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Usages et pratiques d'internet par les étudiants au Cameroun: quels enjeux ?

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par Hermann ESSOUKAN EPEE
Université Stendhal-Grenoble 3 - Master 2 2014
  

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Section 2 : Internet au Cameroun

2-1. La connexion du Cameroun au réseau mondial :

Depuis 1985, le Cameroun disposait de CAMPA, un réseau X.25 national à commutation par paquets géré par INTELCAM (...). Ce réseau permettait d'utiliser le vidéotex, le courrier électronique et d'établir des liaisons spécialisées (point à point)106(*). Ces dispositifs étaient essentiellement utilisés pour les communications des entreprises107(*).

Avant l'arrivée d'Internet au Cameroun en 1997108(*),109(*), 110(*) deux réseaux « pré-internet»111(*) existaient également : l'un basé sur le protocole UUCP (Unix to Unix Copy Protocol), et l'autre sur le protocole Fidonet112(*).

Le Cameroun se connectera ensuite en 1992 sur le protocole UUCP, il s'agissait du RIO (Réseau Intertropical d'Ordinateurs) créé par l'ORSTOM 113(*). Ce réseau donnait accès au courrier électronique et au transfert des fichiers114(*). Au cours de la même année, le pays se connecte à un autre réseau basé sur le protocole UUCP, le Réseau Informatique Régional pour l'Afrique (RINAF), créé par le Programme Intergouvernemental d'Informatique (PII) de l'UNESCO.

Entre 1994 et 1995, sur le protocole Fidonet qui jadis convenait aux lignes de téléphone fixe avec une qualité médiocre, s'ajoutera deux autres réseaux : Healthnet, réservé aux professionnels de santé (réseau mis en place par l'organisation SatelLife de 1989 à 1997), et Camfido avec pour but de fournir la possibilité d'échanger des informations. Ces deux réseaux sont hébergés par l'Ecole Nationale Supérieure Polytechnique (ENSP) dans son centre de recherche Automation Control Laboratory115(*).

Ainsi, le Cameroun passera en full IP (connexion Internet) en 1997, précisément le 5 avril, avec l'installation d'un noeud d'accès international à Yaoundé par Intelcam 116(*)(inauguré officiellement en février 1998). Il est suivi en avril 1999 de l'installation à Douala d'un second noeud. Ces deux noeuds sont des centres de télécommunications par satellite : celui de Yaoundé est relié au fournisseur américain MCI117(*) et celui de Douala est relié à l'opérateur TeleGlobe118(*).

L'accès à Internet en 1997 pour le « grand public », a suscité un espoir de changement dans le paysage médiatique Camerounais et dans la vie des usagers. Mais cet espoir était mitigé sur le plan socio-culturel, à travers de nombreuses représentations construites autour du dispositif. D'un côté, une jeunesse enthousiaste face à la navigation qui permettait de s'évader et aux services fournis par Internet, qui permettaient de briser ce qui jusque là était tabou (la banalisation de la vie sexuelle par les jeunes et les plus jeunes, écouter les musiques sensuelles ou celles qui incitent à la violence, se détacher du contrôle parental, aller à la rencontre de l'autre...). De l'autre côté, des parents qui percevaient Internet comme un instrument de déviance ; à cause des sites de « charme » et de pornographie. C'est ainsi que le Net était accusé de rompre avec les modèles sociaux dans la vie et les pratiques quotidiennes des jeunes filles119(*).

En 1998, le pays comptait trois fournisseurs d'accès à Internet (CAMTEL, CENADI et ICCNET)120(*) et quatre cybercafés à Yaoundé. Près de 2.000 personnes et institutions utilisaient Internet de façon permanente ou occasionnelle. Le taux de fréquentation des points Internet était d'environ 100 personnes par jour. Les jeunes filles étaient les plus nombreuses à utiliser cet outil de communication. Elles représentaient près de 70% de la clientèle des cybercafés et recherchaient surtout des conjoints européens sur le Web121(*).

Aujourd'hui, le nombre de fournisseurs d'accès Internet à largement crû ; parmi les plus connus nous pouvons citer : CAMTEL, ORANGE, MTN, NEXTELL, CREOLINK, RINGO, YOOMEE (..) qui irriguent le pays au moyen des principales technologies de connexion à Internet. Ces fournisseurs restent toutefois encore concentrés dans les grandes villes de Yaoundé et Douala.

Tableau 1 : Evolution de la connectivité au Cameroun

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

UUCP

-

-

+

+

++

++

++

Fidonet

-

-

-

-

+

+

+

Internet

-

-

-

-

-

-

opérationnel

Légende : (-) absent ; (+) peu répandu ; (++) répandu.

Source : Devriendt Arthur  (données regroupées par Larry Landweber).

2-2. La portée d'Internet pour les usagers au Cameroun :

La portée d'Internet est aujourd'hui inestimable pour les usagers au Cameroun. Le Net est porteur de modernité, il est perçu par ses thuriféraires comme un espace où l'on peut s'exprimer en tout anonymat, communiquer en temps réel, partager, faire des rencontres et se divertir. Pour les autodidactes, les universitaires et professionnels c'est un tremplin à la réussite, un cyberespace qui permet d'avoir accès à la connaissance et de la produire.

Internet représente un espace de conquête pour les usagers Camerounais. Nous observons une sorte de convergence et de traduction des pratiques sociales sur la Toile qui jadis n'existaient que sur le plan physique. Nous avons les communautés tribales, religieuses et idéologiques sur le Net via les réseaux sociaux, la recherche des conjoints en ligne, l'accès aux oeuvres culturelles, scientifiques et littéraires qui jusque là étaient réservées aux élites et la vente en ligne.

Pour les entreprises du Cameroun, l'arrivée d'Internet a permis le développement et la création de nouveaux emplois tels que le cyber-journalisme, les Communities manager, les développeurs web, les designers, les gestionnaires des médias sociaux, les chargés de communication web et les experts en sécurité informatique pour ne citer que ceux là.

Les entreprises y trouvent de nombreux avantages : Internet assure à la structure non seulement une fonction vitrine, une fonction sociale, également une fonction marchande qui lui permet de toucher différentes cibles à travers différentes stratégies. Avec la communication numérique, l'organisation peut atteindre à la fois la masse, le segment de cible, la niche « et évaluer clairement les retombées du produit, de la marque ou du service mis en ligne à la différence des ventes classiques dont les retombées se mesurent communément à travers le chiffre d'affaire ».

En plus, au-delà du fait que la Toile confère une grande visibilité à l'entreprise, le coût de la stratégie est aussi moindre. C'est l'une des raisons qui a permis le développement massif de différentes tactiques, techniques et stratégies de communication en ligne parmi lesquelles : la publicité en ligne, le netlinking, le web marketing (marketing direct, marketing viral, marketing communautaire). Ou encore, à travers la guérilla online (animation des forums de discussions, inscription aux réseaux sociaux et sites de partage comme Facebook, Myspace, Hi5, You Tube ...) avec pour objectif la visibilité, l'influence et les ventes spécifiques122(*).

Bien qu'Internet déshumanise les relations sociales et humaines à travers les échanges médiés par les dispositifs, il représente un excellent réducteur spatio-temporel, en dé-sanctuarisant les frontières physiques et géographiques. Un internaute qui est intéressé par un produit ou un service en ligne peut désormais bénéficier sans contrainte de temps ni de lieu. Internet ne tient pas compte des jours fériés, ni des vacances encore moins des heures tardives, il reste opérationnel à temps et en contre temps.

Image 1 : Internautes par milliers d'habitants dans le monde en 2009.

Source : Union internationale des télécommunications

2-3. Les « digitals natives », une problématique postmoderniste au Cameroun :

Les « digitals natives » sont généralement des jeunes âgés de 12 à 25 ans qui ont toujours connu le Web, le GSM, le PC, le numérique. Ils manient ces outils numériques avec une certaine aisance et compétence. Pour au moins les trois quarts d'entre eux, il est impossible de se passer d'Internet pendant une journée. "C'est le premier geste du matin, avant même le petit-déj", affirme Fanny, 20 ans. "Ce serait comme si on m'enlevait mon petit chien", confie Michaël, 13 ans123(*).

Il faut souligner qu'il y'a quelques années, un concepteur de jeux américain Marc Prensky, les a baptisés « digitals natives », « les natifs numériques » en français. Parce qu'ils ont grandi dans l'environnement des ordinateurs, de l'Internet, des GSM, des baladeurs MP3. Il les oppose aux « digital immigrants », « les migrants numériques » qui ont assisté à la naissance du Web et même des PC et qui ont dû s'intégrer, s'adapter et apprendre le nouveau langage.

Au Cameroun, le contexte social ne permet pas encore de parler de « digitals natives », car jusqu'aujourd'hui, les étudiants camerounais, jeunes comme moins jeunes, sont encore pour la plupart dans une phase d'apprentissage, d'acquisition des compétences et d'intégration des technologies. La faible pénétration d'Internet et des technologies de l'information et de la communication, le manque d'infrastructures et de compétences ont créé un retard conséquent. Aujourd'hui, plus jeunes, jeunes et moins jeunes ; c'est-à-dire « natifs du numériques » et « migrants du numériques » ont presque les mêmes compétences basiques des technologies.

Ceux qui sont « nés à l'ère numérique », à cause de la non familiarisation avec les outils numériques sont restés longtemps non concernés par les technologies. La cherté des dispositifs techniques de médiation (ordinateurs, portables, tablettes...) à conduit à l'inculturation des plus jeunes. Car ces dispositifs étaient l'apanage de définition de ceux qui avaient assez de ressources financières et leurs concédaient une stature sociale. Culturellement au Cameroun, on ne donnait pas ce qui est précieux aux enfants ; et ces outils jadis estimables étaient utilisés par les « migrants du numériques » qui avaient plus de maîtrise que « les cadets sociaux » les plus jeunes, ne pouvant qu'observer « les aînés sociaux » dans leurs usages.

Mais aujourd'hui, avec les usages effrénés des outils numériques par les jeunes et leur affection pour Internet, dû à la libéralisation de la communication électronique au Cameroun, ce fossé dans les usages des TIC entre « cadets sociaux » et « aînés sociaux »124(*) s'est considérablement réduit ; nous observons même dans ce dynamisme de la jeunesse un dépassement dans les usages et les appropriations des TIC, à travers l'adoption de nouveaux logiciels et applications de communication digitales et les pratiques numériques propres à certaines tranches d'âges.

D'ailleurs, ce terme de jeunes générations se trouve confronté aux représentations culturelles de ce qu'est la jeunesse. Au Cameroun comme dans plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne, un individu devient majeur à 21 ans, même à la trentaine il continue d'être très jeune, voire une personne immature qui a beaucoup à apprendre de la vie et ne mérite pas de responsabilité. La société est structurée à travers les perceptions telles que plus on vieillit, plus on acquiert de la sagesse, les notions culturelles de chefferies traditionnelles et des royaumes tribaux, favorisent la gérontocratie et concèdent une représentation différente de ce que peut être la jeuneuse et en pareille occurrence les jeunes générations.

L'environnement socio-culturel, à côté du contexte économique lié aux représentations sociales, au manque des infrastructures de pointe, au non accès à la technologie par une partie de la population jeune et à l'absence de compétences, ne permettent pas de parler de « digitals natives » au Cameroun. Toutefois, l'emploi de ce terme se fera dans un futur proche grâce au transfert des connaissances et des technologies qui s'opère au Cameroun, à la rupture des perceptions sociales et au dynamisme de la jeunesse dans les usages du numérique.

La jeunesse camerounaise est progressivement friande face au TIC, à travers un comportement affectif et identitaire. Le contexte conjoncturel de la société camerounaise entretenant le chômage, le sous-emploi et l'oisiveté, est en train d'érigé Internet comme un outil d'occupation et de passe-temps des jeunes, en attendant que la situation change (trouver un emploi). Ces derniers s'accrochent au numérique comme un tremplin qui leurs permettrait de trouver un emploi, d'acquérir des compétences, d'être pratique et compétitif, de se dé-stresser et de faire des rencontres. Des pratiques sociales menées malgré la cherté de la connexion à Internet, la mauvaise qualité du débit de connexion et les coupures intempestives de courant électrique qui sont de vieilles habitudes familières à « tout bon camerounais » qui, avec le temps, a appris à « faire avec ».

Ainsi, au delà des tares et des vices, la gente féminine estudiantine s'est appropriée les applications telles que : Whatsapp, Viber, Skype, Messenger (...) comme nouvelle donne. Aujourd'hui chez bon nombre d'étudiants au Cameroun, ne pas faire usage de ces logiciels c'est être déphasé de la réalité (ne pas être à la mode). Pourtant, dans la plupart des cas ils n'ont pas d'autres sources de revenus que celles des parents. Et étonnamment, ce sont ces derniers qui se permettent de s'octroyer des Smartphones, et Tablettes numériques du dernier cri, dans l'intérêt de s'octroyer pour les uns, des artéfacts technologiques permettant de bénéficier des avantages qu'offre le numérique et pour les autres d'acquérir une identité socioculturelle qui n'est pas la leur afin de masquer leur état de pauvreté, pour se faire apprécier, envier et courtiser.

* 106 Op.cit. Ba Abdoul, p. 118

* 107 Jensen Mike ; Cameroon developing into a solid Internet market, 1997, disponible sur www2.netassets.co.za/netasset/col (...)

* 108 Mahama Salomon, Point sur l'internet et la téléphonie mobile au Cameroun, DEA Informatique, Université de Yaoundé I, 2008, mémoire en ligne disponible sur www.memoireonline.com

* 109 BA Abdoul ; Internet, cyberespace et usages en Afrique, Paris, L'Harmattan, 2003,

* 110 Wame Baba ; Internet au Cameroun : les usages et les usagers. Essai sur l'adoption des technologies de l'information et de la communication dans un pays en voie de développement, Thèse de Doctorat, Université de Paris II (Panthéon- Assas), 2005

* 111 N'tambwe Tshimbulu Raphaël ; La politisation de l'Internet en Afrique en question, colloque international, Communication et changement social en Afrique et dans les Caraïbes : bilan et perspectives, Douala, avril 2006, disponible sur http://lesenjeux.u-grenoble3.fr

* 112 Devriendt Arthur ; Technologies de l'information et de la communication et fragmentation urbaine à Yaoundé, Mémoire de Master 2 en Aménagement, Urbanisme et Dynamique des Espaces, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2009, disponible sur https://fr.scribd.com

* 113 L'ORSTOM (Office de la Recherche Scientifique dans les Territoires d'Outre-mer) est devenu Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

* 114 Ngounou Ingrid Alice ; La presse écrite camerounaise à l'épreuve de la convergence numérique. Cas de Cameroun Tribune et Mutation, Mémoire DSTIC en sciences et techniques de l'information et de la communication, ESSTIC, Yaoundé, 2004, version électronique disponible sur http://www.memoireonline.com

* 115 Ibid. Devriendt Arthur 

* 116 Ibid. Ngounou Ingrid Alice

* 117 Filiale de Worldcom, revendue la même année à Cable & Wireless.

* 118 Op.cit. Devriendt Arthur 

* 119 Misse Misse, « Net optimistes » et « Net pessimistes » au Cameroun ou les Internautes face aux pouvoirs, Juin 2011, revues.mshparisnord.org

* 120 Étude menée par les étudiants de la division III de l'Esstic, Université de Yaoundé I, 1998

* 121 Jean Lucien Ewangue, Le phénomène Internet dans la ville de Yaoundé, Séminaire NTIC, ESSTIC, Yaoundé, juillet 1998.

* 122 Ngono Simon, Avantages et effets pervers de l'économie numérique depuis 1992, Licence en communication, option communication sociale et médiatique, Université de Douala, Douala, 2009, disponible sur www.memoireonline.com

* 123 Source : Le-Vif

* 124 Bayart Jean-François, Mbembe Joseph-Achille, Toulabor Comi ; Le politique par le bas en Afrique noire : Contribution à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, Collection "Les Afriques", 1992, p. 53-54

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon