4.4 Entretien d'auto-confrontation18 et analyse de
l'activité d'apprentissage
Bien que l'entretien d'explicitation et l'entretien de
décryptage permettent au chercheur de se concentrer au maximum sur la
collecte d'informations concernant l'aspect procédural de
l'expérience vécue - l'action (Figure 4), nous pensons qu'ils ne
sont pas suffisants pour nous aider à examiner les autres aspects de la
« situation-source » afin de trouver une réponse plus
complète à notre question : dans quelles conditions une situation
de vie peut-elle devenir un fragment de vie signifiante pour l'apprentissage du
leadership ?
18 La méthode peut être définie
comme un type d'entretien de recherche. Elle consiste à présenter
aux personnes observées les traces les plus nombreuses possibles de leur
comportement et à leur demander de les commenter (Thereau,
1992)
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Toujours selon Schugurensky (2007, p.18), « [...]
une question ouverte sur les connaissances tacites et les apprentissages
informels en tant que tels n'avait aucune chance de déboucher sur une
conversation riche sur ce sujet. » C'est la raison pour laquelle nous
avons besoin de trouver un autre moyen d'explorer plus en profondeur les «
situations-sources » et tout ce qui se passe autour de l'action dans
chaque « situation-source » évoquée.
Ici, nous nous sommes intéressées par
une autre technique - l'auto-confrontation qui doit nous permettre de
recueillir plus d'informations sur divers éléments de la «
situation-source » vécue ainsi que de collecter les commentaires de
la personne interrogée. En outre, nous pensons que cette technique peut
également nous permettre de vérifier nos interprétations
de données en comparant nos constats avec les commentaires
formulées par la personne interrogée sur leurs propres
récits ou actions. Cependant, dans le cadre concret de notre recherche,
la limite principale de cette technique réside dans le fait que les
« activités immatérielles » des dirigeants ne peuvent
pas être filmées.
Pour relever ce défi méthodologique,
nous avons essayé de nous soumettre à la même question que
nous voulions poser à nos interlocuteurs. Tout en cherchant la
réponse, nous nous sommes souvenus d'une situation intéressante,
qui a été mentionnée par un dirigeant de notre
connaissance au sujet du jour où il a dû donner un ordre sans
savoir comment le donner. Selon son récit, le problème peut venir
du côté des subordonnés comme le remarque Serieyx : «
Plus une population est éduquée, informée, plus elle
exige, avant d'obéir, éventuellement, de comprendre pourquoi on
lui demande de le faire. » (2009). La difficulté peut venir aussi
de la situation dans laquelle les dirigeants peuvent se trouver. « Selon
les moments, les lieux et les interlocuteurs, il faut être tantôt
détendu et apte à faire des concessions, ou au contraire à
donner le change et à taper du poing sur la table. » (Milspelblom,
2010, p. 267).
Depuis le moment où le dirigeant a
témoigné, il a dit qu'il a déjà tiré
beaucoup de leçons. S'il s'agit d'une forme d'apprentissage, la question
maintenant est : comment analyser cette activité d'apprentissage et ses
composantes ? La difficulté la plus importante repose sur le fait que
les activités managériales sont difficiles à observer ou
à enregistrer en cours d'action.
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Pour cette raison, notre première idée
est d'interroger les dirigeants-acteurs dans un premier temps pour ensuite
analyser les éléments significatifs évoqués lors de
l'entretien d'auto-confrontation de l'acteur à ses propres
récits. Ici, nous empruntons l'hypothèse
«représentative » qui « considère
l'activité cognitive, les stratégies et les habiletés
déployées par des professionnels pour faire le métier en
s'informant et se formant, en argumentant leur pratique et en agissant dans
l'espace de la profession. » (Morandi, 2005, p. 36)
La deuxième idée vient du fait que, pour
les dirigeants, les activités réflexives sont souvent
associées avec les événements de parole et
orientées vers les interactions interpersonnelles. Mispelblom a
constaté que : « Si encadrer est travailler, alors l'essentiel du
travail porte sur les mots. Et dans cette dimension de la parole, se produisent
des événements, se constituent des enjeux, se jouent des luttes :
des positions établies sont bousculées, les évidences en
cours sont mises en cause, des changements d'orientations se produisent.»
(ibid. p. 237). Lors des conversations des dirigeants avec les autres
interlocuteurs, nous pouvons identifier des éléments qui se
déroulent avant, pendant et après l'événement. Ce
lien nous a donné l'idée de pénétrer dans cet
univers réflexif selon les trois étapes suivantes :
a) Définir un événement de
parole net et représentatif pour aider l'interviewé à
verbaliser son activité sans l'orienter
b) Faire une analyse de l'activité
basée sur les éléments significatifs extraits du
récit, c'est-à-dire les éléments qui font «
signe » pour l'acteur à l'aide d'un entretien
d'auto-confrontation
c) Faire une analyse sur les processus de
transformation et de production des connaissances de l'acteur
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