1. Résumé du chapitre II
1.1. Avant-propos
Le changement global, et plus particulièrement le
réchauffement climatique, ont un impact fort sur les organismes vivants
qui peuplent les milieux terrestres et aquatiques (Parmesan & Yohe, 2003;
Intergovernmental Panel on Climate Change, 2007a). Les espèces marines,
en grande majorité thermo-conformes, sont directement impactées
par le réchauffement des océans. Les conséquences de
l'augmentation des températures sur ces organismes sont multiples
(Edwards & Richardson, 2004; Stempniewicz et al., 2007; Brander,
2007). Parmi celles-ci, un phénomène de réorganisation
spatiale des espèces est observé (Brander et al., 2003;
Perry et al., 2005). Dans l'hémisphère Nord, de plus en
plus d'espèces sont observées à des latitudes
supérieures à leur limite nord de répartition habituelle
(Beaugrand et al., 2002a,b ; Harris et al., 2007) ou
voient leur abondance exploser, là où elles n'étaient que
rarement observées auparavant (Kirby et al., 2006; Van Damme
& Couperus, 2008).
Si les effets du changement climatique sur la distribution
spatiale des espèces sont de mieux en mieux connus et observés,
il est à l'heure actuelle impossible de prédire qu'elle sera
cette distribution spatiale à grande échelle dans le futur. Les
outils capables de formuler des prédictions, des scénarios
d'évolution potentielle de la répartition spatiale des
organismes, en réponse au réchauffement climatique, sont soit mal
utilisés (les limitations de ces outils ne sont pas prises en compte)
soit manquants (Pearson & Dawson, 2003).
Dans cette étude, nous partons du principe qu'une
espèce cherche à se maintenir dans un environnement en
conformité à sa niche écologique, au sens d'Hutchison
(Hutchinson, 1957). Par conséquent, nous nous proposons de
développer et de tester un modèle, le modèle
Non-Parametric Probabilistic Ecological Niche (NPPEN), qui évalue dans
quelle mesure un espace géographique (passé, présent ou
potentiel futur) peut fournir un espace environnemental accueillant pour une
espèce (Peterson, 2001). En d'autres termes, ce modèle
évalue l'appartenance d'un point géographique,
représenté par ses conditions environnementales, à la
niche écologique de l'espèce.
Ce type de modèle existe déjà. Toutefois,
différentes limitations, telles que le besoin absolu de données
de présence et d'absence, la contrainte de normalité des
variables, ou encore la nécessité d'utiliser un grand nombre de
descripteurs, rendent leur utilisation peu adaptée dans le cadre
d'étude à très grande échelle. Le NPPEN cumule les
avantages de ne requérir que des données de présences,
d'être non-paramétrique, et de pouvoir travailler de façon
robuste avec un nombre relativement faible de descripteurs.
Le modèle NPPEN sera appliqué sur une
espèce emblématique de l'Atlantique nord : la morue de
l'Atlantique (Gadus morhua, L.). Cette espèce est un poisson
d'un grand intérêt commercial, très largement
exploité. De fait, sa reproduction, sa dynamique des stocks, sa biologie
et sa distribution spatiale, ont très souvent été
étudiées et comprises. De même, ce gadoïde est
certainement celui pour lequel le plus de données d'observations,
utilisables, sont disponibles. Enfin, les signes d'un changement, lié au
réchauffement climatique, de la distribution spatiale de cette
espèce ont déjà été observés
(Beaugrand et al., 2003; Drinkwater, 2005; Beaugrand & Kirby,
2010b). De tels éléments font de cette espèce le candidat
idéal pour tester les compétences du NPPEN en termes de
modélisation spatiale passée, présente et future,
basée sur différents scénarios d'évolution du
climat.
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