1.1. Avant-propos
L'écosystème mer du Nord connait depuis les
années 1980 de profonds et rapides changements dans sa trophodynamique
(Kirby & Beaugrand, 2009) Ces changements, provoqués par le
réchauffement climatique, atteignent la phénologie (Edward &
Richardson, 2004) et la biogéographie des espèces
résidentes (Stebbing et al., 2004 ; Genner et
al., 2004 ; Perry et al., 2005). Les effets du
réchauffement concernent l'ensemble du réseau trophique tout au
long duquel ces effets se répercutent (Frederiksen et al.,
2004 ; Kirby & Beaugrand, 2009). Au sommet du réseau trophique,
les prédateurs supérieurs sont considérés comme des
indicateurs de l'état de l'écosystème marin (Wanless,
2007). Parmi eux, les oiseaux marins nichant sur les côtes de la mer du
Nord, types Alcidés et Laridés, ont connu récemment des
chutes importantes de leur taux de reproduction. Ces baisses sont liées
à des modifications dans la qualité et la disponibilité
des proies préférentielles, en particulier le lançon
nordique (Wanless et al., 2007). Cette raréfaction du
lançon nordique est accompagnée par une augmentation d'abondance
d'autres poissons à valeur énergétique bien plus faible
comme l'entélure (Wanless et al., 2005, 2007). Cette
réorganisation de la composition spécifique du régime
alimentaire des oiseaux marins est imputable au réchauffement des eaux
de la mer du Nord (Harris et al., 2007, 2008). Les conditions de vie
de cette zone deviendront moins favorables à la présence du
lançon nordique. En revanche, elles favoriseront d'autres espèces
aux exigences environnementales plus en adéquation avec ces conditions
de vie, nouvellement disponibles.
Dans cette étude, les distributions spatiales
passées, présentes et futures potentielles des espèces de
poissons disponibles et capturées par les oiseaux marins, tels que le
Guillemot de Troïl ou la mouette tridactyle, ont été
modélisées grâce au NPPEN. Ces espèces sont le
lançon nordique (Ammodytes marinus Raitt, 1934), le sprat
européen, (Sprattus sprattus Linnaeus, 1758) et
l'entélure (Entelurus aequoreus Linnaeus, 1758). La possible
immigration en mer du Nord de deux autres espèces, plus
méditerranéennes, l'anchois (Engraulis encrasilocus
Walbaum, 1792) et la sardine européenne (Sardina pilchardus
Linnaeus, 1758) a également été évaluée.
L'objectif était d'estimer si la substitution de proies à haute
valeur énergétique par des espèces de bien plus faible
qualité, observée dans le régime alimentaire des oiseaux
marins de mer du Nord, allait perdurer avec le réchauffement climatique.
Un second objectif consistait à évaluer si les espèces,
à la distribution spatiale généralement située plus
au sud, et dont l'arrivée en mer du Nord est prédite, peuvent
constituer une ressource de substitutions valable pour les oiseaux marins.
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