Les enfants en situation de rue à Katmandou : étude comparative de la représentation sociale de la vie dans la rue des enfants en situation de rue et des travailleurs sociaux népalais( Télécharger le fichier original )par Marion SERE Université Toulouse - Le Mirail - Master Premiere Année, Psychologie mention clinique interculturelle 2013 |
1.3/ Les enfants en situation de rue dans le contexte népalaisLa littérature scientifique sur les enfants en situation de rue au Népal est très pauvre, comparée par exemple à celle du Brésil ou d'autres pays d'Amérique Latine ; par conséquent, établir un portrait complet et récent de la situation est une tâche délicate. Les documents réalisés par différentes organisations internationales et népalaises apportent toutefois des compléments d'informations intéressants, même si l'on peut s'interroger sur la valeur de ces données, tant elles sont soumises aux valeurs et aux intérêts de l'ONG qui les a produites. Elles ont au moins le mérite d'offrir une base informative. En 2003, selon un rapport du United Nations Development Programme (2004), environ 5000 enfants travaillaient et vivaient dans la rue au Népal. Ces chiffres sont à manier avec précaution, compte tenu de la difficulté à recenser les enfants en situation de rue et à connaître la population exacte désignée par ces chiffres, chacun pouvant avoir une définition différente des enfants à inclure ou non dans les statistiques (Panter-Brick, 2001). Concernant les motifs de départ dans la rue, en comparant les travaux précédemment cités avec l'étude de Baker et al. (1997), on s'aperçoit que les motifs des enfants népalais sont assez similaires de ceux des enfants d'autres pays. Cependant, les différences existent et les auteurs évoquent l'utilité de recherches spécifiques prenant en compte les particularités culturelles. Dans le cas du Népal, l'étude mentionne la relative importance des beaux-parents comme facteur poussant (push factor) les enfants dans la rue1(*). L'attraction exercée par la capitale serait par contre un facteur tirant (pull factor) les enfants et concernerait 62% des enfants en situation de rue (Pradhan, 1990, cité par Le Roux & Smith, 1998). Sur ce point, Lucchini (1998) considère en effet que, chez certains enfants, l'attrait de la rue est non négligeable ; il y a le plaisir d'enfreindre l'interdit et le rapport de l'enfant au risque et à l'aventure. Enfin, au Népal où un système de caste est, de manière non officielle, en vigueur, Baker et al. (1997) constatent que la moitié des enfants en situation de rue proviendraient des castes hautes. Les auteurs avancent deux hypothèses explicatives : les enfants issus de famille d'une caste élevée peuvent avoir à affronter la pression sociale et ont également moins d'opportunités de travail à cause de certaines tâches qui leur sont interdites. Ces enfants ont aussi plus de contacts avec la vie en dehors du village et montrent une initiative plus grande pour s'établir loin du domicile familial. Il convient également de préciser que, dans un contexte de mondialisation, le discours sur les enfants et sur leurs droits est en évolution au Népal. Le pays a ratifié, entre autres documents sur les droits humains, la Convention Internationale sur les droits de l'enfant et des organisations internationales centrées sur les enfants font preuve d'une présence active (Baker & Hinton, 2001). Les travaux de Baker et Hinton ont d'ailleurs mis en évidence le poids de la vision occidentale de l'enfant dans les pratiques adoptées par le gouvernement et les ONG locales. Le modèle occidental d'une enfance idéale correspond à une enfance libre de responsabilités et donc de travail et qui est dominée par l'éducation et les loisirs dans un contexte familial. Il influence les programmes d'aide en mettant de l'avant l'importance de la réinsertion, que ce soit pour les enfants qui travaillent ou les enfants en situation de rue. * 1 Lors d'un remariage, le beau-père ou la belle-mère rejette très fréquemment les enfants issus du premier mariage du conjoint ou de la conjointe et peuvent se montrer très violents, poussant ainsi les enfants à quitter le domicile (Plusieurs intervenants sociaux et amis népalais, communication personnelle, mars 2011). |
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