3.1.4 La nécessité de la notion «
situation-source »
Anne-Lise Ulmann a constaté que « les
directeurs faisaient très souvent référence, pour
expliquer leurs manières de faire, à des idéals
professionnels qu'ils s'étaient forgés en observant leur
directeur... » (Ulmann, 2009, p. 164). En plus de l'observation
d'Anne-Lise Ulmann, nous pouvons confirmer que c'est lors de conversations
informelles avec des dirigeants (au cours de déjeuners qui se sont
déroulés dans le cadre de notre travail opérationnel) que
ceux-ci ont souvent évoqué l'influence d'autres facteurs, tels
que l'éducation familiale, l'interaction avec les membres de la famille,
l'amitié, et même, ce n'est pas rare, l'amitié avec les
collègues ou des clients. A notre surprise, ces « conversations au
cours du déjeuner» parfois expliquent et décrivent, de
façon très détaillée, les situations au cours
desquelles ont lieu les moments de transformation perçus par les
dirigeants. Pourtant, si on accepte que le leadership s'apprend à partir
de la vie quotidienne, doit-on s'étonner du fait que certaines
situations peuvent rester gravées dans la mémoire et jouer un
rôle formateur ?
La citation de Voltaire sur « ce qui touche le
coeur... » (1764) nous conduit à admettre que si ces situations
sont à l'origine des souvenirs qui restent « gravées dans la
mémoire », c'est parce qu'elles sont source d'émotions et de
sentiments puissant (« touchent le coeur ») chez la personne. Pour
étayer davantage cette argumentation, nous nous trouvons face à
la nécessité de trouver un « nom » pour les situations
de cette nature. A ce stade de notre réflexion il est impératif
de trouver un terme pour désigner les situations de cette nature.
L'emploi du mot « source » laisse entendre que la situation qui fait
l'objet de notre étude doit être à l'origine (la source)
d'un sentiment spécifique, grâce auquel elle devient inoubliable
et exerce un rôle formateur sur la personne : le « sentiment
d'apprendre ». Conformément à cette idée, une
«situation-source » doit se différencier d'autres situations.
Une fois produite elle se fait remarquée par le « sentiment
d'apprendre » qu'elle a provoqué. Dans cette circonstance, une
situation ordinaire pourrait devenir la « situation-source », qui
continue à vivre et à accompagner la personne tout au long de sa
vie. Nous supposons qu'il y a quand-même deux catégories de «
situations-source » à examiner. La première catégorie
regroupe des situations durant lesquelles le « sentiment d'apprendre
» se produit; la deuxième catégorie regroupe des situations,
où le « sentiment d'apprendre » apparaît lors d'une
rétrospection de la situation en question. (Figure 1).
Enfin, il ne faut pas confondre ce terme avec la
« situation d'apprentissage » (ou bien la «situation
apprenante»), qui est une situation typique choisie ou construite par
l'éducateur ou par le formateur dans un but éducatif.
Contrairement à ces termes, qui sont souvent utilisés d'une
manière générale dans l'éducation ou dans la
formation collective, le terme « situation-source » dans notre
étude renvoie à des situations réelles et souvent
singulières, qui sont porteuses de sens pour une seule et unique
personne selon sa propre perception.
Situation-source Rétrospection
de la situation-source
Situation-source
Sentiment d'apprendre
Sentiment d'apprendre
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temps
Figure 1 : Les deux catégories de «
situation-source » (Source : l'auteur)
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