TITRE II : LA RESISTANCE DU DROIT FRANÇAIS ENVERS
LA GPA
La prise en considération de
l'intérêt supérieur de l'enfant et de la mère
porteuse, principes fondamentaux sur lesquels se base l'interdiction actuelle
mènent à ne pas légaliser la gestation pour
autrui.
Le rapport parlementaire sur la révision des lois de
bioéthique rendu le 21 janvier 2010 propose de maintenir l'interdiction
de la gestation pour autrui, car elle va à l'encontre des grands
principes de la loi française dont, en particulier,
l'indisponibilité du corps.
La décision pour levée la prohibition de la
gestation pour autrui appartient totalement au législateur alors que son
application relève du corps médical, où sa
responsabilité est entièrement engagée. Les données
factuelles sur les risques éventuels sont à ce jour,
insuffisantes, ce qui mettrait les praticiens dans une situation inconfortable.
En ce sens que le médecin se doit d'apporter à ces patients les
données les plus complètes possibles et d'assurer à un
haut niveau des complications qui peuvent être graves.
CHAPITRE I ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA GPA A. D'UN
POINT DE VUE JURIDIQUE
Le refus de la légalisation de la gestation pour autrui
soulève la question concernant les fondements judiciaires sur lesquels
la Cour de cassation en 1991 s'est appuyée. Serait remis en cause le
principe d'indisponibilité du corps humain sur lequel les juges fondent
leur décision. Les partisans de cette pratique affirment que ce principe
est sans valeur depuis la loi de 1994 qui autorise le don de gamètes. Le
constat est que le corps humain n'est pas resté en dehors du commerce
juridique. (Don de gamètes, don d'organes entre personnes vivantes,
recherches biomédicales). Un autre argument est celui de la
clandestinité et enfin l'exode des couples qui se rendent à
l'étranger où la GPA est autorisée.
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A cet effet, Madame DEPADT-SEBAG78 pense le
régime envisageable de deux façons, soit sur le modèle du
don de gamètes, soit sur le modèle du don d'organes entre
personnes vivantes. Dans le premier cas, le don de gestation serait anonyme,
à l'instar du don de gamètes, pour lequel les dangers de
dérives sont prévenus par les deux règles de l'anonymat et
de la gratuité. Dans le second cas, le régime du don pourrait
être inspiré des conditions actuelles du don d'organe entre
personnes vivantes, notamment en ce qui concernerait le statut des mères
gestationnelles par rapport aux mères biologiques.
B. SUR LE PLAN MEDICAL ET PSYCHOLOGIQUE
La première indication de la gestation pour autrui
pourrait être l'absence d'utérus, d'origine congénitale ou
accidentelle. L'absence congénitale d'utérus et des deux tiers
supérieurs du vagin appelée syndrome de
Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser atteint environ une femme pour 4 500, soit
environ 200 par an. L'ablation d'utérus liée à une origine
accidentelle comme par exemple une hémorragie très abondante de
la délivrance, ou suite à un cancer du col de l'utérus ou
de l'endomètre. Dans une étude de Peter BRISDEN79 en
2003, est démontré que les antécédents de cancers
sont la cause la plus fréquente de gestation pour autrui. On assiste
depuis quelques années, d'une part au rajeunissement de l'apparition de
certains cancers, d'autre part au retard de plus en plus marqué de
l'âge de la première grossesse ou à une grossesse tardive
à la suite d'un remariage.
D'autres pathologies peuvent être prises en compte pour
justifier la levée de la prohibition de la gestation pour autrui, comme
l'existence d'anomalies fonctionnelles sévères de
l'utérus. Des malformations entraînant une stérilité
ou des avortements à répétition. Il y a aussi le
diéthylstilbestrol (distilbène), ce traitement a
été prescrit pendant la grossesse pour prévenir les
avortements spontanés, à partir de l'année 1948 et
jusqu'à la fin des années 70. Les effets de ce traitement
pouvaient provoquer chez les filles des mères traitées des
modifications importantes de forme et de volume de la cavité
utérine.
78 DEPADT-SEBAG (V.), « De la
nécessité d'une réforme de l'article 16-7 du Code civil
relatif à l'interdiction de la gestation pour autrui » in Revue
générale de droit médical, p. 153.
79 Peter R. BRINSDEN,. « Gestational Surrogacy
», Human. Reproduction Update, 2003, vol. 9, n°5, p. 483484.
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Par ordre de fréquence décroissante, il s'agit
d'utérus hypoplasique en forme de T, d'utérus hypotrophique,
d'utérus à bords déchiquetés avec des diverticules,
des strictions et des dilatations, des synéchies80. On peut
estimer à 80 000 le nombre de filles qui ont été
concernées en France. Ces anomalies sont à l'origine de
stérilité essentiellement par difficulté de nidation de
l'embryon, de grossesses extra-utérines, d'avortements spontanés
à répétition, d'accouchements prématurés et
autres anomalies.
Il y a également les maladies mettant en jeu la vie de
la mère au cours de la grossesse. La liste des situations susceptibles
de justifier le recours à la gestation pour autrui établie
ci-dessus n'est ni exhaustive, ni limitative. Ces anomalies ou maladies
reconnues pour ne pas avoir d'alternative thérapeutique.
L'absence d'alternative thérapeutique est un argument
supplémentaire pour la levée de la prohibition de la gestation
pour autrui.
En ce qui concerne l'adoption en France, les
difficultés de la procédure découragent les couples, les
démarches sont longues et compliquées. Un argument
supplémentaire pour légiférer en faveur de la gestation
pour autrui.
Des travaux de psychanalystes étrangers
démontreraient que les gestatrices vivent très bien leur
grossesse, que l'analyse de la question primordiale posée par la GPA
était celle du schéma mental d'une mère de substitution
vis-à-vis d'un foetus qu'elle porte mais qu'elle ne désire pas,
mais qu'elle s'apprêtait à remettre à un couple
animé d'un projet parental. Ces gestatrices sensibles aux
problèmes d'infertilité des couples les porteraient à
accomplir un acte qui les valorisent, pouvoir réaliser une chose que la
médecine actuelle ne peut réaliser en faveur de ces couples
infertiles. Elles font part de leur sentiment de valorisation
d'elle-même, d'une forte gratification que procure l'acte de gestation,
sentiment supérieur à la motivation
financière81.
D'après des données de la psychopathologie
périnatale, un enfant porté par une femme qui n'est pas la
mère d'intention sera capable, par déplacement, de faire un
transfert sur d'autres adultes.
80 Adherences intra-utérines
81 The gift of motherhood : egg donation in a
Barcelona Infertility clinic, Ethnos, 2005, n°70-71
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Les gestatrices seraient soigneusement
sélectionnées suite à des tests médicaux et
psychologiques. Elles devraient avoir un schéma psychologique
particulier. La grossesse et l'enfantement supposent en effet une
corrélation entre le processus biologique, être enceinte, et le
processus mental, dont l'implication est nécessaire pour devenir
réellement mère. Mais la gestatrice n'aura pas le sentiment
d'attendre « son » enfant. Il pourrait être établi un
profil type de la « gestatrice » en prenant en compte trois sortes de
motivation : l'altruisme, le désir d'être enceinte,
l'intérêt financier. Dans le déroulement de la GPA,
l'aspect important serait l'encadrement et le suivi par l'équipe de
professionnels de santé auprès de la gestatrice et des parents
d'intention.
Dans une étude comparative de GOLOMBOK82,
les gestatrices n'ont pas éprouvé de souffrance psychologique
particulière un an après la naissance de l'enfant. Egalement dans
la même étude, le témoignage des associations ne
révèlent l'existence d'aucun trouble particulier chez l'enfant.
Ces études démontrent l'absence de dommages chez la gestatrice et
chez l'enfant.
L'autonomie de la gestatrice dans ses décisions
relatives à son corps et l'autonomie des parents d'intention dans la
réalisation d'un projet parental représente un argument important
pour les partisans de la GPA. L'association MAÏA83
privilégie cette problématique en alléguant le droit des
mères porteuses à faire des choix autonomes et le droit des
parents d'intention à fonder une famille.
Selon certains argumentaires, l'interdiction de la GPA rompt
l'égalité de traitement entre couple infertiles. Cet argument se
réfère à l'article 16 de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme de 1948 pour qualifier l'incapacité des couples
concernés à exercer leur droit de fonder une famille comme une
inégalité de traitement84.
82 GOLOMBOK S., MURRAY C., JADVA V., MacCALLUM F., LYCETT E. -
Families created through a surrogacy arrangement: parent-child relationships in
the first year of life. Dev. Psych., 2004, 40, 400-411.
83 Contribution de l'Association MAÏA à la
préparation des états généraux, p.14 « Une
interdiction, par définition est une privation de liberté ; en
l'espèce, privation de liberté pour un couple stérile de
fonde une famille et privation de liberté de la gestatrice de faire ses
choix personnels »
84Le droit de se marier et de fonder une famille
reconnu à l'article 12 de la convention (européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales) du 4 novembre 1950
et par l'article 23 du pacte international (relatif aux droits civiques et
politiques) du 19 décembre 1966 à l'homme et à la femme en
âge nubile, n'implique pas le droit de conclure avec un tiers des
conventions portant sur le sort d'un enfant à naître ;
Première chambre civile de la Cour de cassation, 13 décembre
1989
Les positions favorables à la gestation pour autrui
font valoir que celle-ci pourrait être mise en oeuvre dans le respect des
principes qui guident l'encadrement de toute démarche d'assistance
médicale à la procréation. Les dispositions existantes
dans le cadre de l'Aide Médicale à la
Procréation85 pourraient être applicables à la
GPA pour favoriser un consentement libre et éclairé. Concernant
les conditions d'accès pour les parents d'intention, la GPA serait
réservée sous certaines indications médicales. La GPA
serait également réservée pour les couples ayant un projet
parental, et sur le modèle d'un couple hétérosexuel. La
gratuité fait également partie des grands fondements pour la
légalisation de la GPA, mais le principe de gratuité ne
s'opposerait pas à l'indemnisation des gestatrices.
En matière d'AMP avec tiers donneur, le
législateur de 1994 a réaffirmé l'impossibilité
pour le couple receveur de désigner nominativement la personne dont il
souhaite recevoir les gamètes. Les objections à l'égard du
don dirigé ou familial seraient identiques pour la GPA. En revanche le
principe d'anonymat ne pourra être conservé.
Quelle déduction peut-on tirer de ces arguments
favorables à la gestation pour autrui ?
Comble de la générosité de la part d'une
femme d'assurer la gestation d'un enfant à la place d'une autre et lui
remettre à la naissance. Que cette générosité qui
convertit l'enfant en bien !
Un terme sera mis au principe de l'indisponibilité du
corps humain, ce qui aura pour conséquence la modification du statut de
l'enfant et par enchaînement celui des êtres humains, à la
chosification du corps de la femme.
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85 Code de Santé Publique n°2141-10
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