1. Avant-propos
L'impact de la variabilité des facteurs
environnementaux et climatiques sur les poissons marins (O'Brien et
al., 2000) est régulièrement mis en avant pour expliquer les
variations observées des stocks de poissons. Par exemple, le recrutement
de la morue de l'Atlantique est affecté par des modifications de la NAO
(Brander & Mohn, 2004). De plus, la température est
désignée comme étant un facteur clef pour le recrutement
de la morue (Sundby, 2000 ; Björnsson et al., 2001 ;
Pörtner et al., 2001). Une étude a mis en évidence
la vulnérabilité de la morue de l'Atlantique aux changements
climatiques, quand celle-ci se trouve en bordure de sa niche thermique
(Beaugrand et al., 2010). Cette vulnérabilité climatique
est exacerbée lorsqu'elle s'applique à des populations
déjà atteintes par les effets de la surexploitation (Brander,
2005). De même, le réchauffement climatique a été
à l'origine de la réorganisation biogéographique de
certaines espèces de poissons (Parmesan & Yohe, 2003 ;
Drinkwater, 2005 ; Perry et al., 2005). En 2003, Beaugrand et
al., ont mis en évidence l'impact des variations climatiques sur la
morue de l'Atlantique via le réseau trophique et, en particulier, via la
communauté des copépodes calanoïdes, proies essentielles aux
larves et juvéniles de Gadus morhua Linnaeus, 1758
(Beaugrand et al., 2003). Plus récemment, Beaugrand & Kirby
(2010b) ont montré que les fortes probabilités de présence
de la morue coïncident avec de forte abondance de Calanus
finmarchicus à l'échelle de l'océan Atlantique
Nord.
La morue de l'Atlantique est une espèce qui a fait
l'objet d'une pêche intensive au 20e siècle
(Andrews et al., 2006) jusque dans les années 1980.
Après le pic des années 1970, le volume des captures a
commencé à chuter et ce malgré un effort de pêche
équivalent. Comprendre comment et pourquoi les stocks de morue
s'effondraient, constituait un défi de tout premier plan (Myers et
al., 1996 ; Cook et al., 1997 ; Myers et al.,
1997). Comme pour de nombreuses espèces de poisson, l'impact de la
surexploitation sur la morue de l'Atlantique est dénoncée
(Pauly et al., 2005).
Dans le contexte du changement climatique et dans le cadre de
la mise en place de plans de gestion des ressources marines, il devient
primordial d'intégrer les effets du réchauffement, pouvant
provoquer la diminution de certains stocks (Rose, 2004 ; Kirby et
al., 2009), dans les stratégies de gestion durable des pêches
(Kell et al., 2005). C'est pourquoi, de nouveaux outils basés
sur la niche écologique des espèces sont développés
pour tenter de prédire comment les poissons risquent de réagir,
en réponse au réchauffement des océans. Ces modèles
utilisent des variables écogéographiques, comme la
température, la bathymétrie, la distance à la côte
et la production primaire (Kaschner et al., 2006). La
disponibilité en proies zooplanctoniques étant une variable
critique pour des stades clefs du cycle de vie des poissons, il est essentiel
de l'utiliser comme une nouvelle dimension pour décrire la niche
écologique.
Dans ce chapitre, le modèle NPPEN est utilisé
pour modéliser la distribution spatiale potentielle passée,
présente et future de la morue en fonction (1) des trois descripteurs de
type environnemental précédemment utilisés (SST,
bathymétrie et SSS) ; et (2) d'un quatrième
descripteur : la présence du copépode calanoïde
C. finmarchicus. L'étude de l'évolution temporelle
des probabilités de présence de la morue a été
réalisée sur trois zones géographiques, pour lesquelles
une activité de pêche est, ou a été,
pratiquée : les eaux autours de Terre-Neuve, la Mer du nord (zone
CIEM IV) et les eaux islandaises (zone CIEM Va).
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