maîtriser les nuances et les fluctuations de leur langue
maternelle.
Mais le conte, par l'objectif premier qu'il a de donner aux
enfants la connaissance des normes sociales, des manières subtiles
d'agir et d'être, amène l'enfant à asseoir un certain
nombre de pré requis utiles à sa propre intelligence. Dans le
conte Sense pass king, le jeune enfant qui porte le nom du conte se
sauve plusieurs fois des pièges tendus par le méchant roi ceci
non seulement, par son intelligence hors du commun, mais surtout par sa
connaissance profonde de la tradition.
D'ailleurs, la société africaine toujours par le
canal des contes, présente la plupart du temps les héros
enfantins, très jeunes et très intelligents pour amener les
enfants à penser qu'ils peuvent eux aussi, s'ils le veulent, être
à l'image des héros qui leur sont présentés comme
modèles.
Aussi, les contes ont une manière subtile de susciter
l'intelligence. Ils racontent des événements fantastiques dans
des mondes féeriques et merveilleux pour transporter l'enfant dans
l'imaginaire qui, comme nous le savons tous, est souvent un
élément très important dans le développement de
l'intelligence. L'imagination permettant à l'enfant « qui
a besoin d'échapper parfois au monde de l'adulte, où
tout est réglementé pour entrer dans un monde où il
devient puissant » (A Dienget als, 1996 :10)elle permet
de plus à l'enfant, de penser l'impossible pour le rendre possible.
Ø Un savoir-faire (sur le plan
psychomoteur)
S'il est parfois très difficile de montrer en quoi le
conte apporte à l'enfant un savoir-faire, il reste vrai que lorsqu'on
prend le conte comme un art qui nécessite des techniques qui peuvent
être apprises à l'enfant par l'entremise d'un artiste ou d'un
conteur, cela devient très aisé.
Ce savoir-faire peut aisément se réaliser
lorsqu'on sait que chez l'enfant: «il
y a une période pour apprendre, une période
pour avoir l'explication et une période pour enseigner à
son tour» A Hampaté bä, 1994 :334).
Autrement dit, le jeune enfant apprend d'abord l'art du contage en
écoutant le conteur, pendant les veillées éducatives, au
clair de lune, autour du feu. Puis, il peut s'exercer tout en recevant des
explications sur la manière de procéder. Enfin, il pourra par la
suite maîtriser l'art du contage et se mettre à diffuser le conte
comme le faisait autrefois le conteur professionnel.
Etant donné que l'art du contage est une technique que
possède le conteur, sa maîtrise peut donner à l'enfant un
savoir-faire qui peut l'amener non seulement à s'intégrer dans la
société mais aussi à avoir une sorte d'estime et de
réalisation de sa personne.
Dans une moindre mesure, l'écoute de l'art du contage
peut permettre à n'importe quel enfant de posséder des rudiments
indispensables à la narration de n'importe quel événement
qu'il était donné de faire connaître aux autres. De sorte
que l'art de narrer les faits, était une qualité et parfois le
sens commun arrivait à conclure que cet art était plus qu'une
qualité mais un don.
Ø Un savoir-être (sur le plan
psychoaffectif)
Entre susciter chez l'enfant des émotions, des affects
nécessaires à son équilibre moral et affectif et le former
moralement pour lui permettre d'avoir des modes de conduites conformes aux
normes sociales, il n'y a qu'un pas. Le conte africain traditionnel a une
manière bien particulière d'agir dans la conscience de l'enfant
afin de susciter en lui des émotions et des sentiments. Il
présente des personnages divers qui, à cause des
évènements malencontreux se trouvent par la force des choses
orphelins, invalides, prisonniers de la méchanceté des forces qui
les dépasse. Par cette présentation, les enfants ressentent les
douleurs, les peines et les souffrances de leurs héros. Avec eux, ils
vivent dans le même monde, connaissent les mêmes
péripéties. C'est dans ce sens qu'Amadou HampateBA a pu dire
qu'entrer à l'intérieur d'un conte, c'est un peu entrer à
l'intérieur de soi-même. Un conte en un sens pouvant être un
miroir où chacun peut découvrir sa propre image.
Devant le récit que constitue l'histoire du conte,
l'enfant est amené à prendre conscience des peines humaines.Il
est amené à prendre conscience de ses attributs d'homme et dans
ce sens le conte l'amène à se dire que l'histoire qu'il
véhicule peut aussi se manifester dans sa propre vie. Il devra dans ce
cas vivre intensément le périple de son héros, retenir
l'action mise en jeu par celui-ci pour triompher du mal, pour se sortir
lui-même du pétrin dans lequel il pourrait se trouver un jour.
Mais, surtout le conte aura contribué à lui montrer que:
«la lutte contre les graves difficultés de la vie est
inévitable, mais que si, au lieu de se dérober, on
affronte fermement les épreuves inattendues et souvent injustes, on
vient à bout de tous les obstacles et on finit par emporter la
victoire » (propos de Bettelhein, repris par PNdak,
1984 :169).
Au-delà des émotions, des affects que suscite le
conte chez les enfants, il y a en plus et surtout une formation sur le plan
moral qui entraîne un savoir-être nécessaire à la
formation de l'être spécifique de l'enfant: sa
personnalité. Dans ce sens, le conte est le véhicule par lequel
la société tout entière présente les conduites
à tenir, les normes sociales à respecter. Dans le conte La
jeune fille désobéissante, c'est la formation
morale dans le strict respect des traditions qui est véhiculée.
Dans L'orpheline et la vieille femme, on amène les
enfants à être serviable. Enfin, dans le conte Les trois
frères, le conteur insiste sur la nécessité pour
chaque enfant de respecter les paroles des parents. Ce n'est que le respect
scrupuleux des règles et recommandations qui préservent l'enfant
du mauvais sort. Et dans ce sens Ngo Lipem dans le conte La jeune
fille désobéissante est présentée comme un
anti-modèle.
Ø Un savoir-vivre (sur le plan psycho
environnemental)
Susciter chez l'enfant des émotions, des affects qui
l'amènent à se comporter en stricte conformité avec les
valeurs morales et l'amener à agir avec intelligence en lui donnant d'un
même élan des connaissances qui lui serviront plus tard dans sa
vie d'adulte ne sont pas les seules missions du conte. En un sens on peut dire
que ces missions sont des préalables au savoir-vivre dans
l'environnement aussi bien social que physique de l'enfant.
Après avoir suscité chez l'enfant un
savoir-être, le conte a pour principale mission de l'amener à
vivre avec d'autres membres de la communauté et ceci d'une
manière harmonieuse: c'est en quoi consiste le savoir-vivre.
Pour cultiver ce savoir-vivre chez l'enfant, le conte
véhicule les idéaux tels que l'union, le partage, l'esprit de
communauté au détriment de l'égoïsme et de
l'individualité. Dans le conte Un jeune enfantsauve
l'humanité, c'est le comportement de Ngoulétama, l'homme qui
n'avait jamais cru qu'en lui-même qui est ici proposé comme
anti-modèle. L'individualisme conduit à la mort comme le montre
ce conte. C'est plutôt l'union à travers le conte L'union fait
la force, la camaraderie entre la soeur du mauvais frère et son
amie dans le conte Le mauvais frère qui sont proposées
comme des modèles de savoir-vivre dans la communauté.
Au-delà d'un savoir-vivre social, le conte suscite chez
l'enfant le savoir-vivre dans son environnement physique. La plupart des contes
n'opposent en aucun cas l'environnement physique et environnement social, les
animaux et les hommes. C'est que dans l'esprit de l'Africain traditionnel tous
ces milieux ne font qu'un. L'homme pour se réaliser doit s'accomplir
dans ces deux environnements étant donné qu'ils vivent tous deux
une relation de présupposition bilatérale.
Ainsi dit, le conte est une école de la vie. Il permet
à l'enfant de posséder des savoirs qui l'aideront non seulement
à vivre harmonieusement dans la société mais aussi, ces
savoirs lui permettront de s'accomplir dans tous les aspects. C'est dans cette
optique qu'à présent nous allons parler des vertus
enseignées et des vices combattus dans la société
traditionnelle africaine.
V.1.2.Les vertus
enseignées et les vices combattus
Pour qu'une société quelle qu'elle soit
évolue en harmonie totale avec les différents membres qui la
composent ; il faut un ensemble de valeurs qui doit régir les actes
et les comportements entre ceux-ci. Toutes les sociétés ont des
valeurs qu'elles promeuvent chez leurs enfants car: « ce
qu'une société juge être bon ou mauvais pour ses
enfants dépend de ce qu'elle cherche à
faire d'eux, à quel modèle elle entend les conformer
» (P. Erny, 1972 :188). Dans le cas de la société
traditionnelle africaine pour qui la croyance à l'esprit de la
communauté est profondément ancrée dans les moeurs, le
strict respect des valeurs, édictées par les ancêtres, est
primordial pour la cohésion du groupe tout entier. Et l'enfant dans
cette optique est souvent considéré comme celui sur qui repose
toute inculcation de valeurs car plutôt qu'un être de passage, il
est celui par qui se fait toute sauvegarde et toute perpétuation des
normes sociales et de la culture du groupe.
Nous allons prendre le mot valeur ici comme: « une
manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une
collectivité reconnaît comme idéale et qui rend
désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle
est attribuée» (G.Rocher, 1992 :70).
Ce chapitre est un prolongement du précédent car
l'ensemble de valeurs ou de contre valeurs est proposé pour
l'édification chez l'enfant d'un savoir-être pour un savoir
vivre.
Dans ce cadre nous allons parler dans un premier moment des
vices qui sont combattus dans la société traditionnelle africaine
et dans un second nous parlerons des vertus qui y sont enseignées.
V.1.2.1. Les vices
combattus
Dans le sens que nous nous proposons de le prendre, le vice
est un penchant à agir contre la morale, contre les normes sociales.
Dans l'Afrique traditionnelle, les vices sont présentés aux
enfants par le biais de l'éducation aussi bien familiale que sociale
comme impropres à la cohésion du groupe. C'est pour cette raison
qu'ils sont combattus, condamnés et proscrits. En voici quelques
exemples :
Ø La désobéissance
Contrairement à ce à quoi on pouvait
s'attendre, le thème le plus courant n'est pas celui de l'innocence, de
la pureté, mais bien celui de la désobéissance sous toutes
ses formes.La désobéissance est parmi les vices combattus dans
l'Afrique traditionnelle, le plus récurrent et parfois le plus
sévèrement puni.
Elle est le signe du refus de l'autorité. C'est le
refus de se conformer aux règles et normes sociales. C'est un signe de
mépris et un signe d'individualisme.
Dans la pensée traditionnelle, la
désobéissance est une atteinte grave aux principes établis
par les ancêtres. Etant entendu qu'en Afrique: « le premier
maitre de tout le monde, c'est tout le monde
»(P.Erny,1972 :189),une désobéissance à un
seul individu peut entraîner la désobéissance au groupe
tout entier et entraîner par extension le chaos.
C'est dans le développement du thème de la
désobéissance, avec des modèles de conduite
négative, que les contes enseignent paradoxalement la docilité,
la discrétion, le respect des secrets et des interdits, la soumission ou
l'obéissance aux parents, à l'autorité etc.
Pour mieux étayer notre argumentaire,
référons-nous à nos contes. Nous avons un exemple typique
de désobéissance dans le conte intitulé "Les poussins
têtus", dont il existe plusieurs versions (I). L'enfant
désobéissant trouve toujours le malheur sur son chemin. Tel est
l'enseignement du conte qui se termine par les recommandations
suivantes : « enfants, écoutez donc les conseils
de vos parents qui ont de l'expérience. Si vous leurs obéissez
aucun mal ne peut vous arriver ».
L'attitude de l'enfant désobéissant est
négative à un double point: elle se termine par la punition ou la
mort du héros. Cette désobéissance constitue une insulte
à l'autorité et à la sagesse des parents, donc au principe
de séniorité et de primogéniture. C'est en quelque sorte
un acte de révolte qui rompt momentanément l'influx vital qui se
transmet de parents à enfants, d'aîné à cadet. En
désobéissant, l'enfant se coupe de la famille, il devient
vulnérable. C'est par exemple le cas de Dudu, qui à l'approche
de l'aigle refuse d'aller se réfugier sous les ailes de sa mère
surtout qu'elle connait le danger. Puisque l'enfant fait fi de ses conseils
et de ses recommandations. Sa mère ne le retient pas de force, car le
proverbe dit: « si le tison tient absolument à aller au
fond de la rivière, laisser le, à son retour, on le
croira ».
Notons cependant que, dans les contes africains: en ce qui
concerne l'expression de la vision de l'Africain traditionnel, les enfants
désobéissants sont punis gravement pour enlever chez les enfants
qui écoutent, l'envie de désobéir car, la
désobéissance est un refus de reconnaître la
supériorité de la sagesse et de l'expérience des anciens;
c'est une attitude diabolique et c'est justement pour cela que les
génies châtient l'insoumis: la fille dédaigneuse est punie,
la petite entêtée est punie de son indiscrétion ; la fille
de la marâtre, par sa désobéissance amène le malheur
dans sa famille. Les poussins têtus, Dudu est emporté par
l'aigle pour avoir désobéi aux recommandations de sa mère.
Dans La jeune fille désobéissante, cette dernière
est emportée par le génie du fleuve et dans Les trois
frères, pour avoir désobéi aux instructions du
père défunt, les deux frères aînés perdent
leur héritage. Parfois le châtiment va au-delà du fautif et
ses conséquences, tel le péché d'Adam, retombent sur tout
le genre humain.
Dans les contes, il ya aussi une autre forme de
désobéissance qui est souvent soulignée: il s'agit de
l'indiscrétion. Ce défaut apparaît surtout dans les contes
de l'enfant dieudonné : dès la divulgation du secret de son
origine, l'enfant de la femme stérile disparaît aussitôt
sans tenir compte de l'auteur de l'indiscrétion. Que ce soit ou non la
faute de sa mère ou d'une coépouse jalouse, ou d'un camarade ou
même d'un oiseau intrus, l'enfant ne pardonne jamais la plus petite
indiscrétion. C'est dire toute l'importance accordée au respect
des secrets ou de la parole donnée.
La discrétion est d'ailleurs une des qualités
que la pratique des vertus sociales impose; savoir tenir sa langue quand il le
faut, c'est être maître de soi, c'est être capable de
transcender la nature, bref c'est être un homme. C'est justement pour
acquérir cette maîtrise de soi, la maîtrise de l'organe de
la parole que, dans les cérémonies d'initiation, la fustigation,
les mortifications de toutes sortes sont exercées sur les
néophytes.
Trahir un secret initiatique, c'est faire preuve
d'immaturité et d'irresponsabilité; c'est être parjure,
indigne d'intégrer la société des hommes adultes. C'est
pour cette raison qu'autrefois, certains peuples tels les Thonga de l'Afrique
du Sud allaient jusqu'à tuer les néophytes qui manquaient aux
secrets auxquels ils étaient tenus par serment.
Dans les contes, nous retrouvons des traces de l'initiation le
voyage de l'orphelin dans la forêt, dans un monde inconnu et
étrange où il subit toutes sortes d'épreuves, constitue
une véritable quête initiatique d'où l'enfant revient
transformé, ressuscité symboliquement. Une des épreuves
courantes qu'il subit au cours ou au terme du voyage, c'est
précisément une épreuve de discrétion. Dans ce
conte de l'orphelin, le héros ne pousse pas de cris, ne manifeste pas sa
peur ni son étonnement devant les spectacles étranges qui se
présentent à lui. Par exemple, lorsqu'il rencontre des jeunes
gens qui cueillent des fruits avec leur verge, ou une vieille femme qui
épouille sa tête posée sur ses genoux ou encore un
vieillard qui lave ses propres intestins, il déclare n'avoir rien vu
lorsque ces êtres l'interrogent sur ce qu'il a vu. C'est cette
discrétion qui lui vaudra leur sympathie, leur pitié et leur
aide. Par contre, l'indiscrétion du fils de la marâtre le conduira
à sa perte.
Une autre forme d'indiscrétion et de
désobéissance. C'est l'infidélité à un
engagement. Le non-respect des pactes. Dans sens pass king : le roi
veut faire périr sens pass king ; il l'envoie chercher une serviette
dans la chambre interdite où est caché la bête. L'enfant
par ruse, fait sortir la bête qui ne devait jamais franchir le seuil de
la porte. Aussitôt le roi tombe et meurt conformément au sort qui
a été scellé.
Tout comme la désobéissance, le manquement
à des engagements se paie par le châtiment. Si le thème de
la désobéissance revient souvent dans les contes africains et
particulièrement dans les contes qui portent sur l'éducation de
l'enfant, c'est paradoxalement pour insister sur l'importance de la
docilité, de la soumission et de l'obéissance dans toutes ses
dimensions. Pour être imprégné des valeurs et des
idéaux de la société à laquelle il appartient et
pour se former une personnalité conformément aux normes
immanentes de cette société, l'enfant doit se montrer docile au
sens étymologique du terme.
La docilité devient la condition essentielle de la
réussite dans la vie, la condition du bonheur, comme le montrent bien
les contes ou l'enfant qui se soumet entièrement aux recommandations et
aux exigences de la vieille femme. Les contes qui traitent de la
désobéissance visent à montrer les conséquences
graves non seulement pour soi mais pour toute la communauté. Celui qui
n'obéit pas à son père, n'obéira pas plus au chef
qu'à la tradition; il porte en quelque sorte atteinte au système
social même. C'est pourquoi il est très important d'apprendre
à obéir. Et c'est en fait le but que visent les contes sur la
désobéissance. La morale de ces contes est conformiste et se
résume ainsi : « Ecoutez vos parents. Obéissez
à l'autorité. Respectez la tradition et les interdits. Soyez
discret ».
Ø Le triomphe du faible sur le fort
Un autre thème très important qui revient
régulièrement dans les contes de l'enfant est celui du triomphe
du faible sur le fort. Thème courant qu'on retrouve aussi dans
l'histoire biblique de David et Goliath.
Dans les récits, l'être fragile, minuscule, qui
ridiculise les puissants, est représenté par le lièvre ou
l'araignée ou la tortue selon les régions ou encore par un simple
enfant. C'est précisément ce dernier qui nous intéresse
ici. Un grand nombre de contes de l'enfant, notamment les contes de l'enfant
terrible, de l'enfant ma1în, de l'orphelin et de l'enfant pianique
présente l'enfant comme un être insignifiant mais dont la
précocité dépasse l'entendement.
Les contes du petit frère défavorisé
qu'on néglige parce que trop petit ou trop faible, ou qu'on
méprise parce que malade, atteint de pian, illustrent de façon
éclatante la puissance insoupçonnée de cet être
apparemment sans force et qui réussit là où les plus
grands échouent.
Les contes de ce type d'enfant visent justement à
montrer la supériorité de l'intelligence sur le pouvoir, la
force. Ils exaltent l'intelligence comme une valeur morale et c'est ce que
Colardelle- Diarrassouba a bien perçu lorsqu'il écrit :
« il semble bien qu'en réalité, il y est une
véritable philosophie de l'intelligence dans les contes de
l'araignée et du lièvre » pour la
société traditionnelle, écrit-elle encore,
« l'intelligence n'est d'ailleurs plus seulement une simple
fonction intellectuelle, mais devient une véritable
valeur. » C'est dans cet ordre d'idée que se dirigera
également les idées de Marcien Towa lorsqu'il
déclare : « la pensée traditionnelle ne place
rien au-dessus de l'intelligence, celle-ci est conçue comme la
faculté d'inventer des solutions à tous les problèmes
possible sur la base de la reconnaissance et du respect du processus objectifs,
de fonder sa conduite sur ce que l'on trouve bon ou mauvais ».
La morale pratique qui ressort des contes révèle bien que les
africains tiennent pour essentielle et primordiale l'intelligence.
C'est grâce à son intelligence que l'enfant
l'emporte sur les plus forts (rois, monstres, ogresses etc.), c'est à
cause de son intelligence au service du droit que l'enfant à toujours le
beau rôle dans les contes et conserve toujours la sympathie des gens
même lorsque sa malice devient perfidie. Quand l'enfant fait se noyer le
roi qui veut lui ôter la vie, on admire plutôt sa ruse, et c'est
lui qu'on installe sur le trône; lorsqu'il confond un souverain cupide ou
bafoue un chef despote et injuste, il est perçu comme un héros,
le champion de l'équité. Le thème général du
faible sur le fort, de la ruse sur la force brutale se réduit
jusqu'à se confondre avec celui de l'injustice ou de la contestation du
pouvoir arbitraire.
Le tout-petit qui triomphe des grands par sa malice est le
"symbole des petites gens qui lutte contre les puissants, il représente
écrit Ahmadou Kane « l'innocence, la pureté qui
triomphe du mal d'une manière prodigieuse ».
Finalement donc, les contes de l'enfant se présentent
comme une satire sociale qui débouche sur un enseignement moral,savoir
que le roi ou le chef ou tout homme investi d'une autorité quelconque ne
doit pas opprimer les autres, ni les exploiter, ni commettre des injustices,
autrement, le faible s'il est intelligent note Colardelle-Diarrassouba,
« peut s'en prendre à l'autorité, ne pas
obéir et triompher ».
Par le thème général du triomphe du
faible sur le fort, on découvre la place particulière qui est
faite à l'intelligence dans la pensée traditionnelle africaine :
elle se définit avant tout par rapport au bien. Elle a une valeur
capitale chez les africains, elle est au service de la justice, elle assure la
victoire du bien.
Ø Le mensonge
Le mensonge dans la tradition africaine met en péril
l'ordre et l'harmonie dans la société. Il est le signe du
mépris et d'une attitude je-m'en-foutiste. On conseille aux enfants
d'avouer toujours leurs fautes car dit-on: une faute avouée est
toujours à moitié pardonnée mais, tout
mensonge conduit à la mort. C'est dans cette optique que l'on peut
interpréter la mort de Ngo lipem qui, au lieu d'avouer ses fautes, a
jugé mieux de mentir.
Ø La méchanceté
Dans les contes de l'enfant, le thème de la
méchanceté est un thème important qui est souvent
développé ; il englobe la cruauté, la malveillance et
même la jalousie et l'ingratitude, bref tout ce qui porte atteinte
à autrui.
Le thème de la méchanceté est aussi le
sujet principal de tous les contes de l'orphelin: la malveillance de la
marâtre cruelle est toujours soulignée d'une façon
écoeurante. Ce sujetest également développé par les
contes du pianique qui est raillé par les enfants, chassé par les
grands, et à qui tout le village refuse l'hospitalité. Cette
dureté de coeur, ce manquement aux principes élémentaires
de l'hospitalité traditionnelle seront châtiés sans
pitié.
Dans tous les contes, les méchants finissent toujours
mal et les ingrats sont toujours punis. Il est donc évident que la
méchanceté, quelle que soit sa forme, est un défaut
détestable et fustigé par la société.
L'enseignement que l'on peut tirer des récits qui traitent de la
méchanceté est un enseignement de morale pratique, à
savoir, dans la vie la méchanceté ne paie pas, il faut au
contraire être bon, hospitalier, compatissant et reconnaissant.
C'est ainsi que, tout comme la désobéissance et
le mensonge, la méchanceté est sévèrement punie
dans les contes. On conseille aux enfants de ne pas être méchants
parce que ce vice conduit à la jalousie et même au meurtre. Et
lorsqu'on sait que le meurtre constitue une négation de l'humain dans
l'homme ;on se rend compte combien la méchanceté est punie
sévèrement.
Dans les contes africains, les personnages grands et petits
sont présentés pour éduquer les enfants sur la
nécessité de ne pas cultiver ce vice. Dans le conte Noana
et ses soeurs, la deuxième femme du père des
orphelines Noana et ses soeurs par sa jalousie et sa méchanceté
est jetée dans le puits où, elle avait tenté
d'éliminer les jeunes filles.
Dans la même perspective, les personnages
méchants, sont privés de joie, ils n'ont pas d'enfants ou, si
même ils en ont, ils les perdent dans les circonstances tragiques, car il
est reconnu que dans la société africaine, une méchante
action se retourne comme un boomerang contre son auteur.
Toujours dans le conte Noana et ses soeurs,
la méchante femme du père des orphelines Noana et ses soeurs
perd tous ses enfants nouveaux nés. Ces derniers ne réussissent
à vivre que quelques heures après leur naissance.
Dans Trahoré et le mauvais chef, le
mauvais chef pour avoir voulu faire brûler le jeune enfant Trahoré
brûle ses propres enfants. C'est cette même leçon que l'on
voudrait nous faire retenir dans le conte Sense pass king, les
mercenaires à la solde du mauvais roi qui avaient pour mission de tuer
Sense pass king au cours d'une course de chevaux tuent le fils de leur
commanditaire. Ici, nous pouvons retenir la formule terminale du conte
Dylim's children: « if you maltreat another person's child
you will maltreat your own without you knowing ».
Ø Le thème de la
stérilité
Le thème de la méchanceté nous
amène à parler d'un problème annexe, la
stérilité qui est le thème majeur d'un certain type de
contes de l'enfant. Dans les récits, les lamentations inconsolables des
femmes stériles témoignent de l'importance capitale de la
maternité en Afrique Noire. Denise Paulme (1976 :242) l'a bien
remarqué lorsqu'elle écrit :
en Afrique plus qu'ailleurs, il n'est de bien
véritables que d'enfants. Dans ces sociétés ou les terres
ne se vendent ni ne s'achètent, la descendance est
considérée non comme une charge mais comme le fondement
immédiat de toute richesse » ou encore la
réussite sociale en milieu traditionnel ne se mesure pas en des signes
extérieurs tels que l'étendu des terres ou une demeure somptueuse
mais au nombre d'enfants et de petits-enfants.
Au regard de cette citation de Denise Paulme, on voit bien
coulée dans le moule l'image de la femme stérile en Afrique. En
Afrique noire traditionnelle, la femme sans enfant est donc le symbole
même de l'échec social : peu appréciée dans sa
propre famille et rejetée par celle de sonmari, elle apparaît aux
yeux des uns et des autres comme une femme maudite,une sorcière dont
l'amertume et la jalousie sont redoutables. A ce propos, Holas (1975 :
132) écrit :
avoir de la progéniture-autant que possible
une progéniture nombreuse- est pour l'africain traditionnel la condition
première du bonheur humain. C'est aussi et peut- être surtout la
consécration de sa position sociale. Une femme stérile par
conséquent ne représente qu'une unité sociale
dépréciée, sinon sans valeur. Aux termes du code
coutumier, la stérilité féminine, la seule reconnue,
justifie le divorce et laisse par-dessus le marché, planer sur la femme
des soupçons de sorcellerie. C'est, selon la conviction populaire un
châtiment infligé par les puissances surnaturelles à celui
qui d'une manière consciente ou involontaire auraient violé les
lois régissantes la société.
Comme nous pouvons le constater, ce commentaire de Holas situe
la stérilité dans toute sa dimension. Allant dans le même
sens Holas, P.Erny (1978 :84) ajoute que « ... la
stérilité touche donc la femme dans sa plus grande fierté
(...) Elle ne peut être accepté socialement qu'entant que
mère ». C'est dire le rôle essentiel et
irremplaçable que joue l'enfant dans la vie d'une femme africaine. Il
est la richesse suprême qui confère à la femme toute sa
valeur et les Mossi d'ajouter que: « Une femme
stérile, n'est pas une femme ».
Imprégné dans la tradition africaine, ce concept
de la stérilité, obéit à une logique : la
stérilité dégrade la femme tandis que la maternité
l'ennoblit. Cette dialectique de la procréation repose sur des raisons
sociales ou ethniques évoquées plus haut mais aussi sur des
raisons plus profondes, métaphysiques ou ontologiques. «
La femme, c'est-à-dire l'épouse, note Balandier
permet à l'homme de s'imposer en tant que
géniteur ». C'est-à-dire donneur de vie,
propagateur de la force vital. En engendrant, l'homme assure, grâce
à sa femme, l'accroissement du nombre des procréateurs, la
permanence de la lignée, la survie du groupe, en même temps qu'il
développe sa propre force vitale. La stérilité ne permet
pas d'avoir une descendance « elle est donc l'équivalent
de la mort, chacune étant à sa manière la négation
de la vie ».
Au bout du compte, l'on dira qu'en Afrique traditionnelle, un
homme ou une femme sans enfant est comparée à un arbre sans
racine pour cela, lorsqu'il meurt, "il est mort" ; sa force vitale se
détruit en quelque sorte dans le néant puisqu'elle n'a pas pu
survivre dans une descendance. Le géniteur, lui, est vivant même
après la mort, dans la mesure où sa force vitale survit dans sa
progéniture dont il devient l'ancêtre et sur laquelle il garde son
influence. La stérilité est à la fois un échec
social et ontologique et on comprend alors la désolation et le
désespoir de la femme stérile des contes et aussi celle de la vie
réelle.
Les thèmes que nous venons d'étudier jusqu'ici,
c'est-à-dire la docilité, la désobéissance, le
triomphe du faible sur le fort, l'intelligence, la méchanceté,
l'ingratitude, la jalousie, l'amour, l'amitié, la
stérilité, constituent les thèmes fondamentaux des contes
qui évoque l'éducation d'un enfant. On peut en dégager
d'autres moins importants, mais nous n'avons pas la prétention de faire
l'inventaire de tous les thèmes qui porte sur ce sujet. Qu'il nous
suffisede signaler encore quelques thèmes tels que le dévouement
ou la serviabilité, l'héroïsme, la providence. Mais il ya
une autre tare qui est mal appréciée dans la
société traditionnelle qui n'est autre que l'individualisme.
Ø L'individualisme
La société traditionnelle africaine est
conçue et perçue autour de l'esprit de la communauté, et
non de l'individualisme, qui est une tendance à s'affirmer
indépendamment des autres membres de la communauté. Ce
comportement est considéré comme une ignominie, une faute grave
passible de mort car, il est une négation de la cohésion.
En Afrique, l'individu n'est pas un être distinct de la
communauté. Entre l'individu et la communauté, il existe une
relation de présupposition bilatérale de sorte que, l'un ne peut
se définir sans l'autre. Aussi, tout acte individualiste est puni par la
mort. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter, dans le conte : Un
jeune enfant sauve l'humanité, la mort de l'homme qui n'a
jamais cru qu'en lui meme. En effet Ngoulétama, l'individualiste,
l'homme qui n'avait jamais cru qu'en lui-même, la force isolée fut
laissé dans le ventre de l'orgue pour avoir dit au jeune enfant qui
était venu le sauver (avec les autres) qu'il ne comptait que sur lui.
Ø La moquerie
La moquerie constitue aussi un vice dans la pensée de
l'Africain traditionnel, car s'il est admis qu'un malheur peut arriver à
tout le monde, pour cela, il est demandé aux enfants d'accepter non
seulement les différences entre les êtres mais surtout, de prendre
avec décence et philosophie tout malheur qui pourrait affecter un
être. Dans le conte La mort tragique de trois
frères, Petite-bouche, pour s'être moqué de son
frère mort pour une orange, se fendit la bouche et mourra.
Petites-jambes, à son tour pour s'être mis à se moquer du
malheur de Gros-ventre et de petite bouche, mourut les jambes brisées.
La formule terminale de ce conte est significative à plus d'un titre et
servira pour le mot de fin : «jamais, il ne faut se moquer du
malheur d'autrui car on ne sait comment naît et finit le jour
pour soi-même ».
Nous n'allons pas conclure cette partie sans toutefois
soulever le problème de l'inceste.Dans la société
traditionnelle, l'inceste est une ignominie.Ce vice est vu comme un
échec de l'éducation faite aussi bien au niveau de la famille que
dans la société. Car tout est fait à ces niveaux pour
renseigner sur les généalogies. Aussi, lorsque deux jeunes
enfants de surcroît, de même sang viennent à copuler, cela
est considéré comme une infamie. Dans le conte La jeune
fille désobéissante, les parents deNgo Lipem, Ngo Maliga
et de Ngo yi éduquent sexuellement leurs filles en les priant de se
garder d'avoir des relations sexuelles avec leurs frères de sang car,
toute frivolité est punie avec la plus sévère des
énergies.
Dans le conte Frère et soeur, le frère
et la soeur se livre à un acte incestueux qui voit à son terme la
naissance d'un enfant. Connaissant les lois réprimant l'inceste, ils
tuèrent le nouveau-né. Mais peine fut perdue, leur faute sera
dévoilée par le jeune enfant. Dans la société
traditionnelle, est-il utile de dire que les auteurs de l'inceste sont souvent
obligés de présenter de leur acte en public et ils sont le sujet
des railleries les plus cruelles.
Afin d'assoir les thèmes évoqués plus
haut, il est intéressant de noter que tous ces thèmes,que ce soit
ceux des contes et des mythes, mais surtout ceux qui portent sur
l'éducation en général et surtout sur l'éducation
de l'enfant en particulier, tous ont toujours un rapport avec la morale. Ils
révèlent les valeurs auxquelles la société
traditionnelle tient beaucoup: l'obéissance, la discrétion, le
respect des engagements, l'hospitalité, la serviabilité, la
justice, la reconnaissance, la bonté, l'amour, la confiance en la
Providence et par-dessus tout l'intelligence. Ces valeurs constituent le
fondement même de la morale africaine, unemorale sociale qui indique
à chacun comment vivre et se conduire pour sonbonheur personnel et celui
de la société toute entière.
Comme on le voit, le conte tout comme le mythe, en nous
transportant dans un monde parfois fantastique, merveilleux, ils ne perdent
rien de leur objectif essentiel : la formation de l'homme. Cette formation de
la personnalité nous transportera dans un autre univers qui est le
contraire de celui que nous venons d'expérimenter : les vertus
enseignées.
V.1.2.2. Les vertus
enseignées
Après les vices combattus dans la société
traditionnelle africaine, il y a des vertus qui sont enseignées. Ces
dernières constituent l'essentiel des attitudes que la communauté
juge bonnes et les présente comme modèles auxquels les enfants au
même titre que les adultes devraient se conformer. En voici
quelques-unes:
Ø L'union
L'union est comme la solidarité. C'est le principe de
base de l'esprit communautaire de l'Africain traditionnel. Elle est
proposée comme panacée aux nombreux problèmes de la vie.
Comme on dit:« une seule main ne peut attacher un paquet» de
même comme nous le montre le conte L'union fait la force, on ne
peut rompre facilement un faisceau de lance et lorsqu'il y a union dit-on aux
enfants, aucune force ne peut arriver à empêcher la
réalisation d'un acte ou d'un projet mais si par contre, il y a
désunion, c'est le malheur et la désillusion.
Ø L'obéissance
L'obéissance est une grande vertu en Afrique. C'est le
signe de l'adhésion aux idéaux du groupe. C'est le signe de
l'amour que l'on porte aux traditions et préceptes édictés
par les ancêtres. C'est enfin pour l'enfant, le signe de son voeu de
s'instruire pour s'accomplir en tant que membre à part entière de
la communauté.
Dans les contes, les obéissants sont toujours
récompensés de la manière la plus admirable qu'il soit.
Ils sont protégés contre le mauvais sort, exemptés de
toutes punitions et appelés à remplacer plus tard les anciens aux
hautes responsabilités de la société. Dans le conte
Les trois frères, l'obéissance à la parole du
père par le benjamin lui confère les richesses et les
honneurs.
L'obéissance aux ordres des parents est toujours
conseillée même lorsque ceux-ci donnent des ordres à
même de porter atteinte à la vie des enfants. Dans le conte
The orphan boy, le jeune orphelin lorsqu'il est envoyé par son
père à la recherche de jeunes lionceaux obéit. C'est son
obéissance qui lui permet de rentrer victorieux de sa mission. Dans une
autre épreuve où il est encore envoyé par son père
au pays des enfers à la recherche du tam-tam du village, son
obéissance lui vaut l'aide de sa défunte mère et, au terme
de son périple initiatique qui le fait devenir symboliquement un homme
il est consacré Chief de son village. Comme le dit donc la formule
terminale du conte Les trois frères : « il importe que
l'enfant obéisse à ses parents, même s'il pense
que ceux-ci le trompent, il doit d'abord exécuter leurs ordres afin d'en
vérifier la pertinence ».
Ø Le dévouement et la
serviabilité
Compatir aux malheurs des autres en leur portant assistance,
est une vertu que les contes véhiculent. Le dévouement et la
serviabilité consacrent l'amour que l'on ressent pour l'autre, pour sa
peine et surtout ce sont les gages de l'édification d'une vie
communautaire saine. Dans le conte Les cadets d'Idiriwong, les
jumeaux Bidias et Igom au péril de leur vie s'engagent dans un voyage au
pays des cannibales au terme duquel ils sauvent leur soeur aînée
ldiriwong d'une mort certaine. Aussi dans le conte Un jeune enfant sauve
l'humanité, un jeune enfant pris de compassion sauve les habitants
de la planète menacés de disparition par un monstre.
Les contes de l'orphelin comme celui de L'orpheline
et la vieille femme véhiculent le plus souvent la vertu de
la serviabilité qui n'apporte pas seulement la reconnaissance mais aussi
la richesse. Dans ce conte, la jeune orpheline avec respect et politesse rend
service à une vieille femme couverte d'une saleté repoussante. En
effet, elle lui donne de l'eau à boire. En récompense l'orpheline
reçoit des richesses immenses.
Certains contes pour illustrer la serviabilité ou le
dévouement présentent des personnages irrespectueux et impolis
qui, reçoivent toujours une punition proportionnelle à leurs
actes. C'est le cas toujours dans L'orpheline et la vieille femme,
de la fille de la méchante marâtre qui à
l'opposé de l'orpheline manque de décence et de savoir-vivre
envers la vieille femme. Elle, comme sa mère est punie.
Ø L''intelligence
L'intelligence est une capacité d'adaptation, c'est une
activité de l'esprit qui permet de résoudre d'une façon
spontanée les problèmes qui se posent à un individu. Outre
l'adaptation aux situations ou aux difficultés, l'intelligence est
souvent une capacité d'anticipation et dans ce cas particulier,
l'individu entrevoit un problème et le résout avant même
qu'il ne se pose à lui. Préférée à la
richesse ou aux biens matériels si elle est doublée d'une
connaissance des traditions, l'intelligence, atteint son paroxysme et consacre
pour celui qui la possède l'admiration des autres et accomplissement de
sa personne.
Cette vertu est le plus souvent véhiculée par
les contes de l'enfant malin ou de l'enfant terrible, elle est souvent
présentée par ces contes comme la vertu suprême.
L'intelligence permet de réussir toujours à se tirer des embarras
et des pièges tendus par les méchants.
Dans le conteSense pass king, c'est
non seulement l'intelligence du jeuneenfant Sense pass king qui le
protège des pièges que tend le méchant roi mais surtout la
connaissance qu'il a des traditions. Dans ce conte, le jeune enfant allie
même l'intelligence, le mensonge et la séduction pour se
débarrasser du roi afin de se faire élire à sa place.
Dans le conteTrahoré et le mauvais chef,
le jeune Trahoré enfermé dans une case, par le
mauvais chef, pour y être brûlé feint de manger des kolas au
passage des fils de son ennemi. Ces derniers lui demandent les kolas et, ne
peuvent pas refuser la proposition de trahoré qui leur demande de le
libérer pour pouvoir en goûter. Par la suite, il enferme les
enfants du chef qui furent brûlé à sa place. Dans ce conte
comme dans le conte Sense pass king, la perfidie, la ruse comme le mensonge
donc use le héros intelligent sont souvent utiles pour punir les hommes
méchants et cruels par son intelligence, l'enfant malin dans les contes
retourne la méchanceté des rois ou des chefs contre
eux-mêmes et surtout contre leurs enfants.
Ø La contrition
La contrition c'est la capacité pour quelqu'un de
regretter ses mauvais actes et surtout c'est le voeu pour cette personne de
décider ardemment de se racheter, d'agir désormais dans le strict
respect des normes.
Cette vertu est souvent mise en exergue dans les contes
africains, car l'Africain traditionnel reconnaît le droit à
l'erreur, étant entendu que, l'homme est fait d'imperfections. Mais,
s'il le reconnaît, il encourage le regret des fautes pour la sauvegarde
des idéaux sociaux. Dans Les poussins têtus, c'est la
contrition de FIFI qui est présentée comme une vertu et un
modèle à imiter pour les enfants. En effet le jeune poussin avec
son frère Dudu étaient très têtus et
n'écoutaient pas les conseils de leur mère. Cette dernière
leur demandait de faire attention à l'aigle mais peine perdue, les deux
poussins n'en faisaient qu'à leur tête. Mais cette
désobéissance fit perdre la vie à Dudu qui fut
emporté par l'aigle. A la vue du malheur qui était arrivé
à son frère, FIFI changea radicalement d'attitude en respectant
désormais, à la lettre les recommandations de sa mère.
Ø La camaraderie
Dans la société traditionnelle africaine, on
recommande aux enfants de se dévouer à leurs amis, d'être
honnêtes dans les relations horizontales. Aussi,la camaraderie qui est la
bonne et saine entente entre les amis, est encouragée dans les contes de
l'enfant. Elle est proposée tout comme l'union et la solidarité
comme une vertu qui aide à créer un climat favorable à la
cohésion du groupe tout entier.
C'est parce que la camaraderie est une sorte d'élan,
une forte compassion mêlée de communion pour l'autre que dans les
contes elle est aussi privilégiée au même titre que
l'obéissance et les autres vertus. Dans le conte Le mauvais
frère: le mauvais frère tranche les pieds de sa soeur pour
avoir refusé de l'épouser par un élan d'amitié de
la part de cette camaraderie,la soeur du mauvais frère prend son amie
sur son dos pour une fuite dans la forêt. C'est cette amitié qui
la fera en sorte que (la soeur du mauvais frère), retrouver non
seulement ses pieds mais aussi, devenir la femme du chef. Dans ce conte donc,
c'est l'éloge de la camaraderie qui est faite et elle est
proposée comme panacée pour apaiser le mal et les douleurs.
Ø Le partage
Dans la société traditionnelle, « il
y a un prestige non à amasser, mais à
donner, à distribuer. La considération sociale s'attache non
à la richesse possédée, thésaurisée, mais
répandue avec libéralité » aussi dans les contes
fait-on l'éloge de cette vertu qui, tout comme la camaraderie, promeut
la solidarité et la cohésion des membres de la communauté.
L'éloge de cette vertu est fait dans le conte les trois
frères. Dans ce conte, les deux frères aînés
irrespectueux et désobéissants perdent les richesses qu'ils ont
reçues de leur défunt père. De plus ceux-ci veulent
tromper leur benjamin afin que lui aussi désobéisse, mais avec
intransigeance, le dernier né de la famille refuse d'écouter les
conseils de ses frères et devint riche pour avoir exécuté
à la lettre les consignes. Dans un élan de coeur, il pardonna
à ses frères aînés et partagea même ses
richesses avec eux.
La morale de l'Africain traditionnel est construite et
fondée autour des valeurs que les contes et les mythes
véhiculent. Leur respect contribue à l'édification d'une
société juste mais aussi, ce respect des normes est un
préalable à toute intégration des individus dans le
groupe. L'enfant qui est membre à part entière du groupe est tenu
lui aussi, de se conformer aux exigences que requiert la vie en
communauté. C'est pourquoi les contes, qui lui sont le plus souvent
destinés, promeuvent ces valeurs afin de lui inculquer dès le bas
âge les modèles de conduites et de comportements en stricte
conformité avec les idéaux sociaux. L'objectif des contes reste
donc simple: montrer aux enfants la nécessité qu'il y a de
respecter les normes sociales à travers ce que la société
propose comme vertus et montrer la nécessité qu'il y a de
s'abstenir de pratiquer les vices impropres à valoriser la
cohésion du groupe.
V.1.3. L'initiation: processus et contenu
Plus que l'éducation que l'enfant reçoit dans le
cadre de sa famille ou dans le stricte cadre de sa classe d'âge ;
l'initiation est en un sens l'instruction, l'éducation profonde de
l'enfant dans la société africaine traditionnelle. C'est un
processus qui révèle l'être de l'enfant et fixe dans sa
mentalité le véritable sens de son rôle dans la
société.
L'initiation est en fait une cérémonie qui
permet de faire passer l'individu, la plupart du temps les enfants ou les
adolescents: « de la condition de l'enfant-nature à
l'homme culture .... De l'autorité maternelle à
celle du patrilignage » (L.V.Thomas et
R.Luneau) : C'est dans ce sens que l'on parlera de rite de
passage. C'est aussi un rite magique et social qui a pour principal objectif:
un enseignement profond de la société car elle « touche
l'homme jusque dans les profondeurs de son inconscient... [Et le conduit] au
travers d'une expérience spirituelle particulièrement
intense, au seuil de la vie mystique. » (P.Erny,1972).
S'il est reconnu qu'il existe des initiations aussi bien pour
les garçons que pour les filles cela revient à dire qu'il ya des
phases pour le processus de l'initiation. C'est ainsi que l'on parlera de
l'initiation à la vie adulte (initiations pubertaires), de leur
initiation pour entrer dans les sociétés sécrètes,
de l'initiation aux métiers et aux techniques ... etc. Il est
avéré que dans le cadre des initiations:
Chaque ethnie mettra l'accent sur le secteur de la vie qui
lui parait le plus important en fonction de sa hiérarchie des
valeurs: pour les unes ce sera la guerre, pour les autres, les liens
de l'homme avec la terre sur laquelle il vit et qu'il cultive, ou
encore la procréation, la connaissance, la révélation du
sacré, la soumission à l'autorité et
à la coutume, la démonstration de la richesse du
groupe(P.Erny, 1972 :221).
Malgré leurs objectifs différents, ces
initiations aident tous aux passages de l'enfant d'un stade d'immaturité
à un stade de maturité propice à son intégration
sociale ; nous parlerons ici, de l'initiation qui permet à l'enfant
de faire mourir sa vie antérieure dans sa famille et sa classe
d'âge pour sa renaissance à l'ordre social. En d'autres termes,
l'initiation cherche à conformer l'individu, l'enfant aux idéaux
du groupe étant donné que la personne ne peut prendre la parole
au milieu des anciens s'il n'a subi au préalable une initiation:
c'est-à-dire des épreuves qui montrent non seulement sa bravoure
mais son respect pour les traditions et son voeu de les appliquer quoiqu'il se
passerait. C'est souvent notons-le, l'objectif des initiations pubertaires et
des initiations qui sanctionnent souvent les cérémonies de
circoncision.
L'initiation étant une véritable école de
vie, nous allons montrer en quoi elle est un processus et qu'elle renferme un
contenu éducatif. Nous finirons par relever quelques limites de
l'initiation dans le cadre stricte de l'éducation de l'enfant dans la
société africaine traditionnelle.
V.1.3.1.L'initiation : un
processus
Dire qu'une initiation est un processus, c'est
reconnaître, qu'elle est un enchaînement ordonné des faits
ou une suite continue d'opérations qui répondent à un
certain schéma et qui aboutit à un résultat
souhaité. Et dans cette optique nous allons réduire le processus
de l'initiation en général en trois étapes: une
étape première qui se limite à la séparation, une
seconde qui constitue l'initiation elle-même avec ce que cela suppose
comme rites magiques et enseignements divers et enfin, l'étape de
réintégration.
Dans la première étape: l'initiation a pour
objectif d'arracher les enfants ou les adolescents à leur cadre familial
et leur classe d'âge où ils avaient subi jusque-là leur
éducation pour les amener à s'arracher à des modes de vie
que l'on considère comme féminins faits de frayeurs, de peur,
d'immaturité. Plus précisément « il ne
s'agit pas seulement d'un arrachement- à la
mère ou aux femmes concrètes qui jusque-là
entouraient le jeune garçon ... Bien plus, l'enfant mâle doit
être débarrassé de tout ce qui dans son propre
être peut avoir une valence féminine»
(P.Erny,1972 :224).
L'initiation arrache donc l'enfant dans ce cadre
considéré comme féminin pour l'amener dans un cadre
d'homme qui est un monde mystérieux où se mêle le
réel et l'irréel et dans ce cas elle se fait: «
habituellement en brousse dans un cadre sauvage, non domestiqué par
l'homme et qui pour les villageois représente un au-delà
où l'on entre en contact avec les puissances invisibles, les dieux, les
génies, et ancêtres, les démons au sens ancien du
terme »(P.Erny,1972 :22).
L'enfant est donc arraché à son ordre ancien
pour un ordre nouveau. Dans le conte The orphanboy, le jeune orphelin
dans cette étape quitte son village pour se lancer dans un voyage aux
pays des enfers. Une préparation est faite autour de ce voyage. Ici,
c'est la grand-mère qui prépare non seulement la nourriture pour
le jeune orphelin mais aussi le prépare psychologiquement. Elle ne peut
même s'empêcher de pleurer quand elle sait que ce voyage
initiatique est long et qu'il y a une possibilité pour lui de ne pas
revenir. Dans ce sens notons le : les néophytes sont arrachés
à leur famille pour être initier, certains même ne sont pas
très assurés de revenir, parfois, d'autres y trouvaient la
mort.
Mais, étant donné que l'enfant allait
symboliquement mourir à la culture pour naître à la nature
dans la brousse, on espérait pour le néophyte une nouvelle
naissance à la culture qui devait le consacrer comme un être neuf,
doté d'un savoir nouveau, utile à tout le village. Aussi
s'accordait-on à imaginer une fin heureuse des choses ?
Dans la seconde étape qui est l'initiation
elle-même, l'enfant dans l'imagerie populaire était mort
symboliquement. Mort à laquelle il ne pouvait ressusciter que s'il
s'était montré brave au cours des épreuves initiatiques.
Nous n'allons pas insister sur cette étape ici parce qu'elle est pour
l'essentiel l'objet de la partie que nous consacrerons au contenu de
l'initiation. Mais précisons ici que cette étape consiste
à corriger les imperfections de la nature de l'enfant pour le refaire en
le conformant aux idéaux culturels et sociaux. C'est dans ce sens que ;
« l'initiation affirme la culture là où la nature
est jugée coupable» (P.Erny, 1972 :230).
Dans cette étape dans le conte The orphan
boy,le jeune orphelin après avoir quitté la maison
paternelle est seul avec lui-même (seul symboliquement) car, même
en compagnie des camarades néophytes, ceux qu'on initiait,
étaient toujours seuls face à leur destin, seuls face à
l'adversité qu'ils devaient vaincre au prix d'une lutte physique et
spirituelle .l'importance du récit merveilleux dans ce conte se
dénote par le fait que le jeune orphelin est dans un monde fait de
labyrinthes, semblable à un milieu souterrain. Il rencontre un
énorme feu dont il ne connaît pas la provenance. Les grands
poissons l'aident à traverser le chemin. Arrivé après ces
épreuves dans un village où les hommes et les animaux
communiquent, le jeune orphelin, doit encore trouver la force pour ramener le
tam-tam de son village au milieu d'une multitude d'autres tam-tams. Dans cette
étape initiatique, il est important de noter que le jeune orphelin est
aidé par les forces de l'au-delà en l'occurrence sa mère
défunte, qui lui révèle les solutions à ces
problèmes dans les rêves.
Dans cette étape aussi, notons le courage du jeune
orphelin, son dévouement et sa serviabilité à l'endroit
des animaux. C'est ici le véritable but des initiations qui était
la formation de la personnalité par les épreuves qui font
ressortir de l'être de l'initié des forces émotionnelles
qui devait l'aider à son retour à la société. C'est
dans cette deuxième étape que se fait la «mise au monde
social et culturelle»(P.Erny, 1972 :233)de l'enfant.
Après l'étape précédente qui aura
eu pour objectif de conformer l'être de l'enfant aux idéaux du
groupe, de lui apprendre l'essentiel de ce qui lui sera nécessaire
à sa vie d'homme nous avons, la troisième étape et la
dernière où l'enfant ressuscite de la mort symbolique
qu'était l'initiation dans la forêt où, il devient un
être neuf, pur. Pour l'initié l'initiation lui aura permis:
« de mourir à un mode d'existence
caractérisé par la prédominance du « je» pour
naître à un autre marqué de la prégnance du
« nous» dont la tribu, l'ethnie, sera le lieu de
visibilité » (D.Mvogo, 2002 :34).
L'enfant ainsi ressuscité à un ordre nouveau
peut s'intégrer dans la communauté sociale, il est un homme au
sens symbolique du terme, il peut prendre part au conseil des anciens. Dans le
conte The orphanBoy, le retour victorieux du jeune orphelin lui vaut
la nomination au titre de Chief de Son village: un titre honorifique du
Sud-ouest Cameroun.
Si l'on met en parallèle le schéma
général des cérémonies d'initiation et les grandes
étapes du voyage de l'orphelin dans un monde inconnu, on obtient des
correspondances presque parfaites :
Schéma des rites d'initiation
|
Schéma du voyage de l'orphelin
|
1. Séparation des néophytes d'avec leurs parents
et retraite en brousse
2. Epreuves diverses (corporelles, morales,
intellectuelles)
3. Enseignement
4. Mort initiatique (symbolique) et résurrection
(renaissance à l'homme adulte)
5. Retour au village et réintégration dans la
communauté des adultes (initiés)
|
1. Renvoie de l'orphelin de chez sa marâtre ou de la
maison paternelle et voyage dans un monde inconnu (la forêt)
2. rencontre avec les êtres étranges et mise
à l'épreuve
3. Recommandations et conseils.
4. Passage « au pays d'où l'on ne revient
pas ». Epreuve définitive : épreuve salvatrice.
5. Récompense et retour au village. Vie
transformée : le bonheur
|
Le long voyage qu'entreprend l'orphelin à travers le
monde inconnu est, comme le schéma l'indique, une quête
initiatique ; il correspond au séjour des jeunes novices dans le
forêt sacrée ou se fait leur initiation .Du monde villageois, le
héros passe directement dans la brousse (monde de l'inconnu et de
l'étrange)ou il devra se dépouiller symboliquement de son
être ancien .Apres la mort initiatique, il acquiert désormais le
statut d'homme à part entière et sera admis dans et part la
communauté villageoise.
Le conte initiatique : l'orphelin passe d'un état
d'ignorance, d'immaturité, d'enfant brimé et rejet »
à un état de connaissance, de maturité, d'adulte accompli,
accepté, heureux. Cette transformation se fait grâce à des
épreuves qui sont caractéristiques de la quête
initiatique. Les épreuves que subit l'orphelin au cours de ses
pérégrinations sont fondamentalement les mêmes que celles
des jeunes initiés. Ce sont les épreuves de courage, de modestie
ou d'humilité, d'obéissance ou de docilité, de
discrétion, de maturité et de maitrise de soi.
Ces épreuves concernent comme on le voit, la pratique
des vertus sociales qu'exaltent les conteurs et qui peuvent être
développées comme thèmes important dans les contes de
l'enfant.
V.1.3.2.
L'initiation:contenu
Le contenu des initiations est un contenu complexe, il est un
ensemble d'enseignements sociaux et d'enseignements magico-religieux.
C'est par l'enseignement social de l'enfant que l'initiation
se révèle être une véritable école qui a pour
objectif principal: l'instruction et l'éducation de l'enfant.
Sur le plan instructif, l'initiation se résume en un
long et profond enseignement sur les mythes et les légendes de la tribu
pour faire connaître non seulement les origines de la tribu aux enfants
mais aussi, les principaux événements qui ont marqué
l'essentiel de l'histoire tribale. Dans le cas particulier, ce sont des
initiations qui sanctionnaient les cérémonies de circoncision
chez les garçons ou les excisions chez les filles. L'enseignement
portait sur les généalogies pour fixer dans les mentalités
des jeunes adolescents, les limites, dans lesquelles ils pourront se marier. De
plus, l'enseignement pouvait même porter sur l'art de courtiser.
Toujours sur le plan instructif, les enfants par les contes et
les autres récits oraux pouvaient acquérir des connaissances sur
la décence et l'éthique nécessaires à leur vie
dès leur retour dans la société.
Les initiateurs profitaient de leur vie dans la brousse ou la
forêt, pour enseigner sur les plantes médicinales. De plus
l'enseignement pouvait aussi porter sur le comportement social, sur la vie
communautaire et ses exigences et sur la nécessité d'agir en
homme, c'est-à-dire l'alliage de deux principes: la réflexion
avant l'action et l'art de garder les secrets. Ce dernier principe disait-on
était celui qui servait à différencier un homme d'une
femme. Bref l'enseignement ici permettait une meilleure
réintégration sociale.
Le niveau éducatif quant à lui concernait le
savoir-vivre, la formation de la personnalité et le modelage des
comportements. Dans ce sens, une bonne partie de l'éducation portait sur
la confrontation de l'enfant à des épreuves qui avaient pour
objectif d'éprouver sa force. Ces épreuves rudes, douloureuses,
avaient pour but principal de montrer à l'enfant que rien dans la vie ne
pouvait s'obtenir sans sacrifice et comme le montre nos contes de l'orphelin
Noana et ses soeurs, The orphan Boy, l'orpheline et la
vieille femme, c'est par la souffrance et la douleur que l'enfant
réalise des choses incroyables, c'est par le combat qu'il réussit
à sortir victorieux de l'épreuve qu'est la vie et comme le dit
Alain, 1986): « la grande affaire est de donner à
l'enfant une haute idée de sa puissance, et de le soutenir
par les victoires; mais il n'est pas moins importants que ces victoires soient
pénibles et remportés sans aucun secours étranger
»
L'objectif donc de ces épreuves pénibles
consistait à montrer que l'enfant ne pouvait s'attribuer le statut
d'homme que s'il pouvait se transcender, accepter la douleur et la souffrance
sans crier, sans pleurer sous peine d'être traité de femme,
de lâche.
Il est important de dire que cet enseignement social
était toujours mêlé à de la mystique, de la magie
qui donnaient aux enfants, l'impression d'être dans un monde
au-delà du réel. Comme nous le montre Philippe Laburthe- Tolra en
parlant de l'initiation « Sô »8(*)chez les béti (l'initiation qui est
évoquée dans le conte L'union fait la force), on avait
recourt à un moment de l'initiation à des moyens et pratiques
magico-religieux que les initiateurs prenaient souvent le soin de cacher.
Cette façon de mêler l'enseignement social
(réel) à un enseignement (irréel) participe de la vision
du négro-africain de percevoir le monde réel et le monde
irréel comme un seul et unique monde. Il n'y a qu'avoir comme nous
l'avons déjà dit la prédominance du merveilleux qui
rapproche les contes des mythes.
S'il est clair que l'initiation, était le moyen par
lequel la société assurait la continuation et la
perpétuation de ses richesses aussi bien culturelles que religieuses en
tant qu'elle était: «le rappel périodique et solennel
des valeurs fondamentales du village du clan ou de l'ethnie », il
convient d'apporter ici quelques limites aux pratiques initiatiques surtout
dans l'éducation de l'enfant dans la société africaine
traditionnelle.
Comme toute oeuvre humaine pensée, conçue et
mise en oeuvre, l'initiation en tant qu'elle était un enseignement
stricte des valeurs ancestrales à travers les mythes et autres genres de
la tradition orale, en tant qu'elle avait pour objectif la conformation du
comportement, de la personnalité de l'enfant aux archétypes
sociaux et à la mentalité traditionnelle, ne permettait pas une
remise en cause de la société dans ses fondements. L'enseignement
conservateur ne laissait pas de place à un certain évolutionnisme
dans la pensée de l'enfant tant elle était enfermée dans
le passé et les traditions. L'enfant étant le père de
l'homme.
Lorsqu'on va plus loin on se rend compte que la situation de
l'Afrique aujourd'hui (continent sous-développé), prend sa source
dans cet enfermement dans le passé qui empêchait d'amorcer les
échéances et d'asseoir une logique constructive pour le futur.
L'enseignement magico-religieux donné dans le cadre des
initiations et même parfois dans le cadre social rendait l'enfant non pas
un être au monde mais un être asocial constamment entrain de vivre
dans un au-delà où la mystique et la sorcellerie prévalent
et prédominent.
La place donnée aux idées innovatrices
était tellement nulle que rien ne pouvaient ébranler la
société traditionnelle dans ses fondements. Les idées
novatrices étaient considérées et jugées comme
individualistes et donc contraire à l'esprit de la communauté et
de la solidarité qui ne donne de la valeur qu'à l'individu pris
dans l'étau du groupe.
L'apparition de certaines maladies parfois infectieuses dans
les camps d'initiation était la résultante des conditions
hygiéniques précaires. De plus,la mort de certains initiés
à l'image de Ngo Lipem ternissait quelque peu la mission de l'initiation
qui était de former et d'éduquer car, l'éducation suppose
aussi des échecs qui sont nécessaires pour façonner des
réussites Mures. Ce sont ces quelques limites à apporter à
l'initiation dans l'éducation de l'enfant dans la société
africaine traditionnelle.
V.1.4. LES CROYANCES
La croyance peut être définie comme un ensemble
dynamique de choses matérielles ou immatérielles auxquelles il
croit et qui d'une manière ou d'une autre détermine son agir et
sa représentation du monde. Elle fait partie de sa personne et permet de
le définir en tant qu'il est un être spécifique et
différent des autres.
Pour l'Africain traditionnel, la base de sa croyance se
résume dans tout ce que dans le passé a référence
avec ce que les ancêtres ont pris comme modèles, comme
déterminants de leur agir, de leurs pratiques, base de leur foi et de
leur représentation de l'univers et de leur société. C'est
à la base de cette croyance que prend source toutes les autres croyances
sur l'enfant qui est ici l'objet de notre propos.
Ø La croyance aux ancêtres
Pour l'Africain traditionnel, la croyance aux ancêtres
est la base de sa culture. Les ancêtres sont les fondateurs de la tribu,
ils sont de ce fait le sujet des mythes et des légendes les plus
colorés. Ils sont ceux qui ont vécu avant lui, ceux qui ont eu le
temps d'expérimenter ce que c'est que la vie et qui par
conséquent sont l'unique chemin à suivre si l'on veut aussi la
connaître, l'expérimenter et s'accomplir en tant qu'être au
monde. C'est ce qui explique que, chaque fois que l'Africain traditionnel aura
une difficulté existentielle, il ira tout de suite les consulter comme
c'est le cas avec le vieux chef déchu dans le conte Trahoré et
le mauvais chef, qui vont les consulter au travers des sorciers ou
devins comme Gollo dans le conte Kaye et Gollo lorsqu'il, était
confronté à la difficulté de retrouver sa soeur Kaye
mangée par un lion.
La consultation des ancêtres aussi se fait en Afrique
par l'organisation des cérémonies et rites divers où est
consacré un ensemble de cultes divers destinés à faire des
sacrifices pour implorer leur aide ou tout simplement pour les honorer et les
remercier. La croyance aux ancêtres peut aussi se manifester par la
croyance que les rêves sont de véritables dialogues avec eux.
Même si l'on croit que ceux qui viennent en rêve ne sont pas tous
bienfaisants,on tendra l'oreille et élèvera son esprit pour
chercher à comprendre le véritable sens des paroles et des
révélations.
Ø La croyance aux ancêtres et à
leur réincarnation
L'Africain traditionnel ne croit pas seulement aux
ancêtres ou aux dieux qu'il vénère, il croit surtout en
leur réincarnation. A cet effet, il croit que la venue au monde d'un
enfant est le retour d'un ancêtre ou tout simplement la
réincarnation d'un ancêtre ou d'un parent mort. C'est pourquoi
l'enfant est une source de richesse, la condition de toute union en Afrique. En
effet, « Mourir sans une descendance ... c'est là, aux yeux de
l'Africain l'échec absolu, la catastrophe sans appel, qui condamne non
seulement celui qui meurt sans enfants en vie, mais aussi tous les
ancêtres de sa races qui l'ont
précédé en ce monde ... » (J. Jahn
cité par J.M ;Tcheho, 2002 :71). Dans le conte
Trahoré et le mauvais chef, lorsque le vieux chef
déchu alla demander conseil aux ancêtres, ces derniers sachant que
sa femme ne pouvait plus avoir d'enfant, lui donnèrent le pouvoir
d'accoucher lui-même par son ongle. C'est par cette naissance que les
ancêtres se réincarnèrent en la personne de l'enfant
Trahoré pour venir venger le vieux chef. La croyance aux ancêtres
dans l'imagerie de l'Africain traditionnel est tellement importante que
lorsqu'il met au monde un enfant, on lui donne le nom d'un ancêtre ou
d'un parent mort. L'attribution du nom devient le moyen par lequel on
ressuscite les ancêtres, le moyen d'honorer leur mémoire, de leur
demander pardon ou de les remercier.
Ø La croyance à l'héritage du
passé
L'Africain traditionnel croit fermement que tout
héritage provenant du passé et qui est pour l'essentiel
composé d'un ensemble de normes sociales de conduites, des modes et
techniques de vie, de richesses culturelles et magico religieuses sont les
garants de toute stabilité et de tout accomplissement social et
individuel. Cette croyance au passé détermine fortement
l'éducation de l'enfant dans la société africaine
traditionnelle.
Que ce soit dans l'éducation en famille, dans sa classe
d'âge ou dans les divers cadres de l'éducation que sont les
initiations et les cérémonies de tous genres, tout ce qu'on
montre à l'enfant et qu'on lui inculque comme valeur, dépend
fortement du passé. Le conte La jeune fille désobéissante
est un exemple illustrateur: les parents s'efforcent d'éduquer en
stricte conformité avec les principes de la tribu qui sont
eux-mêmes hérités du passé et, les enfants doivent
se conformer sous peines de punition grave.
Rappelons-le, bien que l'éducation de l'enfant dans la
société traditionnelle africaine repose sur un certain nombre de
valeurs propres à son enracinement, son intégration sociale et
même son ouverture au monde, il y a des raisons de penser que la croyance
stricte au passé altère quelque peu sa prise en compte du
présent et la préparation de son avenir.
Tout compte fait, l'éducation de l'enfant, telle
qu'elle se faisait dans la société traditionnelle, le
préparait à une ouverture au monde. Dans le conte La
jeune fille désobéissante, les jeunes filles Ngo yi
et Ngo Maliga vont à une fête dans le village voisin du leur.
Celles-ci arrivent non seulement à ne pas perdre l'essentiel de leur
formation morale et culturelle mais aussi ne nuisent pas à la culture de
l'autre tribu. La société traditionnelle présente comme
anti-modèle Ngo Lipem qui, arrivée à l'autre village perd
ses propres valeurs, en s'aliénant. Par ce conte c'est le message que
porte la tradition à la modernité. Les enfants doivent apprendre
des autres sans s'acculturés, sans perdre leur culture, leur âme.
Autre croyance à laquelle s'attachent nos ancêtres, c'est sans
doute la force vitale.
Ø La force vitale
Comme nous l'avons vu précédemment, les
religions et philosophies africaines ont pour notion clé la Force
vitale, qui constitue l'essence de l'être et est susceptible de diminuer
ou d'augmenter selon certaines pratiques et rapports. Toutes les pratiques de
la vie courante ainsi que les rites religieux doivent être compris
à la lumière de ce concept.
Dans la Philosophie bantoue, le père Placide
Tempels nous dit que l'appel à Dieu, aux esprits et aux ancêtres
pourrait se résumer à l'expression «
Donne-moi de la force », et que ce qui nousapparaît comme
de la magie n'est que la mise en oeuvre de forces naturelles qui sont au
service de l''homme. « Le bonheur suprême et la seule vraie
bénédiction sont, pour les Bantous et les camerounais en
général, de posséder le plus de force vitale possible : la
pire infortune, voire la seule infortune, est la diminution de ce pouvoir.
La source de la force vitale est Dieu, l'être
suprême, l'Esprit créateur ceci est en conformité avec
les croyances africainesactuelles. Cependant, la seule manière pour 1'
homme de renouveler sa force est de se procurer celle des autres
créatures, qu'elles soient minérales, végétales,
animales ou mêmehumaines. Car la force s'écoule et se
dégrade, selon un processus s'apparentant à l'entropie. Le but
premier des traditions et rituels est de maintenir et d'augmenter
l'énergie de ceux qui les pratiquent ou pour qui ils sont
pratiqués, sans compter qu'ils les protègent d'éventuelles
attaques à leur propre force. Ils sont d'ailleurs fondés sur des
symboles ascensionnels, spectaculaires et diairétiques participant,
selon les catégories établies par Gilbert Durand dans Les
structures anthropologiques de1'imaginaire,
durégime diurne de l'image. Dans nos récit
par exemple, l'orphelin dans le récit « the orphan
boy » est le prototype de cette force vitale, ceci grâce
à son courage de braver les obstacles qui sont sur son chemin, de
transcender l'univers, sa manière de gérer les problèmes
donc il fait face. Comme un Dieu, il parvient à pendre contrôle
des différents univers tant chez les vivants que chez les morts.
Ø La prière
La présence d'une langue induit des
phénomènes dont l'existence, du moins en ce qui s'agit de ses
limites, est pratiquement indéfinissable. Il s'ensuit qu'au-delà
du profane que l'on courtoit dans la gestion quotidienne de l'existence et du
vécu du Camerounais traditionnel, il ya une autre
réalité. Il s'agit cette fois de la permanence d'une
sacralisation imposante ; une autre partie de l'existence qui exige une
présence au monde, qui elle-même convoque des attitudes et des
prédispositions.
Ces attitudes et ces prédispositions, résultent
d'une éducation qui émane le plus souvent, comme on le voit chez
bon nombre d'Africains et de Camerounais, de ce qu'on nomme par inspiration ou
encore par révélation.
Dans l'univers de l'Africain, une série
d'impératifs commande l'intervention ou le secours du sacré. Le
sacré ici répond à un appel grave et nécessaire et
devient une véritable catharsis dans la mesure où sa
réalisation dans les termes et les étapes qui constituent ses
conditionnalités mène l'homme en crise aux confins de ses
possibilités et de ses moyens utiles pour lui assurer l'équilibre
et le bonheur.
Au détour des voies tortueuses, l'homme peut avoir
rendez-vous avec le malheur, la malchance qui rompt son équilibre. Ce
faisant, il se trouve incapable de répondre aux exigences de l'instant
qui, assurément, constituent un obstacle à la quête de son
moi profond. Chez l'Africain traditionnel, et le camerounais en particulier,
cela implique plusieurs évidences : il se peut qu'il ait
offensé volontairement ou non quelqu'un.
Dans le récit la Malformation, par exemple,
c'est la rupture ou le non respect d'un interdit qui est la cause de la bosse
qui se plante dangereusement sur le dos du nouveau-né de la femme
moqueuse.
De même, dans le récit « orijin of
Gods », c'est la désobéissance des hommes qui
amène Dieu à quitter la terre et à s'éloigner des
hommes pour aller définitivement s'installer au ciel.
Cependant, chacun sait qu'en Afrique, il existe un
intermédiaire entre la divinité et les hommes : c'est un
devin ou (les totems). C'est lui seul qui est capable de rompre avec le cycle
infernal. Dans le cas de la femme moqueuse, l'offense, la moquerie est
irréparable ; aucun sacrifice ne peut rompre le malheur de voir
s'en aller la bosse sur le dos de son enfant. Si la moquerie elle-même
fut grande, la bosse, l'objet de la moquerie, plantée sur le dos du
nouveau-né, en est une sanction qui loin de s'en aller, reste un
symbole, un signe pour les autres de ce qu'il est interdit de transgresser les
normes et les traditions sous peine d'une punition exemplaire.
Le cas de cette femme représente un exemple palpable
dans l'Afrique traditionnelle. Cependant, les textes oraux en pidgin nous
fournissent encore des évocations puissantes et conséquentes. Ces
évocations, qui s'imposent d'ailleurs dans une
généralisation se moquant presque chaque fois des
particularisations dans l'ensemble des peuples et des hommes de nos lieux
d'enquête semblent être la réalité de l'ensemble des
peuples africains. Elles trouvent leur puissance dans des genres sacrés
que sont nos mythes.
Ces genres, ont de sacré le fait qu'ils ne sont dits
que dans des conditions particulières, des moments bien indiqués
et, sont concernés par chaque événement dans la vie d'un
homme qui en appelle, pour se voir retrouver une certaine normalité, le
concours bienveillant de la divinité.
Dans notre corpus « l'origine des
divinités/totems », les sujets priant, sont les hommes
qui ont eu à transgresser les recommandations, ils demandent ainsi une
protection divine. Ils veulent que l'harmonie et la paix reviennent dans leur
village. Leur prière a essentiellement un but, celui d'apaiser la
colère de Dieu. C'est ainsi que par l'intercession d'autres dieux, ils
pensent apaiser la colère du Dieu suprême.
Par ailleurs, la prière se définit comme
« l'évocation par un individu de l'être
suprême ». Dans nos différents récits, la
prière renvoie à des mots divers qui expliquent les
différentes orientations de la prière. Ces termes sont : le
dialogue et l'échange « au commencement, Dieu et les
hommes vivaient ensemble » ; l'intersection « les
hommes se sentaient abandonnés et cherchaient d'autres moyens pour
plaire à Dieu », « c'est ainsi qu'ils
fabriquaient d'autres dieux » ; la célébration
« d'autres se mirent à prier Dieu le père le regard
levé au ciel, d'autres le priait face contre terre, et d'autres
adoptèrent la station debout » ;la
malédiction « Dieu dit aux hommes « je ne peux
pas tolérer une telle insubordination et pour cela il disparu de la
surface de la terre » . Tous ces mots sont des synonymes de la
prière et démontrent que des textes, des actes religieux ou
spirituels s'y déroulent. Car selon la conception africaine de Dieu,
prier, c'est adresser des demandes à la divinité, c'est converser
avec son Dieu, c'est louer et adorer l'être suprême.
La prière est dite par les hommes de toutes les couches
sociales. Elle est adressée aux totems, aux dieux sculptés et
aux ancêtres.
A regarder de plus prêt, la prière est
perçue comme un dialogue avec les dieux. C'est dire que cet acte
qu'effectue l'homme est d'une grande importance car, il s'entretient avec les
divinités, avec l'invisible.
Pour ce faire, la prière est pour tout homme dans nos
textes un acte d'une valeur spirituel, singulier. Elle est ce par quoi l'homme
accède à un niveau supérieur de la connaissance, laquelle
est la quête pour la justification de la raison d'être de l'homme
sur la terre. Elle procure à ceux qui la pratiquent le bonheur, la paix
et la vie.
Ainsi, les termes tels que : le ciel, prier,
créer le monde, suprême, la résurrection, vie
éternelle, montrent qu'il ya dans ces récits quelque chose
de spirituel que les individus recherchent. Ils sont à la poursuite de
la vérité, de la justice pour connaitre enfin la vie
éternelle.
Cependant, celui à qui s'adressent les prières
dans nos différents récits est un Dieu particulier : il
s'agit des totems, de la déesse des eaux ou du dieu des eaux. Ils sont
ici le symbole de l'Etre Suprême ou de l'invisible.
Puisque la prière s'avère effective dans les
récits, elle se déroule non de façon ordinaire,
c'est-à-dire quotidiennement comme dans le cas de nos
sociétés modernes, mais dans des contextes singuliers. Elle est
dite soit de manière collective, soit individuel selon les
circonstances.
Dans le récit de « Ngoniton»,
la prière est adressée aux divinités mais dans le but de
résoudre un problème précis. La mère de Ngoniton
fait appel au dieu des eaux parce que sa pêche n'est plus fructueuse.
Elle demande à cette dernière de lui donner plus de poisson dans
son panier et en échange de cela, elle lui donnera sa fille unique
Ngoniton. Cette prière, si on peut le dire va aboutir à un
résultat positif puisque la femme effectivement aura un panier plein.
Mais cet échange sera puni par la suite car la femme à travers
son comportement fait montre d'individualisme et d'égoïsme.
C'est ici que l'on voit combien l'individualisme en Afrique
est semblable à une ignominie, à un opprobre et ne saurait donc
être promue au rang de valeur. L'individualisme, s'il conduit à la
ruine de la société entraîne celle de l'espèce
humaine. D'ailleurs, le récit Pourquoi la carapace de la tortue se
retrouve en mille morceaux en est une bonne illustration. Tortue en se
servant des plumes qui lui furent données généreusement
par les oiseaux afin de se rendre à un cocktail organisé au ciel,
arrive à se jouer de ses donateurs en mangeant toute la nourriture et en
buvant toute la boisson apprêtés pourtant pour tous. Il s'ensuit
que tortue eut la carapace cassée en mille morceaux à cause de
son égoïsme et de son individualisme.
Ø la religion
C'est l'ensemble des croyances, des doctrines et des pratiques
culturelles qui constituent les rapports de l'homme avec la divinité ou
le sacré. Dans nos différents récits, elle est toujours
conséquente ou induite par notre analyse lexicologique
précédente. A cet effet, les expressions suivantes :
prière, Dieu, créa le monde, résurrection,
vénéré, loué constituent des signifiés
de la religion. Car dans notre texte, la religion est vécu par la
prière, la résurrection, le culte, le discours sacré que
pratiquent les différents personnages dans nos récits. La
prière est adressée au Père Dieu pour qu'il soulage les
péchés et les lourdes souffrances. Celui qui prie se trouve dans
une telle confusion qu'il n'y a plus d'autres recours que celui de lever les
mains et son coeur dans le cadre d'un récit sacrée et
propitiatoire qui, en racontant son désarroi demande en même temps
son allégement.
Une telle souffrance est indescriptible. Sa solution est
pratiquement impossible à se réaliser au niveau de l'humain et ne
conduit évidemment que vers l'ultime sauveur qu'est Dieu dans sa
grandeur, son omnipotence.
Cette souffrance, pour la soulager par le canal de la
prière, exige la présence d'une foi imposante et certaine. Ceci,
partant du fait que l'on ne peut demander qu'à un être susceptible
d'apporter une solution efficace. Cette certitude ne peut provenir que d'une
ferme assurance qui, elle-même n'a de présence qu'à
l'expérience de certaines certitudes déjà palpées
ou palpables par le sujet priant. Cette prière, lui apparaît donc
comme un impératif, une condition sine qua non aux solutions du
problème.
L'esthétique de la sacralité est celle
fouillant chaque recoin de l'âme humaine pour atteindre la perfection de
la divinité. La beauté se trouve dans la liberté des
paroles et des vers. Il ne faut pas ici chercher les règles de la
versification classique, de la prose libre qui n'a point besoin qu'on soit
intelligent pour pouvoir comprendre ou analyser cette esthétique. Le
plus pauvre des paysans jusqu'à l'homme fouillant les poubelles peut
accéder à cette esthétique.
Le seul voeu de rompre avec une situation jugée
précaire peut impliquer un niveau de foi tel que les chaînes
peuvent se briser, les montagnes se déplacer comme de simples feuilles
de papier emportées par un vent. Les chansons dans ce cas sont
brèves et ne souffrent pas d'une longueur telle que perdre le sujet
priant, lui-même, dans de vaines élucubrations. D'ailleurs, la
prière adressée à une divinité supérieure
n'a pas nécessité à être longue. La
brièveté rimant avec respect, diligence et
déférence.
On n'a pas idée de venir auprès de Dieu et lui
parler pendant de longues minutes. La langue pidgin suffisamment jugée
en marge des langues est reprise par le sujet priant pour montrer et exprimer
son drame et sa consternation. Parce que la langue est pour l'homme,
Mieux que toute autre, qui lui permet d'interroger
le milieu et de le comprendre, d'acquérir rapidement les connaissances
indispensables à son développement harmonieux et à sa
participation effective à la vie de la société (R.
Renard).
Elle lui permet de véhiculer les paroles, les
affections, les sentiments et surtout le degré d'implication dans l'acte
de la prière. Le pidgin devient le canal au moyen et au travers duquel
se module la vie des sujets qui le parlent : il devient un
archétype de leurs réalités, de leurs
représentations et de leur vécu.
Le vécu divers, inclut les hommes dans une
perspective double. Dans la vie ordinaire, le folklore et le profane organisent
et structurent les actes humains. Cependant, à des conditions
particulières, exceptionnelles, la vie demande ou requiert des hommes
une participation du sacré pour le rétablissement des
équilibres et aussi, pour des cas regrettables, une
désorganisation des harmonies.
Ces actes qui organisent à plus d'un titre
la réalité du monde, ne sont en réalité que la vie
de l'Afrique, du camerounais dans sa forme nue. Dans cette vie en effet, le
physique, le réel expliquent ou présupposent le
métaphysique, l'irréel ou l'imaginaire. La présupposition
est dans un certain cas l'harmonie et l'équilibre du monde.
En somme, il était question de montrer dans cette
partie que les textes oraux en pidgin renferment des éléments de
littérature qui pourraient s'adapter à toutes les méthodes
d'analyse textuelle conventionnelle. Cette littérature se manifesterait
aussi bien dans les différents genres sacrés que profanes.
V.2.MYTHES PIDGIN :
VALEURS ET IMPACTS
Un bref parcours historique du système éducatif
camerounais montre que c'est en 1844 qu'a été fondée la
première école camerounaise9(*), suivie d'une seconde créée à
Douala en 1845. Après la création de ces premières
écoles et avant l'accession à l'indépendance le pays a
connu tour à tour le système éducatif allemand et puis
à la suite de la défaite allemande pendant la première
guerre mondiale, le Cameroun fut partagé en deux parties: l'ancien
Cameroun occidental qui bénéficia du système
éducatif anglais et l'ancien Cameroun oriental qui
bénéficia du système éducatif
français10(*).
S'il est vrai que l'école fut introduite sous le
prétexte d'asseoir une oeuvre civilisatrice et plus tard dans le but de
former des auxiliaires d'administration qui devaient seconder les colonialistes
dans leur tâche administrative, il faut avouer que très vite
l'école va devenir pour les colonialistes occidentaux: « un
outil d'assujettissement des esprits, contribuant à modifier
les systèmes et les conceptions du monde»
(Encyclopédique de la république,1981 :5).
Après l'accession du pays à
l'indépendance en 1960 et même après l'avènement de
la république unie du Cameroun en 1972 jusqu'à aujourd'hui le
constat reste clair, l'éducation traditionnelle dite précoloniale
qui permettait à l'enfant: « de connaître ses
véritables capacités et ses limites, d'en faire un homme
épanoui physiquement et moralement, tant sur le plan
intellectuel qu'artistique, ; en intégrant l'individu
à son contexte social ... de devenir responsable
et solidaire des autres membres de la société
» ((Encyclopédique de la
république,1981 :4) , s'est effritée de
façon considérable dans ses fondements et ses manifestations au
point ou aujourd'hui:« Nous sommes les esclaves culturels d'autres
nations et pour tout dire, nous nous plaisons déjà dans
cet esclavage, nous Y avons pris goût et nos
entreprises tendent à perpétuer cet asservissement.
» (K.Ndumbe III, 1985 :13). Pire, nous parlons la langue
occidentale, nous singeons leur moeurs, nous ne formons plus qu'un avec eux,
nous nous sommes aliénés, auto acculturés.
C'est dans cette perspective que nous intitulons cette partie
perspective: l'apport de la tradition à l'éducation
de l'enfant moderne. Nous disons ici que ce titre n'est pas
gratuit, il est fort utile car s'il est admis que: « Chaque
communauté humaine a sa propre conception de l'éducation
et essaie de l'orienter selon l'image que ses membres ont d'eux-
mêmes, de l'autre et d'après l'idée qu'ils ont de
leur environnement immédiat et du
monde » (A.Tshibilondi,2003 :40), il est utile de dire
que l'enracinement dans sa culture dans tout ce qui fait l'âme d'une
nation est le préalable pour son ouverture au monde et par
conséquent le préalable de tout développement humain.
C'est le pari à relever pour nos sociétés prises dans
l'étau d'un effritement graduel et continuel de leurs valeurs
culturelles et ancestrales.
Une nation qui veut se développer ne peut se construire
sans une prise en compte féconde de ses valeurs. Nkwamé Nkrumah,
cité par Ntebe Bomba (2005 :11) à ce propos disait:
« Va. Cherche ton peuple. Aime-le. Apprends de lui. Fais des projets
avec lui. Commence parce qu'il sait. Construis sur ce qu'il est et ce qu'il
a. ».
S'il est vrai que le gouvernement Camerounais informé
de ces nécessités a, à travers l'organisation des
colloques11(*),
l'adhésion aux conclusions des conférences mondiales12(*) , la création des lois
en matière d'orientation de l'éducation13(*), opté pour la
«formation des citoyens enracinés dans leur culture, mais
ouverts au monde et respectueux de l'intérêt général
et du bien commun»14(*), il reste aussi vrai qu'il existe un malaise sur
le plan de l'éducation de l'enfant dans la société
Camerounaise. Et, ce malaise se répercute à tous les niveaux de
la société au point où aujourd'hui, il est admis de tous
qu'une reconquête de notre culture, de nos valeurs à travers notre
éducation traditionnelle est la seule voie susceptible aujourd'hui
d'enraciner l'enfant dans sa culture pour l'ouvrir ensuite au monde tel que le
réclame le contexte actuel de Mondialisation.
Les contraintes de la vie moderne qu'impose le système
capitaliste, la lutte contre la pauvreté, la démographie
galopante, la course aux technologies sont des points focaux auxquels nos
nations sont confrontées aujourd'hui et dans cette perspective nous
reconnaissons que l'éducation traditionnelle telle qu'elle se faisait
dans les sociétés africaines n'est plus possible dans son sens
strict.
Mais nous disons et maintenons qu'un certain nombre de
conceptions, de façon de faire, de manière d'être qui
constituait l'essentiel de l'éducation de l'enfant dans la
société africaine traditionnelle, que nous avons d'ailleurs
développé dans la partie précédente, doit servir de
base, de socle pour l'édification d'une éducation de l'enfant
apte a son enracinement, son intégration dans son milieu avant toute
ouverture au monde. Aussi notre premier objectif sera de présenter
brièvement les problèmes éducatifs qui se manifestent dans
toute la société Camerounaise en particulier, Africaine en
général avant de terminer par un certain nombre de valeurs
africaines qui ne doivent pas être seulement sauvegardées mais
doivent servir de préalable, de base pour l'éducation de l'enfant
aujourd'hui.
V.2.1. Les problèmes
éducatifs actuels
Ces problèmes relatifs à l'éducation de
l'enfant aujourd'hui nous les retrouvons aussi bien dans le cadre de la famille
qui constitue la cellule de base de la société, à
l'école qui est censée relayer la formation et l'éducation
faite en famille et enfin dans la société où il
évolue.
Ø Une famille éclatée
Un regard rapide sur notre société actuelle nous
amène à un triste constat: la famille africaine jadis
qualifiée d'élargie, d'étendue du fait de ses limites
particulièrement proches du système social s'est vue
affectée dans sa composition et dans son fonctionnement.
Dans sa composition, elle s'est réduite
considérablement et a: « fait sa mutation vers le modèle
de la famille nucléaire, le fameux "triangle oedipien». Ce
dernier est même dépassé par les familles
monoparentales livrées à la fragilité croissante
des mariages ou au nomadisme d'un mari itinérant» (J.Ki-Zerbo,
1990 :54).
Si cette réduction semble être la
résultante des difficultés économiques que rencontrent les
familles, elle est aussi et surtout, la résultante d'une envie pour la
majorité des familles africaines situées souvent en ville de
s'identifier aux façons de faire occidentales. Cette identification est
pour l'essentiel la cause des problèmes que nous retrouvons dans le
fonctionnement même des familles. Ainsi, les liens de parenté
étaient des liens forts qui unissaient les membres de la famille
africaine entre eux, de sorte que, comme nous l'avons montré plus haut
dans le cadre de la famille étendue, on ne voyait pas d'un mauvais oeil
que les enfants quittent leurs géniteurs pour aller s'installer avec les
autres membres de la famille lorsque le besoin se faisait sentir. De nos jours,
tout cela semble être une utopie. L'enfant n'est plus l'enfant de la
famille il devient tout simplement celui des géniteurs, de telle sorte
que si un malheur lui arrive, personne n'est plus responsable. Ceci nous
amène à conclure que l'individualisme à l'occidental a
pris le pas sur la solidarité africaine.
De plus, dans la triade père, mère et enfant, on
constate un grand dysfonctionnement et une grande fragilité
relationnelle ; car aujourd'hui à cause de son travail le
père est souvent absent et lorsque la mère vient elle aussi
à travailler pour rechercher les ressources nécessaires aux
besoins du couple, les enfants sont abandonnés à eux-
mêmes. Ils sont condamnés à marcher avec les bandes d'amis
qui éduquent selon les normes souvent asociales. Pire encore, les
enfants ne connaissent pas leurs langues maternelles et parce que la famille
est disloquée, ils ne connaissent pas les différents membres de
la parenté.
Parce qu'il n'y a plus de famille étendue qui pouvait
pallier à des problèmes souvent relatifs à l'absence des
parents, à la connaissance de la langue. Nous constatons une
fragilité comportementale chez les enfants et un manque d'affection du
fait que ceux-ci sont désormais confiés aux maîtres
d'écoles qui n'ont ni les moyens ni le temps de jouer le rôle qui
revient de droit naturellement aux parents.
Parce qu'il est absent, le père cesse d'être ce
patriarche qui dans la tradition était celui à qui l'enfant
devait soumission et déférence. Désormais
éduqué par la mère (si elle ne travaille pas) qui comme on
le sait n'a pas toujours la pointe de fermeté et d'autorité que
dispose le père, l'enfant se développe, grandi dans un cadre
propice aux développements de ses caprices les plus fous. Il se sent
désormais au même pied d'égalité que ses parents et
cultive à leur égard des sentiments individualistes aptes
à développer chez lui l'insoumission, l'irrespect et le
mépris. En un sens: « de nos jours la famille africaine est
devenue un terrain fertile où se développent les
semences les plus défavorables à l'émancipation
tant individuelle que collective» (H.Sikounmo, 1995 :74).
De plus avec ces dysfonctionnements, on voit apparaître
le phénomène «des enfants de la rue », des
enfants abandonnés qui n'existait pas dans la société
africaine traditionnelle et qui n'est que le résultat actuel du malaise
dans l'éducation de l'enfant dans sa famille.
Ø L'acculturation
Nul ne peut nier aujourd'hui l'énorme outrage et
l'énorme perte qu'ont connue nos traditions africaines depuis
l'introduction de l'école. Cet outrage et cette perte sont
considérables et il faudra une lutte surhumaine pour essayer de
reprendre ce que l'école a détruit sur le plan des possessions de
tout un continent. Outre ces possessions qui constituent l'essentiel de la
culture africaine dans les façons de faire, des façons
d'être apprises depuis les temps immémoriaux: c'est l'âme
même de l'Afrique que l'école a volée.
L'école comme on le sait a été introduite
sous le prétexte d'une action civilisatrice car, selon les occidentaux
le peuple noir était un peuple barbare, incapable de culture et ne
vivant que selon l'instinct. Mais, après une vaste entreprise de
falsification des preuves historiques de la grandeur de la culture noire
à travers la civilisation égyptienne et d'autres peuples
africains comme l'a montré CHEIKH ANTA DIOP15(*), les occidentaux se sont
livrés à un lavage considérable des mentalités non
seulement à travers l'école mais aussi à travers les
religions chrétiennes. C'est ainsi qu'avec l'école, ils vont
asseoir définitivement leur oeuvre acculturatrice. Et cela se voit non
seulement au niveau des programmes d'enseignements mais aussi au niveau de la
mentalité des enfants. Et les savoir-vivre. Tout reste au niveau de
l'instruction, l'éducation qui est plus intégrative est
délaissé.
On remarque par ailleurs que l'école en plus est
sélective ; dans la mesure où tout le monde ne dispose pas
de moyens financiers. Alors que l'éducation de l'enfant dans la
société traditionnelle africaine était intégrative,
inclusive, l'éducation moderne des enfants condamne les enfants pauvres
et les prépare à être les parias de la
société. Avec tout ce que nous avons vu, l'enfant devient un
étranger dans sa culture. On cultive chez lui l'extraversion ce qui
contribue à lui faire croire qu'il ne peut se réaliser et
s'accomplir qu'en vivant comme les occidentaux et que, c'est le monde
européen qui reste et demeure le modèle de
référence. Le résultat sur l'éducation de l'enfant
est alarmant:« l'écrasante majorité de nos
scolarisés africains ignorent tout des acquis de nos ancêtres, ils
ne connaissent ni leur histoire, ni leur science, ni leur religion
».
Les programmes d'enseignements malgré les efforts qui
sont faits aujourd'hui pour essayer de les enraciner à l'environnement
du pays sont pour l'essentiel de pâles copies du modèle
occidental. Comme le montre une enquête faite par Hilaire SINKOUNMO (de
janvier à mars 1992) pour chercher à connaître l'avis de la
jeunesse camerounaise sur le système éducatif du pays, les avis
divers témoignent d'un malaise: celui de l'inadaptation des programmes
d'enseignements. Ces avis sont: « « il existe un
fossé entre nos réalités et notre système
scolaire", "aliénant, inadapté aux exigences de l'action", "ce
système cause l'oubli des traditions de nos ancêtres", "notre
système traditionnel ne puise pas ses sources du pays", "système
extraverti", " on ne s'occupe pas des problèmes du pays dans
nos programmes", " il a été appliqué
pour favoriser l'occident plus que notre pays » (Hilaire
Sinkounmo) .
Le système scolaire institue une véritable
compétition entre les élèves qui valorise l'individualisme
au dépend de l'esprit de camaraderie qui était pour l'essentiel
l'esprit valorisé dans le bois sacré; lieu des initiations
africaines. Tout ce qui préoccupe l'école aujourd'hui c'est de
dispenser le savoir (dénaturé et inadapté d'ailleurs) de
sorte que l'enfant est formé pour le travail qu'il pourra trouver plus
tard. Rien n'est fait au niveau de la formation de l'être pour donner
à l'enfant le savoir-être et les savoir-vivre. Tout reste au
niveau de l'instruction, l'éducation qui est plus intégrative est
délaissé.
L'école en plus est sélective. Car, tout le
monde ne dispose pas de moyens financiers. Alors que l'éducation de
l'enfant dans la société traditionnelle africaine était
intégrative, inclusive, l'éducation moderne des enfants condamne
les enfants pauvres et les prépare à être les parias de la
société.
Avec tout ce que nous avons vu, l'enfant devient un
étranger dans sa culture. On cultive chez lui l'extraversion ce qui
contribue à lui faire croire qu'il ne peut se réaliser et
s'accomplir qu'en vivant comme les occidentaux et que, c'est le monde
européen qui reste et demeure le modèle de
référence. Le résultat sur l'éducation de l'enfant
est alarmant: « l'écrasante majorité de nos
scolarisés africains ignorent tout des acquis de nos ancêtres, ils
ne connaissent ni leur histoire, ni leur science, ni leur religion »
(K.Ndumbe III, 1985 :50).
Ø Une société paralysée et
minée par une véritable crise de valeurs
Après avoir reçu une éducation fortement
fragilisée au sein de sa famille. Après avoir reçu un
enseignement qui aura tendance à l'amener à s'identifier aux
moeurs occidentales à l'école, l'enfant est désarmé
devant les modèles que présentent à profusion les
médias. La télévision extravertie continue l'oeuvre
acculturatrice qu'ont amorcé l'école et la famille dans quelques
bords. On est en présence d'une véritable crise de valeurs
sociales.
Les jeunes filles s'habillent de telle sorte qu'elles
suscitent chez les garçons de leurs âges, voire même des
hommes adultes la naissance des pulsions libidineuses qui nourrissent et
mûrissent dans l'esprit de certains les désirs de viol. Ce fait
est alimenté par les chaînes de télévision par
câbles et par satellites qui non seulement diffuse des émissions
amorales et pornographiques mais ne sont l'objet d'aucune censure de la part
des autorités en place. La non canalisation des limites à donner
aux comportements qui est la résultante de l'irresponsabilité des
parents dans la famille entraîne dans la société
l'irrespect et le mépris de la part des enfants. Ces derniers
n'appellent plus père, les hommes ayant l'âge de leur père,
ils n'appellent plus mère les femmes ayant l'âge de leur
mère, ils ne s'appellent plus entre eux frères ou soeurs.
La seule réalité est l'individualisme. Entre les
enfants de la même classe d'âge, l'esprit de la communauté
et de camaraderie qui était cultivée dans les
sociétés précoloniales n'est plus à l'ordre du
jour: c'est la ségrégation dans les relations humaines. Comme ils
existent des quartiers de riches et des quartiers de pauvres, les enfants des
pauvres évitent les enfants des riches et entre les enfants de
même condition ;il existe une guerre sourde. Ce qui n'est que la
résultante de l'effacement dans nos têtes et nos consciences de
l'essentiel de nos traditions, de ce qui faisait l'équilibre de la
société. Cet équilibre rompu, il n'est pas surprenant
d'entendre des choses atroces qui révoltent les consciences.
La poursuite des rêves que font naître les
médias amène les enfants à la recherche de toutes sortes
de stratagèmes pour avoir de l'argent. Pour réaliser leur
rêves, les adolescents mentent, escroquent, se livrent comme leurs
montrent leurs parents à des coups bas, pour avoir de l'argent oubliant
les exigences auxquelles ils doivent se conformer dans le cadre de la vie en
société. D'autres; surtout les adolescentes se livrent au plus
vieux métier du monde16(*)., oubliant les maladies sexuellement transmissibles
(le SIDA surtout) qui dépouillent le pays de la fine fleur de sa
jeunesse.
Dans les institutions publiques d'encadrement des mineurs et
de rééducation des mineurs Inadaptés sociaux.17(*)Les missions de
rééducation, de prévention de l'inadaptation sociale et de
resocialisation ne sont pas atteintes faute de moyens. Aussi dans les
institutions publiques d'encadrement de la petite enfance, on a cessé de
se plaindre sur l'humanité de la société et de la
cruauté de certaines femmes ou jeunes filles qui n'hésitent pas
à abandonner de jeunes enfants. Cette jeunesse aura la lourde
tâche d'éduquer à son tour, on est en droit de se demander
ce qu'elle pourra inculquer comme valeurs à ses enfants.
Ces problèmes nous amènentà proposer
comme solution la sauvegarde de nos traditions, de nos cultures, des valeurs de
la société traditionnelle et leur introduction féconde
dans le contexte général de l'éducation de l'enfant
moderne. La famille moderne devrait donc s'inspirer du modèle familial
des anciennes sociétés précoloniales. L'école doit
s'enraciner dans le modèle de vie culturel de l'Afrique. Comme le dit
Joseph KI-ZERBO: «l'école ne peut tourner le dos au patrimoine
africain; ce serait l'école en Afrique et non l'école
africaine » (J.K.Zerbo, 1990 :92). La société doit
promouvoir les valeurs comme l'esprit de la communauté,
l'éducation communautaire, la solidarité qui était en
quelque sorte le modèle de vie de l'Africain traditionnel dans sa
société. Enfin nous dirons avec Iba Der Thiam cité par
Etounga Manguele (1993 :136) que: « nous courons vers un
naufrage culturel inévitable, si nous ne mettons pas au point une
stratégie de sauvegarde et de valorisation du patrimoine social
africain, si nous commettons l'erreur de nous dépouiller du code de
règles de vie sociale qui fit des siècles durant
l'harmonie et la stabilité des sociétés de naguère
». Aussi dans ce qui suit nous proposerons comme solution à ce
malaise certaines valeurs africaines à sauvegarder à tout prix.
V.2.2. Quelques valeurs
africaines à sauvegarder
L'une des plus grandes conclusions des éducateurs de
toutes sortes aujourd'hui reste et demeure la reconnaissance légitime et
solennelle d'une éducation qui a pour but principal le
développement et l'ouverture au monde.Cetteéducation devrait
avoir pour base les connaissances traditionnelles et culturelles d'un peuple.
Car ces connaissances constituent pour ce peuple non seulement son
héritage mais aussi et surtout son identité, elles servent
à le définir et à le différencier d'un autre
peuple.
La nation africaine traditionnelle à travers son
éducation prône un certain nombre de valeurs qui comme nous
l'avons vu permettait non seulement à l'enfant de s'enraciner dans sa
culture, de s'intégrer dans sa communauté mais en outre, ces
valeurs étaient les facteurs d'équilibre et de cohésion du
groupe tout entier. Etant donné qu'avec la colonisation et son
corollaire d'acculturateur qu'est l'école, nos sociétés
africaines se sont aliénées, acculturées au point
où la culture traditionnelle tend partout à s'imposer comme la
culture de référence. Nous disons à cet effet que ce fait
est impropre à tout développement de l'Afrique car chaque peuple
a ses mythes et ses histoires à raconter. Ceux-ci sont la base de la
mentalité et l'essentiel de l'imagerie et de la représentation
sociale d'un peuple. Ces mythes et ces histoires sont les bases sur lesquelles
doivent s'appuyer tout processus d'éducation et de développement.
En plus, ils sont les éléments qui permettent à un homme
de s'accomplir, de se réaliser, de s'émanciper dans son milieu de
vie.
Ces valeurs sont, pour l'essentiel, la famille africaine
élargie, la solidarité, la pudeur et le respect, une
éducation intégrative et totalisante et la langue. L'introduction
de ces valeurs dans le contexte scolaire et dans le contexte
général de l'éducation à travers les masses
médias, les livres etc. sera un instrument d'enracinement et en outre
comme le dit André Mvesso (2005 :40): « le
développement de ces valeurs par leur transmission aux jeunes
générations, fera en sorte que le patrimoine de
l'humanité, qui n'est pas seulement artistique mais aussi culturel,
s'enrichisse et soit sauvé de l'uniformisation ». Ces
valeurs transmises souvent au travers de la littérature orale en
générale et les contes et mythes en particulier peuvent
contribuer comme nous allons le voir à l'éducation de l'enfant
moderne.
Ø La famille africaine
Parmi les nombreuses raisons proférées pour
soutenir la sauvegarde des idéaux et des valeurs de notre vieille
famille africaine. La plus importante est cette modification dans les relations
interpersonnelles qui fondaient l'essentiel du modèle de vie familiale
de l'Africain traditionnel. Outre cette raison :
La désintégration familiale ne permet plus
à la famille de remplir pleinement ses fonctions. Il
n'y a plus continuité entre ce qui est demandé
à l'enfant et ce qui est demandé à
l'adulte. L'enfant dans une telle ambiance conflictuelle, n'a plus de
repères stables, de modèles de référence constants
pour former sa propre identité, étant donné que
ses parents sont eux-mêmes en quête d'une identité dans une
société oùils se confrontent aux
réalités sociales nouvelles avec leurs
références traditionnelles(F. .Itoua et als,
1988 :201).
Aussi nous affirmons que la famille africaine, en tant qu'elle
était ce creuset où l'enfant pouvait trouver
sécurité, affection, stabilité, au milieu de la foule de
parenté dans son sens large, cette famille est seule aujourd'hui capable
d'intégrer efficacement l'enfant dans sa société. Et qui
dit intégration dit enracinement de l'enfant à sa culture
conformation aux idéaux et valeurs que la société juge
bons pour sa cohésion. Dans la famille africaine étendue ou
élargie par exemple, les enfants ne peuvent pas ressentir le manque que
provoquerait l'absence d'un père ou d'une mère partie à la
recherche des ressources nécessaires à la satisfaction des
besoins familiaux. Les oncles paternels ou maternels, les tantes, les Cousins
et Cousines, les grands parents sont toujours là pour apporter
l'affection, les conseils utiles pour empêcher la naissance dans la
Psychologie des enfants du stress ou de l'ennui qui peuvent provoquer à
leur tour la délinquance, l'oisiveté, et le vol, etc.
Parce que les enfants peuvent trouver dans la famille
élargie un parent, un frère susceptible d'apporter une sorte de
compensation à un certain manque, parce que les enfants «
peuvent aller et venir entre la maison de leurs parents, les domiciles de leurs
grands-parents, ceux de leurs oncles et tantes ; il est clair qu'une telle
mobilité n'est pas sans incidence positive sur la découverte des
autres et de leur environnement par les enfants qui en
bénéficient, donc sur leurs chances d'ouverture aux autres et au
monde. » (J.Essindi Evina, 2003 :76).
Dans la famille africaine élargie, il serait rare de
trouver les enfants qui ne parlent pas leur langue maternelle. Les relations
interpersonnelles ont souvent comme facteur d'unité ou condition
à remplir: l'obligation pour chaque membre outre de parler la langue
maternelle, la conformation aux façons de pensée, de faire bref
la conformation aux normes familiales qui ont toujours une corrélation
étroite avec les normes sociales dans un sens stricte. En plus de la
conformation aux normes sociales, la famille africaine de part la
diversité de ses membres peut permettre, à l'enfant, de part la
diversité des relations humaines qu'elle peut susciter, une meilleure
intégration sociale.
En outre, dans le contexte actuel où l'école a
une place certaine dans la société en tant qu'elle apporte
à l'enfant de larges possibilités quant à son instruction,
la famille africaine peut apporter plus efficacement l'essentiel de
l'éducation morale et communautaire que l'enfant ne peut recevoir
à l'école. C'est dans cette optique qu'il serait mieux que la
famille et l'école agissent ensemble pour l'édification d'une
éducation de l'enfant qui permettrait à l'enfant de s'enraciner
dans sa culture (objectif que la famille africaine pourrait être plus
apte à remplir) et de l'ouvrir au monde (objectif que l'école
pourrait en dernier lieu réaliser). C'est cette synergie des forces qui
pourrait donner à l'enfant aujourd'hui les savoirs que sont: le savoir,
le savoir-être, le savoir-faire, et le savoir-vivre. Dans une mesure plus
large, cette synergie pourrait donner à l'enfant aujourd'hui, les
rudiments nécessaires pour que lui à son tour éduque
lorsque viendra pour lui le moment de perpétrer ce qu'on lui aura
montré et enseigné.
Ø La solidarité
La solidarité c'est le sentiment qui pousse les
individus à s'accorder une aide mutuelle. C'est en un sens la vertu
suprême de la société traditionnelle africaine. Ce
sentiment vient du voeu profond de l'homme traditionnel africain d'apporter de
l'aide à un membre quelconque de la communauté chaque fois que le
besoin se fait sentir.
Dans l'éducation de l'enfant, cette solidarité
se manifeste très tôt dans la vie de l'enfant. Ce dernier est
l'objet d'une éducation qui lui est administré aussi bien par sa
famille que part le groupe tout entier. Tout le monde peut le gronder, lui
faire des reproches, le récompenser, le consoler.
On constate à regret qu'aujourd'hui, cette
solidarité dans l'éducation de l'enfant ne fait plus partie des
habitudes. Chaque personne voit d'un mauvais oeil qu'une tierce personne puisse
essayer d'éduquer de quelques façons que ce soit ses enfants. Il
n'est pas rare d'avoir des querelles entre voisins pour la simple raison, qu'un
voisin aurait par mégarde essayé de raisonner l'enfant d'un
autre.
Les conséquences sont graves lorsqu'on sait que,
lorsqu'une surveillance est relâchée dans l'éducation des
enfants, ceux-ci se croient tout permis et l'on voit aujourd'hui ce qu'un tel
état de chose peut entraîner: mépris, irrespect,
insoumission qui ne sont que les exemples d'une longue liste de
comportements asociaux.
Dans nos écoles aujourd'hui, un seul fait est visible,
les élèves manquent non seulement de respect à leurs
camarades mais aussi à leurs maîtres. Et ces derniers non pas
toujours le droit de réprimander car dans la pensée actuelle des
africains, c'est aux parents que revient ce rôle. Il convient donc de
rétablir la solidarité des membres de la communauté dans
l'éducation de l'enfant.
Dans le conte La jeune fille
désobéissante,le rôle de l'éducation des jeunes
filles Ngo Maliga,Ngo Yi et Ngo Lipem n'incombe pas seulement à leurs
parents, mais la communauté entière par l'entremise du
génie du fleuve participe aussi de l'éducation dans la mesure
où, elle a un droit de regard dans la bonne marche de
l'éducation. Aussi, elle peut punir et corriger. C'est le sens à
donner à la punition que reçoit Ngo Lipem de la part du
génie du fleuve. La solidarité est en étroite relation
avec les vertus comme l'union et le partage. Car c'est dans l'union que chacun
peut apporter sa part à l'édifice social et dans notre cas, ce
conte L'union fait la force aété un exemple
illustrateur. Tout le monde dans la communauté, dans la famille doit
oeuvrer ensemble à l'édification de la société.
C'est ensemble qu'on construit une nation. Au-delà de ces simples mots,
c'est le développement d'une nation dans tous ses contours qui est en
jeu. Parce que l'individualisme, l'égoïsme se sont introduits dans
la société africaine d'aujourd'hui nous sommes dans le
sous-développement. Construire donc une nation dans l'idée de son
développement doit avoir pour préalable une éducation dans
laquelle, on inculquera à l'enfant l'esprit de solidarité. Cet
esprit de solidarité implique aussi les notions de dévouement, de
don de soi et exclut tout d'esprit d'égoïsme. Nous devons à
cet effet prendre l'exemple du benjamin dans le conte Les trois
frères, non seulement il pardonne à ses frères
aînés qui ont voulu lui faire perdre son héritage mais, il
leur donne ensuite une part de sa richesse car dit-on souvent il n'y a pas de
joie à être heureux tout seul. Dans cette dernière optique
nous proposons que cette solidarité soit encouragée non seulement
dans nos écoles mais aussi dans nos sociétés.
Ø La pudeur et le respect
La pudeur est une sorte de contenance, de retenue par rapport
à tout ce qui dans l'agir et le dire peut blesser les normes, la
décence. Plus souvent on parle de pudeur lorsqu'on se
réfère aux questions d'ordre sexuelles. Le respect aussi
introduit une sorte de contenance de retenue, c'est un sentiment qui tend
à ne pas porter atteinte à quelque chose ou à traiter
quelqu'un avec des égards. Ces deux valeurs avaient une grande place
dans la société africaine traditionnelle. C'est pourquoi
l'essentiel de l'éducation administrée aussi bien dans le cadre
des familles que dans la société consistait à montrer aux
enfants, le respect non seulement de son propre corps, mais aussi bien de tout
ce qui pourrait toucher autrui en particulier et la communauté en
général.
Le sexe dans la société traditionnelle
africaine, était quelque chose de sacrée et tout ce qui
concernait le sexe était l'objet d'un traitement particulier. Aussi
très tôt dans la vie, les jeunes filles étaient
éduquées sur tout ce qui pouvait porter atteinte à leur
intégrité corporelle. Dans La jeune fille
désobéissante, rappelons nous, l'essentiel de
l'éducation administrée par les parents aux jeunes filles Ngo
Maliga, Ngo Yi , Ngo Lipem consistait pour ces dernières à
éviter sous peine de punition grave, toute frivolité car, elles
étaient destinées au mariage et de fait elles devaient
éviter toute attitude indécente.
La raison principale qui nous conduit à proposer la
pudeur et le respect comme valeur à sauvegarder c'est la situation
actuelle dans laquelle se trouve la société Camerounaise. En
effet, le sexe y est banalisé, les jeunes filles surtout s'habillent
n'importent comment. C'est cet état de chose qui est la
conséquence de la chosification de la femme et de son corps dans les
chaînes de télévision par câble et par satellite et
par la diffusion d'émissions pornographiques. Ceci conduit à une
grande crise dans la société où les statistiques
concernant les viols ne cessent de prendre une évolution exponentielle.
L'Afrique en général et le Cameroun en
particulier se doivent de sauvegarder ces valeurs. Nous proposons un retour
à la décence, à la pudeur, au respect du corps humain et
surtout au respect des autres et du bien social.
Enseignés donc dans nos écoles, la pudeur et le
respect permettront à l'enfant de grandir, de se développer dans
une société portée par des valeurs aptes à
émanciper l'homme dans tous ces contours.
Ø Une éducation intégratrice et
totalisante
Une des valeurs à sauvegarder aujourd'hui serait aussi
l'une des spécificités de l'éducation traditionnelle qui
est intégratrice et totalisante. Mais en quoi consistait cette
éducation dans les sociétés précoloniales ?
Dans les sociétés précoloniales,
l'éducation s'occupait de l'individu en général, que l'on
soit riche ou pauvre, normal ou anormal, déficit mental ou disposant
pleinement de ses facultés, tout le monde était formé
à la même école de la vie, car tout le monde recevait les
mêmes instructions partant du fait que tout individu était un
membre à part entière de la communauté.
La littérature orale en général et le
conte en particulier n'était pas simplement destinée aux enfants
mais aussi, concernait les adultes car le conte, comme dit A. Hampate Bâ
(1994 :33) est un: « support d'enseignement aussi bien pour
l'éducation des enfants que pour la formation morale et sociale voire
spirituelle ou initiatiques des adultes» , c'est ainsi que la nuit,
au clair de lune, autour d'un feu adultes comme enfants recevaient à
partir d'un simple conte l'essentiel de l'enseignement sur les normes sociales
et les comportements que la société donnait comme modèle.
Aussi l'éducation était totalisante car s'il
elle s'occupait de l'enfant de la naissance jusqu'à la mort, elle
s'occupait: « aussi bien de la formation du caractère, le
développement des aptitudes physiques, l'acquisition des qualités
morales considérées comme d'inséparables attributs de la
qualité d'homme, l'acquisition des connaissances et des techniques
nécessaires à tout homme pour lui permettre de prendre
une part active à la vie sociale sous ses différents
aspects. » (Moumouni, 1998 :32).
Cette éducation doit être sauvegardée
parce que l'éducation à travers l'école tend à
être sélective à cause du manque de moyens. Certains
enfants des familles pauvres n'ayant pas toujours la chance d'aller à
l'école. L'éducation à travers l'école tend
à être instructive ne s'occupant que des individus dans une
période particulière et définie de leur vie.
Ø La langue
Véhicules de nos cultures, nos langues tendent
aujourd'hui à disparaître au profit de l'enseignement des langues
occidentales. Cela est une grande crise car ces langues
étrangères véhiculent une culture de domination et tendent
à nous asservir. Pour Barthélemy Kontchy (1971 :367, le
maintien de ces langues étrangères: « symbolise non
seulement la division des classes sociales, mais l'aliénation.
».
Considérant donc qu'un peuple sans langue est un peuple
sans culture, l'éducation doit, comme l'a stipulé le rapport de
la commission« Langues Nationales» au colloque sur
L'identité culturelle Camerounaise en 1985, s'engager
« résolument et explicitement dans la voie d'intégration
des langues nationales dans notre système éducatif afin d'offrir
aux jeunes camerounais la possibilité d'une inculturation nationale
réelle». 18(*)
Cette intégration des langues nationales doit servir
à porter un coup fatal à l'aliénation culturelle qui
pèse sur l'éducation de l'enfant aujourd'hui. Car il est
invraisemblance qu'à l'heure actuelle où l'éducation au
Cameroun est régie par la loi d'orientation de l'éducation de
1998, qui elle-même stipule en son article 5
alinéa 4 : « La promotion des langues nationales»
que les élèves continuent à recevoir les
enseignements avec les langues étrangères que sont le
français et l'anglais comme langues officielles et aussi les langues
espagnole, allemande, voire italienne alors qu'aucune langue locale n'est au
programme des enseignements.
Il faut donc repenser notre système éducatif car
comme le dit Alpha Oumar Konaré, premier président
démocratiquement élu du Mali (1994 :264) : «
[L'] école ne prend en charge ni les cultures locales ni
l'environnement, elle communique dans une langue étrangère, et
n'a jamais pu s'enraciner profondément. Cette école est une
école d'exclusion. Aujourd'hui pour reformer le système
scolaire, il faut le casser» . Dans cette optique, nous disons
ici qu'il faut sauvegarder notre culture africaine et ceci passe par une
introduction féconde des valeurs humaines qui sont la
particularité de cette culture et qui font sa spécificité
et son unicité dans le contexte général de
l'éducation.
Nous finirons notre propos en disant avec Iba Der Thiam
cité par Etouga Manguelle (1993 :136) que :
il ne s'agit pas d'exalter ni de restaurer tout le
patrimoine social africain. Tout n'y fut pas positif, juste, progressiste,
démocratique. Il ne s'agit pas non plus de rejeter ce que
l'histoire nous a apporté d'Europe ou d'ailleurs. Il s'agit de
rechercher dans notre culture authentique les valeurs permanentes qui
faisaient: l'unité, la stabilité, la solidarité et la
cohésion des sociétés anciennes .... et
d'ajouter à ce substrat originelles valeurs
sélectionnées non point de la seule Europe ... mais de
toutes les civilisations et cultures du monde entier des vertus
élevées.
C'est cet alliage fécond des valeurs anciennes
précoloniales avec celles prises çà et là dans le
monde entier qui permettra à l'éducation aujourd'hui non
seulement d'enraciner l'enfant dans sa culture mais aussi de l'ouvrir au monde
car il est avant tout un être qui doit vivre son temps.
L'éducation de l'enfant dans la famille africaine
traditionnelle doit servir de guide à l'éducation de l'enfant
moderne car comme le dit à juste titre Kum'a Ndumbe III:
« l'avenir de notre peuple est dans sa culture
» (1985 :67), la culture est l'âme d'une
société, c'est ce par quoi la société se
définit, elle est son identité de sorte qu'un peuple sans culture
est un peuple sans âme.
Chapitre VI : LES ACTEURS ET LE CADRE DE L'EDUCATION
VI.1. LES ACTEURS DE
L'EDUCATION
Sous le terme « acteurs de l'éducation»
nous nommons tous ceux qui de près ou de loin participent ou
influencent d'une manière ou d'une autre l'enfant dans son processus
éducatif. Notons ici que ces acteurs ont un rôle
prépondérant et déterminant dans la formation et l'assise
du caractère, du comportement et de la personnalité des enfants.
Ils ont la lourde tâche, non seulement, de montrer à l'enfant tout
ce qui est utile dans la formation de son moi social mais aussi, par
un système dualiste de sanction et de récompense, de conseil et
déconseil, ils façonnent ce moi social d'une
façon non pas latente mais manifeste en stricte conformité avec
le permis, ce que la société reconnaît comme valeur
positive, ce qu'elle admet comme conduite à tenir et propose comme
modèle à suivre.
Ce rôle est d'autant plus important lorsqu'on sait que
c'est pendant l'enfance que se fonde tout l'être d'un individu, de sorte
qu'il est communément pensé et admis que: l'enfant est
le père de l'homme. Ainsi toute perspective de changement
social qui se voudrait solide, devrait s'opérer sans nul doute à
cette phase de la vie de l'homme.
Certains contes et mythes, il est utile de le dire, serviront
de guide pour apprécier le poids de ces acteurs qui sont: La famille
à travers les parents (père; mère et la marâtre
comme c'est le cas dans plusieurs de nos contes), les grands parents et les
autres membres de la famille (oncle, tante); la société enfantine
qui constitue la classe d'âge de l'enfant; la société
globale et enfin ne l'oublions pas, l'enfant lui-même qui est un acteur
principal dans sa propre éducation.
VI.1.1. La famille
La famille aux dires de nombreux sociologues est la cellule de
base de toute société humaine, c'est un microcosme social au sein
duquel chaque membre possède un rôle bien déterminé,
en fonction de la place qu'il y occupe.
C'est au sein de cette cellule que s'effectue pour l'enfant,
l'essentiel des fondements de son éducation et où on lui montre
de façon très projective, la vie telle qu'elle est vécue
dans la grande instance qu'il est convenu de nommer la communauté. C'est
aussi, en ce lieu que la personnalité sociale de l'enfant se forme pour
s'accomplir plus tard (tel qu'il est pensé comme projet) au sein de la
communauté traditionnelle.
En Afrique, la notion de famille est différente de la
conception qu'elle revêt dans la société occidentale. Si
elle se résume au fameux « triangle oedipien»19(*)en Europe, en Afrique par
contre : « C'est le groupe étendu qui constitue
indépendamment des systèmes qui le régissent, la cellule
de base de la société, la personne morale fondamentale et le
milieu éducatif le plus immédiat» (P.Erny,
1972 :55).
C'est ainsi que dès sa naissance, l'enfant est
confronté très vite à une ambiance de convivialité,
de solidarité dans laquelle semble se baigner tous les membres de la
famille.
Très tôt, il sera informé sur l'attitude
qu'il devra avoir face aux différents membres de la famille. Famille qui
est réglée elle-même par et autour du groupe, de
parenté20(*).
C'est pourquoi, outre l'enseignement généalogique: «
l'une des premières notions que les enfants apprennent est celle des
limites familiales en deçà desquelles ils ne pourront
se marier. La règle essentielle est que deux personnes ne
peuvent se marier si elles appartiennent au même
lignage» (MbalaOwono, 1990 :33).
Par cet enseignement, l'enfant est éduqué comme
dans le conte bassa: la jeune fille désobéissante(Beling-Nkoumba,
1985 :61-64) sur tous les membres avec qui il possède les liens de
sang et sur tous ceux avec qui il entretient une relation d'alliance.
C'est ainsi qu'en Afrique, l'enfant peut posséder
plusieurs familles: une qui se confine à son père, sa mère
et ses frères et soeurs s'il y en a, une dont les individus proviennent
de la famille de son père et de sa mère et, parfois une autre
constituée des individus d'une autre famille qui s'est alliée
à la sienne et par extension, il est membre de la famille étendue
que constitue le groupe social tout entier.
Cette famille élargie est très importante
lorsqu'on sait qu'en Afrique, la solidarité au sein de la cellule
familiale est primordiale, de sorte que, lorsque les parents viennent à
disparaître, on ne voit pas d'un mauvais oeil que les enfants aillent
vivre auprès de l'un des membres de la famille étendue. Comme
c'est le cas dans le conte Dylim's children. C'est pourquoi les
parents très tôt apprennent à leurs enfants, le respect des
membres de la famille et, ces derniers ont en retour, un droit de regard, voire
une certaine responsabilité dans l'éducation de ces enfants.
Mais, comme nous allons le voir dans cette partie
consacrée à la famille, chacun des membres exerce une influence
certaine sur l'éducation de l'enfant. Nous consacrons ici le rôle
des parents (le père, la mère, la marâtre) puis nous
verrons dans la famille, le rôle des grands parents et ensuite les autres
membres qui sont souvent l'oncle ou la tante.
Ø Les parents géniteurs
Loin d'être de simples géniteurs, les parents
sont ceux-là qui pourvoient au bien-être physique, moral,
intellectuel et social des enfants. Leur importance est d'autant plus grande
qu'en Afrique on a toujours tendance à dire « c'est l'enfant de
tel ... ». Ceci pour signifier en bien ou en mal que les enfants ne
sont que le produit de l'éducation que leur donne ceux-ci.
Dans une large mesure, les enfants ne sont que le
résultat palpable de l'être même des parents, de leur
manière d'agir et d'être, leur vision du monde et la façon
dont ceux-ci perçoivent le monde. Cet être constitutif des parents
va jouer sur la manière dont les tous petits, devenus grands
élèveront ou éduqueront à leur tour leurs enfants.
C'est pourquoi « le surmoi de l'enfant (. . .) ne se forme
donc non pas à 'image des parents, mais à
l'image du surmoi de ceux-ci, il s'emplit de tous les jugements de valeur
qui subsistent à travers les générations
» (G.Rohein,1961 :94-95). Essayons à présent de
voir le rôle des différents parents.
· Le père
Le père dans nos sociétés africaines
à prépondérance patriarcales. Il est un patriarche, c'est
le chef de famille, celui à qui on doit soumission, obéissance et
déférence. L'exemple de Kouma, dans le conte L'union fait la
force, qui règne avec prestance sur une foule de femmes, d'enfants
et de petits enfants en est un exemple illustrateur.
Le père est le garant du respect des traditions et
normes sociales au sein de la famille. En quelque sorte il est comme le
délégué de la société auprès de la
famille. Dans nos familles africaines patriarcales, c'est par lui que l'enfant
a sa personnalité sociale, son nom et même certains acquis qui
pourront l'intégrer au sein de la société des adultes (une
femme, une case).
Sa position dans la famille, lui confère des
responsabilités qui vont, de son rôle de pourvoyeur aux besoins
économiques à celui de responsable morale de tout ce qui peut
affecter l'intégrité physique, morale de son épouse et
surtout de ses enfants. Ces rôles dépassent le cadre même de
sa propre vie en tant qu'il doit s'assurer avant sa mort, de ce qu'il aura
laissé pour ses enfants et son épouse le nécessaire
à leur survie et à leur plein épanouissement.
Si de nombreuses études ont été faites
sur le père dans nos sociétés traditionnelles, force est
de reconnaître que son rôle est parfois ambivalent, d'autant plus
qu'une analyse brève de notre corpus de contes et mythes, nous
amène à lui reconnaître un caractère
extrémiste : il est soit bon soit mauvais, présent ou absent,
responsable ou irresponsable.
Ainsi d'un côté, nous avons l'image de ce que
l'on peut convenir d'appeler: de bons pères que nous retrouvons dans les
contes comme L'union fait la force ou encore La jeune fille
désobéissante qui ont pour principal objectif
l'éducation de leurs enfants selon les normes et valeurs
traditionnelles.
Nous verrons par exemple le père dans Les mauvais
génies du champ de mil, qui ne recule même
pas devant les forces surnaturelles (les mauvais génies) pour
protéger la vie et la santé de sa fille.
Le père dans le conte Noana et ses soeurs,
n'hésite pas à jeter sa méchante épouse dans
le puits où elle avait voulu faire périr les jeunes orphelines
Noana et ses soeurs.
De même soucieux de l'avenir de sa progéniture le
père n'hésite pas avant de mourir (même s'il est pauvre),
à donner des conseils utiles pour une vie harmonieuse (Kourna dans
L'union fait la force), ni à laisser un héritage qui
mettra sa progéniture à l'abri de certains besoins le père
dans le conte (Les trois frères).
Dans Tout n'est pas d'être l'aîné,
encore faut-il avoir du bon sens, le père revient même
après sa mort, sous les traits d'un être surnaturel afin d'essayer
l'améliorer les conditions de vie de son fils aîné qu'il
avait laissé pauvre et indigent.
Dans un tout autre cadre, le père, comme c'est le cas
dans le conte 1dodokwam, l'enfant maillet, se montre irresponsable,
méchant, n'hésite pas à abandonner ses enfants (Ndodokwam
et sa soeur aînée) sans protection et surtout sans
s'inquiéter de ce qu'ils deviendront.
Le père dans The orphan boy, est même
cofrustrateur aux côtés de sa méchante épouse. Il
n'hésite pas à la demande de cette dernière, à
envoyer son fils à la recherche de jeunes lionceaux sachant
pertinemment, qu'il pourrait y laisser sa vie.
L'absence du père est cause d'un malaise existentielle
pour les enfants, surtout, lorsqu'ils doivent faire face comme c'est le cas
dans Noana et es soeurs à la méchanceté
et la cruauté de leur marâtre.
Dans L'orpheline et la vieille femme, le père
est même tellement absent que le sort de l'orpheline dépend
même des forces du destin. Cette absence consacre, le malheur de la jeune
orpheline au point où elle devient le jouet de la marâtre qui fait
d'elle ce qu'elle veut.
La présence enfin du père, aux
côtés de sa femme n'est souvent pas évoquée ceci
marque quelque peu le poids du patriarcat dans la société
traditionnelle africaine. Qu'en est-il du rôle de la
mère ?
· La mère
Il n'y a pas souvent de mots pour décrire l'importance
qu'une mère a pour sa fille, pour son mari et surtout pour ses enfants
car ces derniers sont la condition du bonheur d'une femme de sorte
qu'être mère est un titre qu'on porte fièrement. Aussi
dit-on qu' « il faut être mère pour être pleinement
femme » (Dong Aroga, cours LINA).
La mère est la gardienne de l'équilibre, le
socle sur lequel repose le bien être affectif des enfants et, elle est
plus qu'un parent: l'âme de la famille, elle constitue le modèle
de conduite, d'agir et d'être auquel les enfants et surtout veulent
souvent ressembler.
Si son importance dans les sociétés
matriarcales21(*)
africaines est prépondérante, force est de reconnaître que
ces sociétés sont rares aujourd'hui. Dans nos contes en effet, si
la femme mère se trouve au milieu d'une société
patriarcale et machiste, son rôle et sa présence parfois
effacés ne sont qu'un mirage. Car contrairement à une
pensée souvent occidentale qui fait de la femme africaine un martyre,
c'est elle « qui prend les décisions importantes au sujet
de ses enfants, de famille, de son entourage
immédiat » (F.Bebey, 1992 :41).
Son rôle est d'une importance capitale car c'est par
elle que se dénouent les drames, c'est elle qui rompt les forces
d'inerties et les forces du mal. Dans le conte mauvais génies
du champ de mil, c'est la vigilance de la mère
qui sauve la fille du paysan, car c'est lorsqu'elle avertit son mari des
agissements des mauvais génies que son mari s'engage à les faire
périr.
La défunte mère de Noana et soeurs dans le conte
qui porte leur nom avertit son mari des agissements de sa méchante
épouse, ce qui pousse le mari à se venger de cette
dernière.
C'est ainsi que, sa présence est admise et convenue
comme immortelle, ceci parce que même sa mort dans l'imagerie populaire
africaine ne la dérobe à la vie. Ile est partout, son lien qui se
crée depuis la conception de l'enfant, jusqu'à sa mort ne se
rompt jamais. C'est donc ainsi que, nous avons vu que, même morte elle
revient sous une forme ou une autre à la rescousse de son enfant en
danger. Le conte oku The orphan boy où la mère
(défunte) du jeune orphelin joua un rôle indubitable dans la
réussite de ce dernier dans la quête du tambour au pays des enfers
en est un exemple illustrateur.
Lorsque la mère est présente aux
côtés de ses enfants comme dans Les cadetsD'IDIRIWONG,
elle joue son rôle originel c'est-à-dire son rôle de
protectrice s'inquiétant à chaque instant de la vie de ses
enfants. C'est ainsi que lorsque Addias et Bidias
révélèrent à leur mère leur voeu d'aller
à la rescousse de leur soeur aînée IDIRIWONG, elle ne peut
s'empêcher de leur dire de ne pas y aller de peur de les perdre.
Lorsqu'elle est mourante, son intuition malgré son
indigence prend le pas et guide les enfants vers la sécurité
bienfaitrice qu'elle ne peut leur assurer physiquement (la mère dans
Dylim's children).
Enfin, même après avoir été
obligée d'agir mal, à l'encontre de ses enfants, comme c'est le
cas dans NDODOKWAII, l'enfant maillet, une sorte de lien
indestructible rappelle la mère auprès de ses enfants.
· La marâtre
La marâtre, dans les contes est l'épouse du
père pour les enfants nés d'un autre mariage. Nous avons voulu la
ranger dans le rôle de parent parce qu'elle est souvent emmenée
à jouer ce rôle en l'absence de la véritable mère
des enfants, qui par la force des choses, a été prise par la
force intransigeante qu'est la mort. Dans les contes elle constitue l'un des
parents de l'orphelin et joue un rôle d'amélioratrice involontaire
du sort de ce dernier.
Sa méchanceté, sa cruauté et même
sa jalousie comme c'est le cas dans L'orpheline et la vieille
femme la conduit à faire travailler les enfants de sa
coépouse morte jusqu'à épuisement. Mais ce qu'elle ignore
souvent, c'est que l'orphelin ou l'orpheline subit ainsi une initiation au
terme de laquelle celles-ci triomphent souvent de leurs peurs, de leurs
faiblesses, et de leur infantilité pour devenir un être mûr.
C'est le cas du jeune orphelin dans le conte The Orphan Boy qui
devient Chef de son village auterme d'une épreuve où il
était prédestiné à une mort pensée et mise
en projet par la méchante épouse de son père.
La punition, à une telle méchanceté,
c'est la stérilité, ou la douleur d'assister impuissamment
à la mort de ses enfants après leur naissance (les enfants de la
marâtre dans le conte; Noana et ses soeurs) ou, encore
le malheur de ne mettre au monde que des enfants méchants, paresseux qui
ne sont rien d'autres que son exacte réplique.
Plus que décidée d'empêcher les enfants du
premier lit d'hériter de leur père, elle est prête à
tout même à vendre son âme au diable mais fort heureusement,
même au pays des morts, les mères défuntes arrivent par
quelques moyens que se soient à vaincre le mal et à provoquer la
mort de la marâtre qui est une négation de idéal humain
dans la société traditionnelle.
Ø Les grands-parents
Les grands-parents sont les parents des parents de l'enfant.
Du fait de leur âge généralement très avancé
et par conséquent et des sagesses engrangées, ils sont
ceux-là qui transmettent aux tout-petits, les traditions, les normes et
habitudes du groupe.
Parce qu'ils connaissent sur les bouts des doigts les
ancêtres en tant qu'ils sont dans une période de vie transitoire,
ils sont ceux-là qui sont reconnus comme ceux qui ont la
dextérité et les moyens d'enseigner la généalogie
et les limites de la famille.
Se situant entre un passé idéalisé et un
présent à parfaire les grands parents parce qu'ils n'ont souvent
rien à faire réclament souvent leurs petits enfants. Ainsi, en
est-il de la grand-mère dans le conte Oku The orphan Boy qui
alla demander, son petit-fils à son père après la mort de
sa mère. Ce voeu pour les grands-parents de rester auprès des
enfants n'est pas gratuit.
Considérés comme des « bibliothèques
humains », c'est à eux qu'incombe le rôle d'enseigner la
tradition orale notamment à travers les contes, les devinettes et les
fables.
Les rapports des enfants avec les grands-parents sont souvent
des relations proches de celles qu'ont les enfants avec leur classe
d'âge. Ces relations sont marquées par une sorte de
complicité, d'amitié doublée de respect et d'amour. Dans
le conte The orphan boy, le jeune orphelin qui avait
été chargé par son père (convaincu par sa
méchante femme) de ramener de jeunes lionceaux alla se confier comme
à un confident en qui on a toute confiance, à sa
grand-mère qui, émue, lui donna des conseils sages et protecteurs
qui l'aidèrent, à la grande déception de la marâtre,
à réussir sa mission.
Par ailleurs, il est communément admis qu'en Afrique,
les grands-parents sont des forces protectrices contre tous les malheurs qui
peuvent affecter la vie des enfants. Ils sont ceux sans qui la vie n'aurait pas
de sens. C'est dans ce sens que dans un entretien avec François
Champion, Lydie Dooh-Bunya: romancière camerounaise, parlant justement
de l'importance des grands-parents dans la famille africaine, affirma :
« Je me dis que si tous les enfants du monde avaient eu, ne
serait-ce que pendant un laps de temps, des grands-parents comme
moi j'en ai eu, il y aurait pour eux une telle richesse d'affection que
beaucoup de choses ne pourraient pas les atteindre
cruellement. »22(*)
Les grands-parents ont donc un rôle indéniable
dans l'éducation de l'enfant dans la société
traditionnelle africaine.
Ø Les autres adultes membres de la famille
Au nombre des membres de la famille l'oncle et la tante sont
souvent pour les enfants des confidents. Nous n'avons pas voulu dissocier leur
rôle ici, parce que malgré ce qu'on pense, qu'on soit dans une
société matriarcale ou patriarcale, ceux-ci constituent le
soutien que les enfants recherchent lorsqu'ils sont attristés.
La seule motivation qui guide les enfants à aller vers
eux, à cette période, c'est qu'ils savent que seuls les
frères ou les soeurs de leurs parents, parce qu'ils ont grandi ensemble,
parce qu'ils ont des liens de sang, ont le privilège indéniable
d'influencer leur décision.
En ce qui concerne l'oncle, surtout dans les
sociétés matriarcales, son rôle est même souvent
égal à celui du père et celui-ci est d'une grande
importance lorsque le tout petit devenu un homme, émet le voeu de
prendre femme. Ses conseils et son poids influencent alors grandement les
pourparlers de mariage.
Si par malheur les parents venaient à
disparaître, c'est à l'oncle ou la tante qu'on confie la charge
d'éduquer les enfants, de les faire passer de leur état
d'incomplétude à l'état de plénitude.
Dans le conte Dylim's children, Dylim qui savait que
sa mort était déjà imminente, du fait de sa grande
maladie, donna une graine de melon à ses trois enfants et leur
recommanda de la planter et d'aller habiter, après sa mort, là
où la graine aurait arrêté de pousser. Connaissant la
portée de la poussée d'une tige de melon elle savait que ses
enfants iraient habiter chez la seule personne susceptible de s'occuper d'eux:
sa soeur Kfukfu, leur tante. Cette dernière ne sachant pas qui
étaient ces enfants les maltraita jusqu'au jour où, après
avoir surpris leur chant, elle comprit que c'était les enfants de sa
soeur Dylim disparue. Prise par une grande contrition, par le poids du lien de
sang qui pesait désormais sur ses épaules, elle prit la ferme
résolution de s'occuper de ses neveux avec le plus grand soin.
Comme nous le voyons, le poids du sang qui lie une tante
à ses neveux est un poids difficile à porter. Ce poids est
réel d'autant plus que faire du mal à son neveu ou à sa
nièce pour l'oncle ou la tante est un grand sacrilège, une
transgression morale lourde.
Si donc, la plus grande partie de l'éducation de
l'enfant se passe au sein de la cellule socio-éducative que constitue la
famille, celle-ci est loin d'en être le seul acteur. Comme nous allons le
voir, la classe d'âge de l'enfant est une continuation de ce processus
d'intégration de l'enfant dans la société
traditionnelle.
VI.1.2. La
société enfantine
Dès que l'enfant a reçu, les premières
bases de son éducation au sein de la famille à travers une foule
de personnes qui constitue le groupe de parenté, dès qu'il a
prononcé quelques mots et qu'il peut user de ses petites jambes, les
adultes vont le pousser à aller, d'une certaine manière,
percevoir les exigences d'une vie communautaire au sein de sa classe
d'âge que nous avons convenu de nommer: la société
enfantine.
Très tôt les adultes vont s'apercevoir que
l'enfant va baigner au milieu d'une complexité relationnelle qui se fera
par et autour du jeu et elle, constitue pour l'essentielle le creuset autour
duquel s'opère singulièrement l'apprentissage de la vie.
Cette complexité relationnelle qui se réalise
autour du jeu sera comparable à bien des égards aux relations que
l'enfant entretient au sein de la famille. En un sens on pourra dire avec Alain
(1986 : 36) que :
L'enfant tient à sa famille par des liens
forts; mais il tient au peuple enfant par des relations qui ne sont pas moins
naturelles. En un sens il est moins étranger au milieu d'enfants que
dans sa famille, où il ne trouve point d'égaux, ni de
semblables. C'est pourquoi, dès qu'il peut ronger sa corde, il
court au jeu qui est la cérémonie et le culte du peuple
enfant.
Cette société enfantine joue un rôle
très important comme nous allons le voir dans l'éducation de
l'enfant au sein de la société traditionnelle car, elle a souvent
une importance au sein de la société globale. Dans le conte
Sense pass kingpar exemple, le chef appelle tous les enfants du
village afin de leur confier une tâche communautaire: multiplier au bout
de deux ans un couple de chèvres qu'ils avaient reçu chacun.
Cette société enfantine est organisée et, à un
contenu et des finalités éducatives.
VI.1.2.1. L'enfant: acteur principal dans sa
propre éducation
L'introduction de cet aspect dans cette partie
consacrée aux acteurs de l'éducation vient d'un certain nombre de
considérations. Il est coutume de penser que l'enfant est un être
passif, qui est juste l'objet d'une éducation dont les principaux
acteurs sont étrangers à son être. Coutume est encore de
croire qu'il n'est là que pour exécuter ce qu'on lui dicte. Mais,
quelle n'est pas la surprise parfois de constater que l'on est face à
son refus de conformisme et à l'affirmation de son individualité
qui va au-delà des règles. Ce qui rompt avec les
considérations jusque-là admises et fait de l'enfant un acteur
principal dans sa propre éducation.
Volontairement et en toute liberté, l'enfant choisit de
respecter les normes du groupe social. De même, il peut décider de
passer outre toutes les recommandations, tous les conseils.
La société traditionnelle africaine
reconnaît à juste titre cette liberté de choix qu'a
l'enfant d'agir ou pas. C'est dans cette optique que les conseils occupent une
place considérable dans l'éducation traditionnelle. La plupart de
temps la société à travers les vieux, les hommes
d'expériences, les conteurs, les parents, conseille et guide. Elle
présente aux enfants les conséquences de tel ou tel acte pour
former leurs mentalités, pour les amener à canaliser leurs
pulsion au profit d'une gestion rationnelle de leurs émotions et
comportements en stricte conformité avec l'agir qui est admis par tous
comme profitable à l'ensemble. Par ces conseils l'enfant: «
acquiert le sentiment qu'il n'a pas le droit de vivre pour lui-même,
qu'il doit, pour être aimé et accepté,
se conformer à ce que les autres attendent de
lui » (P.Erny, 1968 :105).
C'est dans cette mesure que par la volonté, le choix
d'agir ou pas, nous classons les enfants de nos contes du Cameroun dans deux
grands groupes: le premier concerne ceux des enfants qui par la volonté
et le libre-arbitre qu'ils possèdent décident de n'en faire
qu'à leur tête: il s'agit ici de Ngo-lipem, dans La
jeune fille désobéissante qui malgré les
conseils de son père, décide malgré tout de diriger sa vie
comme elle l'entend. C'est aussi l'exemple des frères aînés
dans le conte Les trois frères et de Dudu dans Les poussins
têtus.
Le second groupe concerne les enfants qui toujours par leur
volonté décide de suivre les recommandations, d'écouter
les conseils comme nous le constatons dans le conte Les trois
frères avec le benjamin, dans La jeune fille
désobéissante avec Ngo yi et Ngo Maliga.
Si pour chacun de ces groupes nous avons vu des destins
opposés, ces destins constituent, notons le, des leçons que la
société traditionnelle africaine présente comme
modèles à suivre ou à ne pas suivre.
Ø Organisation
L'organisation de la société enfantine est
d'abord sexuelle: les filles se regroupent entre elles, les garçons
entre eux. Car la société traditionnelle fonctionne selon le
principe de la division sexuelle du travail: une fille ne peut faire ce que
fait un garçon et inversement.
Ensuite, la société enfantine s'organise selon
une hiérarchisation bien précise comme dans le conte : Les
trois frères où il y a un aîné, un cadet, un
benjamin. Elle opère selon une hiérarchisation où les
aînés règnent fièrement sur les cadets.
Une fois acceptés, les plus petits sont encadrés
par les plus grands qui leur font passer des tests physiques et parfois
d'intelligence comparables à une sorte de bizutage.
Parmi les aînés enfin, règne un chef qui
est généralement le plus âgé des enfants à
qui l'on confie comme dans la famille, la responsabilité des
tout-petits. Celui-ci devra le plus clair de son temps répondre de ce
qui pourrait arriver aux plus jeunes.
Si les sociétés enfantines ont des lois et des
codes de conduites propres à elle, force est de s'apercevoir que: tout
adulte à tout moment a un droit de regard. L'adulte pourra par exemple
contrôler, proscrire tel ou tel acte, punir tel ou tel écart de
conduite.
Ø Contenu éducatif et
finalité
Le contenu éducatif de la société
enfantine est essentiellement le jeu qui, constitue pour l'essentiel, le moyen
par lequel l'enfant apprend des autres et apprend de lui-même. Les jeux
auxquels se livrent les enfants sont aussi divers et nombreux et comprennent
principalement les jeux qui visent à développer les aptitudes
physiques et d'autres qui développent les aptitudes intellectuelles et
mentales.
Parmi les jeux qui développent les aptitudes physiques,
on peut citer les jeux de force, qui vise non seulement à
développer la force mais aussi la musculature. Ceci, pour permettre
à l'enfant de ne pas se faire menacer par les autres sous peine de se
faire traiter de « femme».
Les jeux qui développent les aptitudes intellectuelles
et mentales permettent à l'enfant d'avoir un esprit de discernement et
d'intelligence. Ces facultés ou aptitudes se manifestaient le plus
souvent par les devinettes et les énigmes qui au delà de
l'intelligence, permettent à l'enfant, avec l'art du contage de
développer l'éloquence et l'art de la parole facile.
Très souvent, c'est à travers ces jeux que
l'enfant saura donner un peu de son être aux autres de son groupe. Il
saura très vite que: « pour se faire accepter et
intégrer, pour gagner la sympathie et l'estime des autres,
[il] doit apprendre à faire des concessions et
abandonner certaines conduites qu'il pourrait se permettre avec
sa mère, mais qui lui causent du préjudice face aux
semblables ». (P .Erny, 1968 :83)
Dans une large mesure, ces jeux sont une
représentation ou une miniaturisation de tout ce qui se fait dans la
société des adultes, ils visent à renforcer la
fraternité entre les enfants. Les adultes ayant conscience de l'impact
de la fraternité dans l'éclosion d'autres valeurs que sont:
l'amour, la compréhension, la tolérance. Le conte Le
mauvais frère est l'exemple illustrateur de cet esprit de
camaraderie entre la soeur du mauvais frère aux jambes coupées et
son amie qui, au delà des vents et marées étaient tout
simplement inséparables.
Comme nous voyons, la société enfantine avait
dans la société traditionnelle un rôle important dans le
processus de socialisation de l'enfant.
VI.1.3. La
société globale
Lorsque l'enfant au sortir des entrailles protectrices de sa
mère arrive au monde et dès qu'une fusion relationnelle
principalement familiale le porte vers la possession de quelques bribes de
notions et d'avoirs nécessaires dans ses premières relations avec
l'autre, l'autre pris dans sa diversité et sa complexité, la
seule réalité que l'enfant trouve en face de lui après sa
classe d'âge est indubitablement la société globale.
Entendons par société globale, l'ensemble de ce
qu'il est convenu de nommer « groupe social» ou groupe
clanique pour s'accorder au contexte des clans africains c'est-à-dire:
« l'ensemble de toutes les personnes vivantes ou défuntes qui
se reconnaissent, un ancêtre commun » (P.Erny,
1968 :83).
Très tôt, l'enfant est appelé à
prendre conscience de la société et du rapport qui le lie
à elle. Progressivement, il réalise qu'il doit s'affirmer, se
déterminer et s'y accomplir comme être à part
entière. La société deviendra très vite le
réceptacle où l'enfant trouvera des modèles de conduites,
des compagnons pour sa marche vers la maturité mais aussi, le lieu
où il devra poser ses marques pour imprimer son temps.
Il convient ici de réaliser que la
société a dans son imagerie une conception bien
particulière de la personne de l'enfant et des particularités
dans l'éducation qu'elle entend donner à celui-ci.
VI.1.4.L'enfant dans l'imagerie
de la société globale
Chaque peuple a sa propre conception de la personne même
de l'enfant. Dans chaque imagerie, on lui donne tel ou tel pouvoir, on lui
confère des origines et des provenances souvent colorées de
couleurs mythiques et imaginaires. Mais, quoiqu'il en soit, il reste vrai que
l'enfant est souvent un être exceptionnel.
Dans les sociétés africaines en
général, l'enfant est dans l'imagerie populaire le sujet des
discussions les plus vives avant même sa naissance. C'est dire qu'il est
pensé, fantasmé dans les consciences et est attendu avec
impatience.
Toujours dans cette imagerie, l'enfant dès sa venue au
monde est considéré comme un ancêtre
réincarné. C'est que: « dans la perspective spirituelle
où se place l'Africain traditionnel chaque humain qui se
présente est considéré comme un messager et
une révélation de l'autre monde, du ciel, de la
divinité» (P.Erny, 1968 :175). Dans le conte :
Trahoré et le mauvais chef,
la naissance de Trahoré né sous l'ongle de son père,
le vieux chef déchu par le mauvais chef, fait suite à la
requête que le vieux monarque déchu est allé faire
auprès des ancêtres de sorte que, sa naissance et aussi plus tard,
ses prodigues ne sont que les manifestations visibles d'un certain ordre
supérieur, celui des ancêtres ;ces êtres aux
connaissances et prodiges innombrables.
Pris dans cette perspective, l'enfant devient dans la
société traditionnelle africaine la condition de toute union
entre un homme et une femme. C'est dans ce sens que l'imagerie populaire
africaine dira que : « pour l'homme comme pour la femme,
les enfants ont leur vie, leur bonheur. Ils sont le remède contre la
mort » (Angelo B.1984 :21). Dans Trahoré et
le mauvais chef, la naissance mystérieuse du jeune
Trahoré est un remède, un soulagement, une catharsis à
l'existence du vieux chef sans enfant parce que marié à une femme
stérile.
L'enfant est dans la société traditionnelle
africaine le moyen par lequel un homme se pérennise dans le temps. Il
est l'élément de toute perpétuation de valeurs, des
traditions et des techniques, de sorte que:« si vous voulez sauvez des
connaissances et les faire voyager à travers le temps, disaient
les vieux initiés Bambaras, confiez les aux enfants »
(A.Hampaté Ba,1996 :9). De plus, posséder des enfants
constitue une force non négligeable dans la production. Il n y a qu'a
voir dans nos contes Les mauvais génies du champ de
mi/ et Dylim's children l'aide que peuvent apporter, les
enfants dans la production et au-delà comme dans L'orpheline et
la veille femme, l'enfant peut apporter une aide dans la
réalisation des tâches ménagères.
VI.1.4.1. Particularités
de l'éducation de l'enfant dans la société globale
Considéré comme un être extraordinaire,
portant en lui une part de connaissance de l'au-delà dans le monde
réel, l'enfant, dans la société traditionnelle africaine,
sera l'objet d'une éducation qui aura pour principales finalités
de révéler cette part de mystère, de connaissance enfouie
dans son être et surtout de s'en servir pour l'édification de la
société dans son ensemble.
Outre cette révélation sur les
spécificités de l'être même de l'enfant, la
société traditionnelle africaine par l'éducation et la
formation tend à systématiser les comportements et les
socialiser, à accroître et à intensifier le
caractère vital de ceux-ci. Ceci dans le but de fixer dans l'imagerie
des enfants le sens de la vie sociale, la vie communautaire, principe hautement
significatif de la représentation sociale de l'ère Africain.
Dans un premier moment, tout juste avant l'âge de
l'initiation « 15à16ans » (A.Moumouni,1998 :28),
l'essentiel des mécanismes d'éducation social sera fortement
si non exclusivement lié aux mécanismes d'apprentissages sociaux
que sont le profit de l'expérience des autres par l'observation et
l'imitation.
Dans la société, les enfants apprennent,
s'éduquent en observant l'entourage social ; en essayant tant bien
que mal d'imiter tout ce qu'ils voient. Comme le montre à juste titre
Bandura (1986) à travers l'apprentissage vicariants, les
enfants profitent de l'expérience des autres membres ou composantes de
la société chez qui ils essayent de trouver des modèles.
C'est par exemple, par un ensemble d'échecs et de réussites des
héros des contes que les éducateurs publics que sont les conteurs
fixent dans la mentalité des enfants des comportements et les
règles à suivre.
Parce que l'éducation dans la société
africaine traditionnelle est une tâche communautaire, tout le monde sera
amené à participer activement. L'autorité ne se
résumera donc pas au cadre stricte de la famille. Aussi
l'enfant: « se verra très naturellement
appelé et envoyé par un adulte ou un aîné,
grondé, corrigé ou au contraire, consolé, vengé ou
récompensé » (A.Moumouni,1998 :21.)
Dans le conte Dylim's children, c'est aussi
naturellement que les paysans, qui s'étaient aperçus que les
enfants de Dylim regardaient les oiseaux manger la récolte de maïs
de Kfukfu (alors qu'ils avaient été chargés de les
chasser), leur ordonnèrent de les chasser sans tenir compte du fait
qu'ils n'étaient pas leurs enfants. A cet effet, la formule terminale de
ce conte vient montrer cet aspect communautaire que doit avoir
l'éducation dans la société traditionnelle: « if
you maltreat another person's child you will maltreat your own without knowing
» 23(*)
C'est inscrit dans ce cadre, que toute
désobéissance de la part des enfants est proscrite car elle
pourrait entraîner, outre la sanction du contrevenant, une
désintégration de l'équilibre et de l'harmonie de la
société. L'inceste auquel se sont livrés le jeune
garçon et sa soeur dans le conte Frère et Soeur,
s'inscrit dansce même ordre d'idées.
Dans le cas de l'inceste par exemple: «certains
groupes demandent aux coupables de reprendre publiquement leur acte, d'autres
les exposent nus, aux quolibets de toute la communauté »
(S.C.Abega, 1985 :169) et aussi, la communauté est amenée
à pratiquer un rite de purification pour laver la souillure
engendrée par cet acte.
En plus de l'apprentissage social qui se manifeste par
l'observation et l'imitation et aussi l'attention accordée par tous les
membres de la communauté à la formation intellectuelle et sociale
des enfants, l'éducation dans la société traditionnelle se
fait dans le cadre d'une éducation formelle à travers les
sociétés initiatiques qui avaient pour mission de préparer
l'enfant (15 à16ans) à la vie adulte. Cette phase initiatique est
nettement claire dans nos contes et mythes.
Dans The orphan boy par exemple, le jeune orphelin
est entraîné dans une vaste entreprise qui l'amène à
quitter son espace originel (le village) pour aller dans un espace
irréel (le pays des enfers) à la recherche du tam-tam du village.
Au cours de cette vaste entreprise, l'enfant devra non seulement compter sur
lui mais faire aussi confiance au réseau interne et intuitif que
constitue son être spirituel. Il devra aussi ouvrir son esprit pour se
mettre au diapason de toutes les forces qui composent la nature afin de rentrer
sain et sans dommage.
Dans le cadre de ces initiations, notons le, certains
néophytes pouvaient mourir s'il s'averrait qu'ils avaient par malheur
transgressé certaines lois (le cas de Ngo lipem dans le conte Bassa: La
jeune fille désobéissante). Mais si par contre le
néophyte se montrait courageux et charitable il rentrait de sa mission
investit d'attributs d'homme et récompensé comme il se doit comme
c'est le cas du jeune orphelin dans le conte The orphan boy qui fut
élu Chief de son village pour avoir ramené le tam-tam du village
du pays des enfers.
VI.2.LE CADRE DE
L'EDUCATION
Nous entendons par cadre de l'éducation l'espace, le
milieu dans lequel se déroule l'éducation des enfants. Dans cette
optique, nous pouvons dire qu'il n'y a pas de lieu précis pour
l'éducation de l'enfant dans la société traditionnelle
africaine. L'enseignement se passe partout. Chaque occasion est favorable pour
éduquer, conseiller, gronder, réprimer ou consoler. Autrement
dit, le cadre de l'éducation n'est pas unique. Nous pouvons distinguer
trois cadres éducatifs dans la société traditionnelle: le
familial, le physique et le social. Quoique restrictifs, ces cadres ont le
mérite de synthétiser quelque peu la multiplicité et
même la variété des cadres éducatifs que renferme la
société traditionnelle africaine.
VI.2.1. Cadre familial
La famille, unité de base de la société,
est à coup sûr l'un des premiers cadres de l'éducation de
l'enfant dans toute société humaine. C'est le lieu où,
très jeune, l'enfant apprend, en fonction de la division du travail par
sexe, l'essentiel de sa formation.
Si les garçons se livrent très tôt aux
travaux virils aux côtés de leur père (la chasse, le
défrichage des champs et bien d'autres), les filles par contre sont aux
côtés de leurs mères qui les initient à l'art
culinaire et surtout à l'essentiel des travaux ménagers. C'est
à ce titre que le conte, kaye et Gollo, vient
illustrer nos propos. En effet même après la mort de leurs
parents. Morts sans leur laisser aucun héritage, Gollo et kaye,
continuent machinalement à faire ce que leurs parents leur ont appris.
Pendant que Golllo le garçon va à la chasse pour rapporter chaque
jour les provisions de nourriture à kaye la fille, reste à la
maison où elle s'occupe de faire à manger.
C'est dans le cadre familial que l'enfant apprend non
seulement les premières techniques dans l'accomplissement des
tâches ménagères mais aussi, les comportements qu'il aura
à adopter et les attentes sociales auxquelles devront se conformer ses
actes. L'illustration de ceci se fait dans les contes La jeune fille
désobéissante et L'union fait la force. Si dans le
premier les parents enseignent les comportements à suivre dans la
formation de la personnalité sociale propre aux filles, pour les
enfants, dans le conte L'union fait la force, le père en ne
leur laissant pas d'héritage lorsqu'il sentit sa mort prochaine leur
laisse un conseil fort utile: celui de rester unis comme les faisceaux de
lances qu'ils avaient liés, afin qu'aucune force extérieure ne
réussisse à les abattre.
Le cadre familial enfin est un cadre préparatoire par
excellence, il détermine la personnalité de l'enfant. C'est dans
ce sens qu'il est communément admis que tous les dysfonctionnements qui
peuvent survenir chez l'enfant dans les cas de troubles relationnels
proviennent d'un dysfonctionnement de l'éducation dans ce cadre
précis.
VI.2.2.Cadre physique
Un cadre physique est un milieu naturel dans lequel se
déroule tout un ensemble d'événements concourant
activement dans la formation aussi physique, technique qu'intellectuelle de
l'enfant.
Comme cadre physique dans la société
traditionnelle africaine, il y a: les champs ; milieux de cultures où
les enfants, tout en apprenant aux côtés de leurs parents à
connaître les différences qui existent entre les saisons, les
moments de moissonner et les moments de semer, apportent leur aide dans la
production des denrées nécessaires à l'alimentation de la
famille. Dans les contes Dylim's Children et Les mauvais
génies du champ de mil, les enfants en allant
chasser les oiseaux qui mangeaient les récoltes dans les champs aident
à la préservation de la production. Ces champs sont un lieu
d'apprentissage car dans le cas de la jeune fille du paysan dans Les
mauvais génies du champ de mil, elle apprend non
seulement l'existence de mauvais génies et découvre l'amour que
son père lui porte.
Comme autre cadre physique, il y a la forêt: souvent
assimilée à la brousse, espace pluridimensionnel,
s'intégrant comme le champ dans la formation de l'enfant.
Parce que fourmillant d'animaux de toutes sortes
nécessaires à l'alimentation de l'homme, la forêt est un
cadre propice pour l'enseignement aux enfants des activités relatives
à la chasse.
La forêt est un lieu refuge où il est très
facile de se nourrir de fruits à cause de l'abondance d'arbres
variés et divers qu'on y trouve. Dans le conte Noana et ses soeurs,
Noana et ses soeurs, après avoir réussi à sortir du
puits où la méchante femme de leur père les avait
jetées, préfèrent se réfugier dans la forêt
où elles trouvèrent un abri loin de la méchanceté
de leur marâtre. Dans ce lieu, propice à la réflexion,
elles attendent le moment favorable à leur retour à la maison
paternelle.
La forêt est aussi et surtout, un lieu où se
mêlent ensemble le visible et l'invisible, le réel et
l'irréel. C'est le lieu des génies de toutes sortes: malfaisants
et bienfaisants. C'est pourquoi dans la société traditionnelle
africaine elle est le lieu favori et le cadre favori des initiations.
Dans le cadre des cérémonies initiatiques, les
enfants sont amenés loin de leurs villages pour se réfugier dans
la forêt, loin des regards, pour y subir des épreuves qui mettent
à rude épreuve aussi bien leurs forces physiques que mentales et
spirituelles. Dans le conte Tout n'est pas d'être l'ainé,
encore faut-il avoir du bon sens! le père défunt vient en
rêve à l'aîné de ses enfants et l'invite à
venir le trouver dans la forêt afin de lui apprendre, dans ce lieu
mythique, une formule incantatoire qui doit lui servir à demander des
richesses aux fantômes. L'enseignement initiatique que reçoit le
fils aîné s'avère infructueux à cause de son
étourderie. Le fils aîné est condamné à une
mort symbolique, car son père et les fantômes
exaspérés disparaissent laissant le jeune garçon pauvre et
immature.
C'est aussi dans le même cadre que se situe l'histoire
que nous révèle le conte Les trois frères
où, le benjamin à l'opposé de ses frères
aînés réussit à devenir riche après avoir
cueilli son fruit et surtout après avoir, au mépris des conseils
de ses aînés, exécuté à la lettre les
instructions de son défunt père.
Les milieux comme les cours d'eaux, sont aussi des lieux
où les enfants apprennent la pêche qui est une activité
utile à l'alimentation. Nous voyons les manifestations de ceci dans le
conte Frère et soeur où deux jeunes
adolescents se livrent à ce genre de pêche qui dure parfois des
lustres, et où, ils apprennent à vivre et à s'accommoder
malgré les nuits passés au clair de lune aux incommodités
que suppose la vie au milieu des animaux souvent dangereux.
Outre les cadres physiques réels, il existe
communément dans l'imagerie de l'Africain traditionnel la croyance
à l'existence d'un monde irréel, immatériel. Ce monde
atypique est sujet de croyances et pour l'Africain traditionnel il est
l'explication d'une foule d'événements inexplicables ou
inconcevables du point de vue du réel. En outre, ces cadres physiques et
irréels sont souvent nécessaires à la compréhension
des origines des hommes étant donné que plusieurs récits
populaires à l'exemple des mythes ou des contes étiologiques s'en
inspirent pour un quelconque enseignement. Dans le conte The orphan boy,
le jeune orphelin envoyé par son père quitte son village
(espace réel) pour le pays des enfers (espace irréel) afin d'y
subir une initiation qui le fera quitter son stade initial fait
d'immaturité et d'incomplétude pour un stade d'homme dans la
mesure où, pour avoir ramené le tam-tam du village du pays des
enfers, la communauté toute entière lui donne malgré sa
jeunesse un titre de responsabilité et de noblesse (celui de Chief).
VI.2.3. Cadre social
Le cadre social c'est le prolongement du cadre familial, c'est
un cadre humain pris dans son sens large. Ici, dans la société
toutes les occasions sont des cadres propices à l'enseignement aux
enfants de la sagesse des ancêtres, des principes et croyances et surtout
de la culture qui fait la particularité du groupe.
L'un des cadres les plus prisés est sans doute celui
des veillées éducatives la nuit, au clair de lune, autour d'un
grand feu. Ces veillées sont rythmées par des danses et des
spectacles ayant pour acteurs tous les membres de la communauté. Dans un
sens stricte, les veillées éducatives se déroulent sous le
haut patronage des anciens, des conteurs professionnels qui profitent de
l'occasion pour cultiver, chez les enfants tout en les divertissant, l'esprit
de la communauté. Ils leur enseignent l'art de l'éloquence et par
conséquent l'usage approfondi de la langue.
C'est souvent en écoutant les récits
racontés en l'occurrence les contes: genres
préférés des enfants, que ces derniers s'informent sur
l'histoire et les généalogies de la communauté, les modes
de pensée communs au groupe social et surtout l'essentiel de ce qui est
permis ou pas.
L'éducation des enfants se fait aussi dans le cadre des
activités de leurs classes d'âge qui sont essentiellement les
jeux. Ils tentent souvent après observation, d'imiter les modèles
de conduites qui les ont particulièrement marqués. C'est dans le
cadre des jeux que les enfants perfectionnent leur dextérité
physique et affinent leur acuité intellectuelle cette fois ci dans les
jeux intellectuels qui font appel non seulement à l'imagination mais
aussi à la réflexion.
Aussi, les cérémonies et les fêtes
organisées dans le cadre de tel ou tel événement social
sont des cadres propices à l'éducation sur des manières de
faire, les cultures. Dans le conte La jeune fille
désobéissante, c'est lors d'une fête de mariage:
occasion propice, pour la rencontre de personnes de tous les sexes, de tous les
âges et de toutes les mentalités, que les jeunes filles Ngo Yi,
Ngo Maliga et Ngo Lipem ont eu l'occasion de confronter l'enseignement
donné à la maison par les parents avec les réalités
de la vie en société.
Ainsi, tous ces cadres sont autant d'occasions propices
à l'enseignement de telle ou telle manière de penser, de telle ou
telle technique. C'est enfin dans ces cadres que l'Africain traditionnel
transmet aux plus jeunes les cultures et les valeurs sociales.
VI.3. LES CONTES SUR
L'EDUCATION DE L'ENFANT ET LA REALITE AFRICAINE
Après avoir étudié nos différents
contes et mythes pidgin donc l'accent est mis sur l'enfant mais plus
précisément sur l'éducation de l'enfant dans la
société traditionnelle, il convient de se demander si ces enfants
des contes donnent une idée réelle de l'enfant africain.
Les enfants qu'on rencontre dans les contes africains
apparaissent comme des personnages autonomes présentant des
caractéristiques diverses.
L'on constate cependant que, certains d'entre eux n'existent
pas dans la réalité: ils n'existent qu'en tant que personnages de
contes et des mythes et donc on se sert pour donner au jeune enfant une
conduite à suivre. Il n'est en quelque sorte qu'un canevas, un guide,
une ligne de conduite, un exemple à prendre pour celui là qui
suit ces histoires. En fait, le but recherché ici c'est la morale du
conte. C'est le cas par exemple de l'enfant prodige ou de l'enfant terrible.
Dans ces conditions, il paraît difficile, à partir des 7 types
d'enfant, de dégager une image globale qu'on pourrait mettre en rapport
avec l'enfant de la vie réelle.
Notre travail dans cette partie serait de comparer les
différents types d'enfant des contes par rapport à l'enfant
africain. Il s'agit de voir si leurs comportements, leur conduite et même
leur aspect physique reflètent la réalité africaine
connue.
Tout au long de notre travail, nous avons eu à
observer surtout sur le plan physique que les portraits de nos
différents héros sont sommaires, ou parfois même
inexistants. C'est ainsi que nous remarquons que les conteurs ne manquent pas
d'esprit d'observation, mais répugnent à décrire. Ils font
des descriptions que par nécessité; tant que le personnage de
l'enfant ne présente aucune particularité physique, ils se
contentent de dire "un enfant", un "petit enfant", "une jeune fille". Cela
suffit, car chacun sait ce qu'est un enfant, devine à peu près
son âge et sa taille.
On peut donc dire que la présentation des
différents types d'enfant n'est pas fondamental et d'une façon
générale éloignée de la réalité.
C'est sans doute pour cette raison que les conteurs ne s'attardent pas à
les décrire.
Toutefois que nous sommes dans le monde de l'irréel,
du merveilleux et les narrateurs ont tendance à exagérer certains
aspects pour le besoin de la cause. Ainsi trouve t-on des gens qui cause avec
la mort (L'origine de la mort éternelle), la mort qui rend
visite aux villageois ; de l'enfant qui se rend au pays des fantômes
pour aller chercher le tam-tam des ancêtres (l'orphelin) ;
également, trouvons- nous une femme qui va en mariage au pays des
cannibales (les cadets d'Idiriwong). Bien sûr, dirions nous
que dans la vie réelle, nous trouvons également des enfants
tarés, des monstres, mais ici il y a manifestement la part du
merveilleux propre aux contes et aux mythes.
Quant à l'enfant prodige dont la naissance est souvent
extraordinaire, il est particulièrement remarquable de voir un enfant
qui parle dans le ventre de sa mère, naît parfois armé ou
habillé, marche sitôt né ! Son extrême jeunesse est
toujours frappante : il apparaît souvent comme un bout d'homme, un
bébé de quelques jours ou de quelques mois (le lac qui
voyagea avec les jumeaux indésirables). Il est évident que
ce genre d'enfant qui se métamorphose à volonté, qui
possède des pouvoirs surhumains, n'appartient pas au monde des hommes.
Un tel enfant est une création de l'esprit ; il est essentiellement
un personnage de conte. Cependant, ne perdons pas de vu que nous sommes en
Afrique, alors, s'il n'a pas d'existence réelle, cela ne veut pas dire
qu'il ne correspond à rien dans les croyances africaines. Autrement dit,
les contes présentent un type d'enfant qui existe dans l'imagination
populaire et qui est en rapport avec la divinité; en effet, il est
considéré comme une hypostase, un génie.
Avant tout chose, rappelons que la présence
fréquente dans les contes africains de ce type d'enfant n'est pas sans
rapport avec le merveilleux qui, nous le verrons plus loin, introduit dans le
monde de la surréalité. Les pouvoirs surnaturels de l'enfant
terrible le distinguent d'un fils d'homme. Mais peut-être qu'à
travers ce personnage, les conteurs veulent souligner aussi les dons
exceptionnels de certains enfants qui se distinguent des autres.
Il n'y a donc pas lieu pour les uns et les autres de
s'offusquer car dans ce groupe, il faut compter les jumeaux qui, par leur
naissance insolite, sont considérés comme des enfants à
part, doués d'une double-vue, censés être en rapport avec
les génies, ou même les esprits.
C'est ainsi que certains aspects de leur caractère
apparaissentclairement dans les contes : on parlera des jumeaux qui sont
impulsifs, bizarres et même étranges. En revanche, les contes des
jumeaux n'insistent pas beaucoup sur le côté sorcier ou prodige
qui est fortement souligné dans la vie courante.
Ultimement ,une mention toute spéciale mérite
d'être faite sur l'enfant pianique ou femme pianique, c'est ainsi qu'on
peut dire avec quelques restriction que son portrait tel qu'on le voit dans les
contes, surtout dans un conte d'Amon d'Abey est conforme à la
réalité à part quelques petites exagérations
propres au conte.
De manière générale le pianique peut
être vu comme quelqu'un qui porte des plaies purulentes et qui
dégage une mauvaise odeur. Mais l'image du pianique abandonné,
méprisé ou chassé du village est une image insolite qui
est à mettre en rapport avec la morale que le conte entend donner.
Notons par ailleurs au passage que le caractère
étrange qu'on lui prête dans les contes ne reflète pas la
réalité. Il convient cependant de rappeler que, le pianique est
un enfant comme les autres, qui est atteint simplement d'une maladie due
à la malpropreté, et au manque d'hygiène. La science
ayant connue beaucoup de progrès de nos jours, cette affection de la
peau se soigne et se guérit facilement aujourd'hui grâce à
la pénicilline et autres.
Cela étant, l'enfant atteint de pian n'est ni la
risée de ses camarades ni considéré comme un petit sorcier
comme tendent à le faire croire les contes. Il est évident que le
pianique de la vie réelle ne connait pas le sort qui lui est
réservé dans les contes. Les situations présentées
dans les contes sont sans doute des mises en garde contre certains
comportements inhospitaliers ou inhumains.
En définitive, nous pouvons dire que le conte poursuit
un but moral. Il a naturellement tendance à relever, en les
exagérant, certaines attitudes répréhensibles afin de les
corriger. Le cadre sentimental dans lequel se développe le conte du
pianique permet au message d'atteindre plus facilement son but. C'est le
même objectif qui explique, semb1e-t-i1, la présence
fréquente de l'orphelin dans les contes africains et aussi celle de
l'enfant dieudonné.
Quant au personnage de l'enfant dieudonné (le lac
qui voyagea avec les jumeaux indésirables), à part ses
origines mystérieuses, il apparaît le plus souvent comme un enfant
ordinaire que rien ne distingue des autres enfants du village. Mais il faut
dire que, ce personnage correspond dans l'imagination populaire à
l'enfant conçu à la suite d'une intervention spéciale
d'une divinité. En effet, en Afrique noire (on a pu le constater dans
les récits) , il n'est pas rare de voir des femmes stériles
solliciter la pitié et la bienveillance d'un génie ou d'un
marabout pour qu'il leur donne un enfant, ou aller consulter des
féticheurs qui expliquent la cause de leur stérilité,
ainsi ceux-ci ne manquent pas d'indiquer parfois les prescriptions à
suivre, les sacrifices à faire pour obtenir enfin une naissance.
Coïncidence ou non, toujours est-il qu'il arrive
qu'effectivement ces « prétendues femmes »
stériles connaissent un jour la joie inouïe d'être
mères. L'enfant conçu dans ces conditions ou enfant du miracle
est objet d'égards superstitieux: ici par exemple, on ne doit jamais lui
donner un coup de poing sur la tête sinon il s'en retourne d'où il
est venu; là, il doit porter telle amulette, ailleurs il ne doit pas
manger ceci ou cela etc...
En ce qui concerne l'orphelin des contes, si l'on le met en
parallèle avec l'orphelin de la vie réelle, on constate une
différente nette. L'orphelindes contes apparaît comme un enfant
brimé, maltraité, délaissé, rejeté.Cette
image ne correspond pas à la réalité vécue. En
effet, dans les sociétésafricaines traditionnelles où
l'enfant, quel qu'il soit, a du prix et tientdu sacré, il est
inconcevable qu'on abandonne l'orphelin dans la rue, qu'onle chasse du village
ou qu'on le maltraite sadiquement. De même qu'on nefait pas du mal
à un indigent ou à un estropié, de même on ne
s'acharne passur l'orphelin qui a perdu sa mère pour le faire souffrir
davantage. Aucontraire, traditionnellement, on l'entoure d'une sollicitude et
d'unebienveillance particulière et on s'évertue à lui
faire oublier son étatd'orphelin.
En tout état de cause, le personnage de l'orphelin,
l'image de la méchante marâtre qui torture moralement et
physiquement l'enfant de sa rivale, l'image des cruels villageois qui chassent
l'enfant sans parents, sont des images expressément
déformées. Cela étant, les qualités qu'on lui
reconnaît sont justement celles que la société africaine
attend d'un enfant, c'est-à-dire la politesse, l'obéissance, la
serviabilité, le courage, une certaine sagesse et l'intelligence que les
adultes admirent. Les défauts qui reviennent dans les contes sont
précisément ceux que l'on remarque chez les enfants en
général, c'est-à-dire la naïveté, la
désobéissance, le mensonge, la jalousie etc ...
Parlant justement des qualités, on note que les contes
et les mythes soulignent particulièrement l'intelligence qui se
manifeste avec éclat dans les contes de l'enfant malin (Sense pass
king). Dans ces récits, l'enfant possède parfois une
intelligence et une perspicacité telles que l'adulte et
précisément le roi ou le chef de village apparaît comme un
être borné et dupe.
Cependant, si telle était en réalité, la
supériorité de l'enfant, il serait paradoxal et même
absurde de chercher à l'éduquer. Il est évident que
l'image de l'enfant malin des contes est quelque peu surestimée ; cette
supériorité est à mettre au compte de l'intention
manifestement satirique des conteurs de tourner en ridicule les adultes qui se
croient toujours malins. De même que dans les contes d'animaux, le
lièvre ce petit animal sans défense, triomphe des puissants de la
jungle ; de même, c'est le petit homme qui a été
choisi pour humilier des orgueilleux, les puissants, les chefs autoritaires et
les rois abusifs.
Au bout du compte, il faut noter que les rapprochements que
nous venons de faire entre l'enfant des contes et l'enfant de la vie
réelle ne sont pas sans intérêt. On constate que les
conteurs savent demeurer réalistes même dans le domaine de
l'irréel ou plutôt dans le domaine de la transformation du
réel. Si certains types d'enfants des contes comme l'orphelin, le
pianique, l'enfant prodige présentent une image quelque peu
déformée de l'enfant et de la réalité africaine, on
ne peut pas dire que, d'une façon globale et pour l'essentiel, l'enfant
des contes soit totalement différent de l'enfant de la vie
réelle.
Par ai11eurs, les contes contiennent des
éléments qui permettent de se faire une idée de l'enfant
et surtout de savoir quelle approche ou quelles sont les outils à
adopter pour son éducation.
Deux idées maîtresses apparaissent sur l'enfant,
qui procèdent d'une certaine conception du monde :
- L'enfant apparaît comme un être qui
émerge de l'au-delà; il est frais (au sens où l'on parle
de pain frais). Sous son apparence frè1e et fragile, on devine un
être qui n'a pas encore rompu les liens directs avec le monde de
l'au-dé1à ; il ne s'en éloigne que progressivement, au fur
et à mesure qu'il grandit, accède au monde des hommes et s'y
intègre. C'est d'ailleurs en tant qu'il appartient au monde des
êtres invisibles qu'il peut avoir tous les attributs dont on pare ses
différentes figures qui apparaissent dans les contes : les pouvoirs
surnaturels de l'enfant terrible, le caractère étrange et les
pouvoirs magiques de l'enfant pianique, la double-vue et l'impulsivité
des jumeaux, la sensibilité intuitive, la perspicacité et
l'intelligence rusée de l'enfant des contes, ses relations avec les
êtres surnaturels et sa supériorité sur les adultes, tout
cela ne devient compréhensible que si l'on situe l'enfant dans le
contexte de son origine. Il est dans le monde des hommes mais il participe
encore du monde des esprits.
- L'enfant est aussi un être neuf, nouveau dans un monde
ancien. En d'autres termes,il apparaît comme ne connaissant pas ce
monde, ses vices, ses injustices, ses cruautés: bref, il est naïf.
Très vite d'ailleurs, on s'aperçoit que, comme dit le proverbe
à son sujet: "Il sait courir, mais il ne sait pas se cacher".
Or le tout n'est pas de savoir courir. Dans le conte « Un jeune
homme sauve l'humanité », on voit comment une petite
fille naïve, se fiant aux paroles de l'orgue, va monter sur ses genoux, se
déplacer au niveau de la poitrine, au niveau du cou, et se poser sur les
lèvres du génie qui l'avalera. Et pourtant, ses parents lui
avaient parlé de l'orgue dont elle devait se méfier. C'est le
même scénario qui se produit dans le conte de « la
jeune fille désobéissante » qui se laisse
engloutir par les eaux pour avoir désobéit à ses parents.
Ainsi présenté, l'on comprend que l'enfant est
naïf parce qu'il est nouveau dans cet univers où existent le
calcul, l'arrière-pensée, la duplicité.
Mais les circonstances de la vie l'amènent à
découvrir la réalité, et il peut devenir insupportable,
jaloux, envieux, bizarre, comme quelques enfants de la geste de l'enfant
ordinaire.
Ceci étant, l'on constate que face à ce monde
qui ne fait pas de pitié, l'enfant apprend vite à se
défendre et à lutter contre ceux qui commettent l'injustice ou
abusent de leur pouvoir. C'est ce rôle de redresseur de torts, de
champion de l'équité qui est assumé dans les contes par
les enfants terribles (Sense pass king) ou (Trahoré et le
mauvais chef).
Faut-il également relever que l'enfant orphelin, dans
d'autres conditions, est serviable, humble, désintéressé.
L'orphelin cultive d'autant plus facilement ces qualités qu'il a
conscience de sa dépendance. Il sait par exemple (comme dit un proverbe
N'zima), qu'à celui qui te mâche la nourriture, on
nedit pas : ta bouche sent mauvais", ou encore "un aveugle ne
se fâche pas enpleine forêt contre celui qui le conduit".
Ainsi présenté, l'enfant apparaît donc
comme un terrain neuf dans lequel on peut semer n'importe quoi.
L'éducation doit justement veiller à ce qu'il n'y pousse surtout
que de bonnes graines.
Pour être clair et concis, l'on dira que
l'éducation qu'on donne à l'enfant, essaiera de faire
acquérir deux valeurs posées comme suprêmes: le respect de
1'ordre établi de la hiérarchie et l'intelligence. Ces normes ou
conduites à tenir nous amènent à la conclusion
suivante : l'enfant devrait savoir que le châtiment qui suit la
désobéissance (l'origine des divinités, la jeune fille
désobéissante), l'indiscrétion( l'origine de la
mort éternelle ), (le lac qui voyagea avec les enfants
indésirables), l'injustice, la méchanceté (Dylim
children, contes de l'orphelin, Nyamaboh et sa tante ), la
référence à une Providence qui protège les faibles
et les déshérités, sont là pour témoigner
qu'on ne saurait bafouer impunément l'ordre naturel établi dans
ce monde où tout n'est pas droit; car, cela aussi est de l'ordre des
choses. C'est pourquoi, pour vivre dans ce monde, il faut être malin,
sagace.
L'intelligence apparaît par conséquent comme une
valeur indispensable à acquérir. On comprend dès lors
pourquoi la bêtise est condamnée dans les contes et qu'on se moque
des malheurs de l'homme qui se montre sans intelligence.
Au demeurant, la conception globale de l'enfant est celle d'un
être proche des ancêtres dès sa naissance, et qui
s'éloigne d'eux au cours de son développement, de sa
maturité, pour de nouveau se rapprocher d'eux en vieillissant. Il
réunit ainsi les deux bouts de la chaîne. Il demeure qu'au cours
de son évolution, l'enfant est un être malléable dont on
peut faire n'importe quoi, si on n'a pas à coeur de lui faire
découvrir, par une saine éducation, les valeurs comme
l'acceptation de l'ordre établi, voir même la
nécessité d'être intelligent dans un monde où la
rectitude n'est pas la seule loi.
Chapitre VII : PIDGINET LA
PROBLEMATIQUE D'UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE
Les chapitres précédents ont montré
qu'il existede nombreux textes oraux en pidginqui s'expriment au travers des
genres tant sacrés que profanes desquels découlent une
esthétique. Leur analyse peut se faire au moyen des méthodes
classiques utilisées pour l'élaboration des textes
littéraires.
Les figures sont nombreuses ; celles que portent le
Cameroun au travers de sa richesse culturelle. D'ailleurs, l'analyse au moyen
de l'esthétique littéraire orale a permis de ressortir la
richesse foisonnante que revêtent les textes de la tradition. Non
seulement cette richesse est foisonnante, elle se trouve sans cesse
grandissante lorsque son côté esthétique, débordant
de vitalité et de sagacité, s'applique à la tradition
culturelle, elle même révélatrice du vécu nu des
populations étudiées ici.
Cependant, il convient de voir qu'un rapport étroit
existe entre le pidgin et son peuple. Ce rapport loin d'être l'image
d'une simple rencontre est une fusion, un accord doublé d'harmonies
où les trames linguistiques expliquent et exposent celles du peuple, de
la nation qui la parle. Ainsi, la littérature pidgin semble être
l'expression de la société camerounaise. Plus que cela, elle
constitue l'identité même de la société
camerounaise.
VII.1.
LITTERATURE EN PIDGIN ET LES REALITES CAMEROUNAISES
Les linguistes et les socio- linguistes n'ont cessé de
montrer jusqu'à ce jour la place qu'occupe une langue dans la
société qui la parle. Elle est le véhicule de toute
culture, elle exprime la culture populaire, c'est-à-dire, la
totalité des manières de travailler, de penser. C'est pourquoi
l'on pourrait dire que la langue est d'abord héritage.
C'est ainsi que, chaque communauté, au cours de son
initiation, de son éducation ou de sa formation utilise la langue pour
transmettre des connaissances, les modes de penser à des
générations futures. Le pidgin ne déroge pas à
cette règle essentielle. C'est pourquoi dans ce qui suit nous montrerons
en quoi elle représente le miroir de la société
camerounaise et donc le manifeste de son vécu collectif.
VII.1.1. La langue et la
littérature enpidgin : miroirs de l'âme et de la
pensée camerounaise
Rien, mieux que la littérature (orale ou écrite)
ne peut exprimer les réalités d'un peuple. Loin d'être
l'ensemble des oeuvres qui ont d'abord pour but l'amusement ou la
délectation du peuple, elle est le réservoir où viennent
se libérer les pulsions, les problèmes ainsi que le lieu de
projection d'actes qui s'imposeront à l'avenir tel des leitmotivs
à la constructiond'un certain équilibre (J.B.Marcellesi
&B.Gardin, 1974 :22).
Pour Humboldt cité par J.B Marcellesis et als
(1974 :23) « la culture vient du peuple : la
langue exprime et façonne l'esprit du peuple, l'âme de la nation
dans ce qu'ils ont de plus spécifique ».Ainsi, la
littérature qui use de cette langue pour s'ouvrir largement au peuple,
est le lieu de rencontre de toutes les formes culturelles exprimées dans
l'art jusqu'aux manifestations les plus banales du quotidien humain.
Bien plus, la langue marque l'identité d'un peupleK
Zerbo.24(*) Sans
identité, elle est objet de l'histoire ; un instrument
utilisé par les autres : « un
ustensile». Ainsi, dans l'affirmation identitaire, la langue compte
beaucoup.
La littératurede langue pidgin organise la
pensée camerounaise en un agencement d'idées qui peut permettre
de savoir et de connaître en quoi consiste le Cameroun, l'ensemble des
voeux, des sentiments qu'elle mobilise pour organiser le réel. Tout
ceci rejoint la pensée d'Ambroise Kom : « il ne
faut pas se faire d'illusion, la langue est aussi un miroir qui renvoie
à toutes les facettes d'une culture, d'un peuple et de son état
historique.25(*).
De même, les musiciens à l'instar de Koppo, One
love, Lapiro de Mbanga et bien d'autres expriment si bien à travers
leurs chansons et au travers du pidgin les émotions, les tares, les
philosophies, la pensée des camerounais. Ces camerounais sont des
êtres amoureux de la bonne vie, voire du matériel. Cette attitude
va plus loin lorsqu'il entraîne un amour effréné pour
l'argent qui entraînera lui aussi cupidité, escroquerie et
corruption.
Si la visée s'attache dans la dénonciation
sociale, les chanteurs oeuvrent pour des retours aux sources qu'ils
espèrent être une issue aux problèmes du moment. Pour cela,
ils n'oublient pas de rappeler les figures légendaires camerounaises.
Ils évoquent les côtés magiques et mélancoliques
rappelant la société traditionnelle, éducatrice, solidaire
et surtout formatrice de l'homme pour son intégration à la
société globale. Les contes tels que Sense pass King, La
malice du lièvre, Pourquoi la carapace de la tortue se retrouve en mille
morceaux...évoquent cette réalité.
Plus loin, la langue résume un monde où peut se
reposer l'esprit de la nation. Puisqu'elle éduque avec sa
littérature profane, elle est un code de vie, elle est le cadre
où se réalise un certain sentiment et esprit d'appartenance
à une société, à une histoire commune.
Du Cameroun à l'étranger, de nos villages aux
villes, à chaque rencontre, dès qu'il y a lieu de s'exprimer,
surtout lorsque les langues nationales sont multiples, un seul choix
s'impose : le pidgin. Il est parlé dans les champs, les
marchés, dans les bureaux, les écoles, bref il est le langage des
jeunes et des vieux, des lettrés et des illettrés, des
francophones et des anglophones. Le pidgin serait pour les camerounais le
miroir de leur histoire, de leurs actions, de leurs joies, de leurs
chagrins.
Cependant, force est de constater que la culture vient du
peuple, c'est ainsi que la langue exprime et façonne l'esprit du peuple,
l'âme de la nation dans ce qu'il y a de spécifique. Ceci dit, il y
a réciprocité et interaction entre le peuple camerounais et leur
langue : le pidgin.
Le caractère social du pidgin est accentué par
l'importance de l'histoire du Cameroun, surtout en matière de
dépôt culturel, d'accumulation, d'expérience du peuple. Ce
pidgin parlé au Cameroun devient pour ainsi dire une sorte de
mémoire collective du peuple qui la parle, non pas tellement en ce qu'il
permet le discours ou un rappel sur le passé, mais en ce qu'il le
reflète d'une certaine manière.
Le pidgin ne devrait plus être considéré
comme une langue de la masse, des illettrés, du bas peuple. Il devrait
connaître une véritable émulation et être
considéré comme une langue à part entière, un atout
pour le peuple camerounais; un plus dans le cadre des interactions avec les
autres pays, surtout avec les occidentaux. C'est sans doute dans cette optique
qu'Ama Mazama (2003 :247) dit : « notre
identité complexe, si non multiple, devient dans ce contexte à la
fois un atout et un modèle ».
Autrement dit, loin de réduire le pidgin à des
clichés, il serait plus judicieux de rehausser l'image de cette langue,
lui donner une place parmi les langues camerounaises, car tout comme le rap,
c'est par le pidgin que les jeunes camerounais vivent leur
identité. Alors, si l'on décrète le non
usage de la langue pidgin, cela signifie aussi que l'âme du camerounais
est morte. Car, à travers le pidgin on enseigne, on transmet l'histoire
du peuple camerounais à ceux qui sont privés de culture
livresque. C'est sans doute pour cela que Kwame Nkrumah (2009 :99)
disait : « pour bien jouer au piano, il faut
évidement utiliser toutes les touches, les blanches comme les
noires ».
De même, pour bâtir une nation camerounaise, il
faut prendre en compte toute son histoire c'est-à-dire, la colonisation,
le phénomène linguistique du pidgin. L'on ne devrait pas
remettre en question une langue quelconque sous prétexte qu'elle est
celle de la masse. Cela serait allé contre son histoire et par
conséquent contre son peuple.
VII.1.2. Langue pidgin :
manifestation du vécu camerounais
L'analyse de Herder a permis de dévoiler au monde que
la langue tout comme la littérature exprime une vision
particulière de nation qui la parle. C'est ainsi que la langue pidgin
est la manifestation de l'histoire du Cameroun.
Lors de nos enquêtes, le Chief Endeley de Buea (une
notabilité établie dans la région), nous a dit que le
pidgin est né depuis la période précoloniale. Il s'est
répandu et s'est intensifié avec l'occupation allemande, anglaise
et française. Il est né du voeu des camerounais qui ne pouvaient
pas s'entendre à cause de la multiplicité de langues, du secret
désir de ne pas se faire entendre par le maître colon et
aussi du refus de l'assimilation.
C'est dire que, le pidgin est né du tumulte et de la
révolte des camerounais de tous bords dans les plantations
d'hévéa et de bananes, les constructions de routes, chemins de
fer et les travaux forcés. Ce pidgin exprime le drame historique du
peuple camerounais engagé dans la lutte acharnée contre la
culture européenne et sa domination.
Le pidgin évoque le vécu quotidien du peuple
majoritairement jeune qui refuse la marginalisation, la phagocytose, la
pauvreté et l'exclusion. C'est une tranche d'âge qui
réclame à travers cette langue une place et un statut social.
VII.2. LA LITTERATURE ORALE EN
PIDGIN ET LA MONDIALISATION
Il y a des sujets qui transportent les hommes vers les cimes
de leurs cultures profondes. Il y a d'autres qui tout en imposant une logique
d'immersion dans la culture profonde des hommes, posent dans une logique
constructive, des interrogations présentes. Le sujet de l'oralité
fait partie de cette dernière logique et ouvre un pan de voile à
une situation qui, loin d'avoir cessé d'être actuelle, inscrit
l'homme dans son passé et impose une vision futuriste impliquant
elle-même, les questions de ses redéfinitions et de ses
révisions.
Si l'oralité est, en tant que principe de vie,
primauté, prévalence d'un système social basé sur
la transmission orale (et de toutes les activités sous-jacentes) de la
pensée et des actes culturels collectifs au détriment d'une
écriture, elle a, symbolisé et matérialisé
l'essentiel du vécu du monde et bien particulièrement celui des
peuples africains en général et camerounais en particulier. Il
s'agit ici, de dire, si la littérature orale pidgin a une place à
l'ère de la mondialisation ? Autrement dit, peut-on faire du pidgin
une langue capable de s'adapter à cette nouvelle vision du monde surtout
lorsque nous savons que la vie sociale, culturelle, commerciale, est faite
avec et autour de cette langue ; au combien stratégique devant le
fait colonial qui se parlait dès lors de bouches à oreilles, de
générations en générations ? Bien plus,
à l'heure des échanges tous azimuts, à l'heure où
l'on parle de civilisation de l'universelle, à l'heure où la
planète tout entière est engagée au rendez-vous du donner
et du recevoir, pouvons nous parler pidgin et vivre son oralité,
exprimée à travers ses genres une richesse qui n'a d'égal
que la foule des expériences qu'elle donne à percevoir.
VII.2.1. L'omniprésence
de l'oralité dans les temps anciens
S'il ya des vérités qui restent
éternelles, s'il y a des essences qui restent immuables, il est du
reste, possible d'affirmer, que l'homme est la parole. Elle fait partie de son
être et elle n'a de sens qu'à travers l'homme. Elle et lui sont
donc, consubstantiels et se présupposent bilatéralement. Si nous
postulons ici pour l'omniprésence de l'oralité, quelles sont nos
raisons ? Et surtout quel est notre argumentaire ?
L'un des premiers livres, le best-seller de tous les temps,
objet de passions, de folies et aussi et irrémédiablement le
livre le plus assis sur le plan de la pensée pratique est : La
Bible. Oui, mais pourquoi ce livre ? A la réponse, nous disons
qu'il est ce livre qui consacre les fondements de la pensée humaine nue
et crue. Elle est le livre, fondement, définissant l'homme, sa nature,
et surtout sa destinée. Mais, notre but ici, n'est pas d'évoquer
sa prégnance dans la vie des hommes (encore faut-il les mettre d'accord
sur la question de la foi), mais nous l'évoquerons ici, car elle est une
arme à notre argumentaire.
L'un des évangiles qui servira notre cause ici,
est : Evangile selon St Jean (Louis Second, 1982 :1060). Et,
précisément dans son chapitre intitulé : La
parole faite chair, Jean, disciple de Jésus, nous montre comment
dès la genèse de la création de l'homme et de l'univers,
la parole bienfaitrice, créatrice s'est imposée comme
incontournable dans l'acte existentiel. C'est ainsi que, Jean dit :
Au commencement était la Parole, et la Parole
était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
Elle était au commencement avec Dieu.
Toutes choses ont été faites par elle, et
rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.
En elle était la vie, et la vie était la
lumière des hommes.
La lumière luit dans les ténèbres, et
les ténèbres ne l'ont point reçue.
Partant de cette acception, la parole fonde l'être
constitutif de la personne humaine puisque par extension, l'homme a
été fait à l'image de Dieu lui-même. La parole
étant donc en l'homme, l'accompagne de tout temps et dans tout lieu.
Elle est donc omniprésente comme Dieu lui-même. Car il est une
pensée Biblique, qui affirme qu'au travers de sa parole, exprimée
en ses lois (Les 10 commandements donnés à Moise), Dieu nous
accompagne. La parole est donc partout et éternelle.
En un sens, nous pouvons rapporter, la définition du
terme : Oralité à celle de la Littérature
Orale. Et dans ce sens, nous pouvons dire que l'oralité est :
« l'usage esthétique du langage non écrit et
d'autre part l'ensemble des connaissances et les activités qui s'y
rapportent. ».(S.M.Eno Belinga, 1978 :7) En
Afrique en général, depuis la nuit des temps, la primauté
de la transmission par la parole, des connaissances et des actes culturels est
une réalité indubitable. Si « en Afrique, la
littérature écrite apparut vers 1900 » (S.M.Eno
Belinga, 1978 :20) il, faut dire qu'en Afrique :
Contrairement à certaines idées
reçues, la littérature écrite (certains peuples d'Afrique
noire connurent précocement l'écriture : [l'écriture
Bamoum, les hiéroglyphes]) est toujours demeurée secondaire par
rapport à la littérature orale, féconde,
multiple .
Cette place secondaire attribuée à la
littérature écrite vient de la fonction sociale de
l'oralité dans les premières civilisations humaines. De nombreux
ethnologues comme : Geneviève C. Griaule expliquant cette fonction
sociale de la parole dans l'acte social des peuples dits primitifs ont pu
dire :
Dans la mesure où tout acte social suppose un
échange de paroles, où tout acte individuel est lui-même
une manière de s'exprimer, la "parole" est parfois synonyme d'action
entreprise...Considérée sous l'angle du social, la parole est
aussi l'expression des règles qui rendent possible la vie en
société, et dont la connaissance est transmission est transmise
par l'enseignement oral (S.M.Eno Belinga,1978 :20). .
Dans l'Afrique de l'Ouest traditionnelle, la parole prenait
tellement d'acuité qu'elleavait une fonction de propagande politique
ceci, à travers les griots qui sont des chanteurs et parfois
médecins, historiens ayant eux-mêmes reçu leurs
connaissances suite à une longue tradition des faits de
générations en génération, de bouches à
oreilles, et souvent, suite à un enseignement propédeutique, une
initiation ou à un rite de passage qui n'était pas sans dangers.
Marcel Griaule aussi, dans son livre sur les Dogons
a pu montrer comment les mythes et les légendes de l'Afrique jouent
un rôle dans le fondement de la compréhension de
l'évolution de l'homme. Tout comme les célèbres
épopées de Gilgamesh qui narre l'histoire tragique du
roi Gilgamesh, au même titre que l'Iliade et l'Odyssé,
d'Homère, ils sont des récits oraux qui loin de traduire la
culture orale de l'homme mais aussi, et surtout la prééminence.
Au-delà et pour l'Afrique en particulier, la parole s'inscrit dans le
vécu précoce de sa civilisation, dans la fonction transcendantale
de la vie elle-même : dans l'évocation des formules
incantatoires, les malédictions, les envoûtements et les
désenvoûtements, les formules de délivrance des mauvais
sorts, les malédictions des empoisonnements nocturnes. C'est ce qui a
poussé Eno Belinga (S.M.Eno Belinga, 1978 :21) dire
que : « pour les Africains, tout "parle" dans le monde
crée par la divinité, dans le monde transformé et
hiérarchisé par l'homme ».
C'est donc avec et par la parole que les premiers hommes de
toutes les époques disaient, le monde qu'ils vivaient, l'attente des
récoltes, les joies devant la naissance du premier fils, le rapport avec
son Dieu. C'est avec la parole vie qu'ils s'imposaient en tant qu'êtres
humains.
VII.2.2. Le vécu actuel
et les diverses formes de la parole
Il est certes vrai qu'à l'image des toutes les
oeuvres humaines, la parole dans l'aspect actuel des choses a
évolué, se transformant et se perfectionnant ; c'est ainsi
que Calame Griaule cité par Eno Belinga (1978 :21) affirme
que :
L'homme a donc reçu la parole comme une
inspiration subite, il lui a fallu ensuite un long apprentissage pour la
développer et l'amener à sa perfection. Cet apprentissage
symbolise à la fois celui de l'enfant dans la société et
celui des premiers hommes qui ont perfectionné au long des
siècles le langage et les techniques.
Il est donc possible de dire, sans se tromper que la parole,
elle aussi s'est muée pour s'accorder au temps et surtout pour optimiser
sa prégnance dans la vie de l'homme. C'est ainsi que nous avons
constaté, avec les découvertes scientifiques et techniques, une
nouvelle utilisation de la parole dotée de
célérité, popularité, et surtout une parole
multidimensionnelle.
Le téléphone, système de communication
permettant de transmettre la parole ou d'autres sons entre deux points
distincts, fut le premier appareil d'universalisation de l'acte de la parole.
Il est le fruit de l'imagination de l'inventeur Charles Bourseul qui fut le
premier à imaginer un système de transmission de la parole. Puis,
c'est avec l'américain Alexander Graham Bell que le
téléphone fut effectif après l'échec de
l'instrument construit par l'allemand Philipp Reis qui s'avéra
inadapté à la transmission de la parole.
La radio, est aussi, cette nouvelle forme de parole publique.
Après son expérimentation dans l'armée, elle prit du
volume et s'élargit au grand public avec le développement de la
TSF (télégraphie sans fil) en 1921-1922.
Avec la télévision, dispositif de transmission
instantané d'images et de sons par ondes hertziennes, la parole et sa
transmission instantanée se mondialise. C'est avec les travaux de
Willoughby Smith, qui montra la photoconductivité du
Sélénium en 1873 que s'ouvre la vaste recherche de la
télévision. Avec la mise au point du tube cathodique par
Ferdinand Braun, s'en suivit, la création de la première
télévision en 1926 avec John Logie Baird.
Aujourd'hui nous voyons, les nouvelles formes de diffusion
de la parole avec la vidéoconférence, le cinéma, et aussi
par Internet avec, aujourd'hui le e-learning, l'Internet Phone de Vocal tec
(http : //www.vocaltec.com/>).
Ces quelques exemples de notre argumentaire qui ne sont pas
exhaustifs, montre comment la parole dans le vécu actuel de l'homme est
incontournable. Que se soit en mer, sur terre, en l'air ou dans l'espace
aujourd'hui, tout est fait pour donner vie au monde, car la parole est une
magie que rien ne peut expliquer. Elle est donc non seulement vie, mais est
omniprésente.
VII.2.3. Littérature
orale et la mondialisation
Mettre en rapport la littérature orale pidgin et la
mondialisation, c'est poser la question du devenir de l'acte de la langue
pidgin dans un système mondial culturellement ceint autour de la
scripturalité. C'est par extension poser la question de sa pertinence
dans un monde d'échanges tous azimuts où tous les actes de la
vie, bien que se faisant avec la parole, sont codifiés,
réglementés, institutionnalisés, autour et avec
l'écriture.
Si la mondialisation se manifeste, sur le plan
culturel, qui nous intéresse ici par une certaine
homogénéisation des modes de consommation ( littéraire,
culturelle, artistique ), que les sociologues appellent parfois par
dérision la macdonalisation du monde (du nom des restaurants
rapides McDonald qui se sont implantés dans pratiquement tous les pays
du monde), elle régit et organise le monde et plus grave encore, on ne
peut s'en passer, sous peine d'être phagocyté sur tous les
domaines de la vie.
Dans la mondialisation, la logique veut que l'on soit au
parfum des découvertes, des innovations, de la plus petite
actualité et bien souvent, tout ce qui est connaissance, sagesse,
invention, découverte, théorie, pratiques les plus ordinaires se
transmettant par l'écriture qui, est supposée fixer,
établir et normaliser les moindres actes. Que ce soit en politique avec
les actes, les décisions, les arrêtés, les lois ; que
ce soit dans les associations, les pancartes publicitaires, les journaux ;
que ce soit la plus simple transmission de la foi, tout se fait avec
l'écriture qui est promue et vulgarisée à l'école
obligatoire et reconnue comme un droit inaliénable pour tout homme de
toute race.
A l'école, bien que la transmission soit faite par la
communication entre professeurs et élèves, tout est
codifié, transmis, matérialisé par l'entremise de la seule
écriture. Tout est régenté par l'écriture au point
où on est taxé d'analphabète si l'on ne connaît ni
écrire, ni lire, ni utiliser aujourd'hui les nouvelles technologies de
l'information et de la communication. Peut-on dès lors rester
valablement « oral » ? Ceci, devient de plus
en plus complexe lorsqu'on transporte le problème au niveau
linguistique.
Au niveau linguistique par exemple, et dès lors que
nous portons un regard interrogateur sur les classes dites inférieures,
il se pose un problème dont la récurrence semble se passer de
tout commentaire. Une masse imposante de la population analphabète,
exclue des rouages de la société dite des lettres ou des
intellectuels, se construit et s'agrandit à mesure que la population
grandit et s'ordonne tout en se ritualisant, en ce qu'il s'agit de ses normes
et représentations, autour d'une langue elle-même marginale et
marginalisée qui, s'empresse d'être idoine pour la naissance, le
développement et la diffusion d'une culture s'érigeant ainsi
autour du pidgin.
Cette langue, certainement porteuse de l'histoire de cette
masse populaire que l'on retrouve aujourd'hui dans toutes les cultures ou
ethnies du Cameroun, s'articule, se développe, s'enrichit et ex
croît à travers une oralité primaire qui ne semble
n'être pas seconde, car elle ne semble n'avoir de sa présence
qu'autour d'une oralité. Et même si sa scripturalisation est
possible, elle ne peut que prendre forme autour d'une forme figurée
particulièrement saisissable dans les prémaquettes ou les
manuscrits de chanteurs de la trempe de Koppo ou de Lapiro de Mbanga, virtuoses
rappeurs camerounais dont la plume et les paroles virulentes ouvrent et
préparent la révolution idéologique et politique au
Cameroun.
Il est vrai que, comme l'a si bien dit Oe Kenzaburo, prix
Nobel de littérature de 1994, « Ecrire c'est marcher sur
une corde raide »26(*)., écrire c'est transcrire une
pensée vivante en une pensée statique, fixe, sans vie comme un
robot ne réfléchissant pas et retranscrivant l'exactitude des
informations qu'on lui a donnée. Pour paraphraser Mohamadou Kane
(1992 :126) : l'écriture nous a offert la possibilité
de fixer la pensée, de la dépasser, de la diffuser.
Fixer sa pensée devient la condition sine qua non pour
agresser le temps, pour lui faire violence, pour perpétrer les actes
culturels collectifs. Le Cameroun connaît aujourd'hui avec le
développement de la scolarisation, les moyens, de s'adapter, de
s'accommoder à la mondialisation. Mais, pourtant, il existe aujourd'hui
au Cameroun, une bonne frange de la population, analphabète traditionnel
(de l'écriture) et analphabète moderne (méconnaissance des
NTIC). Cette frange de la population encore ancrée dans la tradition de
l'oralité devient déphasée, perdue dans un monde qui ne
lui fait pas de cadeaux. Les questions de développement, la course
à la recherche, au bien-être social et culturel sont les points
focaux sur lesquels il faut décider, voir même engager des
stratégies de célébration d'une nouvelle culture de la
scripturalité en Afrique où, la matérialisation au moyen
de l'écriture de nos actes de vies collectifs culturels. Et ceci, passe
par la matérialisation et l'enseignement de nos langues. Dans notre cas,
cela passe par un éclairage sur une méconnaissance entretenue et
instrumentalisée : c'est qu'il existe une littérature orale
pidgin qui s'exprime au travers d'une multiplicité de genres tant
profanes que sacrés et d'une incommensurable richesse culturelle et
humaine.
Les conséquences de la non-adaptation sur le plan de
nos sociétés africaines sont impressionnantes : il existe
encore une élite savante (scolaire) au Cameroun et bien plus, la
population analphabète ne peut s'intégrer dans la culture
critique des oeuvres littéraires alors que la population dans les
sociétés orales possédaient un droit de regard dans la
critique. L'information ne passe pas à cause de l'analphabétisme
des populations ; certains ne s'intéressent même pas à
la chose politique parce que l'élite lettrée mystifie l'acte du
pouvoir, ce qui crée des frustrations au sein de la frange n'ayant suivi
aucune « Education » ; l'élite «
éduquée » est déracinée et
perdue dans un monde en pleine marche. Ainsi, bien qu'éduquée
l'élite est extravertie, creusant volontairement un fossé entre
lui et le peuple analphabète. Le Cameroun en conséquence, est
absent de la scène mondiale, incapable de développer des
stratégies de ré médiation et d'adaptation alors qu'une
foule d'opportunités tant humaines, culturelles que
linguistiques27(*).
s'offre à lui et peut servir à lui donner une identité et
une personnalité.
S'il est vrai que la logique d'adaptation s'avère une
chose des plus impérieuses, une préoccupation de tous les
instants, ne pouvons-nous pas penser cette adaptation ? Doit-on comme,
nous l'avons fait et continuons de le faire s'adapter d'une manière
irréfléchie ? Ne devons nous pas penser notre adaptation
à la mondialisation de manière à célébrer
notre spécificité ? De manière à avoir quelque
chose de particulier à offrir au rendez-vous terrestre du donner et
du recevoir ?
La logique de dépassement impose que l'on embrasse la
modernité, que l'on embrasse la scripturalité, que l'on vienne
à la mondialisation, au rendez-vous du donner et du recevoir en
gardant ce qui, fait notre être-au-monde, notre
spécificité, notre identité culturelle.
S'il est vrai que l'Afrique ou le Cameroun a connu
l'écriture comme nous l'avons évoqué, elle a
néanmoins privilégié l'oralité dans ses rapports
avec sa société et son univers. En un certain sens
l'oralité est et constitue un corps de valeurs traditionnelles aux
africains et la renier, pour une simple question d'adaptation n'a et ne saurait
avoir de sens. Avant toute chose, comme l'a dit Kwamé Nkrumah
(2005 :11) « Va. Cherche ton peuple. Aime-le. Apprends de
lui. Fais des projets avec lui. Commence par ce qu'il sait. Construit sur ce
qu'il est et ce qu'il a.».
C'est avant tout, rester identique à soi-même,
c'est avant tout cultiver la spécificité dans la
généralité, c'est avant tout poursuivre cette partie de
nous même à chaque moment de notre existence qui se sauve, qui
prévient des pièges dans lesquels tombent les nations oublieuses
de leurs cultures. Le Cameroun fait partie de cette triste
réalité et se doit tout en intégrant la mondialisation de
rester, « oral ».
A la question, peut-on rester valablement être
« oral » à l'ère de la
mondialisation ? Nous répondons par une affirmation. Nous pouvons,
rester « oral », c'est-à-dire
spécifique à un modèle de vie que nous avons longtemps
experimenté.
Cependant, l'ayant longtemps expérimenté, nous
connaissons les limites de l'oralité, nous pouvons donc nous servir des
expériences des autres, de leur vécu, pour modeler la partie de
nous-mêmes qui peut nous apporter malheur.
Par exemple, parlant de malheur, les Africains ont vu pendant
l'oralité la non efficacité de la transmission des actes
collectifs culturels d'une génération à une autre à
cause de la faiblisse de la mémoire individuelle et collective
confrontée à l'usure du temps et de l'histoire. Même si,
tout était fait, pour récréer des
événements, pour en faire des réactualisations, des
relectures, tous ces événements recrées ont souvent pour
objet de dénaturer le texte original jusqu'à la mutation de ce
texte en un texte qui ne constitue alors, qu'une pâle version, parfois,
méconnaissable au milieu d'une panoplie d'autres versions parfois
concurrentielles.
C'est pour perfectionner l'oralité, pour la parfaire
que nous devons chercher dans la mondialisation, dans la scripturalité
qui est un de ces corollaires le plus prestigieux, les moyens de fixer ce qu'il
faudra transmettre, ce qu'il faudra conserver, perpétrer, sauvegarder,
conserver, pérenniser dans l'optique d'une plus grande efficacité
et surtout, pour plus de prégnance dans la vie présente et future
des générations à venir. C'est dans cette optique que
Mohamadou Kane en confrontant le rapport entre Francophonie et
l'oralité, a loué l'émergence de la trempe
d'écrivains africains qui sont allés à la francophonie
sans jamais perdre le contact avec l'oralité. Il a cité pour
exemple Birago Diop et Bernard Dadié qui, se sont donnés pour
impérieuse mission : « de renouveler le conte
Africain, de le faire vivre dans un contexte de modernisation...Il va s'en dire
que l'écriture ouvre de nouvelles perspectives à ce genre
traditionnel..»(M. Kane, 1992 :128)
Nous pouvons donc, vivre à l'ère de la
mondialisation tout en restant « oral » et le
présent travail essaie autant que faire ce peu de montrer qu'une langue
considérée comme marginale, le pidgin, et que l'on
reconnaît comme essentiellement orale peut se révéler de sa
présence, de sa littérarité et de son esthétique au
travers d'une scripturalisation bien négociée et en
conformité avec les cultures populaires qui le
génèrent.
VII.3.
UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE
Avant
de parler de l'identité culturelle camerounaise, il convient cependant
de définir les notions d'identité et d'identité
culturelle.
VII.3.1. Définition de
l'identité
Cerner la notion de l'identité n'est pas la chose la
plus facile. Elle est conçue diversement. C'est une notion chère
à la philosophie depuis le « connais-toi
toi-même » de Socrate comme le précise Amin Maalouf
jusqu'à Sigmund Freud en passant par tant d'autres penseurs. Selon les
usages courants, déterminer l'identité d'un individu revient
à porter à la connaissance de qui veut le
connaître son nom, son prénom, date et lieu de naissance, sa
photo, ses signes distinctifs, sa signature et ses empreintes. Fournir toutes
ces informations, à pour objectif de démontrer sans confusion
qu'il n'existe pas parmi les milliards d'êtres humains sur la terre une
seule personne avec laquelle on peut se confondre fut-elle son frère
jumeau.
Pour certains, l'identité d'une personne est stable,
immuable. Ceci sous-entend qu'un peuple s'identifie non pas selon ce qu'il est
entrain de devenir, mais selon ce qu'il était autrefois. Or, le
phénomène identitaire dont on cherche à rendre compte se
transforme, car tout est changement, instabilité et variation. Ce qui
nous amène à envisager une autre conception.
D'après John Storey, l'identité humaine a
été confondue à la nature humaine entendue comme quelques
choses de cohérent et de fixe, comme une qualité essentielle,
immuable d'une personne, qui est garanti par la nature et surtout par la
biologie humaine. Cette vision des choses a été fortement remise
en cause dans les études réalisées au XIXe et au XXe
siècle par certains intellectuels. Qu'il s'agisse de Charles Darwin,
Sigmund Freud, F de Saussure, tous s'insurgent contre la conception
traditionnelle fixe et stable de l'identité. Pour eux, l'identité
humaine donc l'objectif est la différenciation, la singularisation des
communautés, des peuples, des individus est quelque chose de construit
dans le processus de devenir autre, mais jamais achevé ; comme
quelque chose qui a plus avoir avec le future qu'avec le passé. En
d'autres termes, elle ne réside pas dans le dépôt culturel
d'un peuple mais plutôt dans l'ensemble des activités qui
produisent ce dépôt culturel et qui l'assume en le
dépassant. A la limite, l'identité se confond avec la
capacité d'intégration de différence qui fait la grandeur
et la richesse de l'homme. C'est dans ce sens que John Storey considère
les identités comme une forme de consommation ou d'un héritage
fixe. Elle se réfère donc aux questions d'utilisation des
ressources historiques, langagière, culturelle dans le processus du
devenir et non de l'être.
Avec l'évolution actuelle des choses, et
précisément embarqué dans le train de la mondialisation,
une nouvelle approche de la notion d'identité émerge. Amin
Maalouf (1998 :18) dans Identité meurtrièrepropose
pour sa part, une nouvelle définition d'identité qui prend en
compte :
la somme de toutes les appartenances et sein de
laquelle l'appartenance à la communauté humaine prendrait de plus
en plus d'importance jusqu'à devenir l'appartenance principale, sans
pour autant nier nos multiples appartenances
particulières .
Autrement dit, l'identité serait ce qui fait qu'une
personne soit elle-même et personne d'autre. Et même, si cette
personne se situe à la lisière de plusieurs traditions
culturelles, de plusieurs langues ou de plusieurs pays, elle aurait une seule
identité faite de tout cet ensemble d'éléments qui l'ont
façonnés selon un dosage particulier qui ne serait le même
d'une personne à l'autre. Il apparaît donc difficile de
compartimenter l'identité ou de le cloisonner.
Pour Jean François Bayart dans Illusion
identitaire,l'énoncé identitaire peut-être comparable
à une société. « La
société est un archipel de pouvoir
différent ». Autrement dit, l'identité n'est pas
un corps unitaire dans lequel s'exercerait un pouvoir et seulement un, mais
c'est une juxtaposition, une liaison, une coordination, une
hiérarchisation aussi de différent pouvoir qui néanmoins
demeure dans leur spécificité. Ainsi, grâce à chacun
des appartenances d'une personne prise séparément, il a une
parenté avec ces grands nombres de ces semblables. Grace aux mêmes
appartenances prises toutes ensembles, elle a son identité propre qui ne
se confond pas avec les autres. De cette manière on peut affirmer ces
liens avec les autres, surtout dans le contexte actuel
caractérisé par un mouvement général de
décloisonnement des sociétés sans pourtant nier sa
spécificité. C'est ce qui amène Dileep Padgaonkar
(1994 :77) à affirmer que :
Je suis né indien, dans une caste
déterminée. Nous avons connu 1100 ans de gouvernement occidental
et je ne peux pas nier leur contribution au façonnement de ma
personnalité et mon pays. Je ne souhaite ni exalter ni dénigrer
aucune composante de mon identité. De fait, chacun de nous a un
gène culturel de l'autre. Notre incapacité à le
reconnaître à créer d'horrible
problème..
Toutefois, il convient donc de dire que l'identité
n'est pas donner une fois pour toute. Elle n'est pas figée, elle est a
un caractère instable. L'identité se construit et se transforme
tout au long de l'existence de l'individu. Ainsi, la conception qui rendait
l'identité à une seule appartenance installerait les hommes dans
une attitude sectaire, dominatrice et pourrait les transformer souvent en
tueurs. La réalité de l'identité serait donc qu'elle est
mélangée à l'altérité.
VII.3.2. L'identité
culturelle
L'identité culturelle est un concept anthropologique
qui désigne une période historique pendant laquelle une
communauté, un peuple se reconnaît par des valeurs précises
dans ses pratiques, ses concepts, ses pensées, ses croyances, son art
etc.
Ainsi l'identité culturelle se définie dans le
temps et dans l'espace car les valeurs qui la déterminent ont un
caractère dynamique, évolutif dans le temps.
On ne saurait citer avec précision et de façon
exhaustive les valeurs qui permettent d'identifier un peuple en un moment
de son histoire.
Pour l'Afrique, une mosaïque de peuples et de
communautés qui se partagent un passé récent marqué
par l'esclavage et la colonisation ne saurait se vanter aujourd'hui d'une
culture authentiquement africaine exprimant encore son identité.
Cependant, l'espoir est permis. Les possibilités d'une
reconquête de notre identité existent : Les langues
africaines.
La langue est l'ensemble des unités du langage
parlé ou écrit propre à une communauté ; le
langage étant cette faculté que nous avons de communiquer entre
nous et d'exprimer nos pensées.
Définie de cette façon, l'Afrique compte plus de
1000 langues. Ainsi l'Afrique serait le continent qui compte plus de langues
avec une forte densité en Afrique Subsaharienne. Dans la plupart des cas
elles sont pratiquées par quelques villages seulement et même
souvent par un seul.
Malgré cette diversité apparente, il existe des
affinités réelles entre la plupart de ces langues. Toutes ces
langues dériveraient d'un petit nombre d'entre elles. Il est du domaine
des Sciences Humaines de consolider les ressemblances linguistiques pour couper
cours à une exploitation des différences observées.
La reconquête de notre identité culturelle passe
donc par une étude épistémologique et historique de nos
langues. Toutes nos langues font référence à des formes
littéraires, des symbolismes et des techniques de production de biens et
services.
La langue fonde l'identité culturelle. La langue est le
pilier de la culture. A ce sujet, je me permettrais de citer un éminent
spécialiste de la culture africaine, le Malien Seydou Badian
KOUYATE28(*) qui disait
... Par la langue, nous avons ce que le passé
nous a laissé comme message et ce que le présent compose pour
nous. C'est la langue qui nous lie, et c'est elle qui fonde notre
identité. Elle est un élément essentiel et sans la langue
il n'y a pas de culture. La langue nous aide à tout
interpréter et il continue ... Nous étions des
dominés, des colonisés et la langue a été pour nous
un facteur de libération.
Il serait donc important de veiller à la survie de nos
langues en tant qu'élément culturel même si leur survie
dépend de l'intérêt que les peuples qui les pratiquent ont
pour elles.
Il est important de signaler la mobilité et la
flexibilité constantes d'une langue. C'est la raison pour laquelle nous
opposons une étude historique de nos langues pour en extraire la
substance utile à un appel pur et simple à elles pour exprimer
notre identité.
L'Afrique ne saurait se dispenser d'échanger avec les
autres continents. Notre identité s'exprimerait mieux à travers
une réelle ouverture sur les autres continents aujourd'hui car leur
influence sur nos langues est irréversible ; esclavage et
colonisation obligent.
En effet, nos dirigeants et intellectuels actuels sont les
fruits de cette école coloniale. Les épigones et les
détracteurs d'une identité africaine.
Au cours de la période de colonisation (même
après) l'école était la seule référence dans
l'éducation et la formation des enfants. L'éducation familiale
était reléguée au dernier plan nos parents étant
considérés comme des sauvages. Tous les enfants qui avaient la
chance d'aller à l'école ne réfléchissaient plus
que par l'école. Ils étaient séparés ainsi et
progressivement de leur racine culturelle.
Les programmes enseignés à cette époque
(hélas même actuellement encore dans bien de cas) ne pouvaient
prendre en compte les facteurs culturels de nos milieux parce que
calqués sur des modèles étrangers véhiculant une
culture étrangère. Nos seules références
historiques et culturelles étaient les étrangers, les
nôtres n'étant que des sanguinaires et des sauvages dit-on. C'est
l'occasion pour nous de citer un autre éminent spécialiste des
langues africaines du Centre Amadou Hampaté BA (CAHBA) de Bamako, Iba
N'Diaye qui disait « ...nous pratiquons à longueur de
journées, un déni de reconnaissance de la riche et complexe
contribution de nos ancêtres en matière de cultures, de langues et
même d'écritures. ».
L'étude de nos langues est d'autant plus importante que
sa négligence soit l'une des principales sources de la misère
économique de nos populations. « Les élites ayant la
charge de concevoir les modèles de développement et les projets
de société, puis de mobiliser les populations illettrées
et les ressources intérieures et extérieures autour de ces
modèles et projets ne savent même pas comment présenter
valablement leurs idées, approches, méthodes de travail, de
gestion et d'évaluation à nos communautés ».
C'est pour cela nos pères avaient raison de dire : « C'est
la façon de poser un problème qui en facilite la
résolution et c'est la façon de le poser qui en complique la
résolution ; alors que dire de celui qui n'a pas une façon
de poser son problème ? ».29(*)
VII.4. UNE IDENTITE CULTURELLE
CAMEROUNAISE AUTOUR DU PIDGIN.
Le pidgin et sa littérature pourraient avoir plusieurs
qualificatifs : littérature ou langue de contestation ; celle
des marginalisés, des opprimés, de la revendication. Or aucune
langue ne peut se targuer une représentativité qui lui donnerait
un rôle d'avant-garde dans la quête d'une langue identitaire
camerounaise. Ici par exemple l'existence de plusieurs langues insolubles est
difficilement acceptable dès lors qu'il faille les enseigner. C'est
l'assurance de ce que le pidgin peut ouvrir les portes à la formation et
à la construction identitaire autour de la pensée qu'il est une
langue communautaire et véhiculaire.
Bien plus, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, aucune
langue, pas même le Fufuldé dans le grand Nord du Cameroun, encore
moins le Mongo Ewondo dans le grand Sud ne peut à l'image du pidgin
ressortir et relater l'histoire, les conquêtes, les désespoirs et
les réalités des camerounais. C'est l'unique langue au Cameroun
qui raconte le mieux les différentes étapes de la colonisation,
c'est-à-dire, du passage des Portugais, Allemands, Anglais et
Français. Il est la mémoire, l'âme, voire le miroir du
peuple camerounais. C'est la seule langue au sein de laquelle presque toutes
les langues nationales du pays s'y retrouvent. Cette langue est la
bibliothèque des camerounais, la conscience collective et par
conséquent, elle forme l'identité culturelle des camerounais.
VII.4.1. Le pidgin :
au-delà du foisonnement des langues camerounaises
Le Cameroun compte plus de 240 langues et 120 ethnies (selon
Edmond Biloa dans Le Français en contact avec l'Anglais au
Cameroun). Dans la recherche d'une langue dans laquelle pourrait se
réaliser l'unité de la nation, plusieurs langues se disputent
l'hégémonie et veulent assurément être
parlées par d'autres camerounais. Ce que les non natifs ou non locuteurs
ne sauraient admettre.
Ceci nous amène à penser à Tadadjeu qui
résume le « profil idéal » du
camerounais à travers un modèle baptisé
« trilinguisme extensif ». Travaillant dans une
visée éducative, il voudrait que les premiers pas à
l'école soient effectués en langues maternelles, avant de
continuer avec les langues officielles qui seraient beaucoup plus facilement
apprises. Ce modèle s'appuie sur trois principes : l'insuffisance
du « bilinguisme officiel » à donner
aux camerounais toute sa personnalité culturelle et linguistique ;
la nécessité d'utiliser les langues locales comme meilleur
vecteur d'identité culturelle et le besoin de reconnaissance des langues
véhiculaires. (M.Tadadjeu, 187 :201). Cependant, qu'en
pensent les populations ? Surtout lorsqu'on sait que depuis les
années 80, le pays connaît une croissance démographique
exponentielle.
La population dans bien des cas ne considère pas les
langues locales comme étant des langues. Elle confond d'ailleurs
« langues » et
« dialectes », s'inscrivant de facto dans la
dévalorisation des langues africaines qui date de la période
coloniale : « une seule langue est enseignée dans les
écoles, admise dans les tribunaux, utilisée dans
l'administration ; (...).Toutes les autres langues ne sont que folklore,
tutu, pampan ».( A.Kom,2002 :111-112). C'est
ainsi que même des universitaires ont du mal à désigner les
idiomes d'origine camerounaise comme étant des langues. Nous comprenons
ainsi qu'inconsciemment, l'idée que le camerounais a des langues
nationales est assez péjorative, car pour lui ces langues ne servent
d'abord et presqu'exclusivement qu'à la communication intra ethnique.
Au-delà du critère du profil idéal du
camerounais, mettons en lumière un autre critère de
«véhicularité» d'une langue : celui du nombre de
locuteurs. L'on pourrait ainsi ériger en langue nationale, celle ayant
le plus grand nombre de locuteurs. Selon un témoin, pour le cas de
Douala, ce serait probablement le Bamiléké.30(*) .Cependant, notre
témoin est conscient de la possibilité d'être contredit,
d'où l'utilisation de la marque d'hésitation
«probablement ».
En effet, s'appuyant sur la constitution du pays qui
protège les minorités, les Douala s'estiment actuellement
être envahis par les Bamilékés qui seraient devenus
numériquement majoritaires dans leur ville. Ils ne pourraient en aucun
cas accepter que le Bamiléké soit érigé en langue
nationale.
Par ailleurs, les activités
socio-économiquesdoublées à l'esprit du nationalisme ne
favorisent pas l'utilisation d'une langue dans le cadre communicationnel
interethnique. Ces langues n'ont de place que dans leur ethnie d'origine.
Utilisées dans un espace extra ethnique, ces languespourraient
transposer dans le cadre social, le microcosme familial.
Toutefois, au-delà de l'appartenance au groupe, les
liens de solidarité peuvent naître sur cette seule base et fixera
dès lors les limites d'une communauté dans laquelle ne serait
accepté que celui respectant la norme linguistique
considérée. (V.Feussi, 2006).
Dans un espace plus ouvert, on se rend compte que les langues
officielles et locales ne suffisent pas. Le principe de territorialité a
fait que chaque quartier et chaque groupement ethnique ait son marché.
L.J.Calvet. (1994) évoque d'ailleurs cette organisation
spatiale décrivant les villes africaines. Chaque quartier et donc chaque
regroupement ethnique a son marché.
Cependant, il existe des marchés (comme le
marché central de Yaoundé ou de Douala), où toutes les
couches de la société sont représentées. En plus de
la population Bamiléké majoritaire et visible dans son
activité commerciale, une langue hybride y fait son apparition : le
framcanglais qui brille par sa neutralité, à côté du
pidgin English plus recommandé d'ailleurs pour les différentes
transactions commerciales.
Bien que représentant une image péjorative, ne
pas en parler c'est prendre de la distance par rapport au peuple. Il faut en
conséquence la reconnaître et l'utiliser quand cela est
nécessaire : au marché, dans la rue, les bureaux, quand le
besoin se fait ressentir31(*).. Cette langue a malgré tout acquis ses
lettres de noblesse, s'assurant une dimension véhiculaire, voire
nationale. La marque d'extension traduit l'expansion du champ communicationnel
de cette langue dans les villes, la seule après le français et
l'anglais à pouvoir assurer une communication trans-ethnique. Il est
l'unique langue de l'intimité puisque après tout, le
français et l'anglais sont encore ces langues de l'école et de
l'instruction. Enfin, l'on pourrait dire que le pidgin reste la langue de
l'intégration dans les différentes sphères de la
communauté.
VII.4.2.Une voie pour
l'unité camerounaise autour d'une langue commune : le pidgin
Littéralement, la langue est l'ensemble des signes
propres à un peuple ou un groupe humain. Elle est destinée
à assurer la communication entre les différentes composantes du
groupe social considéré. Au-delà de la fonction
communicationnelle, la langue a aussi une fonction culturelle et identitaire.
Elle sert de critère de différenciation entre les individus
vivant sur un même territoire, sur une même aire
géographique. Fonction culturelle car, la langue qu'elle quelle soit
sert de véhicule de valeurs au sein d'un groupe, mais aussi de
mémoire, ou de moyen de conservation de ses valeurs qu'elles soient
alimentaires, vestimentaires, musicales idéologiques ou culturelles et
dans ce dernier point Eno Belinga (1985 :13) affirme que :
la totalité des manières de penser, de
vivre, de travailler, de sentir et la totalité de ce qui
résultede ces activités, telles que se sont constituées
dans une communauté particulière. C'est pourquoi dans une nation
déterminée, la culture est d'abord
héritage..
Le pidgin est une langue véhiculaire. Il est la
résultante d'une situation de contact de langues diverses et
différentes. Il est un composé à la fois des langues
nationales et des langues officielles. Il n'est pas l'apanage d'un seul groupe,
mais de plusieurs groupes ethniques. Nous savons que le premier
élément de toute culture c'est la langue. Alors, si le pidgin
regorge en son sein des bribes de langues progressivement mises ensemble
à l'entame des poussées coloniales sur les côtes du
Cameroun pour répondre aux nécessités de communication
entre les fils et les filles du Cameroun, arrachés à leur
localité d'origine alors c'est chacun qui y a déposé
les ingrédients de sa culture d'origine.Autrement dit, l'on retrouve
dans la langue pidgin, les idiomes des deux langues officielles et une kyrielle
de langues locales, de telle sorte que dans cette langue, c'est chaque groupe
qui se retrouve représenté, c'est chacun qui se sent
concerné, c'est chacun qui se sent visé.
Le pidgin n'est pas l'apanage d'une communauté
linguistique dite anglophone ou francophone, c'est pour cela que nous nous
insurgeons contre l'appellation pidgin English. C'est une langue
véhiculaire à l'échelle nationale.
Ce que nous voulons dire en résumé c'est que, ce
que nous désignons comme « culture pidgin » est en
fait la culture nationale, dans ses différentes variétés
exprimées dans une langue rassembleuse et unificatrice : le pidgin.
La langue pidgin est en somme un plurilingue exprimant une
multiculture camerounaise. La culture contenue dans la langue pidgin
apparaît être le condensé, la quintessence d'une
identité culturelle camerounaise. C'est pourquoi l'on pourrait dire que
le pidgin est avant tout pour la nation camerounaise héritage ;
c'est pourquoi il pourrait être une voie pour l'unité
nationale.
Par ailleurs, s'il existe une quantité de langues
locales camerounaises, aucune ne parvient à satisfaire les besoins de la
communauté toute entière, de par son extension dans l'espace et
le temps. Quelques unes assurent une fonction véhiculaire au-delà
de leurs communautés d'origine (le fufuldé, fang béti...)
mais, cela ne suffit pas.C'est dans ce contexte que nous suggérons que
le pidgin présente l'avantage d'être parlé par toutes les
strates, toutes les couches de la société ; puisqu'il est
compris et parlé du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, qu'il soit
choisi dans le triple souci «de forger l'unité
nationale» face aux multiples langues nationales et officielles.
En plus, ne dit-on pas souvent que la connaissance qu'un
peuple a du monde est liée et résulte de/à sa
langue ? Ainsi, autant de langues ou de systèmes linguistiques,
autant de visions du monde. Pourquoi ne pas essayer de rehausser ou de
revaloriser l'image du pidgin au lieu de le stigmatiser ? D'autant plus
qu'on ne peut se soustraire à lui, étant donnéqu'il fait
partie prenante de notre héritage culturelle et historique. Cette
identité complexe, sinon multiple devient dans ce contexte à la
fois un atout et un modèle. C'est sans doute dans ce même ordre
d'esprit qu'Amin Maalouf propose pour sa part cette nouvelle définition
de l'identité, qui prend en compte
La somme de toutes les appartenances et au sein de
laquelle l'appartenance à la communauté humaine prendrait de plus
en plus d'importance, jusqu'à devenir l'appartenance principale, sans
pour autant effacer nos multiples appartenances particulières.
L'identité serait donc cette personne qui se situe
à la lissière de plusieurs langues, ou de plusieurs pays, elle
aurait une identité faite de tout cet ensemble d'éléments
qui l'ont façonné.
Bien plus, comme le dit Joseph Kizerbo.32(*)le problème de langue en
Afrique est fondamental parce qu'il touche à l'identité des
peuples1(*)41. Et
l'identité est nécessaire pour le développement comme pour
la démocratie. Les langues (qu'elles soient véhiculaires ou
vernaculaires) touchent aussi à la culture, aux problèmes de la
nation. Le plus souvent,l'expérience a montré que lorsqu'on
s'exprime dans une langue qui n'est pas originellement la nôtre, on
s'englue dans une expression mécanique et mimétique de soi. Alors
que lorsqu'on s'exprime dans sa langue maternelle l'imagination est
libérée.
Au vu de ce qui précède, le pidgin ne renferme
pas en son sein la culture d'un peuple ethno-tribale, mais la culture telle que
vécue par l'ensemble des camerounais. C'est pour cette raison que nous
pouvons affirmer qu'il apparaît comme une alternative pour l'unité
camerounaise. Car, «l'on a toujours tendance à croire quele
plurilinguisme d'un pays le condamne à utiliser la langue de
l'ex-colonisateur comme dénominateur commun
.(1980 :53), alors que le plurilinguisme tient en compte toutes les
langues quelles qu'elles soient.
VII.4.3. De la
nécessité de promotion de la langue pidgin : une arme pour
l'indifférenciation
La promotion de nos langues ne doit plus être
un rêve sur lequel nous devons infléchir, en raison de ce que nous
ne devons nous soustraire des balbutiements et des discussions vaines sur
l'éternel débat quant à l'élection d'une seule et
même langue, pour des besoins de communication et des
nécessités de marquages identitaires. Nous nous devons d'asseoir
les stratégies de développement, de sauvegarde et de promotion de
ce qui fonde l'essentiel de notre existence en tant
qu' « êtres au monde» inclue dans une
perspective d'identification dans les multitudes des lieux ou d'espaces du
monde. Si selon Wazi Bouazi (1982 :54) : « la culture
est un défi à la nature et à la mort 1(*)43 », si la
culture « is a protective enclosure . »,
la langue qui constitue le véhicule de la culture se doit
d'être une arme de conquête pour un mieux être en ce
monde.
Parce que comme le dit Edward Saïd
(1993 :19) : « Nations are narrations. The powers to
narrate or to block others narratives from forming and emerging, is very
important to culture and imperialism . », la nation
camerounaise doit créer une plate forme propice à l'initiation
et la fécondation d'un discours sur elle-même et pour
elle-même. Cette fécondation et cette initiation d'un discours
personnel est l'une des phases remarquables et surtout nécessaire pour
s'affranchir de la domination occidentale. La langue constitue un
élément introductif dans la notion de
« doubleness » qui perçoit un individu ou
une nation en tant qu'identité et différence par rapport à
un(e) autre. La langue est un facteur intégrateur dans le vaste monde
mondialisé et dans le rendez-vous du donner et du recevoir ;
rendez-vous auquel se nouent et se tissent toutes relations humaines et
mondiales.
Parce que la langue est un moyen et un instrument de
formation au développement, parce qu'elle nous soustrait de
l'asservissement, de la domination ou de l'impérialisme culturel et de
l'imitation servile à la culture occidentale, nous disons qu'une
réflexion en droite ligne de l'application effective des
recommandations, des lois concernant la question de l'enseignement des langues
nationales, telle que mentionnée dans le colloque sur l'Identité
Culturelle Camerounaise de 1985, les Etats Généraux de la Culture
de 1991, les Etats Généraux de l'Education de 1995, la
Constitution de la République du Cameroun de 1996, la Loi de
l'Orientation de L'Education, devrait permettre de voir dans quelles mesure la
langue pidgin peut être étudier par les étudiants et
élèves aujourd'hui.
Entendu que l'ensemble des langues nationales se
dénotent par leur nombre et leur multiplicité et peuvent
difficilement être toutes enseignées, qu'au moins, les langues
véhiculaires, parmi lesquelles le pidgin, le soient pour que soit promu
une identité camerounaise. S'il faut reconnaître comme le dit si
bien Germain Loupet (1991 :60) qu':
un homme de culture, tout comme une nation de
culture est celui-là ou celle-là qui ne s'enferme pas dans sa
seule culture, mais s'enrichit constamment par l'effort et l'accueil en
elle-même d'éléments exogènes ; la culture
[étant] avant tout disponibilité et ouverture à l'autre,
donc enrichissement et dynamisme permanents .
Il faut reconnaître l'utilité et l'importance de
toutes les langues. Aussi, aucune d'elle n'est inutile, ou à jeter
à la poubelle ou même encore, aucune d'elle ne doit être
taxée d'être en marge des autres langues ou voire une langue
arriérée ou barbare. Toutes sont belles et vivantes autant que le
sont les populations qui les parlent, autant que l'est l'énorme
réseau vivace cosmologique de l'univers humain.
VII.4.4. De la
nécessite de la promotion de la littérature orale pidgin
Il est sans nul doute que la littérature est
l'expression de la culture d'un peuple. Le peuple camerounais confronté
au problème du dépérissement de sa personnalité, ne
peut encore vraisemblablement parvenir à une véritable
connaissance de lui-même « en rejetant ses mythes,[ ses
contes et proverbes] qui véhiculent tout un antique savoir, [ceci]
reviendrait à vouloir étudier l'homme à partir d'un
squelette dépouillé de chair, de nerfs et de sang »(
A.Hampaté Ba, 1994 :34).
La littérature orale est le vaste creuset
où l'homme en défi avec son présent va se ressourcer pour
y découvrir une autre partie ultérieure à sa propre
personne : son être-au-monde. Aussi, nous affirmons que parce que la
promotion de notre littérature orale camerounaise qui semble
dépréciée, il nous faut remédier à cet
état de chose car une nation ou un peuple qui« veut
être maître [sic] de son esprit et, décider de son destin,
[il] doit commencer par promouvoir sa littérature orale autochtone (...)
Un peuple sans littérature propre peut difficilement revendiquer une
identité propre ».
(W.Abimbola,1990 :16).
Cette promotion devra s'arrimer à une vaste
oeuvre de recherche, de textualisation et la conservation des oeuvres de
l'oralité.Après promotion, une vulgarisation tous azimuts de ces
productions ou oeuvres devrait permettre leur large diffusion et surtout leur
large connaissance par le public.
C'est par la promotion de la langue pidgin, de sa
littérature orale à travers les codes et normes de conduites
traditionnelles qu'elle véhicule par ses nombreux genres
littéraires que nous avons étudiés ici que nous gagnerons
le grand combat actuel de l'enracinement des jeunes à leurs cultures et
traditions et aussi, nous sèmerons ainsi les graines pour un
développement durable. Ces combats sont avant tout culturels et nous
mènent aux confins de notre personnalité humaine et nationale.
C'est dans ce sens que nous dirons, pour terminer avec Augustin Kontchou
(1991 :143) dans son discours de clôture aux Actes des Etats
Généraux de la Culture de 1991 que : « seule
la culture constitue la cause efficiente de la grandeur et de la
décadence des nations ; seule la culture nous permet de
répondre aux deux questions fondamentales : Qui sommes-nous ?
Où allons-nous ? ».
CONCLUSION GENERALE
L'étude qui prend pour titre : les contes et
mythes en pidgin : facteurs d'éducation de l'enfant dans la
société africaine traditionnelledans la région du Sud-
ouest s'est ouverte autour d'une question essentielle : Comment
peut-on au travers des contes et des mythes en pidgin faire acquérir
à l'enfant à la fois un savoir, un savoir- être, un savoir-
vivre et un savoir- faire?
Par ailleurs, l'on est arrivé à un constat
à savoir : il n'existe pas de peuple pidgin, il n'existe aucune
communauté pidgin au sens stricte du terme. Autrement dit, cette langue
n'est pas le véhicule d'une communauté, d'un peuple
homogène qui se distingue d'une autre par une histoire
particulière, des origines spécifiques, bref tout ce qui fait
qu'on parle d'une langue au sens premier du terme.Mais, cette langue renferme
en son sein les genres oraux de la littérature orale. Alors, s'agit-il
d'une simple transposition ou d'une traduction littérale de ces textes
qui seraient issus d'autres langues ?
A ces différentes interrogations, nous sommes
arrivés à la conclusion suivante : ces genres de la
littérature orale qu'ils soient profanes ou sacrés et qui se
retrouvent en pidgin existaient déjà dans la
société traditionnelle. En d'autres termes, ce n'est pas le
pidgin qui a produit ces contes encore moins ces mythes. Ces contes que nous
retrouvons dans cette langue sont tout simplement une traduction, une
transposition, ou une interprétation des différents genres issus
d'ailleurs et qui sont traduits en pidgin
Par ailleurs, l'étude a permis de cerner, du moins
historiquement, les soubresauts et les événements qui ont
expliqué la naissance du pidgin autour des raisons elles-mêmes
naissantes de la volonté de divers peuples du Cameroun.Il fallait
trouver une langue véhiculaire capable d'en constituer un moyen de
facilitation de la communication commerciale et relationnelle. Surtout,cela
naissait de la volonté d'établir un code propre et difficilement
déchiffrable par les colons français, allemands et anglais. Pour
cela, il n'a pas été aisé de démontrer nos
différents objectifs :
- Comment peut-on au travers des mythes enpidgin faire
acquérir à l'enfant à la fois des attitudes et des
aptitudes dont il aura besoin pour son épanouissement et son
évolution au sein d'une société?
- Comment faire du pidgin un facteur d'éducation dans
la génération post- coloniale ?
- Comment faire pour qu'un enfant à travers la
littérature orale en pidgin puisse posséder des valeurs
sociétales pour s'intégrer dans la société ?
- Quel peut- être la pertinence de la littérature
orale en pidgin dans un monde d'échanges tous azimuts ou tous les actes
de la vie, bien que faisant avec la parole sont codifiés,
réglementés, institutionnalisés autour et avec
l'écriture ?
Enfin,il fallait également démontrer en quoi le
pidgin peut constituer une langue identitaire camerounaise lorsqu'on
connaît la difficulté de trouver une langue nationale pouvant
être l'élément moteur et définitoire de
l'identité camerounaise.
Aussi, il n'a pas été facile de démontrer
notre hypothèse, charpente immense sur laquelle a reposé tout
notre travail de recherche à savoir : L'éducation de
l'enfant telle qu'elle était faite dans la société
africaine traditionnelle peut avoir un impact important dans son
éducation aujourd'hui en tant qu'elle peut mieux l'enraciner dans sa
culture et l'ouvrir au monde.
Si cette hypothèse a été
vérifiée au terme de notre travail, elle nous a amené
à élaborer, pour la démontrer, une méthode au
carrefour de plusieurs méthodes dont deux en constituaient les
majeures : la méthode structuraliste de Claude Bremond et la mytho
critique de Gilbert Durand.
Toutefois, l'approche empirique des sciences sociales a
été d'une importance capitale pour l'avancé de ce travail
donc nous ne serions passé inaperçue. Elle consistait en
l'utilisation des méthodes d'enquêtes par sondage sur le terrain,
de la collecte des données en général.Elle repose
également sur le choix des techniques que sont l'observation directe des
faits tels qu'ils se présentaient sur le terrain, organisée
autour de l'élaboration d'un guide d'entretien comportant des questions
à usage non quantitatif mais qualitatif.
L'observation des faits s'est doublée d'une
récolte des données sur le terrain au moyen de la technique
d'enregistrement des données au moyen non seulement d'un bloc note et
d'un stylo à bille, mais aussi au moyen d'un magnétophone et des
cassettes enregistrables. De plus, pour pallier aux problèmes de
langues, nous nous sommes entourés de quelques guides d'entretiens. Les
interviews sur la base du dit guide ont été
réalisés sur le principe des entretiens semi- directifs durant
lesquels le questionné répondait librement, et nous
n'intervenions que lorsqu'il s'égarait pour le repositionner par rapport
à nos préoccupations.
Cependant,s' il est vrai que la société
traditionnelle africaine frappe non seulement par le fait qu'elle vise à
donner à l'enfant une éducation qui tend à valoriser le
respect scrupuleux des normes de conduites codifiés par les
ancêtres, la solidarité, la primauté d'un groupe au
détriment de l'individualisme , la conformation de l'agir de
celui-ci à tout ce qui peut apporter la cohésion ,l'harmonie du
groupe tout entier . Aussi éprouvons-nous une vive émulation
dans l'optique de l'élucidation de ces différentes facettes que
revêtent à notre humble avis, le discours sur la tradition
oral.
Notre approche de l'éducation de l'enfant dans la
société africaine traditionnelle s'est faite à partir
d'une étude fonctionnelle de vingt-cinq (25) contes et mythes en pidgin
du Cameroun. Cette étude faite à l'aide de la méthode
structuraliste de Claude Bremond exposé dans sa Logique
durécit, nous a permis au regard des interrelations de rôles
au cours de l'action narrative, de comprendre au delà du texte oral les
différentes formes du comportement humain.
Au delà des rôles de patient et
d'agent qui ont constitué pour l'essentiel des rôles
qu'avaient le personnage de l'enfant dans nos contes et mythes dans la
région du Sud- ouest du Cameroun, c'est la perception, la place et le
rôle social de l'enfant dans la communauté traditionnelle qui ont
été dégagés.
Notre ambiguïté a été grande
lorsqu'on a été confronté à une sorte de
dichotomisation de ces rôles: un même personnage pouvant avoir
plusieurs rôles dans le récit (patient/agent;
bénéficiaire/ victime). Ceci venant du fait qu'il existe au
sens humain du terme, une sorte d'ambiguïté quant à
l'analyse du comportement humain dans son sens véritable.
Quelques soit les sociétés, on a
été frappé par une sorte d'uniformisation,
d'homogénéité quant à la vision de
l'éducation nécessaire à la formation du caractère,
du comportement et de la personnalité de l'enfant. La majorité
des contes ou le personnage de l'enfant était
bénéficiaire d'amélioration et même de
protection a montré en un sens le même engouement pour
les sociétés traditionnelles étudiées, d'amener non
seulement l'enfant à s'épanouir mais, à s'imposer en tant
que être à part entière de la communauté. C'est
cette homogénéité et cette ressemblance dans le projet
éducatif qui nous a donné une sorte de saisie uniforme de
l'éducation dans ces sociétés traditionnelles du Cameroun.
La mytho-critique quant à elle nous a permis de
comprendre ce qu'est le mythe. Le mythe apparaît comme
l'élément fondamental de la littérature sacrée,
ésotérique et profonde. Il joue le même rôle, dans la
civilisation orale, que le dogme des religions. Cette manière de penser,
loin d'exclure la raison, se contente seulement de la dépasser, ou
plutôt d'en éprouver l'insuffisance, car le mythe se fait
connaissance existentielle ; « celle de la participation de l'homme et
de son groupe au cosmos, de l'envahissement des gens dans les choses, les
végétaux, les animaux ; des sujets par des objets, celle du
sentiment de l'identité entre le vivant et le monde » R.
BASTIDE.
De même, nous nous sommes intéressés sur
l'analyse des contes et des mythes, c'est ainsi que nous avons
procédé au repérage des thèmes et des
mythèmes de notre corpus, ensuite nous sommes passés à une
identification et à une interprétation des mythes sous-jacent des
textes,à travers ses thèmes, ses situations et ses figures. Ce
qui nous a emmené à conclure que les mythes de notre corpus
peuvent être lus sous l'angle biblique et cela rappellerait le mythe
d'Adam et Eve. Cela peut ils peuvent également être lu comme
une variation du mythe d'Orphique.
L'étude du Cameroun à travers ses contes et ses
mythes nous a révélé que les sociétés
traditionnelles visaient toutes par l'action de divers membres que nous avons
nommé acteurs de l'éducation, à donner à l'enfant
une éducation qui tend à valoriser le respect scrupuleux des
normes de conduites codifiées par les ancêtres; la
solidarité; la primauté du groupe au détriment de tout
individualisme, la conformation de l'agir de celui-ci à tout ce qui peut
apporter la cohésion, l'harmonie du groupe tout entier
Au delà de cette éducation qui est faite
d'ailleurs avec solidarité par toutes les composantes de la
société dans des cadres aussi divers que variés, c'est
l'enracinement, la socialisation et l'intégration de l'enfant qui
restent les points focaux. Cette éducation privilégie la personne
même de l'enfant. Ce dernier est d'ailleurs considéré non
seulement comme un être extraordinaire, la réincarnation d'un
ancêtre mais aussi, comme possesseur d'un bien de l'au-delà pour
la société des hommes. A ce titre, son éducation a pour
but dans son sens général: la révélation de ce bien
pour non seulement révéler à l'enfant sa
personnalité véritable mais aussi de l'user pour le bien commun
de tous.
Au delà de cette simple révélation, c'est
un projet de perpétuation, de sauvegarde des différents actes et
idéaux de la société traditionnelle qui est projeté
d'une façon non pas latente mais manifeste sur la personne même de
l'enfant.Cet être qui est considéré cette fois-ci, comme
l'avenir de l'homme ; celui sur qui se fonde l'espérance quant
à un possible changement, d'un quelconque ordre social jugé
inapte à toute évolution sociale et humaine.
Parce que le conte est le véhicule de la tradition, le
résumé de la littérature orale en tant qu'elle est
l'expression de la culture africaine, il est le véhicule par lequel se
transmet tout un système de normes et de représentations
sociales. C'est ainsi et pris dans cette perspective qu'à travers le
conte, nous avons vu que le contenu de l'éducation que la
société destinait à l'enfant était aussi vaste que
l'était la société traditionnelle dans sa
diversité.
Le conte est non seulement, une école d'apprentissage
de la vie sociale dans la mesure où il est le cadre idéal
où les enfants sont éduqués sur les vertus qui sont
encouragées et les vices qui sont combattus dans la
société mais aussi, elle est une institution éducative
(une école) qui apporte à tous les membres de la
communauté en général et les enfants en particulier les
différents savoirs que sont le savoir, le savoir-vivre, le savoir
être et le savoir-faire.
Cependant, lorsqu'on approche le phénomène de
l'éducation traditionnelle, le conte dans la société
traditionnelle, même s'il est le moyen le plus utilisé pour
l'éducation et la formation des jeunes, n'est pas le plus primordial. En
un sens, lorsqu'on parle dans l'Afrique traditionnelle d'une éducation
intégrale ouverte sur la formation vers une socialisation et vers une
humanité, il est immanquablement impossible de ne pas évoquer
l'initiation.
L'initiation avait pour but de faire quitter l'enfant de
l'état de nature à l'état de culture, elle a donc pour but
de corriger les imperfections que l'enfant a eu dans son éducation avant
l'adolescence pour confirmer son statut de personne et afin de réaliser
en stricte conformité avec le sexe de l'enfant, une véritable
prise de conscience, responsable, àtravers la maturité à
acquérir, du véritable sens de la vie sociale.
L'initiation avait aussi pour but de fournir à
l'enfant, à l'adolescent, les rudiments nécessaires à la
connaissance profonde de la vie sociale, les règles et les normes
reconnues comme nécessaires dans les relations non seulement humaines,
mais environnementales. Elle avait pour but de former l'enfant pour son
enracinement et surtout pour son intégration dans la
société des adultes ; conditions nécessaires à
l'accomplissement de la personne humaine.
Même si l'initiation n'avait pas seulement des aspects
positifs, elle avait pour but de conformer les attitudes, les comportements
des jeunes initiés en stricte conformité avec les idéaux
et normes codifiées dans le passé par les ancêtres. Dans ce
cas, l'enseignement ne valorisait pas toutes les attitudes innovatrices et
progressistes jugées à regret inaptes à la cohésion
et à la solidarité.
D'un autre côté, l'enseignement de certaines
pratiques religieuses qui se répercutait même dans les croyances
enracinées dans le passé, faisait de l'enfant un être
asocial, vivant loin dans une mystique métaphysique qui
l'empêchait de se donner corps et âme à la
réalisation de certaines tâches utiles à la construction
d'un devenir social. Plus loin, cette conformation au passé et ce
cantonnement dans les pratiques magico-religieuses est responsable sans nul
doute, du sous-développement dans lequel est plongé la plupart
des états africains.
Cependant, les limites relevées sur la portée de
l'éducation traditionnelle ne ternissent en aucun cas l'importance
qu'elle a eu ou peut avoir dans l'éducation de l'enfant moderne au
contraire, elles doivent être rangées dans le cadre strict de
l'impossibilité d'une perfection de l'oeuvre humaine en
général.
L'éducation traditionnelle avait eu le mérite
avant la période coloniale, de faire de l'individu en
général et de l'enfant en particulier un être
enraciné dans sa culture, intégré dans sa
société, un être oeuvrant en conformité avec les
normes et les idéaux aptes à la cohésion et l'harmonie
sociales.
De plus comme nous l'avons vu, avec le conte La jeune
fille désobéissante, l'éducation traditionnelle
outre sa mission d'enracinement de l'enfant dans sa culture, le
préparait à une ouverture au monde.
Mais avec l'introduction de l'école et plus tard avec
la présence prononcée des mass médias et les chaînes
de télévision par câble et par satellite, la
société traditionnelle et par conséquent son
éducation, a été attaquée dans ses fondements et
ses manifestations: l'ancienne famille étendue africaine marquée
par la solidarité de ses membres dans tout ce qui concerne
l'éducation de l'enfant a laissé place à une famille
nucléaire inspirée du modèle occidental, incapable du fait
de son étroitesse et des contraintes qu'impose la vie moderne, de
remplir sa fonction première qui est: l'éducation de base de
l'enfant qui se résume le plus souvent au respect, à
l'obéissance et la conformation stricte de l'agir aux règles de
bienséances et de décence.
Cette fragilité de l'éducation dans la famille
africaine moderne ajoutée à l'éducation extravertie que
l'enfant reçoit à l'école, aux modèles occidentaux
présentés ça et là au gré des chaînes
de télévision aussi bien locales qu'occidentales
déracinent l'enfant de son milieu de vie.
L'oubli de l'essentiel de notre patrimoine traditionnel a pour
conséquence dans l'éducation de l'enfant aujourd'hui outre son
extraversion et son acculturation, l'apparition dans la société
africaine du phénomène des «enfants de la rue
».
Ce phénomène ne serait que la résultante
de l'individualisme qui prend le pas sur la solidarité africaine. Dans
ce sens, l'enfant n'est plus celui de la communauté toute
entière. Aussi lorsqu'un malheur arrive à un jeune du fait par
exemple de la perte malheureuse de ses parents et parce qu'il n'y a plus cette
famille africaine étendue qui palliait aux problèmes
psycho-affectifs, l'enfant est condamné à valoir ses droits dans
les rues où confronté aux difficiles conditions d'existence, il
s'abandonne aux vices que sont le vol, la drogue ou la mendicité.
Pour pallier à ces problèmes constatés
dans la société moderne, nous avons proposé une sauvegarde
féconde des valeurs africaines que sont: la famille, la
solidarité, la pudeur et le respect, la langue..., dans
l'éducation intégrale de la société en
général. Ceci parce que «l'éducation a
pour but de réaliser dans une société donnée,
en un temps donné et selon la philosophie, les coutumes, les croyances
et les structures de cette société, «l'être social
», ensemble de « l'être individuel» et de
l'être « élément du groupe» (propos
de Durkheim ). Il ne serait pas inutile de rappeler que l'avenir d'un
peuple se trouve dans l'appropriation féconde de son passé car :
« le passé est un guide sûr pour le présent
... et c'est en arrière que l'on trouve les modèles
adéquats auxquels se conformer » (Perny
1972 :26).
La culture d'un peuple est tout pour lui, elle est le socle de
tout développement humain, la condition sans laquelle aucun
épanouissement de l'homme dans son sens large n'est possible. Il
convient donc de dire avec Jean-Marie Tchego que: « nous pensons que
le temps est venu pour que les décideurs politiques engagent des actions
concrètes pour l'appropriation de notre système éducatif,
afin de rétablir enfin l'homme noir dans sa culture, sa
personnalité et sa dignité, condition minimale pour sa survie
historique, c'est-à-dire de sa participation active
à la civilisation de l'universel, au marché mondial du donner
et du recevoir» (Tchegho, 2000 :12).
La condition de tout développement reste donc
l'enracinement culturel avant toute ouverture au monde. Et ceci ne peut se
réaliser que par la combinaison de plusieurs points essentiels:
- Une appropriation de notre patrimoine culturel par la
sauvegarde des idéaux et des valeurs propres à la culture
africaine.
Une introduction de nos langues dans l'enseignement à
l'école.
- A cause de l'impossibilité aujourd'hui, d'organiser
les veillées éducatives autour du feu, au clair de lune du fait
de la population devenue nombreuse et incommensurable, il faudrait un
enseignement amplifié de la littérature orale en
général et du conte en particulier dans nos écoles pour
permettre à l'enfant, d'avoir une éducation morale et
environnementale apte à lui donner les savoirs que sont: le savoir, le
savoir-faire, le savoir-être et le savoir-vivre.
- La famille moderne doit s'inspirer du modèle et du
fonctionnement de famille étendue africaine et surtout elle doit agir en
synergie avec l'école pour la formation de l'enfant.
Il convient de dire avant de terminer que notre objectif
général qui était de montrer à travers les contes
que l'éducation de l'enfant telle qu'elle est faite dans la
société traditionnelle africaine pouvait avoir un impact
important dans l'éducation de l'enfant aujourd'hui, en tant qu'elle peut
mieux l'enraciner dans sa culture et l'ouvrir au monde, se vérifie
à la fin de notre travail. Mais, notons avec insistance que pour des
besoins d'efficacité, de contenu et d'impact psychoaffectif sur l'enfant
Africain, la pédagogie nouvelle exige d'associer les points importants
de l'éducation traditionnelle à ceux de l'éducation
moderne.
Nous dirions que, tout projet de ressaisissement de notre
passé historique dans quelque ordre que ce soit, doit se faire en et par
l'enfant. Il est l'avenir de l'homme, celui sur qui se fondent toutes les
espérances. La voix de la jeunesse se lève de partout pour crier
au changement et il faut tenir compte de celle-ci car comme le dit CHE GUEVARA
(1976 :292) : «la jeunesse est particulièrement importante
car elle est l'argile malléable avec laquelle on peut construire l'homme
nouveau débarrassé de toutes les tares du
passé»et comme le dit COPPIETERST WALLANT cité
parHilaire Sinkounmo (1995 :9).
La jeunesse est l'avenir de l'Afrique. Les intellectuels,
les mandarins, les riches peuvent avoir les meilleures idées du monde,
ce sont les jeunes qui les réaliserons ou ne les
réaliseront pas ... ce sont eux qui auront comme dit le proverbe malien,
raison en définitive. Il faut avoir une capacité d'écoute
énorme pour capter leurs messages et leurs
préoccupations.
Nous avons terminé notre travail sur une partie qui a
pour titre : « pidgin et la problématique d'une
identité culturelle camerounaise».Sans toute fois aller à
l'encontre de ce qui est dit plus haut,cette partie a pour objectif de
dévoiler en quoi les textes en pidgin expriment les
réalités propres au Cameroun, de même, l'ouverture a
été donnée à notre travail de recherche à
l'étude de la littérature pidgin comme expression de la
société camerounaise avec un encrage important vers une
proposition de fondement de l'identité camerounaise au tour de la langue
pidgin.
Au demeurant, tout peuple a toujours été le
cadre au sein duquel la langue du terroir est mise sur un piédestal si
haut que l'on la célèbre, la parle depuis la naissance de l'homme
jusqu'à sa mort. La langue du peuple est le ciment de son
identité, c'est au moyen de cette langue que le peuple raconte son
vécu, dit sa prière aux forces visibles et invisibles,
dévoile la nature de sa création, pleure et rit de ses joies et
de ses peines, organise ses festivités de mariage, de bonheur enfin se
présente tel qu'il est devant la destinée et la
divinité.
Le Cameroun est un peuple où fusionnent les hommes aux
peuples, aux ethnies et aux langues aussi nombreux que multiples. Force est de
constater qu'aujourd'hui, il est une aberration et une déraison qui
s'impose à regret dans la quotidienneté de son agir et de son
être : le Cameroun ne parle pas ses langues nationales, jalons et
ciments de son équilibre. Il parle les langues des autres. Ces langues
représentent l'aliénation, la domination et surtout
révèlent la perte de son identité et de sa
personnalité.
Le problème ne semble aucunement se solutionner lorsque
ses multiples langues nationales ne sont même pas apprises à
l'école. Pis, elles sont méprisées,
dédaignées, marginalisées et oubliées par des
générations présentes qui ne sont plus camerounaises que
de nom mais occidentales de coeur.
Le problème s'aggrave, car si aucun peuple n'accepte de
parler une autre langue ni de se servir d'une autre comme langue nationale, le
tribalisme et le népotisme viennent alourdir le drame et
n'éludent pourtant pas l'exigence de fonder ou de repenser une
identité camerounaise.
Une alternative est possible. Le présent travail de
recherche la dévoile : la société camerounaise peut
fonder son identité autour du pidgin.L'histoire du pidgin, son
rôle social et les éléments culturels des peuples
camerounais qu'elle porte en sont la parfaite illustration et sa raison
d'être.
Le corpus des contes et des mythes pidgin
Myhts
mythes
|
Pidgin
|
Français (traduction
littérale)
|
1. 1) Way troki i bak brock haf haf :
mythe,
2. (source orale : Emmanuel Mundoua, agriculteur,
bonakanda village, Buea,
04/10/2008)
Aire culturelle : bakweri
Wan day som big big dina bin bi fo heven. Den bin
invayt ol bed fo dat dina. Sins fo rich fo heven man get fo flay, na onli bed
dem bin fit go. Bet troki no bin wan mis dis pati. So i go mitop bed dem. Bed
dem gri. Hi tel dem say mek eni bed boro i wan feda. Wen taym fo go rich, troki
tok fo bed dem se :«mek eni man gif i sef nem foseka wen dem rich fo skay
eni man go introdius hi sef». Bed dem gri. Eniman gif i sef nem. Som bed
kol i sef «poli poli», «detibed», «anoda bed».
Troki gif i nem say «Wuna ol».
Wen dem rich fo heven, dem bi welkom dem fayn. Ol man get
chair fo shidon. Smol taym som savis bring mimbo I tok say : «Dis mimbo na
fo wuna ol, mek wuna ol dring». Den, troki tok fo bed dem say: «wuna
don hye say dis mimbo na fo mi». I min say dem go bring oda mimbo fo wuna.
So troki dring ol di mimbi. Bed dem wet dem own mimbi sote dem trot dray pas
mak, bet oda mimbo no kam.
Taym fo chop don rich. Anoda savis bring big big pan chop. I
tok say: «Dis chop na fo wuna ol; mek wuna ol chopam.» Troki aks di
savis mek i tok egen mek ol man hye. Di savis tok di sem tin. Troki tok fo bed
dem say : «Dem say dis chop no fo mi wan. Ol man hye as savis tok. Dem go
bring oda chop.» So troki butu ol di chop. I chop sote i lik pan. Bed dem
wet sote, bet chop no kam fo dem. Veks an hongri pas dem fo skin. I jos pas dem
wetin dem go du troki. Di onli tin dem bin du na say eni bed tek hi wan feda
we i bin boro troki back. Ol man tek i feda stat flay fo kam bak fo graun.
Troki begin check hau igo manaj kam bak naw we i no get feda fo flay. Taym we
di las bed wan flay go, troki tok fo i se: «Bo poli, a beg yu plenty, tel
ma wuman say a wan jomp rich daun. Telam mek i put ol sof sof tin fo autsayd
so, wen a jomp, a no go hye hot. If hi don putam, mek i layt faya. Wen a si
smok a go jomp.
Poli poli gri. Wen i rich fo graun; i go mit troki i wuman. I
tok fo hi say : «yur masa say hi wan tray somtin. I say mek yu tek ol
brokin botul an ston put am fo aut sayd. Wen yu don put am, mek yu layt faya;
wen i go si smok, hi go no say yu don finish».
So troki hi wuman put ol haf haf botul dem an ston fo autsayd
den, hi layt faya. Wen troki si smok hi no se i wuman don finish put sof tin
dem fo autsayd. So troki jomp, i fol fo brokin botul an ston. Ol hi bak
chakara. Na onli day bin lef i. Bet i wuman kari i fo som stron medsin man. Di
medsin man manag sote i joyn troki hi bak, bet i no bin fit bi layk fes fes
taym. Na di tin mek troki i bak de haf haf.
|
1. 1) Pourquoi la carapace de la tortue se retrouve en
mille morceaux
Un jour, le roi du ciel organisa une grande
cérémonie. On invita tous les oiseaux à prendre part
à cette grande manifestation. Puisque pour s'y rendre, il fallait voler,
seuls les oiseaux pouvaient y prendre part. Mais la tortue ne voulait pas
rater un si grand événement. C'est ainsi qu'elle alla voir les
oiseaux et les supplia de lui emprunter chacun une plume pour que lui aussi,
puisse se rendre au ciel. Et c'est ce qui fut fait. Le jour du départ
arriva. La tortue dit aux oiseaux : « il faut que chacun ait un
nom, puisse qu'une fois au ciel chacun devrait se présenter devant le
roi ». Les oiseaux acceptèrent. Chacun se donna un nom. Un
oiseau se nomma « poli, poli », l'autre « sale
oiseau », ensuite « oiseau bleu », la tortue se
nomma « vous tous ».
Une fois au ciel, les oiseaux furent bien
accueillis par leur hôte. Un serveur arriva avec la boisson et dit :
« cette boisson est destinée pour vous tous ». La
tortue dit aux oiseaux que le serveur a bien dit : la boisson, c'est pour
vous tous. Ce qui signifie qu'il faut attendre votre tour, vous serez servi. La
tortue but tout le vin et ne laissa même pas une seule goutte à
ses amis.
Lors du repas, un autre employé amena la
nourriture et dit « cette nourriture, c'est pour vous
tous ». La tortue mangea toute la nourriture sans toutefois se
soucier de ses amis. Fatigués, affamés, assoiffés, pris de
colère, à bout de force, les oiseaux décidèrent
donc de rentrer sur la terre. Chacun dans un élan de colère,
repris sa plume qu'il avait empruntée à la tortue. Lorsque le
dernier oiseau s'apprêta à voler, la tortue lui dit :
« ami poli-poli, s'il te plaît, dit à ma femme que je
veux descendre et que, je n'ai plus de plumes. Dis-lui de mettre tous ce qu'il
y a de doux et d'attendre dehors, ainsi, lorsque je vais tomber, que je ne
puisse pas ressentir la douleur. Ensuite, qu'elle allume le feu, lorsque je
verrai la fumée, je saurai que c'est un signal, que je dois sauter.
»
Une fois au sol, poli-poli alla trouver la femme de
la tortue et lui dit : « ton mari demande que tu mettes tous les
objets durs, les bouteilles, bref tout ce que tu vas trouver de solide dehors y
compris les pierres. Ensuite que tu allumes un grand feu ». Lorsque
la tortue vit la fumée, il sauta de toutes ses forces et atterrit
brutalement sur les pierres et les bouteilles. Toute sa carapace se retrouva en
mille morceaux. Sa femme prise de panique, l'amena chez un docteur traditionnel
qui réussit à coller les morceaux de sa carapace. C'est la raison
pour laquelle la tortue a une carapace fragmentée. C'est la fin de notre
histoire.
|
2. Troki and frutambo: conte
( source:Bertha Nalova, house wife, Mukutu
village, 04/10/2008)Aire culturelle: Bakweri
Troki bi tok fo frutambo say hi fit run pas hi. Frutambo aks
troki say : «yu fit run pas mi hau?» Waka sef di pas yu, tel mi hau
yu fit run. Yu di waka layk man we i di kam day. Troki say; «fo prove se i
fit win yu mek we mek runing competition». Taym fo run do rich, plenty
pipol dem bi bi. So frutambo tok fo troki say mek he go fes. Wen yi si se troki
don run sotay. Afta som taym Frutambo to stat run. Unti yi pas troki. Bet
Frutambo wan luk fo front hi si troki. Hi wanda say: «hau troki maney run
pas hi:» Na so frutambo trowe spit, hi put faya pas troki. Bet as hi wan
luk again, i si troki. Frutambo run again sote i wam collapse, i wan luk, i
mitop troki. So ples way dem bi get fo kam shidom fo fes man, i wan si, na
troki shidon fo de.
Troki hi secret na se, as ol dem di feva, hi put i broda dem
fo rod, dem no bi fit no who kan man bi wu, an na so troki tekam win dat
competition. Na de end of de stori dat.
|
2) La tortue et le lièvre
Un jour, la tortue dit au lièvre qu'il
pouvait courir plus vite que lui. Surpris par cette déclaration, le
lièvre demanda à la tortue : « comment peux-tu
aller plus vite que moi ? ». Marcher même te
dépasse, dis-moi comment feras-tu pour courir. Les pattes, tu n'en a
pas. La tortue lui dit : « pour te prouver que je peux courir
plus vite que toi, organisons une compétition ». Le jour de la
compétition arriva. Le lieu fut rempli de monde, tous les animaux
étaient présents. Une fois sur la ligne de départ, le
lièvre dit à la tortue : « mon ami, j'ai
pitié de toi. Il est preferable que tu aies une longueur d'avance sur
moi. » Alors, la tortue se mit à marcher, lorsque le
lièvre vit que la tortue avait de l'avance, il se mit donc à
courir au point où il dépassa la tortue. A sa grande surprise, il
retrouva la tortue devant lui. Il redoubla d'efforts, mais il ne parvint
toujours pas à rattraper la tortue. Finalement, il retrouva la tortue
sur la ligne d'arrivée. Et elle fut déclarée vainqueur de
cette compétition. Le lièvre fut très surpris,car ,il
n'avait pas compris la ruse de dame tortue.
En fait, le secret de la tortue fut le
suivant : étant donné que toutes les tortues sont presque
identiques, elles furent alignées tout au long de la piste,
jusqu'à la ligne d'arrivée. Autrement dit, la tortue de
départ n'était pas la même à l'arrivée. C'est
cette ruse que la tortue usa pour remporter la compétition. C'est la fin
de mon histoire.
|
3. Sense pass king: conte
( source:Nan Shey Shey, étudiant,
Yaoundé I 20/10/2008)
Aire culturelle: oku
Narrator: story oh!
Audience: story
Som king hi bibi for som country way all man bi know say hi
get over sens. Anikana thin way yu wan bringam fo king, hi go show yu say hi
knowam. So people dem bi know say hi ova get sense.
Fo som otha country,a woman born a baby and hi give the name
fo the piking sense pass king. This piking later on became na barbar. Hi own
work na fo barb poeple thier head.
One day, the kin hear other piking them di call him sense
pass king. He call the boy and hi asked him if he is more knowledgeable pass
the king as hi name implied. The piking say:» yes» and the king
invite him fo his palace say make hi shave hi hair.
So dis barbar go burn corn becaus king be ova like corn.
Barba don born corn fine, he givam for king hi say: «begin di chop dis
corn why a di barb your hear». So king di chop corn, barbar di bard hi
hear. Barba di barb hair, king di chop corn. Taym way de barbar don finish barb
king hi hair, king lookam for looking glace. King say: «barbar, de way you
barb dis my hair nobi so a bi wantam, put my hair back».
Waiti king be want do, hi be wan put the piking for prison.
He say put my hair back. Babar askam say: «put your hair back how?»
You kam say make i barb u so, i don barbam, now you say make i put your hair
back, putam how? So barbar say ok: «If yu wantam say mak i put your hair
back, give my corn too back». King say fo give your corn nobi na problem,
hi no hard, i go sen fo farm de brin mi corn a givam back for u.
Barbar say:» noo ôh, de corn mi a bi gi u no be na
desem corn an even if i get desem size, de way the eye corn dem be dei no be so
ma own go be». So give ma corn back, and I give your hair too back.
Two months later, the king organise a horse race where sense
pass king be get fo take part. The day fo the race, they give sense pass king
some white horse way hi bi di run pass win. He be don put his people say make
them kill him time way hi go reach first for the winning point.
Before the race start, sense pass king change his horse with
king hi piking, who be know say the white horse di run very fast. As the white
horse be di go ahead of all the horses, the king shake his head, congratulating
him self for a deed well done. Hi no be fit control his anger, time way hi
discover say the boy way them kill am no be bi sense pass king but hi owne
piking.
When people them know bad bad thing them way king be di do,
them drive him away. They decide to make a knew king an they choose sense pass
king. He rule the country with love and intelligence. He bring prosperity, and
all man be bi happy. Na the end of my story that.
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3) Sage plus que le roi
Narrateur : histoire
Audience :raconte
Il y a avait un roi dans un village qui avait la
renommée d'être le roi le plus sage de toute la
contrée.Quel que soit le problème, il arrivait toujours à
trouver une solution et parvenait à résoudre le
problème.
Un jour, une femme mit au monde un petit garçon et lui
donna le nom de « plus sage que le roi ». Cet enfant
grandit et devint, plus tard, le plus grand coiffeur du village. Les rumeurs se
mirent à circuler dans tout le village, qu'il ya un enfant qui est
plus sage que le roi dans le village.
Un jour, le roi fit venir le jeune garçonsous pretexte
qu'il voulait se faire coiffer. Le garçon sachant très bien que
le chef aime manger du maïs, emporta avec lui un épis de maïs
bien grillé au palais. Il dit au roi, je t'aie gardé un
épis de maïs. « Manges y pendant que je te
coiffe. » Ainsi, pendant que le garçon coiffait le roi, le roi
grignotait le maïs.
Pendant qu'il travaillait, le roi mangeait le maïs.
Avant même que le garçon eut fini son travail, le roi avait
déjà consommé tout le maïs. Le coiffeur dit alors au
roi qu'il a fini de le coiffer. Le roi prit un miroir pour apprécier le
travail du jeune enfant.Il se mit dans une colère insoutenable, il dit
au jeune garçon : « ce n'est pas ainsi que je voulais que
tu me coiffes. Remets mes cheveux sur ma tete». Le garçon lui
demanda : remettre tes cheveux comment, toi-même tu sais que ce
n'est pas possible. Le roi lui dit : je veux que tu remettes mes cheveux,
sinon, tu connaîtras la prison. Alors le jeune garçon dit au roi,
puisse que tu insistes que je remette tes cheveux sur ta tête, toi aussi
rend moi mon maïs. Le roi lui dit : j'enverrai quelqu'un te chercher
un autre épi au champ. Le coiffeur lui dit : je ne veux pas celui
du champ, mais, ce que j'ai ramené de chez moi, rends moi mon maïs
si tu veux que je te remette tes cheveux. C'est ainsi qu'il réussit
à convaincre le roi.
Quelques mois plut tard, le roi
organisa une course de chevaux,plus sage que le roi devrait prendre part
à cette course .Le jour de la compétition,le roi donna
à sens pass king un cheval blanc,cheval qui était connu pour sa
rapidité.
Cependant, le roi avait pris la
peine de dire à ses mercenaires de tirer sur la personnequi arrivera le
premier.
Avant le début de la
course, sens pass king échangea son cheval avec celui du fils du roi,et
ce dernier connaissait la vitesse du pure sang. Et comme prévu, le
cheval blanc était premier à l'arrivée et c'est ainsi que
celui qui était sur le cheval fut tué par les mercennaires tel
que recommandé par le roi. Mais ce qu'ils ignorait c'est que ce le fils
du roi qui était sur le cheval,trop tard, la faute était commise.
Lorsque la population eu vent des mauvais agissements du roi, celui-ci fut
destitué, et l'on nomma sens pass king le nouveau roi.Il apporta le
calme et la prospérité dans le village.
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5. The Orphan boy: conte
( source,Sophie Nanyongo, house wife,Bonakanda
village,04/10/2008)
Aire culturelle:Bakweri
Narrator : Story oh !
Audience : Story
Narrator : Once upon a time, a man be married two women. The
first born too girls and the second one born only one boy and died. The first
woman be over hate this boy becaus he be know say he go be the chop chair. He
begin di tell plenty lies against this boy fo hi husband, so the man too
start fo hate this piking . He grand-mama even want fo take him but he papa
denied.
One day, this woman talk fo he man say he wann piking for
lion and say na this boy must go fo bush fo go take dem. He go fo hi
grand-ma'a and tell hi waiti dem be ask hi fo do. He grand-ma'a givam a goat.
He tell hi say hi go tayam fo bush and afta, he go bit hi. Time way the goat
start cry, lion hear and he came fo chop the goat. The boy run and hi takes two
baby lions. When the boycame back with these animals, he grand ma be bi very
happy and hi papa very surprise. The bring the lions for palace and the king
give de boy som big big title. This title makam make hi stepmother hate him
more.
Their village no be don get drum. . People them fo the land
of no return dem be don came takam. One day, the boy hi papa ask fo go fo dat
village fo go take the drum. His grand-ma cry because hi be know say the boy no
be fit go take the drum, but he no be fit tell the boy say make hi disobey hi
papa.
So hi cook plenty chop so that the boy go waka with am. Afta
way the boy don waka for seven days, he reach fo a junction with many roads. Hi
be bi very tired and hi no be know which road fo take. He lay down and sleep.
Fo his dream, hi mamy showed hi the road fo dream. After way hi don travel
again for seven days, he met a big fire across the road. Again hi mamy came,
but this time in form of a large bird and hi help hi fo cross. Afta seven days
way he don waka sotay hi tired he met up som big river acroos the road and na
som large fish helped hi fo cross.
Time way he reached the Hade, he see som old woman who di stay
with animals and di understand their talk. This woman be bi alone. He ask hi
waiti he came fo do fo the land of not return. The boy narrate he all the
story, den the woman give chop say make hi cook. When the animal the came back
fo farm, hi makam make dis boy sleep with dem and hi give he knife say make he
shook any animals way hi go disturb him fo night. Afta some days, the old woman
tell hi say hi go get fo choose the drum amongs the others.
He spent these days di pray so that hi mama fit help hi. On
the fifth day, he see a dog and pusy as dem di fight, he separate dem and saved
the pusy's life. For night, the pusy came and tell say hi go climb fo som
palm tree, and say the drum way hi go see hi di throw some palm fruits na the
one that the boy must choose am. The pusy makam as he be talk, and na so all
man be be surprise time way the boy choose the right drum.. Time way hi be di
go back home, hi no face any trouble. As he reach home, the make him Chief of
his village. As his stepmother see say the boy no die she committed suicide.
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5 L'Orphelin
Conteur : Histoire
Public : Raconte
Conteur : Il était une fois, dans un village, un
homme avait deux femmes.
La première eut deux filles et la seconde un
garçon. La seconde mourut laissant son fils orphelin entre les griffes
de sa co-épouse.Cette dernière ne jurait que de le voir mourir,
car ce dernier, unique garçon des oeuvres de son père,
était l'héritier légitime de la famille. Sa marâtre
mit plusieurs stratagèmes en marche dans le seul but de faire
périr l'enfant.
Un jour, elle somma son époux d'envoyer l'enfant lui
capturer des lionceaux vivants dans la brousse. Ce que fit l'homme, car il
voulait plaire à sa dulcinée. Le malheureux garçon alla
conter sa mésaventure à sa grand-mère.Celle ci lui
donna une chèvre avec la recommandation de l'attacher une fois en
brousse et de la frapper jusqu'à ce que celui-ci se mette à
saigner. Ce que fit l'enfant.
Une lionne entendit les bêlements de la bête et
vint pour un festin facile. C'est ainsi que le jeune enfant profita de
l'absence de la lionne pour lui dérober deux lionceaux qu'il ramena
vivants avec lui au village.
Ce qui accrut son estime auprès des villageois et lui
valut un titre de notabilité. Le courroux de sa mère adoptive
s'accentua.
Le village n'ayant pas de tam-tam, son père lui demanda
d'en ramener un du pays des morts. La grand-mère coula des larmes car,
nul n'était jamais revenu vivant de l'au-delà. Par respect pour
l'autorité paternelle, elle encouragea l'enfant, mais lui fit beaucoup
de provisions pour son périple et lui prodigua également beaucoup
de conseils.
L'enfant se mit en route pour le long voyage.Sur son chemin,
il arriva à un carrefour avec plusieurs embranchements et ceci
après sept jours de marche. Fatigué et sans repère pour
choisir l'itinéraire approprié,il se couchea et s'assoupit.
C'est dans son sommeil que sa défunte mère lui apparut en songe
pour lui montrer le chemin à suivre.
Après sept autres jours de marche, il se trouva
devant un grand feu. Une fois de plus, sa défunte mère vint
à son secours mais, sous forme d'un grand oiseau.C'est sur le dos de
celui-ci qu'ilréussit à franchir cet obstacle.
Sept jours plus tard, c'est une grande rivière qui se
retrouve au travers de son chemin et c'est un poisson qui lui vint en aide.
Une fois au pays des morts, il se familiarisa à une
vieille femme couverte de pustules, vivant et parlant le langage des animaux.
L'enfant lui dit l'objet de sa mission, elle en retour le nourrit et
l'hébergea. Ce dernier devait partager le même lit avec les
animaux. Elle lui remit cependant un couteau avec lequel il devait piquer
lesdits animaux si d'aventure ils l'empêchaient de dormir. C'était
plus pour les réveiller et les obliger à sortir plutôt que
d'habitude pour ne pas le voir au lever du jour. Aussi docile que serviable, la
vielle femme lui annonça qu'il lui sera demandé de
procéder au choix d'un tam-tam mystique parmi plusieurs. Notre
héros passa les journées qui suivirent à prier, demandant
de l'aide à sa mère. Le cinquième jour, il sauva un chat
des griffes d'un chien. Le chat promit de l'aider dans la nuit pour
opérer le bon choix. Le chat lui dit qu'il allait jeter des noix de
palme dans le bon tam-tam et c'est ce dernier qu'il devra choisir d'entre tous
ceux qui lui seront présentés. Ce qui fut dit, fut fait. Le
lendemain l'orphelin choisit le bon tam-tam devant une foule
médusée, stupéfaite et ahurie.
Il prit le chemin du retour sans rencontrer le moindre
obstacle. Il devint « Chef » dans son village. Sa
marâtre, prise de honte, se suicida.
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6. Dylim's children : conte,
(source: Martha Okambi, house wife,Bonakanda
village,04/10/2008)
Aire culturelle:Bakweri
Narrator: story oh !
Audience: story.
Narrator: Once upon a time, some woman be born three children.
Dem be de stay together happily. One day, he begin di sik. Time way hi be wan
die, hi gave them seed for melon say make them plantam , and hi tell them say
make them go stay place way the melon seed go stop for grow. The melon seed be
stop for grow for Kfukfu's hi house, and these piking them go and start begin
di stay with the woman.
Kfukfu, no be like these piking them. He be di maltraite
them, that is hi no be di give them any chop, even for wash them, hi no be di
do am.
He be plant some big farm corn , and every day, he bi di asks
these piking them say make them go drive bird fo the corn. Since these piking
them be di hungry and tired, them just sit down an begin di look how bird them
di chop the corn.
Any time way one farmer go pass, the farmer go call, «ho,
piking, wonna came drive, these bird, fo corn». They go go and after they
go start shut.»waa, waa, waa», and they go start sing:
Narrator: Dylem-ee-e Endeele ndee ,laan kebaa ndu ndaa
kfufkfu
Narrator: Endeele ndee ndee
Narrator: Eh lam k ban eh fo kekong se ghes
Audience: Endeele ndee ndee
Narrator: Eh chite mbas ch fo ities se ghes.
Audience: Endeele ndee ndee ee- laan kebaa ndu ndaa kfukfu
endeele ndee ndee
(translated as: when they prepare fufu, they give us just the
crumbs, when they prepare vegetable, they give us just the stik. It was they
melon seed that show us kfukfu house).
One day, one the farmer go for kfukfu house and ask who is the
Dylim way the piking them di sing every day i. Kfukfu no be understand wati the
farmer be di say , so the farmer tell hi say make them go fo farm. When them
rich fo farm, they farmer call as usuall: «oh piking wanna came drive
these bird from corn». They piking dem came and dem start shut «waa,
waa, waa» and start sing:
Narrator: Dylem-ee-e Endeele ndee ,laan kebaa ndu ndaa
kfufkfu
Narrator: Endeele ndee ndee
Narrator: Eh lam k ban eh fo kekong se ghes
Audience: Endeele ndee ndee
Narrator: Eh chite mbas ch fo ities se ghes.
Audience: Endeele ndee ndee ee- laan kebaa ndu ndaa kfukfu
endeele ndee ndee.
Kfukfu be very surprise. Hi no be know waiti for do, hi sleep
for grown and start begin cried and hi be di regret why hi be di maltrait dem
piking dem,becaus dem piking dem bi bi hi sister hi own.
He take the piking back, wash dem , and give them cloths, and
hi start take care fo dem.
Na fo here my story end, and I wan tell wunna say piking na
piking. If you maltreat another person piking, you go maltreat your owne
without knowing.
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6) Les enfants de Dylim
Conteur : Histoire
Public : Raconte
Conteur : Il était une fois, une femme vivait
paisiblement avec ses trois enfants. Elle tomba malade et sachant qu'elle n'en
avait plus pour longtemps, elle fit ses adieux à ses enfants. Elle leur
remit une graine de melon à planter et d'aller habiter où cette
graine arrêtera de pousser. La graine arrêta de pousser à
côté de la maison de la nommée Kfukfu et les enfants
suivirent la dernière volonté de leur défunte
mère.
Malheureusement pour eux, Kfukfu ne les aimait pas. Elle se
mit plutôt à les maltraiter. Ces enfants devinrent de la
main-d'oeuvre pour elle, allant chaque jour chasser les oiseaux du champ de
maïs de Kfukfu. Une tâche difficile pour ces orphelins
affamés et fatigués. Les cultivateurs d'autres champs qui
venaient à passer par là étaient obligés de les
rappeler ce pourquoi ils étaient en brousse en ces termes :
« oh, les enfants, venez chasser les oiseaux sur le
maïs ». En y allant, ils avaient toujours chanté cette
mélodie en pleurant :
« Narrator : Dylim- ee-e Endede ndee, laan
kebaa ndu ndaa Kfukfu.
Audience: Endede ndee ndee.
Narrator: Eh lamk ban eh fo kekong se ghes.
Audience: Endede ndee ndee
Narrator: Eh chite mbas eh fo itie se ghes.
Audience: Endede ndee ndee-ee laam kebaa ndu ndaa Kfukfu
endede ndee ndee».
Traduction: Lorsqu'ils préparent le couscous, ils nous
donnent la croute. Lorsque c'est les légumes, ils donnent les tiges.
C'est la graine de melon qui nous a conduits dans la maison de Kfukfu.
Un jour, l'un des passants suivit cette chanson, alla voir
Kfukfu et lui en demanda la signification que cette dernière ne
connaissait pas. Alors il réussit à convaincre Kfukfu à se
rendre au champ avec lui.
Une fois sur place, le cultivateur lança :
« oh, les enfants, venez chasser les oiseaux sur le
maïs ». Et comme d'habitude, les enfants chassèrent les
oiseaux suivit de la même mélodie :
« Narrator : Dylim- ee-e Endede ndee, laan kebaa ndu ndaa
Kfukfu.
Audience: Endede ndee ndee.
Narrator: Eh lamk ban eh fo kekong se ghes.
Audience: Endede ndee ndee
Narrator: Eh chite mbas eh fo itie se ghes.
Audience: Endede ndee ndee-ee laam kebaa ndu ndaa Kfukfu
endede ndee ndee».
Kfukfu se mit à pleurer et elle regretta d'avoir
maltraité ces enfants car ils n'étaient autres que les enfants de
sa défunte soeur.
Moralité : l'enfant n'a pas de géniteur
immuable, c'est celui ou celle qui s'occupe de ce dernier qui en est le
véritable. Faire du bien à un enfant a un effet
bénéfique pour sa propre progéniture.
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7. Why dogs di bark: mythe,
(source: Tabot Daniel tanyi, étudiant
Yaoundé I, 15/10/2008)
Aire culturelle:Nkambe
When the ground be still bi good, people them be covered with
nature, animals, and God.Problem for language no bibi for seka all man be fit
hear hi friend.People them bi bi freed and them no be di fear anything. When
bad peopledem start for confuse place, man begin di fear animals, and animals
too bigi di fear man and begin di fear his brother.
One day, witch pepkebe di chop some man for some junction.Hi
bibi na fo night time way people dem bi don sleep .Some dog bidi pass way hi
bidi fine na yi chop. As hi be di came near dem, he cough for wom dem say some
man di came. The witch people tellam say he be welcome.
Dem no be di chop man before. Dog be di fear fo see how dem di
chop man, and he ask this witch people them say: animals don finish before dem
di chop person? So one of the witch person give dog som dirty slap for his
neckand hi ear way hi go chakala all thing fo dog hi head. The only thing way
dog do na for cry and na the noise we use to hear» nwang» and dat
noise remain until now.
Na de thing that dog di bark instead fo talk.
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7) Pourquoi le chien aboit-il ?
Quand la terre était encore bien, les gens
étaient couverts par la nature, les animaux et Dieu. Il n'y avait pas de
problème de langue de communication entre les humains et les animaux.
Ils se comprenaient mutuellement et bien. Ensuite vint la
méchanceté des hommes. Et la peur naquit tant entre les hommes
qu'entre ces derniers et la gent animale.
Un jour, les sorciers mangeaient quelqu'un à un
carrefour dans la nuit. Et un chien qui passait son chemin les surprit.
Pourtant les humains ne se mangeaient entre eux. Pris de panique, le chien
demanda aux sorciers si le gibier était fini dans la brousse pour se
nourrir désormais de chair humaine. Dans sa colère, l'un des
sorciers lui asséna un violent coup de poing de la nuque aux oreilles.
Ce qui perturba le cerveau du chien qui se mit à
pousser des cris stridents. Raison pour laquelle le chien aboie après
avoir perdu la parole de ce jour jusqu'à aujourd'hui.
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7 8. Why cock hate lizard:mythe
8 (source : Mukutu Mondje, amimateur radio
rurale Bonakanda village, 04/10/2008)
9 Aire culturelle : Bakweri
One day, cok he na lizarddembe get strong
palava.So lizard talk for cok say: «you be very stupid, foolish and you
over dull» Any man way hi di see you di member say you sharp, whuy you
over dull. You carry cap for your hear but you no no how for usam.Na de thing
that I di talk say your dull ness don pass mark.
Cock answer for hi friend say:
«A be important pass you. People them like me and dem di
chop me. But you lizard, your owne use na wat? When dem no get money, dem fit
sell me».
«Na fo day your foolishness be» replied lizard.
«you di thing say people dem like you for seka dem fit sell you and chop
you». Cock veks again sotay, he wan die, he run for go beat lizard.
So lizard talk fo hi say: «cold heart, cold heart»,
If you wan beat me, beat me for place way people dem bi. So cock, with all that
veks start bit bit lizard. People dem no be hnow waiti di go on, so dem just
start begin di shout:»heh! Heh!shh!shh! stop that» na so cock live
fight. And lizard talk fo cock say: you no di see say na instead me way man dem
likam pass you?»
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8) Pourquoi le coq déteste le
lézard ?
Un jour le coq et le lézard avaient un contentieux.
Alors le lézard dit au coq : « tu es trop idiot et
bête. Lorsqu'on te voit, on pense que tu es intelligent or tu es
nul ». tu portes une crête sur ta tête mais tu n'en fais
pas bon usage. C'est la raison pour laquelle je trouve que tu es trop idiot.
Le coq lui dit en retour que : « je suis
plus important que toi. Les hommes m'aiment et ils me mangent. Mais toi,
dis-moi quelle valeur tu as auprès des hommes ? »
« Voila vraiment pourquoi je te trouve
bête », dit le lézard, « tu penses tout
simplement que les hommes t'aiment parce qu'ils peuvent te manger et se faire
un peu d'argent en te vendant ? Le coq se fâcha au point où
il voulut en découdre le lézard.
Alors le lézard lui lança un défi. Le
combat eut lieu devant une grande foule. Et le coq tout courroucé frappa
sans discontinuer le lézard de son bec. Ce qui poussa les spectateurs
à les séparer de peur que coq ne tut lézard.
Très futé, le lézard lui fit remarquer
« tu ne vois pas que c'est moi que les hommes
préfèrent ? ». C'est pour cela que le coq court
toujours avec son bec à la vue du lézard pour une ultime bagarre.
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9. Why fowls dem di chop
cockroaches?mythesource (Mukutu
Mondje animateur radio rurale, Bonakanda village,
04/10/2008)
Aire culturelle : Bakweri
One hot day, cock be di rest under som tree way he be stand fo
compound. So he opene hi mouth because he be wan yawn. As cocroache seyam, he
hala s otay, all man hear. He say: «you no di shame say you no get no
teeth fo your mouth?»All man begin laught cock.
Cock veks and he talk fo coroach :» Na truesay I no get
teeth, but, I fit chop you». As he just fibish talk , he jump fo cockroach
he skin and chop he. Since that day, cock , di make war with cockroaches when
ever the meet p.cock wan only for swallow plenty cockroaches dem way he meet
am.
Cocroachhe die na say he disgrace cok fo pubic.
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9).Pourquoi les poules mangent les
cafards ?
Par un après-midi chaud, le coq se reposait à
l'ombre d'un grand arbre à l'intérieur d'une concession. Le
cafard le vit bailler avec le bec grandement ouvert et se mit à
crier : « n'as-tu pas honte de n'avoir aucune dent dans ta
bouche ? ». Et tout le monde se mit à rire.
Tout confus et pris de honte, le coq entra dans une
colère indescriptible. « c'est vrai que je n'ai pas de dents
mais je peux te manger », eut-il comme seule réaction à
l'endroit du cafard. Sans laisser le temps à cet impoli de
réagir, le coq sauta sur lui et avec son bec le tua et l'avala.
Depuis ce jour, le coq livre une bataille acharnée
contre cafard car il l'a couvert de honte en public.
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9. The deformed : conte
(source : Amalia Ndahne, professeur de
littérature anglaise;décédée le
05/10/2008)
Aire culturelle : Banso
Long long time, our grand parents dem be di tell wi say make
we, especially we piking them and woman way he day with belly say, make we no
lauch any person way he bi deformed.
One day, som woman way he get gelly meet up som fine girlfo
mid day. When this woman notice say the middle pat for the girl he head high
like pad, the woman halla, and he ask the the girl say: «Na waitide wrong
with your head. God fixe you fine, but he spoil the whole thing with your
head.»He laugh in front of that girl and the girl start cry.
Two months later, this woman with belley born girl piking.
After six months, the woman notice say the middle part for the part for the
baby he hear be di comut smelling water. The woman go for all king medicine
man, he give fowl, goat, but the problem be still day.
One day, he go see som wicth woman , the doctor take grass,
mixam and he putam fo the woman he face. He see say how long time, this woman
be di laugh som girl and he no be care say say the girl di cry, and the
medicine woman tell he waiti he di see.This woman burst big big cry after way
them don tell he waiti be happen.
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9. La malformation
Il était formellement interdit aux enfants et aux
femmes enceintes de se moquer d'une personne malformée.
Un interdit rompu par une femme enceinte qui croisa une jeune
fille bossue sur son chemin un jour. « Dieu t'a bien
créée mais pourquoi a-t-il détruit son oeuvre en te
plantant une aussi cruelle bosse sur la tête ? », dit-elle
en riant aux éclats à la fille.
Trois mois plus tard, cette femme enceinte mit au monde une
fille. C'est au sixième mois qu'elle constata ahurie que son nourrisson
avait une bosse sur sa tête et que ladite bosse dégageait du pus
et sentait mauvais. Elle fit le tour des médecins traditionnels sans la
moindre amélioration.
Elle vint consulter en dernier ressort un oracle. Ce dernier
lui rappela ses moqueries à l'endroit de la jeune fille
déformée qu'elle avait passablement croisée un jour.
D'où le sort qui était retombé sur sa propre
progéniture. Elle pleura abondamment mais ces pleurs ne
soignèrent pas son enfant.
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10. The tortoise and the snake :
conte
(Amalia Ndahne, professeur de littérature
anglaise décédée le 05/10/2008)
Aire culturelle : banso
One day, as tortoise be day fo he haus, snake came.He talk for
he say:» a beg, come make we go fo wata, plass di over hot». Tortoise
gree.
As the reach wata, snake jump, start begin swim. Tortoise
remain fo bank, because, he no no how for swim. Snake start di laugh hi, then
he talk for hi say:» you be very stupid. You no fit swim.» Tortoise
answer he say: «I no be stupid».
Afta way he say so, he jump fo wata, and hold tight snake he
tail. Poor snake, he nobe fit imagine say he friend be fit get thet idea.
Tortoisebe know say, snake he head no get fo be inside wata, if not he go drink
the wata. So tortoisedrag he friend under wata until he die.
Tortoise decide say he go keep the secret, he dig grave inside
sand and he buried hi friend. When he go back fo haus, he keep he secret and up
till today.
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10. La tortue et le serpent
Un jour le serpent alla trouver la tortue et lui dit
« il fait tellement chaud, allons nous laver à la
rivière ». Et la tortue accepta. Une fois sur place, le
serpent entra dans l'eau et se mit à nager alors que tortue était
restée sur la rive car elle ne savait pas nager.
Le serpent se mit alors à se moquer de la tortue en ces
termes : « tu es stupide, tu ne connais pas nager ».
La tortue lui dit : « je ne suis pas stupide ».
Après ces mots, elle sauta dans l'eau et attrapa le serpent et
l'entraina au fond de toutes ses forces. Pauvre serpent, il ne pouvait pas
imaginer un comportement aussi ignoble de la part de son amie. Or, la tortue
savait pertinemment que le serpent devait toujours avoir ma tête hors de
l'eau pour éviter la noyade. Le serpent se débattit en vain et
fini par mourir. La tortue garda le secret à elle seule et inhuma le
serpent. Ce qui lui permit de garder son secret jusqu'à ce jour.
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11. Som waka man bi mari wata god i wuman:
mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Som man bi get i pikin. Dis pikin bi grow sotay i kam bi som
big man pikin. I bi fit mek wuman cray fo bet. I bi get long kia-bia lyk yi
papa.
Wan de, yi papa tin se i don big, i fit stay yi wan. So yi
papa gi i fayv poundes mek i stat i layf. De moni bi ova smol.
De pikin no bi glat at ol. Ani hau, i tek de moni. I luk am,
luk am egen. I not tok. (Narrator bi opin i han dem. Den i di luk dem to).
De pikin tek de moni, put am fo yi poket. Dis pikin bi di ova
veks foseka i no bi sabi waiti fo du wit dat kayn smol mani.
Fanali, i mek i min se i di go waka. Na so I enta fo rot,
stat waka. I waka, waka, waka sotay, i rich fo som ton. I papa bi don tich hi
hau fo stay wit pipol. So fo stay wit pipol da wan no bi bi na trobul fo i.
As dis man rich fo dat ton. I mitop som grup fo pipol we dem
di bit som day bodi.
As i si yam so, blood stat di kol fo yi skin. Foseka, dat
kayn tin, i no bi don siyam fo i village. Hau dem fit di bit day bodi?
(Audience: bit day man hau? Narrator continue: yes, bit day
man)
(De narrator bi jek hi sholda fo up. Clap i han. Den opin i
ay)
Dis pikin bi tek hat. I kan cona, ivin as i bi di fye smol. I
aks dis pipol: way wona di bit dis day man?
Dem pipol dem ansa yi se, na bikos i di owe wi.
Den, dis pikin aks dem egen. Na hamoch i owe wona. De fes man
se: tu ponce. De sekon man se: tu ponce ,an fayv shilling.
Narrator: Dis moni, na de wan we wi gran papa/mami dem bi di
usam. Yu bi fit tek onli wan shilling bay haus.
Audience: fays shilling bi fit bi layk ha meni?
Narrator: mek it tok se (turn i head lef and right) fayv
frank.
(Every body of the crow was astonish). Narrator continue.
De pikin gi dem ol dat smol moni we i bi get am.
Den, i beg dis pipol dem se, mek dem buri dis day man. An de
pipol dem buri i.
As dem buri dis man so, de waka man continue i waka. Bet, i no
bi get no moni egen fo i skin. Ol i moni bi don finish foseka i be wan do gud
fo dis day man.
Na so de man di waka di check waiti fo du. As i di waka, i
rich anoda ton. Befo yu wan enta de ton, yu di fes kros som banga bush. An dis
bush de na cona maket.
I si som smol ol shot man. Dis shot man na dat day man we dem
bi buri am fo dat fes ton we i bi fes rich. De waka man no bi fit sabi i egen.
I no bi fit imagin se man fit day, an den i wekop bak. De shot man bi di sel
swit mimbo.
Wit ol tayanes, de waka man tok fo dis man se: «a beg,a
fit test dat yur mimbo?» taym we dis man bi di aks de queshon, de shot
man i ay dem bi di luk do?. As di shot man wan luk up, i sabi disman. Bet, de
waka man no be regocnize de man.
Dis waka man bi di drink dis mimbo wit fye fo i hat. As i di
drink de mimbo, de shot man di luk i.
Afta som taym,de shot man asks i say: «na waiti di wory
yu?»
De waka man ansa i se: ma skin no de mi fayn bekos fo waiti we
ma ay si tude.
As a di kam hya, i rich fo som ton. A mitop som pipol dem we
dem bi di bit som day man.
A aks dem se foseka waiti wona di bit i? Dem ansa mi se: na
bekos de man bi owe wi moni befo i wan day.
Dem bi wan se mek de day body pe dem dya moni bak. Na so a gi
dem ol smol moni we a bi get am. Den a beg dem mek dem beri i. Na so ol ma moni
tek am finish.
Na, a de layk church arata.
Afta, de shot man finish hya de tori,i aks dis man wan
queshon. Husay yu di go?
De wak man ansa i se: ma papa bi gi mi moni mek a stat ma
layf, na ol de moni a bi usam so. Nau, a no no waiti fo du.
De shot man tel de waka man se mek i no fye eni tin. Wen nayt
kam, de nest tin na monin. I tel am se, no fye,a go help yu.
De nest de, dem tu nau dem stat waka. So fo rot, de waka man
aks de shot man se: husay wi di go?
De smol shot man ansa i se: wi di go fo som kontri. Dem chief
don day. Bet dem di plan fo put som nyu chief. Tek dis kontri grass.A go tel yu
waiti fo du wit am.
As de rich, fo dat village ol man bi di kray. I tel de waka
man se: yu go rub de grass fo de day body i front head. Bet luk cut. No tek eni
tin fo dis pipol dem. Evin if na waiti no trye fo tekam. If dem ak yu waiti fo
gi yu, tel dem se mek dm gi yu dem chief is mol nayf an coat. If dem giv yu,
tek am.
As dem rich de kontri, na so pipol dem di kray fo ol ples.
Konfuzion bi bi ol ples. Dem pipol dem no bi sabi waiti fo du, dem bi wan dem
chief bak.
So waka man aks de pipol husay de day bodi de?
De pipol dem shau dem som compound. As dem di waka di go fo
dat compound , de shot man tel de waka man mek i no foget waiti we i bi tel
i.
As i enta to de haus, de hole ples bi kwayt. Na onli faya we
bi di kash bi di mek noise. De waka man aks dem waiti dem wan.
De pipol dem tel i se, dem wan dem chief bak fo layf.
De waka man opin i bag. Tek de kontri grass. I stat tok fo de
grass se: «grass, grass, if yu no se yu bi ma grass, as a rob yu fo de
front head fo dis day body, mek de body kam bak fo layf».
As I finish tok so, i tek de grass rub am fo chief i front
head.
Afta som taym, chief open i fes ay. Den sekon wan. Den jeck i
head, jeck i wuman fut. Den, man fut. Afta, i wekop stat di waka. Taym we pipol
dem si se chief don stan. Ol man stat fo rum.
(interruption): Audience: yu don foget som tin. No bi na so
we, wa grau papa dem bi tel wi de tori.
Befo de waka man be wan muf i grass. I aks dem pipol se.
Narrator: oh yes, yu no se ol age do di cash mi ma pikin
dem.
Narrator continues: as i muf de kontri grass, i aks de pipol
dem mek dem stay kwayt.
De pipol dem stay kwayt. I aks dem waiti dem wan.
Ol dem ansa se: wi wan wi chief bak. If a bring wona chief bak
fo layf waiti wona go gi mi?
Dem pipol dem se: ol tin, ani tin we yu wan, wi go givam fo
yu.
I tel dem se, i wan na chief i nayf an it coat. De pipol dem
no waist taym, dem gi i waiti i aks.
I tank dem. Den i muf i grass fo i bag. Tok fo de grass se:
«grass, if yu no se yu bi ma grass, as i di rub yu fo de front head fo dis
day bodi, mek yu bring i bak fo layf».
I rub de magik grass fo de day bodi i front head. As i rub am
so, de chief opin i fes ay. I opin de sekon wan, i torn i body, den i wekop.
Na so pipol dem di run ol sayd.
Wen de man fini du old is tin, i go mitop i fren. Den dem stat
amoda waka egen.
As dem di waka di go, de shot man tel i fren waiti fo du fo de
nest village. I se, fo de kontri we wi di go, som fayn girl dede. Plenti pipol
dem don kam fo mari tam.
Bet, i di dinay. I kondishon na se: i go mari man we i go
bring i wata god i head. An no man neva sokcid fo bring de wata god i head.
De girl di shaym layk mun nayt. Wan de, de girl bi di go
maket. De waka man follo i. Fo rot, i aks de girl se waiti man fit du fo mari
i?
De girl tok fo de waka man se: i go mari man we i go dash i
wata god I head.dis wata god di stay na insayd wata.
I toke gen se: Ani man we i go bring mi de head fo dis god
we i di stay insayd wata, na yi we a go mari am.
A go mek som pati, an na fo de a go chus ma masa.
Afta we dis girl finish tok so, i go. Bet as i bi di go, de
waka man di follo yi fo back. I di waka di hayd i sef mek dis girl no si i.
Dis girl bi di go fo wata fo go mitop i masa we i bi bi na
dis wata god. Taym way dis girl rich fo wata.
I luk fo i wuman han, den man pikin han. I no si no man. I
klap i han, den enta insayd wata.
De waka man bi di si fayn, fayn ol tin we i bi di hapin. De
wata god bi kanot onda wata fo kam tek dis girlden i enta wit i insayd wata. De
wata god bi gi dis plenty moni an fayn fayn chain dem tu.
De waka man go mitop i fren. I tori yi ol tin we i si fo
wata.
De shot man tel i se, i no waiti fo du. An se i no wu bi de
wata god. I tel de waka man se na yi go mari de girl. An se den most go fo dat
pati.
I tel am se, befo wi wan go, wi get fo du smol wok. I tel de
waka man se:» yu go go onda wata ples we de wata god di stay. Yu go yus de
knife we wi bring am fo de chief. Opin de wata god I dor.
Yu go mitop i we i di slip. As yu rich we i de fo slip, kut i
head. Put am insayd de coat. Swim bak fo graum. Taym we yu don kam bak, wi go
tek de head go wit am fo pati.
De waka man stat i waka fo wata. As i rich, i mitop se de wata
god di slip. I enta insayd i haus. I kill i. Kut i head. Swim kwik kwik bak fo
graun ples we de shot man di di wayt i. De wata god i head bi de insayd
coat.
De neks de bi bi na pati d. Dem kari de wata god i head fo
pati. Taym we dem rich, na so ol ples bi don flop wit pipol. Plenty oda pipol
dem to dem bi wan mari dis girl. Ol man bi di shayn, wit fayn fayn klos fo
skin. Bet dis shot man an i fren dem bi get okrika fo dem skin. No, man no bi
get dem taym.
Ol man bi don kam, dis girl tanap, i tok fo pipol dem se:
wona no waiti we a wan.
(audience in chorus): « de wata god i head». Dis
girl se: a go mari na man we i go gi mi wata god i head. Pipol dem no bi no
ples fo go tek de head. Som dem stat veks.
Dis shot man stat di force i sef ples we dis girl bi di
shidon, foseka ples bi don stat blak. I kan kona de girl.
I aks de girl se:» yu go wan fo mari ma fren if I gi yu
waiti yu wan?» Ol man stat di laf. Som pipol dem se: na yu go fit mari
i?
If beta pipol dem no soksid, na yu go du waiti?
De shot man call i fren. Bet ss de waka man di waka, de coat
we i bi di kari de head gus opin. Som shayning layt kanot insayd de coat. De
wata god i head stat di shayn ples. De waka man put de head fo daun mek ol man
si am. Na so pipol dem di wanda. As dis girl si de head, i tanap.Waka, go fo de
waka man i front. Stat fo kray: mari mi. Mari mi. A beg mari mi.
Na so de waka man mari dis girl. I tek i bak fo i papa i
compound. Taym we i papa si as i di kam. I bi ova glad. I bi kam bak wit wuman
an plenty moni.
Narrator: No matta hau lon yu di suffa fo layf, yu no get fo
surrenda.
No fruit no di rayp if i no blak fes.
|
11. Le mariage du voyageur et de la femme du dieu des
eaux
Autrefois, dans un village, vivait un homme qui avait un
enfant, un garçon. Cet enfant grandit et devint un adulte, il pouvait
faire pleurer une femme au lit. Il avait beaucoup de barbe comme son
père.
Un jour, le père pensa qu'il était temps de lui
donner sa liberté. Il lui donna cinq pièces d'argent pour se
lancer dans la vie. Mais le fils n'a pas été content de cette
somme d'argent qu'il trouvait très dérisoire.
Toutefois, il prit l'argent avec un regard d'insatisfaction et
le mit dans sa poche. Pour manifester son mécontentement, il rechigna
plusieurs fois, sans toutefois savoir ce qu'il allait faire de cet argent.
Finalement il entrepritde faire un long voyage. Il se
mit en route, il marcha, marcha, marcha pendant très longtemps et
arriva dans une certaine ville.
La vie en communauté n'était pas un
problème car, son père lui avait déjà appris.
Mais, il vit une histoire très étrange. A l'entrée de la
ville, il se trouva face à un corps sans vie. Il fut terrifié
car, ce sont des choses que l'on rencontre difficilement dans son village, un
corps donc personne ne réclame.
Le jeune garçon n'était pas au bout de ses
surprises, puisqu'il se rendit compte que des gens qui se tenaient tout au tour
du corps, au lieu de pleurer donnaient plutôt sérieusement des
coups de fouets à ce cadavre.
Malgré la peur qui l'envahissait, il se rapprocha
courageusement de la foule et demanda : « pourquoi donnez-vous
des coups de fouets à ce cadavre ? » Ils lui
répondirent : « c'est parce qu'il nous doit de
l'argent ». Le jeune homme demanda ensuite : « combien
vous doit-il ? » Le premier répondit :
« deux pièces d'argent ; le second répondit :
trois pièces ». Le jeune homme paya les dettes du cadavre.
Ensuite, il leur demanda d'enterrer le corps, sans
hésitation, ses tortionnaires l'enterrèrent aussitôt.Une
fois cela fait, le jeune homme reprit son chemin et arriva cette fois -ci
dans une autre ville.
A l'entrée de cette ville, se trouve un champ de
raphia, ce champ de raphia est situé à côté du
marché. A cet endroit, se trouvait un vieillard ; c'était le
cadavre qui avait été enterré dans l'autre ville.
Mais, le jeune voyageur n'avait pas reconnu la personne, parce
qu'il ne pouvait pas `imaginer que l'on puisse revenir à la vie
après la mort.
Le vieillard vendait un délicieux vin de raphia. Le
voyageur lui demanda s'il pouvait goûter de son vin ? Au moment
où il posa la question, le vieillard avait les yeux
baissés ; puis le vieillard se retourna, leva les yeux et reconnut
le jeune homme.
Il lui donna du vin à goûter. Observant la
réaction du jeune homme, le vieillard lui demanda pourquoi il
avait l'air si inquiet ? Le voyageur lui répondit : c'est
à cause de ce que j'ai vécu sur mon chemin. Il relata au
vieillard tout se qu'il avait vécu durant son parcours.
Le vieillard lui demanda sa destination. Il dit au
monsieur : « mon père m'a donné de l'argent
pour me lancer dans la vie, c'est avec cet argent que j'ai payé les
dettes du cadavre. Maintenant, je ne sais plus quoi faire ». Le
vieillard lui demanda de ne pas s'inquiéter car, quelque soit la
durée de la nuit, le jour finit toujours par se lever.
Après avoir bu le reste de vin, les deux personnages se
mirent en route pour poursuivre le voyage. Le jeune homme demanda alors au
vieillard : « où allons-nous ? » Il lui
répondit : nous allons dans un village voisin.
Dans ce village, ces gens viennent de perdre leur chef. Il
cherche à introniser un nouveau chef car, le précédent est
décédé. Le vieillard dit au jeune homme : prend cette
plante médicinale, elle nous sera utile à notre arrivée.
Nous trouverons une foule désespérée et
abandonnée, cette population a un seul souhait, chercher celui qui
pourra redonner la vie à leur chef. Cette plante t'aidera à
redonner la vie à leur chef. Une fois sur place, demande à voir
le corps, lorsque tu seras face au corps, frottes cette plante gentiment sur le
front du chef ;cependant prend garde, tu ne dois accepter aucune
récompense de la part de cette population . Cependant, si l'on t'offre
un petit couteau et une veste ayant appartenu au chef, accepte-les, car, ces
choses là nous serions utiles pour la suite de notre voyage.
Arrivés au village, ils trouvèrent une
population endeuillée comme le vieillard l'avait prédit.
Le jeune homme se rapprocha de la foule, il demanda à
l'assemblée de faire silence et tout le monde se tût.
S'adressant à la foule, il posa la question
suivante : que désirez-vous le plus en ce moment ? Ils
répondirent à l'unanimité : nousvoulons notre chef.
Votre chef ?
Réprit -il. La foule répondit : oui notre
chef. Le jeune homme leur demanda : si je ramène votre chef
à la vie, que me donnerez-vous en retour ?
Ils répondirent : tout ce donc tu auras
besoin.
Il leur dit : j'aurai juste besoin du couteau de chasse
et de la veste que votre chef aimait à mettre. La population s'empressa
de lui donner ce qu'il avait demandé.
Il demanda à voir l'endroit ou le chef était
couché. On le conduisit dans une chambre noire, là ou
était couché le corps. Malgré l'obscurité, il
parvint à retrouver la position de la tête du cadavre.
Il retira la plante de son sac et s'adressa à elle en
ces mots : « Herbe, herbe, si tu sais que tu es mon herbe, en te
frottant sur le front de ce cadavre, ramène-le immédiatement
à la vie ». Une fois ces paroles finies, il prit l'herbe, et
la frotta sur le front du cadavre.
Quelques minutes après, le chef ouvrit le premier oeil,
ensuite le second, puis il redressa le buste, ensuite tendît le pied
gauche, puis le pied droit et se leva.
Certaines personnes qui suivaient le scène, pris de
panique et de stupéfaction, se mirent à fuir, mais, après
quelques moments de calme revinrent sur leur pas.
Après cet exploit, le voyageur retrouva son ami et ils
poursuivirent leur voyage.
Sur le chemin, le jeune homme demanda à son
compagnon : où allons-nous cette fois-ci ? Il lui
répondit : nous allons dans le prochain village. Dans ce village,
se trouve une belle jeune fille. Cette jeune fille rejette tous ses
prétendants.
La condition pour l'avoir pour épouse est que son
prétendant lui offre la tête du dieu des eaux.
Jusqu'à ce jour, personne n'a réussi à
lui offrir ce qu'elle demande. La beauté de la jeune fille était
si impressionnante qu'elle attirait des foules immenses.
Le jeune voyageur tomba sous le charme de la jeune fille et se
demandait comment faire pour avoir la main cette demoiselle.
Un jour , sur la place du marché, il aborda la jeune
fille et lui demanda comment faire pour l'avoir comme épouse. Elle
révéla au jeune garçon que son plus grand rêve,
c'est d'avoir en sa possession la tête du dieu des eaux et que ce dieu se
trouve dans la rivière qui longe le village.
Celui qui m'offrira la tête du dieu des eaux pendant le
bal que j'organiserai m'épousera : lui dit-elle. Le dieu des eaux
était en effet le fiancé de la jeune fille et ce dernier habitait
les profondeurs des eaux. Fiancé qu'elle a eu à accepter sous la
menace de son père.
Après cette conversation, la jeune fille se rendit
à la rivière. elle avait été suivie
discrètement par le jeune homme.
En fait, une fois à la rivière, la jeune fille
devait émettre un signal pour que son fiancé sorte de l'eau et
vienne la chercher. Le jeune garçon avait trouvé refuge
derrière un arbre, il voyait et entendait ce qu'ils se disaient.
Après cela, il rentra au village raconter tout ce qu'il
avait vu et entendu à son ami.
Après avoir entendu cela, le vieillard dit au jeune
homme, dans ce cas, je sais ce qu'il faut faire pou avoir la tête du dieu
des eaux.
Il lui dit : avant qu'on ne prenne part à ce bal,
tu iras sous les eaux où habite ce dieu des eaux ; utilise le
couteau que nous avons ramené de chez le chef, une fois à son
domicile, tu le trouveras endormi ; décapite-le et enveloppe sa
tête sous la veste du chef et revient immédiatement sur la
rive ; ensuite nous apporterons cette tête au bal de la jeune
fille.
Le jeune homme fit ce que le vieillard lui avait
demandé, puis, le lendemain matin, ils apportèrent la tête
du dieu des eaux enveloppée dans la veste au bal de la jeune fille.
Plusieurs prétendants étaient présents
au bal. certains étaient couverts d'or et d'autres ornements
précieux. La jeune fille n'était malheureusement ni
impressionnée, ni séduite par ces jolis costumes, la seule chose
qui importait pour elle était la tête du dieu des eaux.
Elle cria à haute voix ; je ne désire de
vous qu'une seule chose, la personne qui possède la tête du dieu
des eaux me l'apporte et il sera mon époux. Le vieillard força le
passage et se rapprocha de la jeune fille. Elle lui demanda : veux-tu
épouser mon ami ? Tous les invités se moquèrent de
lui.
Le vieillard appela son ami qui se trouvait dans la
foule ; pendant que le jeune homme s'avançait, la veste qui
enveloppait la tête du dieu se détacha et la tête tomba.
Une grande lumière sortit de la veste et toute la cour fut
illuminée.
A la grande surprise de tous, il jeta la tête du dieu
des eaux par terre aux yeux de tous. Quand la fille vit cela, elle se jeta
dans les bras du jeune garçon en criant : épouse-moi.
Epouse-moi. Le jeune garçon l'embrassa au grand mécontentement
des autres prétendants. C'est ainsi que le jeune homme retourna dans le
village de son père avec une femme et beaucoup d'argent. Quelques soient
les difficultés de la vie, il ne faut jamais se décourager.
Un enfant ne marche pas sans avoir rampé.
|
12. De oridjin fo mystery fo day: mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Narrator: man wu di kam visito an i no de tok?
Audience: win
Narrator: No'oo
Audience: air
Narrator: Noo,ok as wona no fit tel mi, wona gi mi om chif.
Audience: tek de Mundun pipol dem chief.
Narrator: I tu smol fo mi
Audience: Tek bano pipol dem chief
Narrator: I go tek i, mek i chief, an i go tel wona se visitor
we I di kam no tok na day.
Ol bi stat na fo village.
Fo dat fes fes taym, pipol dem bi di lif fo long. Dem no bi di
day.
Old pipol dem bi di young bak afta som taym. Day bi dis stay
wit man. I bi di go fo pipol dem haus. Man an day dem bi get gut relayshon.
Man tu bi di go visit day. So as man di visit day, na so day
tu di go waka fo man.
Bet, som taym bi kam we, taym we day di visit man, man no di
go visit i, foseka i bi bi na taym we man be ge plenti fam wok.Dis relayshon we
na onli wan man di go luk i fren no bi fyan fo day i hat. So, day no bi layk
am. An de tin stat di mek day di veks plenti.
Na so day start fo veks, veks, veks. An di stat fo tin fo
waiti i go du.
Som wuman bi fo dat village. De bi get seven pikin. Eni de,day
di go luk di wuman. Bet de wuman bi ova bisi o I no bi fit go fo day i haus.
So, as de di go, no so day di visit dis wuman. Wan de, Day
disayd fo go wit de head fo de family. De wuman til no go fo day i haus.
I bi check se i man go kam bak. I wait, wait, sotay. Bet i man
no kam bak fo haus. Afta som taym, day kam bak. Bet i kam empty han. I no bring
de head fo de family.
Day kam bak som de we dis wuman bi di kuk fufu.
Day tel i se, a no di glad wit yu. I aks dis wuman way i no
di kam fo i haus.
Dis wuman no ansa i. Day aks dis wuman if i fit kam fo i
haus. De wuman no stil ansa day.
Day aks egen: yu go layk fo kam fo ma haus?
Dis wuman stat fo veks. I tek i motta stik. Nakam fo day i
head.
waka fo de hole village. I di go wan ples, den anoda. Di tell
pipol dem se day na bad person. Se day di bring trobul fo village.
Na since dat de we, day an man dem stat bi layk wata an faya.
Dem kam bi na enemi fo layf. Na foseka dis wuman we no man no no taym taym w
day di kam. Only foseka I no bi wan go fo day I haus. An nau ma no no taym wa
day di kam fo I haus.
Na de end fo ma stori dat.
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12. L'origine du mystère de la mort
Narrateur : qui est qui rend visite sans informer ?
Audience : le vent
Narrateur : non
Audience : l'air
Narrateur : non. Puisque vous ne pouvez donner une
réponse correcte, donnez-moi un chef.
Audience : nous te donnons le chef de Mundun.
Narrateur : il est trop petit
Audience : prend celui de Banso
Narrateur : je le prends et je l'intronise et je le mets
sur le trône pour vous dire que celui qui vient sans informer est la
mort.
Je vais vous raconter comment tout a commencé dans ce
village. Au commencement, les gens vivaient sans mourir. Les vieilles personnes
retrouvaient leur jeunesse après un certain âge.
La mort et les hommes cohabitaient. Elle rendait visite aux
gens, car ils entretenaient de tres bonne relation. L'homme aussi en retour
rendait visite à la mort.
Mais, il fut un temps où la mort rendait visite
à l'homme, mais l'homme de son coté devenait de plus en plus
absent, ceci était du au fait que à cette période de
l'année, l'homme était occupé par les travaux
champêtres. D'où on eloignement. Cette amitié à sens
unique n'arrangeait pas du tout la relation entre l'homme et la mort. Ainsi,
malgre tous les effot fournis par la mort pou consolider cette relation, pour
se rapprocher de l'homme, ces efforts etaient toujours vains. Tous ces
refoulements de la part de hommes eu égard de la mort contribuaient
plutôt à le mettre en colère.
C'et ainsi que la mort eu l'idée de prendre l'homme
sans plus jamais le ramener.
Il y avait dans ce village une femme qui avait sept enfants.
La mort rendait contament visite à cette femme. Mais cette derniere
était indifferente à sa presence.
Alors, un jour, la mort decida de prendre son mari vers une
destination inconnu, croyant pou cela attirer l'attention de la femme.
Hélas, non.
un jour où cette femme préparait le couscous de
maïs, la mort arriva et lui dit qu'elle n'est pas du tout contente
d'elle.
Elle lui demanda pourquoi elle ne lui rend plus visite. La
femme resta sans mots dire
. La mort dit à la femme : aimerais-tu me rendre
visite ?
La femme, pris d'une colère ramassa le pilon
à l'assena sur la tête de la mort.
Ensuite, elle alla de maison en maison raconter que la mort
était devenue nuisible. C'est depuis ce jour, que l'homme et la mort
devinrent de grands ennemis. La mort se mit à rendre visite à
l'homme, mais d'une autre manière, c'est-à-dire sans toutefois
lui faire part de son arrivée.
C'est à cause de cete femme que la mort est devenue un
trouble fete dans la vie des gens. C'est pour cette raison que l'homme ne
connaît ni le moment, ni l'heure de la mort.
C'est la fin de mon histoire.
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13. Way man di day fo eva? :mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Long long taym, pipol dem bi di day, den dem kam bak fo layf.
Layf fo dat taym bi bi eternal. Pipol dem bi di kam bak fo layf afta we dem don
day. Old pipol dem bi di day. Afta,som taym dem kam bak fo layf an dem bi
young.
Audience: Na waiti yu min se: day an den kam bak fo layf
young?
Narrator continue: wuna don eva si snek.
Audience: na waiti bi wrong wit snek?
Narrator: wen snek don old, hi di muf i old skin an den turn
bak layk young snek. So taym we pipol dem bi di day, i bi bi na taym fo dem fo
muf dem old klos, den kam bak young.
(audience nod).
Afta som taym, population stat plenti. Old pipol dem no bi
wan mek young pipol dem expresss dem aydya. Old pipol dem bi wan show ova sabi.
Wan de, som big kwerel stat bitwin ol animal, an pipol. Dis
kwerel bi bi na sa: wada if man day, i get fo kam bak fo layf.
De palava bi na se: if man day, i fit kam bak fo layf.
Som pipol dem se: if man day, i no get fo kam back fo
layf.
Den, som oda wan dem se: if man day, i get fo kam back fo
layf. Dis kwerel bring plenti trobal fo village. I bi difficult fo solve dis
palava. Na only god bi fit stop am.
Dis kwerel bi divid pipol fo tu grup. Wan de, god call de
chief fo de tu grup.
I tel dem mek eni man bring oda fo i grup. Bet dem no soksid
fo bring oda. Kwerel dem bi stil di continu.
God call de chief dem egen. I tel dem se: taym we dem go get
solution, mek dem send tu pipol. Wan man fo evri grup. At last, dis tu grup dem
tek faymal decision. Den chus tu animal mek dem tanap fo ich grup.
Dis animal dem bi na chameleon an toad.
Toad i grup bi chus na: day den wekop bak. Chameleon dem bi
chus na: day no kam bak fo layf. Just go fo eva.
Audience: So na chameleon mak am mek wi day fo eva?
Narrator: yes, na hi.
Audience: if eva a si chameleon, a no fit lif i a layf.
Narrator: bekos na yi go lif yu.
(Every body start fo laugh)
Dis tu animal dem stat dem waka fo go si god. Foseka,i bi bi
se, na de fes person we I di ich fo god, na i ensa ol man di adopt am.So eni
man bi get fo tay ol I bes fo rich fes fo god in front. De stat, dem waka. As
dem di waka di go, eni man di ripit i message.
As toad di waka i di ripit: day an kam bak fo layf.
Chameleon fo i sayd di waka di ripit: day an no kam bak fo
layf. Ol dem tu, eni wan fo i side, di waka di tok according fo waiti i pipol
dem tok.
Pipol dem fo Toad i side dem bi nau se na yi go rich fes.
Bekos chameleon no di waka kwik kwik.
Narrator: Bet yu nau waiti hapin?
(Narrator opens his eyes wide opens and wrinkles his face).
Audience in chorus: Nooo.
(Narrator continues). As toad bi di waka di go, fo rot i si
swamp fo termites flying.
Chameleon bi still de rayt fo bak. Toad bi ting se i fit stop
smol. Chop, befo i continue i waka.
Langa bi tu moch fo toad. So i stop. Stat fo chop termites.
As i di chop so, i foget i sef. I no si taym we chameleon kam
pass if fo rot. Bet chameleon bi si yi. As i si yi, chameleon stat di waka
sofli sofli mek i fren no hya as i di pass.
Toad bi stil de fo bak di chop. I no bi fit imajine se
chameleon don waka, sotay kam pas i fo rot.
Wona nau se dat fes taym, pipol dem bi di sen dem nyus wit
drom.
So, taym we Toad i mayed kam bak se I de fo mision. Na dat
saim taym i hya drum di bit. I no bi fit bilif se chameleon don pass i yi fo
rot. I sent I ia a egen. I hya as drum di sing. De drum bi di sing se:
- If yu day no kam back fo layf.
- If yu day no kam bak ooo.
- If yu day yu mos go i go go.
Dis nyus go rich sotay fo ol ples.
Toad stat fo waka kwik kwik fo stop chameleon. Bet chameleon
bi don olraydi finish fo tokn i message.
Toad bi wan kansel de message. Bet god bi don hya. No we no bi
de fo kansel de nyus gen.
Na de ting dat we, taym we man di day, i di go fo eva. I no di
kam bak.
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13. L'origine de la mort éternelle
Autrefois, les gens mourraient puis revenaient à la
vie. La vie à cette époque était éternelle. Il y
avait la résurrection après la mort. Les vieilles
personnes mourraient t apres quelques temps ils revenaient à la vie
étant cette fois la jeunes.
Audience : Qu'entends-tu par mourir et revenir
jeune ?
Narrateur : Avez-vous déjà vu un
serpent ? audience : Et qu'arrive-t-il au serpent ?
Narrateur : à la vieillesse, le serpent se
débarrasse de son ancienne peau pour devenir jeune. C'est exactement ce
qui se passait à cette époque.
Mais, à un certain moment, la population devenait
nombreuse.Les vielles personnes ne permettaient pas aux jeunes gens de
défendre leurs points de vue, leurs idées.
Un jour, une querelle éclata entre tous les animaux et
les hommes à propos du phénomène de la
résurrection. Le problème cette fois-ci était de savoir si
l'homme ou l'animal doit mourir d'une mort éternelle ou alors l'homme
doit-il mourir et revenir à la vie ?
Un groupe de personnes et d'animaux étaient pour la
résurrection après la mort.
Et l'autre était contre la résurrection
après la mort. Cette situation devint difficile de les
départager.
Dieu voulait résoudre ce problème. Il fit appel
aux deux camps. Et leur demanda de trouver une issue à leur
problème. Les hommes se mirent à se tirailler. Dieu les
arrêta. Il demanda à chaque groupe d'envoyer un émissaire
qui viendra lui communiquer la décision finale.
A cette époque, le seul moyen de communication
était le tam-tam. Les gens sont finalement parvenus à un
consensus. Ils envoyèrent deux animaux. Chaque animal
représentait un groupe. Ces différents animaux étaient le
caméléon et le crapaud.
Le crapaud représentait le groupe de ceux qui voulait
la résurrection après la mort. Et le caméléon
représentait le groupe de la mort sans résurrection
c'est-à-dire, la mort éternelle.
Audience : donc c'est le caméleon qui est à
l'origine de la mort eternelle ?
Narratur : oui, c'est lui
Audience : si jamain je croise le cameléon sur mon
chemin, je ne le laisserai pas partir
Narrateur : comme si c'est lui qui te laissera partir.
(la foule éclata de rire)
Les deux animaux se mirent en route chacun cherchant à
delivrer son message le premier. Sur le chemin, chacun de son coté
recitait le message qu'il fallait delivrer
En fait, c'est celui qui arrive sur les lieux le premier
(devant dieu), c'est ca reponse qui est prise en compte.
Ceux qui étaient pour la résurrection
après la mort étaient convaincus qu'ils allaient remporter la
partie, puisque le crapaud allait arriver en premier.
Narratur :Mais savez-vous ce qui arriva ?
(Audience en choeur) : Nonnnnnn.
Narrateur : le crapaud, sur son chemin découvrit
une termitière. Le caméléon était encore
très loin derrière. Le crapaud s'arrêta et se mit à
manger les termites. Il mangeait au point ou, il oublia eme sa mission.
Pendant qu'il mangeait, le caméléon
malgré sa marche plutôt nonchalente, parvint à rattraper le
caméleon. Il vit tres occupé à manger les termites et
s'empressa de passer sans toutefois se faire remarquer.
Il avança dans la direction de dieu.
Le grapeau ne pouvait pas imaginer un eul instant qu'il avait
été distancé par le cameléon.
Alors, malgré sa lenteur, celui-ci parvint à
arriver le premier devant Dieu et il délivra son message.
Aussitôt, le song du tam tam se fit entendre : si
on meurt, on ne doit plus revenir à la vie. Si quelqu'un meurt, cette
personne doi partir definitivement.
Le crapaud sursauta lorqu'il entendit ce message. C'est
à cet instant là qu'il se rendit compte de sa betisse, mais
c'était trop tard. Il courru d toutes ses forces pour essayer de
rattraper le cameléon, mais ses effort étaient vins. Il voulait
annuler le message. Mais cela était impossible car, dieu l'avait
déjà entndu et communiquer aux autres la decision finale. Le
tam-tam continuait à parler.
-si l'on murt, on ne revient pas à la vie
-si l'on meurt c'est une mort definitive
-si l'on meurt, il n'ya plus de ressurection. La nouvelle
avait prendu toute la terre.
Le crapaud rentra tout honteux.
C'est à cause de la gourmendise du grapeau que l'homme
meurt sa plus jamais revenir à la vie.
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14. Way god bi gi man kutlas an ho? :
mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
0Fo dat fes fes taym, god bi mek dis graun. Afta we i don mek
de graun, i bi si se ol tin de olrayt. So i go yi bak fo heven.
I sidon fo heven sotay pipol fo daun dem stat fo komplen.
Dem bi di komplen becaus dem no bi get waiti fo du alon de de. No okupation,
notin no bi de fo mekam mek dem wok.
God bi di g idem honey vri day. Bet, pipol dem no bi hapi. An
na so trobul tu stat. Evri tin torn na up sayd daun.
No man no bi wan si i fren. As pipol dem no bi get som tin fo
du, dem stat get bad bad adya. Som oda pipul dem stat fo koch koch god.
So god hya dem komplen. I send fo dem tu fren: kutlas an ho.
Kutlas fo man pikin an ho fo wuman.
Dis tu tin tich dem ha fo wok. Man stat bi veri bizi. Man no
bi di hongri egen. No man no bi get taym fo oda man.
Pipol dem bi very bizi. Man no bi di hongri egen. Ho an
kutlas bring pice fo village.No man no bi get taym fo go visit i fren. Trobel
finish fo village. Ho an kutlas bi ova mek pipol mek dem bizi an mek dem tin
oda tin fo dem head. Dem bi di wok big big fam. Plant cassava, koko,
jamajama.
Maket de bi bi na taym we ol man bi fit enjoy i sef.
Wumen dem bi di torri na only taym we dem di kuk. An man only
taym fo chop.
Since dat taym pipol dem no bi hambok god egen. Dem no bi di
aks se na wu bi god egen. Insted, ol man di strogle fo tank god fo de gud tin
we i du. Na de ting dat pipol dem di pre god foseka dem di fya se god fit kam
tek i ho an i kutlas bak.
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14. Pourquoi Dieu donna à l'homme la machette
et la houe
Au commencement, Dieu créa la terre. Après la
création, il cru que tout allait bien et que les gens n'allaient pas
s'ennuyer. Il rentra habiter au ciel.
Restés su la terre les hommes se mirent à
s'entredéchirer.En fait dieu donna tout à l'homme, c'est lui qui
lui produisait de quoi manger, ce qui fait que l'homme n'avait aucune
occupation à longeur de journée.
Sa seule occupation était de manger du miel que leur
donnait dieu et de rendre viste à son frère.
C'est ainsi que l'oisiveté s'installa.Les hommes
commencent donc à s'ennuyer et cela entraina les troubles dans le
village.
Ensuite, les hommes se mirent à se plaindre et
certains remettaient meme l'autorité de dieu en question.
Finalement, dieu entendit leurs plaintes. Il les envoya deux
compagnons : la machette pour les hommes et le houe pour les femmes.
L'homme se mit à utiliser la machette. Il
réussit ainsi à vaincre l'oisiveté. Il cultivait l manioc,
le macabo, les legumeset ceci le rendait heureux.
Il n'y avait plus de querelles, encore moins des
éclats de voix. Les outils les occupaient à tel point que les
fréquentations devenaient de plus en plus rares. Les seuls jours de
repos étaient les jours de marché ou tous le monde pouvait se
renconter et discuter de leur differentes occupations.
Leur temps libre était uniquement pendant l'heure du
repas ou au coucher.Après cela, les gens voulaient connaître
l'origine de Dieu. Tout le monde se mit à le glorifier et à le
louer.Les gens louaient dieu parce qu'ils ne voulaient pas que celui-ci
reviennent reprendre ce bien que leur procurait tant de palaisir : la houe
et la machette.
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15. Myth we i di tok about orijin fo Bambui pipol
:mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Fo dat fes fes taym, Bambui pipol dem bi di stay wit Tikar
pipol. Bet afta som taym,de Bambui pipol dem separate wit de Tikar, dem decid
fo get dem own ples.
Dem bi get dem chief, de chief I nem bibi na Ntsu.
De chief bi ova get pawa, i bi don fayt wit bush bif dem.
Pipol dem bi di si yi layk som haf god. Na yi bi get fo bring dem fo ples we
dem de nau. Wan de , dem stat fo luk fo dem nyu ples fo stay . Dem stat de
waka.
As dem stat waka o fo dem way, dem si som mysterious smol
rot;dis rot di opin, lok, den stop. As dem di waka, na so di rot tu di folo
dem fo bak. Na de rot di conduct dem. Dis opin, lok,an den stop bi continue fo
som taym, sotay i stop fo som bush.
Na ples we dis smol rot bi stop, na fo de we Bambui pipol dem
di stay sotay rich tude. Afta we ol dem don settle fo de. Dem chief we i nem bi
na Ntu'u disapia. Bet befo i wan go, it tel dem mek dem wet som sign an na dat
sign go tel dem weti fo du.
Dat sign kam layk some voice. So i stat fo tel dem ples we
dem fit di pre dem god. Na so Bambui pipol dem kam get dem on land an dem
built som shrine for dem gods.
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15. Le mythe de l'origine des Bambui
Au commencement, le peuple Bambui vivait avec les autres
Tikar. Il avait pour guide le Dieu Ntsu's. mais cette cohabitation ne mit pas
long feu et les deux groupe deciderent de e separer.Les bambui avaient pour
chef le nommé Ntsu. Ce dernier était reputé d'etre le
plus grand guerrier de la région. Il avait mené des combats
avec les animaux sauvages tels que le lion, la panthère.
Les gens le considéraient même comme un
demi-dieu. C'est lui qui devrait les conduire dans leur nouveau site.
Pendant qu'ils allaient vers leur nouveau site, sur leur
chemin se trouvait un sentier mystérieux. Ce sentier s'ouvrait et se
refermait constamment. Chaque fois qu'ils entreprenaient la marche, ce sentier
s'ouvrait et se refermait.
Finalement, le sentier s'arrêta. C'est la ou le sentier
s'arreta, c'est à cet endroit précis que les Bamboui
s'installèrent.
Le leader qui s'appelait Ntu'u disparu aussitôt. Mais
avant sa disparition, il dit à son peuple d'attendre un signe. Il leur
dit que c'est ce signe qui va les guider. Ce signe arriva. Ce signe vint sous
la forme d'une voix mystérieuse. Cette voix leur montra tous les
endroits où l'on pouvait prier. C'est ainsi que les gens de Bamboui
finirent par s'installer là où ils sont à ce jour et
etablirent un temple pour leurs dieux.
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16. Lak we i bi kari twin dem we dem no bi wantam:
mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Long long taym ego. Som man an i wuman dem bi di stay fo som
village. Dis pipol dem no bi get pikin. Dem fayn pikin fo plenti hye. Bet dem
no bi fit get am. Dis wuman i man i pipul dem stat gi yi ol kayn nem: old yam.
Old tri. Gut fo notin. Di wuman no bi nau weti fo du egen. I no bi di slip egen
fo nayt foseka dis palava pikin.
Yi an i masa dem go fo ol kaym kontri dokta. Bet no medicine
to cure. No pikin. Na so de wuman di kray evri de. Dis wuman mek kontri fashion
fo get pikin. Bet no kray fo pikin fo dat haus. So afta som taym. De wuman bi
taya.
Bet, afta som taym, dis wuman no bi di si i mun egen. Wumen fo
village tek am mek histri. Na onli dat nyus pipul dem bi di tok fo village. At
las, god don hye i praya. Ol man fo village bi di glad.
Even as dis wuman i masa bi di glad. Fo i hat, i di pray se
mek i wuman no bon twin pikin. I no bi wan twin pikin fosekafo dat village,
twin pikin dem get baad lok. Especiali, if dem no fiva.
Wan de, dis man bi wan go waka. I tell i wuman se: «if i
hapin se yu bon twin pikin. Kill wan. I se kill wan». As de man go. De
wuman rimen bon twin pikin. Dis nyus waka layk bush faya. Ol man fo village bi
di glad. Wuman dem mek bon haus fo welkom de pikin dem. Dem evin mek kontri
fashion. Dat is dem plant tu tri fo weklom de twin pikin.
Audience: i bi bi na hukayn tri?
Narrator: Nkeng.
Evri de, pipol dem di danse fo kompound. Bet de mami pikin no
bi ova glad. I no bi gald foseka weti i man bi tell i mek i rimen du. Na only
dat palava bi di ring bell fo i ea. De palabra no bi isi fo i. Ha wuman fit
kill i wan pikin?
Wan de, som man kam tel i se i masa de fo rot. De wuman no bi
don kill wan pikin. So i tek wan pikin hid i fo ceiling. Taym we i man kam
bak. I torri weti rimen happen. Ha i kill wan twin pikin as i bi tok. Fo nayt,
taym fo slip don rich. As de man wan lok i ay. I fil wata fo i body. Dis wata
bi bi na de pikin I pis. I aks i wuman. Husay dis wata di kanot fo ceiling? De
wuman ansa i se: som taym na ren di fol. Yu nau se ceiling no faym. Bet afta
som taym, pikin stat fo kray fo ceiling. Dis man i skin shake. So i disayd fo
climb fo op. As i rich fo ceiling, i si pikin we i wuman bi ram am fo rappa. I
tek de pikin bring am bak fo daum. I tek de pikin, aks i hau boy mek i go
trowe de pikin fo lak. De boy go kwik kwik fo lek. As i rich, i trowe de pikin.
Nau nau so, de lak jus kut into tu. Den klos bak wit de pikin. Dat saum nayt,
de lak veks. Some voice komot insayd de lak. Dis voice hambock ol nayt. No man
no fit slip. De voice se: wuna tin se na fo lak wuna get fo trowe tings dem we
wuna no layk am. I go komot fo wuna village wit dis pikin. A go kari ma wata
go. Hungry go kam fo wuna land. Chop no do bi egen. Afta we de lak finish tok
so, ol ples dray. An na so suffa stat fo dat village. Na fo ha ma stori
finish.
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16. Le lac qui voyagea avec les jumeaux
indésirables
Dans un village vivait un couple. Le couple n'avait pas
d'enfants. Cette femmme fut stérile pendant pluieurs années. Elle
alla même de medecin en medecin, mais elle ne parvint toujours pas
à avoir d'enfant. Ses coépouses se moquèrent d'elle.
Elles la traitaient de tous les noms d'oiseau : bon à rien, arbre
sans fruit, vielle igname. La belle famille demanda même à leur
fils de la répudier.
Malgré, tous les efforts qu'elle entreprit avec son
mari, elle ne parvint toujours pas à concevoir. Elle passa même
par des rites de purification, elle bu tout genre de potion magique, de
breuvages, mais toutes ces étapes furent vaines. Même pas le cri
d'un enefant dans la maison. Elle finit par se décourager.
Mais, après quelques années, elle se retrouva
miraculeusement enceinte. Ce qui faisait la joie de son mari et de tout le
village. Les commentaires allaient bon train ; finalement, Dieu a
exausé ses prières. Bien que le mari fut content que sa femme
soit enceinte, il priait le ciel que de cette grossesse ne naissent pas des
jumeaux, car, dans ce village, il ne fallait pas avoir des jumeaux. Selon la
tradition, les jumeaux sont objet de malchance, surtout lorsqu'ils ne sont pas
identiques.
Un jour, le monsieur entreprit d'effectuer un voyage. Il dit
à sa femme. « S'il arrive que tu donnes naissance aux jumeaux,
tue un enfant ». Ce que ce monsieur redouta arriva. Elle donna
naissance aux jumeaux. Cette nouvelle parcourut tout le village comme une
trainée de poudre. Mais, la maman des jumeaux n'était pas
très contente. Il fallait qu'elle suive les instructions de son mari.
Elle trouva cet acte très difficile à accomplir. Une femme qui
tue l'un de es enfant, ce geste n'était pas trop salutaire.
Un jour, elle fut informée du retour de son mari. Elle
prit peur et alla cacher l'un des enfants sur la toiture. Du retour de son
mari, elle lui raconta comment elle suivit scrupuleusement ses instructions et
qu'elle avait tué l'un des enfants.
La nuit tombée, l'homme allait se coucher. Ce dernier
fut réveillé par des gouttes d'eau qui venait du toit. En fait,
cet eau n'était autre que les urines de l'enfant. Il demanda à sa
femme la provenance de cette eau. Celle-ci répondit que la toiture
n'étant pas en bonne état,et qu'elle laisse passer de l'eau
pendant les pluies. Cette raison n'avait pas convaincu son mari. Car à
l'instant même, l'enfant se mit à pleurer de toutes ses forces.
L'homme prit peur, alla sur le toit et vit l'enfant
enveloppé sur un pagne. Il prit l'enfant et ordonna à l'un de ses
employés qu'on le jette dans le lac. L'employé alla directement
à l'eau et jeta l'enfant dans le lac. Au moment où cet enfant
toucha l'eau, le lac se divisa en deux ;engloutit l'enfant et se referma
sans toutefois le tuer. Une voix étrange sortit de l'eau : le lac
n'est pas un endroit où l'on se débarrasse des objets
indésirables. Je vais me retirer de votre village avec cet enfant.
Après le retrait du lac, une grande disette s'abattit dans toute la
contrée : famine, sécheresse, maladie. Malgré les
sacrifices pour apaiser la colère du lac, la situation perdura. C'est la
fin de mon histoire.
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17. Nyamaboh an i anti : mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Som wuman bi get onli wan pikin. Dis pikin i nem bi bi na
Nyamaboh. Bet dis wuman bi don ol. An de pikin bi stil smol. Som big big sik bi
kam fo dat village. Dis sik kill plenti pipol. Man an wuman dem. Old pipol dem
tu. Nyamaboh i mamy tu bi day. Afta de day,village elda tek Nyamaboh givam fo I
anti mek I luk cu i.
I anti bi get plenti pikin dem. Wuman pikin an man pikin. As
Nyamaboh rich dat haus,i turn na boy boy fo i anti i haus. Na yi di du ol wok.
Suffa bi fit kill i. Na yi di wash klos, na yi di wok fo fam. Na soso yi di go
kari wata an faya wood. I no bi get smol taym fo rest fo I sef.
Renig season kam. Ren bi di fol evride. No stop. Moni sotay
ivnintaym. Faya wood no bi de egen. Pipol dem get fo waka fo long long distans
befo dem fit get som tin fo put am fo faya. Som dem di evin kros mountain, riva
befo dem wan si faya wood. An na so Nyamaboh tu bi di waka unda dis ren fo
get fayawud.
Wan de, faya wud no bi bi fo haus. Nyamaboh go fo luk Wud. I
bi stay de hole de fo bush. I stay so foseka i no bi di si wud. So i waka, waka
fo veri long distans befo i wan si wud. I si som fayn wud afta way i don taya
wit waka.
Bet i wan si am so nayt bi don stat rich. Ples bi di dak. I
tek de faya wud. Bet i foget i kutlas fo bak. Dat de, ren bi tumuch. Onli wan
drop bi fit kil man. De drop bi de layk se dem di shut yu ston.
Na so de puo boy di struggle unda de ren fo bring bak ud fo
haus. At last, i rich haus. Ol ples bi don dak. I trowe de fayawud fo baksayd.
No man no kam helep i. No man no kam welkom i.
Na I anti i voice welkom I wit hala i hya: bring som fayawud
hya, ples di kol. I stat fo luk fo kutlas fo kot de rop dem, bet, de kutlas no
bi de. I luk am ol ples, bet i no bi fit si de kutlas. Bad luck.
I anty komot fo haus. I kam mitop i fo autsayd. I ask i: husay
de kutlas de? Nyamaboh ansa: i foget de kutlas fo bush. De pikin no finish
tok. I anti jump fo i nek layk Tayga. Bit am wit ol pawa.
Afta i don finh bit I o,i tel i se: yu no go slip fo dis
haus tude if yu no bring ma kutlas. Na ples we ma kutlas go slip, na fo de we
yu tu go slip.
De innoncent puo boy go bak fo bush. Onda de ren.
(Audience sympathises and some were sighing. Somme with their
hands on their cheeks and putling on melancholic appearance).
Narrator continues: de fes tin we i kam fo de boy i head na
se mek i run de haus. I stay kwiet fo som taym. I tok fo i sef «If a run
nau, husay i go go? Sofa go owa enta ma bodi» Den some anoda idea kam fo i
maynd. «If a enta bush some bush bif fit chop mi. A fit envin day fo
bush». Bet, a mos go. «A gogo. A bi man. Man na man».
Ol ples bi don dak. I no bi di si rot faym; fya bi flop i
hat. A no fit tel wona hau meni taym i bia bi stan fo i head. Hau meni taym i
fol fo rot.
Bet , de boy bi stil continue i waka. As i di waka, i enta fo
som tick bush. Ol ples bi dak. Na so blood di waka fo i skin. As i di waka, i
mitop som old wuman. Ol i skin kol. I bi wan run. Bet, no we. De old wuman tel
yi se: «a no waiti yu di faym am. Yu di fayn na yur kutlas. A no ples we i
de. Evin if I gi yu, yu no fit go bak fo yur haus tude. Pels di ova dak. Yu go
slip fo hya. Tek dis faya wud insayd dis ol wuman i haus.»
Bet ples bi ova dak.I no bi di si eni tin. Bet, i tek de wud
insayt haus. De old mamy tank i. Afta, de old wuman tel i se mek i boss i koro
koro fo skin. De boy no tok . i stat fo boss koro koro fo dis wuman i skin.
Taym fo slip, de mamy tel i se moskito plenty fo yi haus, an se de moskito dem
na i fren. Mek i no kill dem fo nayt.
De hole nayt. Moskito di chop de boy. Bet de boy no bi fit
kil dem. Fo moni taym, ol de boy i skin bi kova wit blood. De wuman gi i bak i
kutlas. Afta, i gi wan egg. I tel i se mek i brok de egg only taym we i don
rich bak fo haus. De boy tek de kutlas an de egg. Wit fya fo bele, i stat fo
run. I run sotay i rich haus. As i rich de hau, i fes go hayd i egg an den I
go gi i anti i kutlas bak.
De neks de, i go fo i papa i compound wit de egg. I go stan
fo i mama i buring graun. Na fo de i broke de egg. As i broke am. Nau nau
plenti tin dem komot insayd de egg. Som big haus, plnti moni, fam, domestic
animal,plenty bag fo rice.
De boy I life change.I be kam som big big man fo village. Veri
rich man fo village. Na so i anti i pikin dem turn na boy boy fo i haus. Na de
end fo ma tori dat.
Audience : Nobi so dat tori di finish.
Narrator : yu fit finisham. Ova sabi bi kil arata.
Audience: i anti tu bi send i wan pikin tu.
Narrator: na different tori dat. Na tumoro a go tel wona dat
wan if i stil de elayf.
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17. Nyamaboh et sa tante
Il était une fois, une femme vivait dans un village.
Cette femme avait un seul enfant, un garçon appelé :
Nyamaboh. Un jour, le village fut atteint par une terrible
épidémie. Cette épidémie emporta beaucoup de
personnes dans le village parmi lesquelles la maman de Nyamaboh. Nyamaboh fut
ainsi confié à sa tante. Cette dernière avait beaucoup
d'enfants plus âgés que Nyamaboh. Malgré son jeune
âge, le jeune garçon devint l'esclave de la maison. C'est lui qui
s'occupait de toutes les tâches. Toutes les corvées reposaient
désormais sur ses épaules. Il était seul à faire
les travaux champetres, c'est lui qui faiait la cuisine, qui puisait d l'eau.
C'est encore lui qui doit aller chrcher le bois pour la cuison. Tout cela
était possible parceque c'était pendant la saison
sèche.
Quelques mois après, ce fu la saison pluvieuse. Le
bois de chauffage devenait rare. Il fallait parcourir de longues distances
pour trouver du bois. Il faillait à certains moment travrser des cours
d'eau, aller à l'autre versant d'une montagne,et parfois même
passer de nuits entières dan la foret.
Un jour, malgre la forte pluie qui s`abattait, Nyamaboh alla
à la recherche du bois, parcequ' il n'y avait plus de quoi cuire la
nourriture. Il parcourut de longues distances parce que de plus en plus le bois
se faisait rare. Il passa toute la journée dans la forêt.
Finalement, à la tombée de la nuit, il réussit à
trouver du bois mot.Il s'empressa de faire un bon fagot de bois, fagot qui
pouvait tenir pour la semaine. Il pleuvait de plus en plus fort, les gouttes
de pluie lorsqu'elles touchaient le sol, ressemblaint à de grosses
pierres que l'on lançait. Elles etaient même capable de vous
arracher la peau.
Avec l'obscurité qui s'abattait sur la forêt,
l'enfant s'empressa de porter son fagot. Mais, dans la précipitation et
la peur du noir et surtout avec cette pluie incessante, il oublia la machette.
Il se débâtit sous cette pluie, malgré la fatigue et la
famine, et arriva à la maison dans un noir total.
A don arrivée, personne, meme pas ses freres ne virent
à son secours pour l'aider à se debarasser de sa fardeau. Pendant
qu'il se déchargea sa charge, une voix se fit entendre dans la maison.
C'était celle de sa tante qui lui ordonna de entrer avec le bois dans la
maison : Viens avec le bois ici, il fait frais ». Il se mit donc
à chercher la machette pour retirer les ficelles qui soutenaient le
fagos bois. Malheureusement, la machette ne se trouvait nulle part.
Sa tante vint le retrouver derrière la case. Elle lui
ordonna d'utiliser la machette pour défaire les ficelles. Ayant
constaté que la machette ne se trouvait nulle part, il dit à sa
tante : « j'ai oublié la machette en brousse ».
Cette dernière, sans hésitation comme une lionne
bondit sur le cou de l'enfant et lui donnait une bonne raclée.
Ensuite , elle dit au jeune garçon : « tu ne peux
pas dormir dans cette maison sans ma machette ; là où cette
machette passera la nuit, c'est à cet endroit également que tu
passeras la nuit ».
(L'audience compatit aux mésaventures de
l'enfant.Certains avec un regard de tritesse et de pitié, soutiennent
leurs mentons avec leurs mains, d'autres avec des miniques s`appitoient ur le
sort de l'enfant).
Le narrateur continue son histoire :la premiere
idée qui vint dans la tete de la'enfant était qu'il s`enfuit de
la maison.Mais dans un moment de silence, il se
demanda : « si je pars de la maison, où vais-je
aller ? ma souffrance sera encore plus grande. » une autre
idée lui traversa l'esprit : « i je vais en brousse
à cette heure de la nuit, je pourrai etre devoré par un animal
sauvage, alors que dois je faire ? de toutes les facons, je dois rentrer
chercher la machette, je suis un homme, je dois le faire. »
Malgré la pluie et l'obscurité, le
garçon retourna en brousse. Il faisait tellement noir et il avait de la
peine à voir. Dans la peur, il se mit à s'imaginer toutes les
atrocités. Le moindre bruit le faisait sursauter. Je ne vous dirai pas
combien de fois son sang se glaça dans ses veines, ni combien de fois il
tomba et se releva.
Mais, il continuait son périple dans la forêt.
Sur son chemin, il rencontra une vieille dame. Il prit peur, voulant s'enfuir,
la femme lui dit : « je sais ce que tu cherches. Recherches-tu
une machette ? » Nyamaboh hocha la tête. Amène ce
fagot de bois dans ma hotte et je te donnerai ta machette. La hutte
était sombre. Il ne voyait presque rien. La vieille dame le remercia.
Elle lui dit, il se fait tard, tu ne pourra pas rentrer, je te propose de
passer la nuit dans ma hute .
Quelques temps après, la vielle dame souplia le
garçon de gratter les boutons qu'elle avait sur son dos. Sans
hésitation le jeune homme le fit avec delicatesse. A l'heure du coucher,
elle dit à lenfant, j'ai des amis, et ces amis ces sont des moustiques,
meme si tu te sens piquer, evite de les tuer. Toute la nuit, les moustiques
piquaient cet enfant. L lendemain, on corps étaient couvert de
bosses.
Avant le départ de l'enfant, la dame lui remit d'abord
sa machette, ensuite, elle lui donna un oeuf, et lui ordonna de casser cet
oeuf une fois à la maison.
Nyamaboh prit la machette et l'oeuf. Avec une peur bleu au
ventre, il se mit à courir jusqu'à la maison. Une fois à
la maison, il alla d'abord cacher son ouef ensuite, il alla remettre la
machette à sa tante. Le lendemain, il se rendit à la tombe de sa
mère et là,il cassa son oeuf. Il sortit de cet oeuf beaucoup
d'objets : des sacs d'argents les plats, une grande maison, les sacs de
riz, les machettes, les bijoux, les habits, des animaux domestiques.Il devint
une personnalité importante dans le village. Les enfants de sa tante
devinrent les esclaves dans sa maison. c'est la fin de mon histoire.
Audience : ce n'est pas ainsi que cette se termine.
Narrateur : alors, vous pouvez la terminer à ma
place.Trop de sagesse avait tué la souris.
Audience : la tante envoya aussi ses enfants
Narrateur : c'est une histoire similaire. Demain je vais
vous la raconter si je serai encore en vie.
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18. Grass we i bring pikin bak fo layf:
mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Som wuman bi get plenty pikin.
Audience: ha meni?
Narrator: fifting.
Audience: fifting?
Narrator: wona ting se ol den de bi de layk tude? Ran bi rich
taym we i bi get plenti pikin an plenti wumen.
Narrator, (turn to the audience): a fit continue di tok.
(Audience answer in chorus): Yes, yu fi. Wan de, dis wuman tek
ol i pikin dem fo fam. Dem wok, wok, wok, sotay ol dem bi taya. Som dem bi wan
drink wata. Dem go sidong onda som big tri we i bi stan fo fam. Dem tek dem
chop we dem bi bring am fo fam stat chop. Bet wata no bi de fo push am daum.
Som man bi di pass. I beg dem chop. Dem dinay fo gi i. Dem beg de man mimbo we
i bi get am. De man tell dem se na fo i family. Hungry wata bi di hol dem.
De mami aks wan of i pikin mek i go kari wata fo som smol
stream we i di pass fo bak fam. De pikin rich wata. As i wan kari wata. I si
som big bif we i de insayd de stream. As de girl bi wan kari de wata, dis bif
stat fo hambok dis girl. We fo kari de wata no bi de egen.
Dis girl stat fo veks. I di veks di tok fo dis bif: stop am,
stop weti yu di du. Na yu get dis wata? Dis bif no ansa. De girl tek ston. Shut
de bif. De ston no toch i. So de bif tu tek ston. Shut de girl. De girl fol fo
daun. I day.
De mami wet, wet fo si de pikin. De pikin no kam. So i send
amoda pikin mek i go si weti di hapin. As de pikin rich wata, i si i sista fo
daun. De stream bi deti.
I wan luk, i si dis bif we i ay dem don red ol.
I aks dis bif: na wu kil ma sista?. De bif ansa: na mi.
Taym we yur sista kam. I bi wan kil mi fes. I tek ston shut
mi. Bet de ston no toch me. So a tek ma owe ston, a shut i. I fol fo daun i
day.
Yur sista aks mi mek a lif wata. A no fit go. Foseka na ma
bau.
(Narrator opens his eyes). An na ma ples. (Narrator puts his
hand an his chest). Na yi i bi wan kil mi. Bet, na mi a kil i.
Befo dis bif bi wa finish tok. Dis girl pik som ston. Shut
dis animal. De animal pick de saim ston, shut de girl. De girl fol fo daum. I
day. De wuman wet, wet fo de sekond pikin. De pikin tu no kam. I send de nomba
tri pikin, den anoda wan, den anoda wan sotay ol de pikin dem day. Dem day,
foseka na de saim tin bi di happen fo dem. De bif kil ol dem.
Nayt bi don stat rich. De wuman go bak fo hau. I torri fo i
masa weti bi hapin fo bush. De man veks. I tok fo de wuman se; de bif don kil
plenti pipol fo de village. I don tu moch. I must kil de bif.
I tok fo i sef» Yu don toch na de rong person». De
man veks. I ay dem bi na blood blood. I tek i gun, i Kutlass, it spia. Stat fo
waka di go wata. Taym we i rich. De bif bi stil bi fo wata. De man jamp fo
wata. i tok fo dis bif se: tude na tude. Ayda yu kil mi o a kil yu. Dis man
fayt wit dis bif fo seven de. Dem fayt sotay de bif abandon de stream. I dray
dis bif out fo de wata. I tok fo de bif se mek i bring i pikin dem bak. De bif
kut som grass. I put dis grass fo i han. Squizam sotay wata stat komot fo de
grass. I put wan drop fo wata. Ol de fiftin pikin dem kam bak. As de man si i
pikin dem. Na so i di glad. Ol village sidong, dem se dem get fo kil dis bif
bekos, i don tu moch kil pipol fo village. I don kill plenty pipol. So ol
village gadare, dem mek som big big drap. Fo nayt, dis bif kam fol fo de trap.
Na so pipul dem finali kil dis animal. Na fo de ma torri di finish.
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18. La plante qui redonna vie aux enfants
Il y avait dans un village une femme qui avait beaucoup
d'enfants
Audience : combien ?
Narrateur :quinze au total.
Audience : Quinze ?
Narrateur : vous pensez que les temps anciens sont comme
aujourd'hui ? La richesse d'un homme se résumait par le nombre
d'enfants qu'il avait et d'épouses.
Narrateur (se retournant vers la foule): est-ce que je peux
continuer mon histoire.
Audience : repondant en choeur : oui, tu peux.
Un jour, cette femme emmena tous ses enfants au champ. Ils
travaillèrent toute la journée. Epuisés et fatigués
par leur labeur, ils se mirent à avoir faim et soif. Ils s'assirent
à l'ombre d'un grand arbre qui se trouvait au champ et se mirent
à manger.
L'instant d'après, l'un des enfants se mit à
avoir soif. Un cueilleur de vin de palme passa juste à
côté. La femme lui demanda un peu de son vin, il refusa. L'envie
de boire de l'eau devenait pressante.
La maman décida d'envoyer l'un des enfants puiser de
l'eau. A la lisière du champ, passa un ruisseau. Dans ces eaux, un
animal avait élu domicile et n'acceptait pas que les gens viennent le
déranger.
Lorsque la fille voulut puiser de l'eau, l'animal se mit
à grogner, et à se débattre. La jeune fille prit de
colère, ramassa un caillou qui trainait par là et lança
à l'animal. Mais ce caillou n'atteignit pas ce dernier.
L'animal à son tour, prit le même caillou et
lança avec violence sur la jeune fille. Le caillou l'attengnit la jeune
femme. Celle-ci tomba et mourut. La maman ne voyant pas sa fille arriver,
envoya un autre enfant. Le même scénario se produisit à la
rivière.
Finalement, l'animal réussit à tuer tous les
quinze enfants. A la nuit tombée, les enfants n'étaient toujours
pas de retouret la femme ne voyant pas ses enfants arriver, rentra à la
maison raconter à son mari ce qui lui était arrivé au
champ.
Le mari prit de colère pris sa lance, sa machette et
son fusil et se rendit à la rivière. Une fois sur plac, il
trouva l'animal qui continuait à semer le trouble. L'homme plongea dans
l'eau et se mit à bagarrer avec l'animal. La bagarre dura sept jours.
Finalement, l'animal fut vaincu. L'homme sortit l'animal hors
de l'eau et lui ordonna de ramener ses enfants. L'animal coupa une plante, la
froissa et recueilli le jus. Il laissa tomber quelques gouttes dans l'eau en
prophesant quelques paroles. Tous les quinze enfants réapparurent.
Cet homme alla ensuite voir le chef pour que cet animal soit
tué. Tout le village tendit un piège. On creusa un grand
fossé à côté du ruisseau et l'animal finit par
tomber dans le troue et mourut. C'est la fin de mon histoire.
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19. De orijin fo dray an rening sisen, :
mytheSource orale:Neba Devine, Enseignant à L'ENS, Yaoundé,
2012)
Aire culturelle : Bamboui
Wan de, som palabra bi okor bitwin Big hoga fo de Hill an Big
hoga fo Raffia bush. Dis bed, dem bi wan fo shau diya pawa. So Big hoga fo
Hill tell i fren se, i fit mek am, mek ren fol no stop. De ren go fol fo de we
we, evin yu, yu no go fit stand.
Big man fo Raffia bush tu se, a fit also mekam mek ren fol fo
de we we, zing dem fo pipol dem haus go komot.
Ol de oda population, eni man bi stan na fo i hoga i bak. Na
so de tu bed dem disayd fo tray dem pawa.
Big hoga fo raffia bush chek i feda fo de fes taym. I chekam
egen fo sekon taym.
I kray: kiwa-ai, kiwa-ai. Nau, nau so, ol ples stat fo dak.
Weda jenje. As ol ples di blak. Som layt komot fo up. Tonda stat fo hala
(Narrator aks). Wona no dat kayn win we i di trowe planti fo daun? (Audience
nod). Som tri dem tu bi fol daun. Na so dost evri ples. Afta som taym, som
pawaful ren stat fo fol. De ren bi fol, fol, fol fo meni des. Wan drop bi fit
bi layk banga. Man bi di hya na onli ti ti ti ti ti. Wata bi flop fo ol ples.
No man no bi fit stan fo out sayd. Ol man bi fayn ples fo hayd. Big hoga fo
raffia bush bi ova glad because,I be shau I pawa.
Afta even de, I disayd fo mkam mek de ren top.I go fo hil,
sing egen kiki kiwa-ai! Kiki kiwa-ai! Kiki kiwa-ai. De ren stop.
Big man fo hill bi go hayd i sef onda som big ston. Taym we i
notice se ren den stop. I komot fo ples we i bi di hyad. Bet, i no bi fit flay
faym. I chek i feda, salute i fren, an i tok se: tan god se a still de a layf
(audience laughed) «yes» ,ansa Big man fo raffia bush. Nau, na yur
taym fo shau weti yu get fo bele.
Big man fo hill be tok se, i tu go bring hevi ren. Bet, Big
man fo raffia bush bi no se notin no go happen. Ol ples bi stil flop wit wata.
Poto poto bi stil flop ol ples.
Na so Big hoga fo hill desayd of mekam mek sun shine fo seven
des. De sun bi ova shine sotay i stat fo burn pipol dem skin,ol chop fo pipol
dem fam tu bi burn, ol riva dem dry. Big hoga fo raffia palm bush beg i fren
mek i stop de sun. Dem desayd se ol man go get i sisen.Big hoga fo raffia bush
i sisen bi na rening sisen, an Big man fo hill i sisen bi na dray sisen. Na de
tin wi get tu sisen, dray an rening sisen.
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19. L'origine de la saison sèche et de la
saison pluvieuse
Un jour, il eut une dispute entre le patriarche de la montagne
et celui de la palmeraie. Ces oiseaux voulaient tester leur force. Le
patriarche de la montagne dit : je peux faire tombe une pluie diluvienne
pendant des jours de tel sorte que personne, même toi ne mettra son nez
dehors. Le patriarche de la palmerais rétorqua à son tour en
disant : moi également, je peux faire tomber une pluie torrentielle
qui ravagera tout sur son passage. Chacun défendait son point de vue.
Alors les deux oiseaux décidèrent de faire un
pari. Le patriarche de la palmerais fut le premier à monter ses
preuves.
Battant ses ailes, il cria : Kiwa-ai kiwa-ai. Le ciel
devint subitement obscur. Des nuages sombres traversèrent le ciel. Les
éclairs zébraient le ciel. Un vent fort se mit à souffler,
et il se mit à pleuvoir.
Il plut pendant plusieurs jours sans interruption. Partout, la
pluie crépissait sur les toitures. Aucune porte n'était ouverte.
Tout le monde avait cherché un abri. Après cette
longue pluie, le patriarche de la palmeraie sortit de sa cachette, tout content
de son exploit. Il cria une fois de plus : Kibi kiwa-ai, kibi kiwa ai,
kibi kiwa ai. Aussitôt la pluie s'arrêta. Le patriarche des
montagnes avait trouvé refuge sous un rocher. Lorsque la pluie cessa, il
sortit tout doucement de sa cachette. Il dit à son ami : Dieu
merci, je suis encore en vie. « Oui », répondit le
patriarche de la palmerais. C'est maintenant ton tour de montrer de quoi tu es
capable.
Le patriarche de la palmerais savait que puisque les eaux ont
envahies tout le village, une seconde averse serait impossible, car les gens
risqueront de mourir dans les flots et croyait tre ortit vainqueur de cette
compétition. Le patriarche de la montagne refusa de s'avouer
vainçu. Alors, à son tour, il decida de faire briller le soleil.
Le soleil brilla pendant sept jours. Une canicule s`abbatit sur la terre au
point ou toutes les rivières avaient tarries, toutes les plantes avaient
brulées, la famine s'abbatit sur le village. Le patriarche de la
palmeraie suppliait son ami d'arreter cette canicule, ce qui fut fait. Alors
les deux camps à l'unaninité decidèrent de se partager les
saisons.C'est- à- dire que chacun devait avoir une periode de
l'année pour monter ses preuves afin d'éviter les deluges et les
canicules.Donc ,il devail avoir une saison pour la pluie et une saison pour
faire briller le soleil. C'est ce qui est à l'origine de nos jours de la
saison sèche et de la saison pluvieuse
.
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20. De biginning fo inekwaliti fo dis wold :
mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Taym we god mek dis wold, ol ples bi empty: no man, no bif,
no bed. Notin no bi de fo graun. So i disayd fo mek man. Man bi get fo bi onda
god i oda. An bi fo bi onda god i oda. An bif bi get fo bi onda man i oda. Taym
we i bi di mek man.
God bi wan mek, de man luk layk yi. So, i ton man wit poto
poto. Den i gi yi shape. De poto poto no bi strong. I mek oven. Layt faya, put
dis poto poto insayd de oven mek i strong.
I sidon fo kana, di luk mek de poto poto no bon ol finish.
Taym we dis poto poto bi strong smol. I muvan fo oven. Bet i luk, de poto poto
no bi ova strong.
Oldode de poto poto no bi strong, god bi layk am. An i bi ova
glad. So god disayd fo mek anoda wan. I du de saim tin wit poto poto, gi i
shape, den put am fo oven.
Bet , god bi don wok fo meni de. So i bi taya. So,as I put
am fo oven ,I stat fo slip, i foge de wan fo oven. Taym we i sense kam bak. I
wan go luk de wan fo oven. Ol dem bi don ova strong.
As de faya bi plenti, dem komot wit strong sking. Strong han,
wit pawa. Bet god bi stil glad. Even as dem no bi de saim.
So i put de sofe wan, an de strong wan dem fo de saim ples. I
se: de wan dem we dem wik dem go dipen on de wan dem we dem strong. An fo wona
we wona strong, wona go depend on de intelligence fo de wan dem we dem wik. Na
de tin dat, ol man no de di saim fo dis graun.
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20. L'origine de l'inégalité sur
terre
Lorsque Dieu créa le monde, il eut besoin d'une
compagnie pour faire asseoir son autorité. Mais, puisque la terre
n'était couverte que d'eau, il décida de créer un homme
qui dominera les animaux et les choses. Il entreprit ainsi de créer un
être humain semblable à lui.
Il prit l'argile et lui donna une apparence humaine. Il
plaça ensuite cette argile dans un four pour que la patte soit dure.
Quelques instants après, il retira la patte du feu, mais, elle
n'était pas suffisamment dure. Mais à ses yeux, le
résultat était satisfaisant, et il était content. Il
entreprit de mettre ensuite une seconde vague au feu.
Mais pendant qu'il admirait son chef-d'oeuvre, il oublia ce
qui était au feu. Il fut réveillé par un bruit sonore et
découvrit ensuite que ce qui avait été mis au feu avait
beaucoup durcit et était devenu noir. La chaleur du four avait rendu les
pieds durs, le regard affreux, les bras énormes.
Malgré cela, Dieu admira leur force. Il résolu
ensuite de mettre la première vague et la seconde vague ensemble et
donna des qualités à tout un chacun. Il dit : vous qui
n'êtes pas assez solide, vous dépendrez des plus forts. Quand
à vous les plus forts, vous dépendrez de l'intelligence des
faibles. C'est pourquoi, il y a inégalité entre les hommes.
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21. Orijin of Gods/Deities : mythe
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Fo dat fes fes taym, god an man dem bi di stay tugeda. Dem bi
di sheyie evri tin tugeda
(members of audience look at each other so astonished).
Audience: yu se evri tin? Even wuman?
(Narrator continue): a se evri tin :god bi di torri, danse,
chop wit pipol. As a tel wona befo, god bi bi na olmati.
(Narrator turns, points and askes the audience). Wona nau way
wi no di progress tude?
Audience: (All) nooooo.
(Narrator continues): Na strong hed.
Wan de, god bi wan go waka. I bi wan visit pat of de graun
we pipol dem no bi di stay. Bet, befo i wan go, i tel de pipol se: «mek
wona no beri eni man taym we a no de». Even na weti di hapin, mek wona no
beri eni person.
De nesk de, God go fo waka. Bet, befo i wan go so, som ol pa'a
bi de we o bi don stat di sik sinse. Pipol dem bi even di pre se mek i day kwik
kwik. Bet, i no bi wan day. Jus nau nau as god bi torn i bak. Layk se na
temtesh?ng, di man ste fo bak,i day.
No man no bi wan ova kros weti god bi tok. Pipol dem stat fo
visit de kompound. Bet afta som taym, pipol dem no bi di go de egen. De hole
village bi di smel.
(Narrator turns, and aske the audience): Wona dem eva si ples
we som man di roting? Person no fit tanap. Ol man bi di ron.
Narrator aske:So if i bi na wona, weti wona fo du?
(Audience): Bet, wi fo beri de tin. Aha'a'a. Na dis very ansa
a bi di wet: (Narrator says).
Narrator continues: Pipol dem no bi fit sopot de smel. Dem
kari de kops. Enta wit am insayd som tik bush. De ples bi fawe fo de
village.
Bet, dis smel bi stil de fo ol ples. De smel even bring
plenti trobul fo village. Pipol dem stat get kayn kayn sik.
Wan de, pipol dem veks. Dem se:» wi no fit day wit ay
opin». Dem go fo bush. Dem tek de day bodi, beri am. Na so dem tu stat get
fresh er.
I no stay. God kam bak fo i waka. God aks dem weda ol tin de
fayn. Wan of de elda ansa se: «yes». Bet, onli se, de ol sik man bi
ste fo bak day. Wi tray fo kip de day bodi. Bet i stat fo rotin. Pipol dem stat
sik. We bi foce fo beri if fo bush.
God veks, i veks, i veks, an i stat fo hala. I aks de pipol,
weti a bi tel wona? Pipol dem ansa: mek wi no beri eni man. Bet, wona ova kros
weti a bi tok.
A no fit stay wit pipol dem we dem no fit hya weti a di tok.
Wona trong hed tumoch fo mi. A di go bak fo hevin. A di go mi bak. God disapya.
Som pipol dem bi ting se, i bi go bak fo hevin. Som oda pipol dem ting se, i bi
enta fo graun. As god go, pipol dem ste. Notin no bi di waka fo dem. Dem jus de
layk empti kauw;kauw wit no tail.
As pipol dem no bi sabi ples we god bi go.Eni man stat fo pre
as I wan. Fo som pipol, taym fo pre, dem di luk fo up. Oda wan, dem go luk fo
daun. Som wan dem fo pre, go tanap.
Afta som taym, pipol dem creat smol god. Dem se, na big god i
pikin. Som god dem dis stay fo wata. Som na enda ston. Som na onda tri. Na so
gods dem kam bi evri ples. Na so wi kam get plenti gods fo dis graun.
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21. L'origine des divinités /
totems
Au commencement, Dieu et l'homme vivaient ensemble sur
terre. Ils partageaient tout ensemble.
(membres de audience : se regardant surpris les uns les
autres).Audience : tu dis se partager tout ? Même les
femmes ?
Narrateur : je di bien tout. Il mangeait, dansait,
chantait avec les hommes. Mais, il demeurait le Dieu Suprême.
Narrateur : savez-vous pourquoi l'homme ne peut pas
progresser de nos jours ?
Audience : nonnnnnnnnnnn.
Narrateur : à cause de la
désobéissance.
Un jour Dieu voulait visiter la partie de la terre qui
était encore inhabitée. Avant son départ, il dit aux
hommes de ne pas rester inhumer un corps durant son absence.Il le dit en ces
termes : « vous ne devez faire aucune de
cérémonie d'enterrement pendant mon absence quelque soit les
circonstances ».
Dieu partit donc pour l'autre monde. Mais, avant son
départ, il y avait un malade en phase terminale. Pendant de longues
années, il avait été malade et tout le monde priait qu'il
meure avant le depart de Dieu pour son pélérinage.
Dieu était-il à peine partie que ce malade
rendit l'âme. Quelle malchance ?
Les gens prirent le soin de bien conserver le corps dans la
maison ; car, personne ne voulait violer les recommandations de Dieu. Une
semaine après le corps se mit à se decomposer. le village se mit
à sentir. Les odeurs envahirent tout le village et causa beaucoup de
maladies, on pourra même dire une épidemie. Certaines personnes se
mirent à crier : enterons-le, enterons-le, nous allons mourir
asphyxié.
Narrateur : se retournant vers la foule et demanda :
à votre place, qu'auriez vous fait ?
Audience : Mais, nous l'aurions enterré
Narrateur : Aha'a, c'est ce à quoi je
m'attendais.
Narrateur continue : Comme l'odeur devenait insoutenable,
la population decida de déplacer le corps vers un autre endroit.Ils
emportèrent le corps dans la forêt. Mais, même jusque
là, la puanteur pesait dans l'air.
L'odeur était tellement forte au point où
certaines personnes commençaient à étouffer.cette odeur
avait même épandu un épidemie dans le village. Finalement,
pour éviter d'autres morts, le chef et son groupe de sages prirent la
résolution d'enterrer le corps.
Quelques jours après l'enterrement, Dieu rentra de son
voyage. Il réunit tout le village et demanda quelles sont les
nouvelles ? Le de village pit la parole et répondit :
tout va pour le mieux. Mais, le vieillard qui était malade avait
finalement rendu l'âme et nous l'avons enterré, car tout le
village sentait mauvais.
Dieu se mit en colère et dans son exacerbation
il demanda à la population : Quelles ont été mes
dernières recommandations ?
Les hommes répondirent : « nous ne
devions procedé à aucun enterrement ».Dieu dit :
je ne peux pas tolérer une telle attitude de votre part. Je ne peux
pas, je ne peux pas admettre une telle insubordination. Je ne peux pas
continuer à vivre avec des gens qui sont incapables de suivre mes
instructions. Dieu disparut.Ne sachant pasou Dieu était allé,
certaines personnes croient qu'il est retourné au ciel, d'autres pensent
qu'il est entré sous terre et d'autres pensent qu'il s'est
évaporé.
Les hommes se sentant abandonnés,se mirent à
chercher d'autres moyens pour plairent à Dieu . D'autres se mirent
à prier Dieu le père, le regard levé au ciel, d'autres
priaient la face contre la terre, d'autres adoptèrent la station debout.
Tous les moyens étaient mis en jeu pour apaiser la colère de
Dieu. C'est ainsi que, pour sentir la présence de Dieu, les gens se sont
mis à fabriquer les petits dieux pour intercéder pour eux
auprès du Dieu Suprême. C'est la raison pour laquelle, il existe
plusieurs divinités sur la terre.
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22. «Ngoniton»: conte,
Source orale:Neba Devine, Enseignant à
L'ENS, Yaoundé, 2012
Aire culturelle : Bamboui
Long long taym, som wuman bi de fo som village. Dis wuman bi
get onli wan girl pikin. Dis pikin i nem bi na Ngoniton. Dis wuman bi bi na
fisha wuman. A min se: i wok na fo kah fish. Eni taym we i di go wata fo kah
fish. I go kam bak wit plenti fish. De oda wumen fo village dem stat mek
jelosi. Foseka dem own basket bi eva bi emti. Dis wuman bi get wan girl pikin.
De girl pikin be ova fayn. I mbanya dem no bi ova layk i.
Som taym rich we Ngoniton i mamy no bi di kah fish egen. Eni
taym we i di go wata, i no di bring plenti fish egen. Eni taym, i go bring na
smol kwontiti fo fish. An, afta some taym, i no bi di kash fish egen.
I mbanya dem tel i se, if i wan fo kash plenti fish egen, mek
i gi i pikin Ngoniton fo watagod as sakrifays. Dem telam se» If yu push yi
fo wata, yur yield go grau up bak».
Wan de, dis wuman go egen fo wata. An dis taym, i no kash
even smol janga. I veks, veks, sotay.
I tok fo riva se: «riva gi mi fish. If yu gi mi fish, a
go gi yu Ngoniton, ma girl pikin» (the audience, particularly the women
exclaimed:» Wetiiiiiiiiiii? Some clappind their hands).
Narator continues: Befo, I bi wan finish tok so, Ngoniton tu
bi di kam mitop i fo wata. I trowe net fo wata. Bet, i no bi fit bring am bak.
Foseka, de net bi flop wit fish. Taym we i rimuf de net fo wata, I du exackli
weti I be tok, dat is, i push Ngoniton fo wata.
(more exclamations from the audience. Some people carries
their hands on their heads and were saying:
alobahééééé; others were saying: ma mamy i
bagnaééééééééé).
As i no bi fit kari de fish, i go bak fo haus, go kol i masa.
Dem kari de fish bak fo haus. As dem rich haus, i masa aks yi ples we Ngoniton
de. De wuman se» i no sabi. Yu nau se young girl dem fo dis taym dem di
ova waka». De man no bi glad at ol it de ansa.
Fo nayt,de papa shidon fo autsayt fo wayt i piki. De papa
wayt, i wayt, bet Ngoniton no kam.
Wan de, Ngoniton i haf broda go fo bush fo cut fayawud. Dis
fayawud bi stan fo kona wata. An na fo dat wata tu we Ngoniton bi go fo
sakrifays.
As de boy stat kut de tri, i hya son voice fo wata. «Na
wu di kut dat tri, na ma broda? Na mi Ngoniton. Go tok fo ma papa se, ma mamy
na bad wuman. I chuk mi insayd wata, foseka i bi wan plenti fish. Tel ma papa
se, suffa go kil mi. A don ton na boy boy fo watagod i haus».
De broda hya de voice. I tok fo I sef:» No bi na
Ngoniton i voice bi dat?» I no bi fit imajine weti i bi hya.
«The narrator opens his eyes wide). De boy run go tok fo
i papa fo haus. De papa folo de pikin fo wata. Den , de boy go bak, stat
kut de tri.
De saim voice stat tok egen; «Na mi Ngoniton. Ma mamy na
bad wuman. I gi mi fo sakrifays fo watagod, foseka i bi wan get plenti fish. Na
mi a don ton watagod i boy boy».
De papa go bak fo haus,i mitop Ngoniton i mamy we i di dray
fish fo faya. Wit ol veks, i trowe ol fish fo faya. De papa kol som pipol mek
dem help if o kah Ngoniton fo wata.
Dem tok fo de broad se mek i stat fo kut de tri egen. As
Ngoniton hya de noice, i stat fo sing insayt de wata. De pipol dem trowe net
insayd wata fo kah hi. De wok no bi isi fo dem. Bet faynali dem sukcid fo kah
i. Dem bi wan kah dis girl so watagod no bi de around.Taym we watagod kam bak ,
i no mitop Ngoniton fo haus, i veks sotay.
I sen wan spirit mek i go luk Ngoniton, den i sent de sekon
wan egen flod mek i bring bak ol fish we Ngoniton i mamy bi kah am. Taym we dem
bring de fish. Mamy wata kam notice se plenty fish no bi de egen. Na so i sent
de spirit mek dem go capture Ngoniton i mamy. Na yin a turn de wata god I boy.
No de end fo ma tori dat.
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22. « Ngoniton »
Il y avait dans un village une femme qui avait mis au monde
une fille. C'est fille s'appelait Ngoniton. L'occupation principale de cette
femme était la pêche. Ses trapes étaient fluctueuses et
cela rendaient ses co-épouses jalouses, car leurs paniers étaient
toujours vides.
Cette femme avait une fille, cette fille s'appellait
Ngoniton. Ngoniton était la plus belle fille du village. A cause de sa
beauté, ses belles-mères n'aiment pas la voir. Il fut une
période où, lorsque la mère de Ngoniton se rendait
à la pêche, son panier n'était plus plein comme dans les
jours passés. Il y avait même des jours où elle rentrait
bredouille de la pêche. Cette situation persista pendant une longue
période.
Malgré tous les efforts qu'elle fournissait pour
attraper le poisson, elle ne parvenait pas. Un jour, ses co-épouses lui
conseillèrent de donner sa fille Ngoniton en sacrifice aux dieux du
fleuve. Un jour, elle se rendit une fois de plus à la pêche, elle
ne parvint pas à attraper le poisson.
Prise de colère, elle cria : dieu des eaux donne
moi le poisson, je te donnerai ma fille unique Ngoniton.(audience,plus
particulièrement les
femmes,s'exclamèrent : « quoiiiiiiiiiii ?
d'autres tapèrent les mains)
Narrateur continue : Avant qu'elle n'eut finie ses
propos Ngoniton venait à son aide. Elle jeta le filet dans l'eau, mais
fit incapable de le retirer parce que le filet était plein de poisson.
Elle sollicita l'aide de sa fille pour l'aider à retirer le filet dans
l'eau, lorsque le filt fut hors de l'eau, elle accomplit ce qu'elle avit promis
aux dieux des eaux, c'et à dire sa fill en échange du poisson.
elle poussa sa fille Ngoniton dans l'eau et celle-ci fut avalée par les
eaux.
(Il y t ncor plu d'exclamations dans la foule.cetaines
personnes posèrent les mains sur leurs têtes et craient
ainsi :
alobahééééééééé ;
d'autres disaient : ma mamy i
bagnahééééééé).
Puisqu'elle ne pouvait pas porter toute seule ce poisson,
elle alla appeler son mari pour que ce dernier lui porte main forte. De retour
à la maison, son mari lui demande : « où est
Ngoniton ? » Elle répondit : « je ne sais
pas. Tu connais les jeunes filles, elles ne restent plus à la maison
pour aider leurs mères ». Mais le mari n'était pas
satisfait par cette réponse. Un jour, l'un des enfants de la
co-épouse alla en brousse chercher du bois.
Au loin, il aperçut un arbuste sec, cet arbuste
était juste à côté de la rivière la où
sa soeur était retenu en otage. Il se rapprocha de l'arbre et se mit
à l'abattre.
Mais, il se rendit compte que chaque fois qu'il donnait un
coup de machette sur l'arbre, une voix se faisait entendre dans l'eau. La voix
chantait en ces termes : « qui coupe l'arbre ! c'est toi
mon frère ? je suis Ngoniton. Vas dire à mon père que
ma mère est une mauvaise femme. Elle m'a donné au diiu des eaux
en échange au poisson. Dis à mon père que je souffre. Je
suis maintenant l'esclave du dieu des eaux ».
Le garçon entendit la voix. Il se demanda si cette voix
n'était pas celle de Ngoniton. Il se remit à couper l'arbre, la
même voix suppliante se fit encore entendre.( le narrateur ouvrant
grandmnt ses yeux, regardant la foule).
Le garçon courut au village raconter ce qu'il avait
vcu à l'eau à son père. Les deux se rendirent à la
rivière. Le garçon se remit à abattre l'arbre. La voix se
emit à chanter de plus belle : « mon frère, je
suis Ngoniton, je suis retenue par le dieu des eaux. Ma mère m'a
donné en échange pour avoir plus de poissons. Je suis son
esclave ».
Le père reconnu la voix de sa fille. Il fut pris d'une
grande colère. De retour à la maison, il trouva sa femme en train
de sécher le poisson au feu. Sans hésitation, renversa tout le
poisson au feu. Il rassembla quelques personnes du village pour l'aider
à sortir sa fille de l'eau.
Une fois à la rivière, le garçon se remit
à couper l'arbre ; cette fois-ci, Ngoniton sortit la tête de
l'eau tout en chantant. Ils jetèrent le filet dans l'eau, après
plusieurs heures, ils finirent par l'attraper. Lorsque cette trappe se passait,
la reine des eaux était absente. Du retour de ses occupations, elle ne
retrouva plus la fille. Il envoya ses génies, ramener tous les poissons
qu'il avait donné à la mère de Ngoniton. Mais le poisson
était incomplet. Alors, elle demanda à ses genies de capturer la
mère à la place de la fille ; c'est la mère de
Ngoniton cette foi-ci qui était devenue esclave du dieu des eaux.
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23 : « Fes pikin mos get
sens » : conte
Source orale:Mamy Tamo, infirmière
retraitée,
aire culturelle : Suisse
Som man be get tri pikin, bet only say de fes wan i het no bi
koret. Taym we i papa bin stil de fo dis graun, i bin tray fo mekam se mek dis
pikin get sens. Bet de pikin no bi fit getam. Faynili, de papa dai.
Afta som taym, de papa kam si de pikin fo drim. I tel i
se :
- Tumoro kam mitop mi fo bush, i get som tin fo tel yu. Dat
monig, de boy go for bush. De papa telam se :
- ma pikin, a go aks ma pipol mek dem gi yu plenti moni. A go
tel yu weti yu go tok.
- De papa cut grass, putam fo up, den i tok se :
- Fo hya na dai pipol, fo de na medsin pipol, dai pipol wona
ansa mi.
- Hé-é-é : Na so dis pipol dem di
ansa yi.
- Dis boy bi di hye bet i no bi fit si de pipol.
- Na so yu go tok. I papa tek de grass, giyam fo de pikin.
- Dis boy i taym tu ich fo tok :
- De boy stat fo tok : « foya na medsin pipol,
fo de na dai pipol, medsin pipol, wona ansa mi.
-.........................
- De papa wonda
- De papa veks. I tok fo de yo? boy se :
- Ma pikin so yu neva chench, yu stil de fulish egen sotay
tuday.
- Afta som taym de papa kam bak fo I senses , den tok fo de
pikin se: wen yu si wit yur eye, den yu hy wit yur hye, yu no fit lot sense
- I tek bak de grass, den tok egen :
- « hye na dai pipul, fo de na medsin pipol, dai
pipol wona hye mi ».
- Hé-é-é
é-é-é-é-
- Egen
-
Hé-é-é-é-é-é-é-é-é.
De papa mekam plenti taym mek i pikin seyam. I tek de grass,
giyam bak fo de pikin mek de pikin ripit afta hi. De pikin tok se :
« hye na medsin pipol, de na dai pipol, medsin pipol
wona ansa mi »
De papa bi ova veks, so i tel i pikin se ; taym we yu go
go bak fo haus, trai fo len dat wod dem fayn.
A go bi hye tumoro wit ma ancestor.
De neks dey, de papa kam bak wit i ancestor dem. I stat tok, i
se : « hye na dai pipol, fo de na medsin pipol, dai pipol wona
ansa mi.
De boy be ova fulish, foseka i no bi fit ripit waiti i papa
bin tok.. Na so de man veks an lif de boy fo bush. Na de tin dat we wi get dis
paynapul : « ol no onli fobi nomba wan pikin, y mos olso get
komon sens ».
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23. Tout n'est pas d'etre l'aîne, encore faut-il
avoir du bon sens !
Un homme eut trois fils dont l'aîné était
un étourdi. De son vivant, il avait mis tout en oeuvre pour le rendre
sage. Peine perdue. Seuls les cadets se révélaient des hommes. Il
mourut.
Longtemps après sa mort, il vint parler en rêve
à son fils aîné et lui dit :
- Demain, vient me rencontrer dans la forêt, j'ai
quelque chose à te dire. Le jeune homme fut fidèle au
rendez-vous.
- Mon fils, commença le père, je vais demander
aux fantômes de te donner les richesses. Je t'apprendrai moi-même
la conduite à tenir.
Il arracha une touffe d'herbes, la brandit en l'air en
prononçant une formule incantatoire:
- Ici, les fantômes, là, les magiciens,
là-bas, les termitières: ô fantômes,
répondez-moi !
- Hé-é-é-é ! hurlèrent en
choeur des mystérieux personnages.
- Le jeune homme entendait, mais ne voyait rien de ses yeux .
- Voilà comment tu devras parler, toi aussi, lui dit
son père en lui remettant la touffe d'herbes.
- Le jeune initié prit à son tour la parole:
- Ici, les fantômes, là, les magiciens,
là-bas, les termitières: ô termitières,
répondez-moi !
........................
Le père s'indigna:
- Mon fils, tu n'as donc jamais changé ! Tu es
resté stupide jusqu'à ce jour?
Il reprit la touffe d'herbes et fit appel au bon sens:
- Quand on voit de ses yeux, on ne se trompe plus; quand on
entend de ses oreilles, on ne se trompe plus. Ici, les fantômes,
là, les magiciens, là-bas, les termitières: ô
fantômes, répondez-moi !
- Hé-é-é-é !
- Une fois de plus ! Hé-é-é- !
Il donna la touffe d'herbe à son fils. Le jeune homme
cria :
- Ici, les fantômes, là, les magiciens,
là-bas, les termitières: ô termitières,,
répondez-moi !
......................................................
Le père retint sa colère et donna un conseil
à son fils:
- Va apprendre, mon fils, demain, reviens me rencontrer ici :
je serai là en compagnie des fantômes.
Le lendemain, père et fils se retrouvèrent dans
la zone hantée.
- Je vous présente mon fils que j'ai laissé au
pays des brefs séjours, dit le père à l'assemblée
des mânes. Je vous prie de le combler de richesses.
Puis s'adressant à son fils :
- Quand on voit de ses yeux, on ne se trompe plus, quand on
entend de ses oreilles, on ne se trompe plus. Ici, les fantômes,
là, les magiciens, là-bas, les termitières : ô
fantômes, répondez-moi !
- Hé-é-é ! clamèrent les hommes
invisibles.
Une dernière fois le père tendit la touffe
d'herbes à son fils qui récita la formule incantatoire :
Ici, les fantômes, là, les magiciens,
là-bas, les termitières: ô termitières,
répondez-moi!
........................
À plusieurs reprises, il manqua la formule. Alors, tous
les fantômes disparurent, et son père aussi. Il resta seul dans la
forêt, aussi pauvre qu'il était venu.
Voilà pourquoi nos ancêtre nous ont transmis ce
proverbe: «Tout n'est pas d'être aîné, encore faut-il
avoir du bon sens! »
- N'est ce pas ainsi?
- Parfaitement.
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24: Yo? stubon girl : conte
source orale:Joseph Dong Aroga, Enseignant en LCA,
Université, Yaoundé I,
Aire culturelle :Bafia
Som ma yi an i wuman dem get tri girl pikin: ngo naliga, ngo
yii an go lipem. Dem bi tich dem so dat mek dem no kontri fashon. Wan dey, dis
pikin dem papa dem stat fo gi dem plenti advis : de papa se :
- Wona trayb na Ndog-Bea, so ol yo? girls an ol yo? man na
wona broda an ol yo? girls na wona sista. Wona fit play wit dem layk broda an
sista, foseka wona get na wan grand pa. Bet wona no fit get maret wit dem.
De pikin dem ansa : « papa, wi don
hia »
De papa tok fo de pikin dem egen ,I se : « wona
bi girl, so , befo wona maret wona mos mek plenti kontri fashon, mek wona grand
pa dem gi wona plenti benedikshon. So taym we wonadi waka, wona no get fo go fo
eni man pikin. If eni man tok se i wan maret wona, wona deney.
- Wona don hey?
« pikin dem ansa sey : « yes papa wi
don hia ». wan de, som big big pati bin bi fo som vilege, fo de oda
sayt fo riva. Dis riva bi big. An i bi get plenti wata. De wata bi blak layk
nayt.
Taym fo reni? sisin wata di flop ol ples sotay ol tri dem di
disapyar fo wata.
Dis wata nobin na oli wata. Na som strenge snek we i bin di
tel pipo weti fo du.
Ol man fo vilege bin no se dem no fit kros dis wata tu taym,
yu mos mek konfeshion.
If yu tok yur tru, yu go fit kros.
Ngo naliga, ngo yi an ngo lipem dem bi sabi so.
Dem bi sabi se wen dem go kam bak for pati, dem most tok dem
tru befo dem kros wata.
Taym we dem rich de pati, dem welkam dem fayn. Ol man bi get
chye for chidon. Fo minayt, de pati bi stat finish. Som yo? boy dem kam cona
Ngo naliga an dem aks i han. I denied.
Dem go fo Ngo yi, yi tu denied, den dem go nau fo Ngo
lipem ; Ngo lipem gri. I sista dem aks i if i don foget weti dem papa bin
tok. Ngo lipen mak layk se i no hia ; an i go wit de boy dem. Ngo naliga
an Ngo yi dem go slip.
Fo moni? taym, de tri girl dem stat go bak fo haus. Dem bi get
fo kros dat big riva. Dem papa an dem mami bi di wet dem fo de oda sayt fo
wata. Bet befo dem bi wan kros,dem girl dem get fo mek konfeshion. De fes girl
stan untop de tri an den i stat for si? :
Wata fo ma grand pa, héhédi !
I don kam bak fo maret, héhédi !
Lif mi mek a kros, héhédi !
A no mek eni tin !
A di tok na tru !
Ngo naliga kros an i no bi get eni trobul.
No de taym fo Ngo yi fo tok. I put i fut untop de tri, den i
stat si? :
Wata fo ma grand pa, héhédi !
I don kam bak fo maret, héhédi !
Lif mi mek a kros, héhédi !
A no mek eni tin !
A di tok na tru !
De yo? girl kros wit no trobul.
Ngo lipem i taym fo kros rich ; yi tu stat si?
Wata fo ma grand pa, héhédi !
I don kam bak fo maret, héhédi !
Lif mi mek a kros, héhédi !
A no mek eni tin !
As i bi wan finish da pat, de tri we i bin di cari hi jus enta
insayt wata wit i.
Na so Ngo lipem dai.
I papa an i many dem no bi fit du eni tin. So eni pikin we i
lay i peren, som bad tin mos rich yi.
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24 : la jeune fille
désobeissante
En ce temps -là un homme et sa femme eurent trois
enfants : Ngo Maliga, Ngo Yii et Ngo Lipem.
Ils les élevèrent du mieux qu'ils purent dans la
stricte observation des lois de la tribu et des interdits de la tradition.
Leurs parents, s'etant apercus qu'elles atteignaient l'age nubile, les
appelèrent un jour et leur prodiguerent des conseils :
-Vous êtes de la tribu des Ndog- Béa. Toutes les
filles Ndog-Béa sont vos soeurs et tous les garçons sont vos
frères ou vos cousins. Car vous avez le même sang. La moindre
frivolité entre les membres du clan est severement
réprimée par les ancçetres. Quant au marriage avec eux, il
ne faut pas y songer. C'est une chose impossible. L'avez-vous compris ?
Les enfants répondirent :
-Père, nous l'avons compris.
Le père poursuivit :
-Vous êtes des jeunes filles, donc des femmes,
c'est-à-dire destinées au mariage. Mais tout mariage, pour etres
beni, doit etre precedé par un ensemble de rites que le jeune pretendant
doit aller accomplir dans la famille de la personne qu'il aime. Ansi dans vos
pomenades et vos voyages, ne vous offrez pas au premier venu, sans le
consentement de vos parents.
Un jour, on annonca qu'une fête de mariage aurait lieu
au village voisin, de l'autre coté du fleuve.Ce fleuce était
large, si large qu'on n'apercevait pas l'autre rive. Son eau était noire
comme la nuit et profonde comme un abime. On eût dit qu'elle ne coulait
pas tant le sens du courant était imperceptible.
Ce fleuve n'était pas simplement un fleuve.
C'était aussi un genie qui dictait aux hommes la voix des
ancêtres. Tout le monde savait qu'on ne pouvait pas traverser deux fois
de suite sans confesser ses fautes et jurer de ne plus les commettre. N'avait
-on rien caché, on traversait sans encombre ; sinon arrivé
au milieu du fleuve, on était englouti dans les eaux noire et
profondes.
Ngo maliga, Ngo Yi et Ngo Lipem le savaient, invitées
aux noces, elles s'appretèrent comme il convient en pareille
circonstance. Elles furent recues avec joies par leurs hôtes et prirent
part à la fetes. De temps en temps, on interrompait les danses pour
manger. Et on recommencait à danser.
Minuit approchait. La fin des ceremonies aussi.A ce moment
quelques jeunes gens s`approcherent de nos trois jeunes filles. Ils
s`adressèrent d'abord à Ngo Maliga et lui demandèrent la
main. Ngo maliga fit trente mines et elle repndit : « je
refuse ! » Ils se retounèrent vers Ngo Yi. Celle-ci fit
moue, fronca le sourcil et sans mot dire, leur tourna le dos et s'en fut.Les
jeunes gens abordèrent enfin la cadette des trois filles qui accepta le
plus facilement du monde leurs avances. En vain ses soeurs lui
rappelèrent les recommandations de leurs parents.La jeune fille fit la
sourd d'oreille. Elle suivit ses nouveaux amis.
Le matin venu, elles se ressemblerent pour rentrer chez elles.
Avant la traversée chacune devait se confesser. L'aînée
Ngo Maliga s'engagea sur le tronc d'arbre en chantant :
Fleuve de mes aïeux, kekédi !
Je reviens du mariage, kékédi !
Je rentre à Minka, kékédi !
J n'ai pas commis de faute, kékédi !
Ngo Maliga traversa le fleuve sans histoie. Elle embrassa son
père et sa mère. Puis vint le tour de la puinée. Ngo Yi
mit les pieds sur le tronc d'arbre qui servait de pont et chanta comme sa
soeur :
Fleuve de mes aïeux, kekédi !
Je reviens du mariage, kékédi !
Je rentre à Minka, kékédi !
J n'ai pas commis de faute, kékédi
La jeune fille atteignit aisement l'autre rive. Elle embrassa
son père et sa mère qui pleurèrent de joie en la
retrouvant saine et sauve.
Restait Ngo Lipem. Elle aussi s`engagea sur le tronc d'arbre
en chantant :
Fleuve de mes aïeux, kekédi !
Je reviens du mariage, kékédi !
Je rentre à Minka, kékédi !
J n'ai pas commis de faute, kékédi
A peine avait-elle mis les pieds sur le tronc d'arbre que
l'eau commenca à monter. Elle couvrit ses pieds et atteignit ses
chevilles, puis les genoux. Avant d'arriver au milieu du fleuve Ngo Lipem avait
déjà l'eau jusqu'à la poitrine ! Elle continua de
chanter et d'avancer. Mais l'eau montait, montait toujours. Elle atteignit les
épaules, puis le cou, la bouche. Bientôt, elle ne put plus
chanter. Quelques pas encore, seuls les cheveux frottaient au- dessus de la
masse noire de l'eau.
De loin, la famille rassemblée au bord de l'eau
assistait, impuissante, à cette effroyable scène.
|
25 : Storbun fawl : conte
(source orale: Kom et Aghem,
Aire culturelle : Nord Ouest)
Som mani fauwl bing et fayv pikin; lulu, Titi, kuku, Dudu and
Fifi.
Dis mani fauwl bin di komot wit i pikin dem evride se mek dem
get fo lukot, foseka se som big bed de out sayt. I tel dem se, if dem hye
« Co-ko-co-ko-koo », dem get fo run kam hayd fo i feda, if
nobiso, dat big bid go kash dem.
Bet, fo ol dat fayr pikin dom, Fifi an Dudu dem bi veri
stobon. Dem nobi di eva hye weti dem mamy di tok. Eni taym way ramy fawl go si
dis big bird, i go mek : « Co-ko-co-ko-koo ». Ol i
pikin dem go run kam, except : Fidu- an Dudu.
Wan de, mamy fawl komot egen wit ol i pikin fo fayn chop. I no
stay so, mista dird kam. Ramy fawl mek :
« Co-co-co-ko-co-koo ». As Lulu, Titi an Kuku dem hey dem
mamy, dem run kam kwik-kwik. Bet Dudu and Fifi as yuzual, dem no kam. As dem si
dat big bird, dem bi wan run, bet i bi tu layt. De big bird din don Kash Dudu.
Fifi run fo yi mamy wit kray fo mop : « ramy, ramy,big bird don
Kash Dudu. A go di kye yu an dat big bird no go Kash mi ».
De neks de, ol dem komot fo go chop, bet Fifi no bi di go fawe
egen. I bin di stay kona i mamy, foseka i bin di fye se mek de big bird Kash as
i bi Kash i broda.
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25 : Les poussins têtus
La mère poule avait cinq poussins: LULU, TITI, KUKU,
DUDU, et FIFI.
Elle les emmenait dehors tous les jours. Elle les nourrissait
d'insectes, d'herbes, de graines, et de fruits. Avant de les sortir, elle les
demandait toujours de bien suivre ses conseils. Elle leur disait:
« Si je fais Co-ko-co-ko-ko-koo, cela veut dire que
l'aigle, notre ennemi, n'est pas si loin. Vous devez courir et venir vous
cacher sous mes ailes. Si vous ne vous cachez pas sous mes ailes, l'aigle vous
emportera avec lui. Il vous emportera et fera un bon festin avec sa
famille»
Parmi ces cinq poussins, FIFI et DUDU étaient les plus
têtus, ils n'écoutaient pas leur mère. Chaque fois que la
mère poule apercevait l'aigle, elle faisait Co-ko-co-ko-kokoo trois de
ses poussins: KUKU, TITI et LULU l'écoutaient. Ils couraient et se
cachaient sous les ailes de leur mère.
La mère poule était toujours en colère
contre DUDU et FIFI. Elle leur disait « s'il vous plaît les enfants,
n'allez pas loin quand nous allons manger. Ecoutez-moi, sinon un jour l'aigle
vous attrapera. »
DUDU et FIFI ne voulaient pas écouter leur mère.
Un jour pendant qu'ils mangeaient, monsieur l'aigle est revenu. Aussitôt
que la mère poule a aperçu l'aigle, elle a fait
Coko-co-ko-ko-koo. Les trois poussins obéissants, LULU, TITI et KUKU ont
couru et se sont cachés sous les ailes de leur mère. Mais DUDU et
FIFI étaient très loin. Quand ils ont vu le danger, ils ont
essayé de courir pour se cacher sous les ailes de leur mère, mais
il était trop tard. L'aigle a rapidement attrapé DUDU.
FIFI a couru vers la mère poule en pleurant
« Mère, mère, l'aigle a attrapé
DUDU. »
La mère poule et les autres poussins ont entendu Dudu
pleurer là-haut dans le ciel en disant:
« Si j'avais écouté les conseils de ma
mère, je n'aurai pas été pris par l'aigle. »
Et FIFI s'est adressé à sa mère en
pleurant: "'-
« Mère je t'écouterai toujours. Monsieur
l'aigle ne m'attrapera pas comme il a attrapé mon frère DUDU.
J'ai vu l'aigle déchiré mon frère dans les airs. »
Le lendemain, ils sont allés manger. Cette fois-ci,
FIFI ne s'est pas éloignée, elle est restée à
quelques pas de sa mère. L'aigle affamé est revenu. Mais, il
n'attrape aucun poussin. Quand la mère poule a vu l'aigle, elle a fait
Co-ko-co-ko-koo. Tous les poussins, y compris FIFI, l'ont entendu et sont venus
se cacher sous ses ailes. Monsieur l'aigle était très
déçu. Il s'en est allé chercher ailleurs les poussins
têtus à attraper.
|
REFERENCES BIBLIOGRAPHIES
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DIVERS
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ANNEXES
ANNEXES N°1
Extrait de la loi N° 98/004 du 14 avril 1998
d'orientation de l'éducation au Cameroun.
Article 4
L'éducation a pour mission generale la formation de
l'enfant en vue de son épanouissement intellectuel, physique, civique et
moral et de son insertion harmonieuse dans la société, en prenant
en compte les facteurs économiques, socio-culturel, politiques et
moraux.
Article5
Au titre de la mission générale definie à
l'article 4 ci-dessus, l'Education a pour objectifs :
1) La formation de citoyens enracinés dans leur
culture, mais ouverts au monde et respectueux de l'interet et du bien
commun ;
2) La formation aux grandes valeurs éthiques
universelles que sont la dignité et l'honneur, l'honnêteté
et l'intégrité ainsi que le sens de la discipline ;
3) L'éducation à la vie familiale ;
4) La promotion des langues nationales ;
5) L'initiation à la culture et à la patique de
la démocratie, au respect des droits de l'homme et des libertés,
de la justice et de la tolérence, au combat contre toutes formes de
discrimination à l'amour de la paix et du dialogue, à la
responsabilité civique et à la promotion de
l'intégrité régionale et sous-régionale ;
6) La culture de l'amour de l'effort et du travail bien fait,
la quête de l'excellence et de l'espit de paténariat ;
7) Le développement de la créativité, du
sens de l'initiative et de l'esprit d'entreprise ;
8) La formation physique, portive, artitique et culturelle de
l'enfant ;
9) La promotion de l'hygiène et de l'éducation
à la santé.
Article 6
L'Etat assure à l'enfant le droit à
l'éducation
ANNEXES N°2
QUELQUES EXTRAITS D'ENTRETIEN AVEC NOS
INFORMATEURS
SHEY Mrs Amalia NDAHNE Née KIDZERU
WANYE
Née le 29 / 04 / 1939 à Nso
Professeur de Littérature anglaise,
décédée le 05 Octobre 2008
Fille de Feu Joachim MBU
Et de Theodosia SHEY.
Début de l'entretien : 01 Octobre 2008
J'ai appris à parler le pidgin à la maison
auprès de ma famille (parents, frères, soeurs) et des voisins. Je
peux le lire un peu mais non l'écrire, peut-être le son. Je
préfère m'exprimer en anglais car je suis enseignante de la
langue au Lycée bilingue de Moliko- Buea. Qui plus est, je ne souhaite
pas créer la confusion dans les esprits de mes enfants entre le pidgin
et l'anglais pour leur assurer une éducation future solide. Ils sont
libres aujourd'hui de choisir la langue qui leur conviendrait le mieux vu
qu'ils sont assez grands.
Généralement lorsqu'on a une dame de
ménage, nous sommes contraints de nous exprimer en pidgin pour faciliter
la communication avec cette dernière d'instruction
généralement modeste. Cette donne s'en retrouve transposer sur la
place du marché où la population ne comprend pas le
«grammar». Cela serait pris comme de la méprise auprès
desdites personnes que leur parler grammar, une attitude qui donnerait lieu
à du refus. Le pidgin est la langue par excellence de
l'intercomunication dans notre zone.
Oui, mais ce sont les contes en langue Banso traduits par ma
mère en pidgin pour faciliter leur compréhension. Exemple :
pourquoi les poules mangent les cafards ? (Voir corpus contes 8)
Pour ce qui concerne les proverbes, je te conseille de
rencontrer KOLLE Georges. Quant aux contes, je sais qu'il y a l'influence des
langues locales voire des langues étrangères car je pense
personnellement que le pidgin est né dans les plantations de la CDC. Des
ressortissants de plusieurs communautés linguistiques s'y sont
retrouvés et c'est ce qui pourrait expliquer la naissance de cette
langue pour faciliter la communication entre les membres.
KOLLE Georges
Journaliste à la CRTV Mount-Cameroon FM Buea
Aucune communauté linguistique n'a le pidgin comme
langue maternelle. Il peut tout simplement être adopté comme tel.
Il existe cependant une culture pidgin.
En ce qui concerne les contes, il y a influence des langues
maternelles sur le pidgin. Autrement dit, les contes existent bel et bien en
pidgin, mais les langues locales apportent une touche particulière dans
leur traduction et compréhension.
Le pidgin a évolué au Cameroun. C'est
grâce à cette évolution que nous rencontrons plusieurs
variétés de pidgin. Exemple : chaque ville telle Douala,
Banga, Buea, Yaoundé a son pidgin différent de celui des autres
villes généralement sous l'influence des langues de l'aire
linguistique concernée. Tous les locuteurs pidgin se comprennent
correctement pourtant malgré cette disparité.
Le pidgin n'est plus l'affaire des anglophones. Par exemple
plusieurs francophones basés dans les zones anglophones comme Buea,
s'expriment correctement dans cette langue. Une fois de retour chez eux, ces
derniers deviennent les plus grands ambassadeurs dans la vulgarisation du
pidgin au sein de la communauté dont ils sont originaires.
De toute façon, cette langue ne peut plus être
interdite au Cameroun car c'est la langue véhiculaire la plus
répandue même dans les coins reculés.
Parlant de l'identité, le pidgin est l'assemblage de
presque toutes les cultures camerounaises. Le pidgin raconte en profondeur
l'histoire, les souffrances et les conquêtes des camerounais ;
à mon avis il constitue l'identité camerounaise.
Annexe 2
GUIDE D'ENTRETIEN
1. Nom et prénoms
2. Comment avez-vous appris à parler la langue
pidgin ?
3. A quoi sert le pidgin ?
4. Connaissez-vous quelques textes en langue pidgin? Si oui
dites-les nous.
- Existe-il une culture pidgin ?
5. Peut-on avoir des contes et proverbes en pidgin sans
influence des langues locales ?
6. Existe-il une communauté linguistique qui a le
pidgin comme langue maternelle ?
7. Selon vous, doit-on continuer d'utiliser l'appellation
«Pidgin english?»
8. Existe-il une littérature orale pidgin ?
9. Doit-on adopter le pidgin comme langue nationale ?
10. Dans les années 60, le pidgin était il
considéré comme une langue, de la même manière que
toute autre langue ?
11. Quel était l'appréciation du pidgin dans le
domaine académique ?
12. Dans le domaine réligieux, quel était
l'attitude des camerounais vis-à-vis de cette langue ?
13. Est-ce que les enfants sont libres de parler le pidgin
à la maison ?
14. Peut-on employer le pidgin comme langue
d'instruction ?
15. Pensez- vous que l'enfant comprend facilement lorsque l'on
emploie la langue pidgin ?
Annexe 3
Identité des informateurs
n°
|
nom et prénoms
|
âge
|
activité professionnelle
|
date de l'entretien
|
sexe
|
1
|
Amalia Ndahne
|
69
|
Professeur de littérature anglaise
(décédée le 5/10/2008)
|
01/10/2008
|
féminin
|
2
|
John Hene Ndahne
|
77
|
Journaliste (retraité)
|
01/10/2008
|
masculin
|
3
|
KOLLE Georges
Nkume
|
45
|
Journaliste Mount-Cameroon FM Buea
|
02/10/2008
|
masculin
|
4
|
Mukutu Mondje
|
40
|
animateur Bonakanda village (radio rurale)
|
04/10/2008
|
masculin
|
5
|
Emmanuel Mundoua
|
35
|
agriculteur Bonakanda village
|
04/10/2008
|
masculin
|
6
|
Bertha Nalova
|
38
|
Menagère Mukutu village
|
04/10/2008
|
féminin
|
7
|
Sophie Nanyongo
|
35
|
Menagère Bonakanda village
|
04/10/2008
|
féminin
|
8
|
Martha Okambi
|
48
|
Menagère Bonakanda village
|
04/10/2008
|
féminin
|
9
|
Tabot Daniel Tanyi
|
32
|
Etudiant / UY1
|
15/10/2008
|
masculin
|
10
|
Nan Shey Shey
|
32
|
Etudiant / UY1
|
20/10/2008
|
masculin
|
TABLES DES MATIERES
SOMMAIRE
i
DEDICACE
ii
REMERCIEMENTS
iii
LISTE DES ABREVIATIONS
v
RESUME
vi
ABSTRACT
viii
INTRODUCTION GENERALE
1
Première partie :
PRESENTATION DU PIDGIN
2
ChapitreI : APPROCHE DEFINITIONNELLE
ET GENESE DU PIDGIN
2
I.1. QU'ENTEND-T-ON PAR PIDGIN ?
40
I.2. GENESE DU PIDGIN
44
I.2.1. Origine de l'étude du pidgin
45
I.2.1.1. Théories de l'origine du
pidgin
47
I.2.1.2. L'origine et l'expansion du pidgin english
au cameroun
53
Chapitre II : ATTITUDE ET STATUT A L'EGARD
DU PIDGIN ENGLISH AU CAMEROUN
66
II.1. ATTITUDE A L'EGARD DU CPE
67
II.2. STATUT DU PIDGIN AU CAMEROUN
77
II.1.1. Les canaux d'expression et le niveau
d'utilisation du pidgin
80
II.1.1.1. Les canaux d'expression
80
II.1.1.2. Niveau d'utilisation du pidgin
83
Deuxième partie :
LES FONCTIONS DE L'ENFANT
2
ChapitreIII:L'ENFANT, SUJET D'ETAT OU PATIENT) ET
DE FAIRE (OU AGENT)
88
III.1. L'ENFANT, SUJET D'ETAT OU PATIENT
88
III.1.1. L'enfant dans l'état de
bénéficiaire
90
III.1.1.1. L'enfant, bénéficiaire
d'amélioration
90
III.1.2. L'ENFANT DANS L'ETAT DE VICTIME
101
III.2. L'ENFANT, SUJET DE FAIRE (ou agent)
109
III.2.1. L'enfant dans le rôle d'agent
modificateur
109
III.2.1.1. L'enfant dans le rôle
d'améliorateur
110
III.2.2. L'enfant dans le rôle d'agent
conservateur
118
III.2.2.1. L'enfant dans le rôle d'agent
protecteur
118
Chapitre IV : ANALYSE CRITIQUE DES MYTHES
DE NOTRE CORPUS
130
IV.1. CONCEPTION GENERALE DU MYTHE
130
IV.2. ANALYSE MYTHO-CRITIQUE DES TEXTES DE NOTRE
CORPUS
138
IV.3. ENVIRONNOMENT MYTHIQUE
158
IV.3.1. Le cadre spatial du mythe
158
IV.4.1. La typologie des contes
éducatifs
160
Troisième Partie :
DE L'EDUCATION TRADITIONNELLE DE L'ENFANT DANS LA
REGION DU SUD OUEST
2
Chapitre V : DU SYSTEME EDUCATIF TRADITIONNEL
AFRICAIN AUX MYTHES PIDGIN : VALEURS ET IMPACT
177
V.1. DU SYSTEME EDUCATIF TRADITIONNEL AFRICAIN
178
V.1.1. Le conte pidgin : une école
d'éducation et de formation
178
V.1.2. Les vertus enseignées et les vices
combattus
189
V.1.2.1. Les vices combattus
190
V.1.3.1. L'initiation : un processus
206
V.1.3.2. L'initiation:contenu
209
V.1.4. LES CROYANCES
212
V.2. MYTHES PIDGIN : VALEURS ET IMPACTS
220
V.2.1. Les problèmes éducatifs
actuels
223
V.2.2. Quelques valeurs africaines à
sauvegarder
228
Chapitre VI : LES ACTEURS ET LE CADRE DE
L'EDUCATION
236
VI.1. LES ACTEURS DE L'EDUCATION
236
VI.1.1. La famille
237
VI.1.2. La société enfantine
245
VI.1.3. La société globale
249
VI.1.4.L'enfant dans l'imagerie de la
société globale
249
VI.1.4.1. Particularités de
l'éducation de l'enfant dans la société globale
250
VI.2. LE CADRE DE L'EDUCATION
253
VI.2.1. Cadre familial
253
VI.2.2.Cadre physique
254
VI.2.3. Cadre social
256
VI.3. LES CONTES SUR L'EDUCATION DE L'ENFANT ET LA
REALITE AFRICAINE
257
Chapitre VII : PIDGIN ET LA PROBLEMATIQUE
D'UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE
265
VII.1. LITTERATURE EN PIDGIN ET LES REALITES
CAMEROUNAISES
265
VII.1.1. La langue et la littérature en
pidgin : miroirs de l'âme et de la pensée camerounaise
266
VII.1.2. Langue pidgin : manifestation du
vécu camerounais
268
VII.2. LA LITTERATURE ORALE EN PIDGIN ET LA
MONDIALISATION
269
VII.2.1. L'omniprésence de l'oralité
dans les temps anciens
269
VII.2.2. Le vécu actuel et les diverses
formes de la parole
272
VII.2.3. Littérature orale et la
mondialisation
273
VII.3. UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE
278
VII.3.1. Définition de l'identité
278
VII.3.2. L'identité culturelle
280
VII.4. UNE IDENTITE CULTURELLE CAMEROUNAISE AUTOUR
DU PIDGIN.
283
VII.4.1. Le pidgin : au-delà du
foisonnement des langues camerounaises
283
VII.4.2. Une voie pour l'unité camerounaise
autour d'une langue commune : le pidgin
285
VII.4.3. De la nécessité de promotion
de la langue pidgin : une arme pour l'indifférenciation
288
VII.4.4. De la nécessite de la promotion de
la littérature orale pidgin
289
REFERENCES BIBLIOGRAPHIES
362
ANNEXES
377
* 1 Propos de Pascal Mukene
cité par O.Sawadogo dans son article
Internet : « L'éducation traditionnelle en Afrique
noire : portée et limites » du 29 avril 2003, site :
htt://www.modern.org/imprimersans.php3,id article=25.
* 2 Parlant d'investigation, les
textes obtenus dans l'élaboration de ce travail ne sont que le fruit
d'une enquête qui nous conduira à une collecte des mythes sur
le terrain.
* 3 Extrait de l'interview
avec KOLLE Georges, Journaliste à Mount Cameroon FM
Buea lors de notre enquête sur le terrain, 2 oOctobre 2008.
* 4
Htt//tecfa.unige.sh/tecfa/publicat/shneider/tory/node45html.
* 5. Dans les thèses de
Denise Paulme exposées dans : la mère
dévorante : un conte du type cyclique à la
particularité d'avoir une situation finale à la situation
initiale
* 6 Cf.tableaux n°2.
* 7R. BASTIDE, op. cit. 1966,
1031. C'est un thème semblable que développe B. HOLAS,
Mythologie des
origines en Afrique noire, Doigène 48, 1964, pp.
102-118. « De toute manière, l'un des principaux buts du
mythe (sous sa forme originelle, effective) est d'accorder
l'humanité avec les rythmes du cosmos en lui
enseignant les modes d'utilisation des forces que celui-ci
produit, en lui ouvrant les portes du sacré et en
lui imposant un éternel mouvement cyclique selon une
chronologie qui ne relève pas de ce monde ».
* 8 Le
« so » en effet comme le montre Laburthe Tolra dans :
initiatiques et société secrètes au Cameroun : essai
sur la réligion béti, avait pour effet de lever les interdits
pour donner accès aux viandes reservées aux hommes :
potamochère, serpent python, etl'antilope qu'on
appelle « So ».Cette initiation était
reservée uniquement aux garçons .le non initié qui
gouttait à la viande interdit pouvait avoir une maladie grave.
* 9 Cette école fut
crée à Bimbia par le pasteur J.MERRICK fils d'un ancien esclave
noir libéré de la Jamaïque.
* 10 De l'avis des historiens,
le système français qui s'applique dans les territoires de AOF
était le plus acculturateur, il avait pour mission outre de civiliser
(prétexte), de franciser les colonies. Les anglais quant à eux
étaient moins rudes et utilisaient les langues locales dans
l'enseignement primaire.
* 11 Notamment le colloque
sur : L'identité culturelle Camerounaise, organisé par le
Ministère de l'information et de la culture à Yaoundé du
13 au 23 mai 1985.
* 12 Notamment la
conférence sur l'éducation de JOMTEIN en Thaïlande en
1990.
* 13 Notamment la loi
N°98/004 du 14avril 1998 d'orientation de l'éducation au
Cameroun.
* 14 Alinéa 1de
l'article 5 de la loi N°98/004 du 14 avril1998.
* 15 Les thèses de Cheik
Anta Diop exposées dans son livre : Nations Nègres et
Culture II, Présence africaine, Paris, 1979, démontrent la
prééminence des cultures à travers la civilisation
égyptienne sur toutes les autres cultures et démontrent que
l'homme noir était doué d'une culture extraordinaire.
* 16 L'expression le plus vieux
métier du monde désigne la prostitution.
* 17 L'institution publiques
d'encadrement des mineurs et de rééducation des mineurs
inadaptés sociaux furent créée par le décret
N°2001-109-PM en date du 20mars 2001 au Cameroun.
* 18 Ministère de
l'information et de la culture : direction des affaires culturelles ;
L'identité culturelle Camerounaise, Yaoundé, Cameroun, 1985,
p.489.
* 19Terme signifiant la
triade : père, mère et enfant
* 20 Relation de
consanguinité ou d'alliance qui unit les individus d'une famille entre
eux
* 21 Les sociétés
matriarcales sont celles ou le système social politique et juridique
repose sur l'autorité prépondérante des femmes dans la
famille et ou celles-ci occupent des fonctions politiques importantes.
* 22 Interview de
François Champion sur Lydie Dooh-Bunya in Notre
librairie, « Enfants d'hier, enfant
d'aujourd'hui »nN0 51, décembre 1979, P .33.
* 23 Cf. Annexe, conte :
Dylim's children
* 24 J.Kizerbo dans un
entretien avec Réné Holenstein, Edition de l'Aube, France.
* 25 A.Kom, Mongo Béti
parle, Interview réalisé et édité par Ambroise
Kom.Ed. Bayreut. African Studies, Paris, 2002, P.146.
* 26 Propos tiré de
l'Encyclopédie Encarta, voir Supra.
* 27 Les langues comme le
Wolof, le Fufuldé, le Swahili et le Pidgin dans notre c as en sont des
exemples paplpables.
* 28 C'était lors du
Colloque Internationale d'Alger en mi-avril » LANGUES, CULTURE ET
TRADITION » organisé par la Faculté des Lettres et des
Langues.
* 29 Dans les langues locales
et l'identité africaine.
* 30 Le Bamiléké,
comme va le reconnaitre notre témoin, n'est pas une langue, mais un
groupe de langue assez proches tant sur le plan linguistique que
sociologique.
* 31 Nous nous rappelons avoir
échappé à une agression une nuit dans la rue, grace
à notre pratique du pidgin.
* 32
J.Kizerbo, « l'asphisie des langues africaines serait une
descente aux enfers » in
hpp://wwwwww.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=3201.
* 143W.
Bouazi, La Culture en question, Paris, Silex, 1982, p. 54.
|
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