PREMIERE PARTIE
Le problème : Aspects Méthodologiques
et Théoriques
La première partie regroupe le 1er, le
2ème et le 3ème chapitre. A ce niveau nous
présentons le problème, la méthode que nous avons
utilisée pour la réussite du travail et les idées
théoriques sur les différents problèmes familiaux.
Chapitre I.
Les cadres de l'Études
Quel problème résout ce mémoire? Dans quels
cadres se situe ce problème?
C'est à ces deux questions que répond ce
chapitre. En effet, nous allons y définir notre problème. Ensuite
nous développerons les faits ou phénomènes historiques
auxquels se rattache ce problème. Enfin, nous examinerons les
idées qui serviront d'outils à la compréhension et
à la résolution dudit problème.
Ce développement sera réalisé dans deux
points.
1.1.- Problématique
Des conversations tenues occasionnellement avec des
époux et épouses haïtiens à Port-au-Prince depuis
plusieurs années nous ont révélé que souvent les
uns comme les autres n'arrivent pas à bien gérer les relations et
interactions nées de la fondation de leurs foyers. En effet, nous avons
souvent entendu l'un des partenaires accuser l'autre de négligence ou
de manque de sens de responsabilité à l'égard des enfants,
en tout cas à l'égard de la famille prise comme une
unité.
Si ces accusations sont vraies, comment s'explique
le phénomène, à Port-au-Prince, dans ses manifestations,
ses causes et ses conséquences, pendant la décennie 1990?
Le mariage forcé qui est un phénomène
courant à Port-au-Prince ne serait-il pas l'une des causes du
problème? On sait que souvent à Port-au-Prince, les jeunes
garçons fiancés courtisent d'autres jeunes filles et
entretiennent avec elles des relations sexuelles. Il arrive souvent que par
hasard une des amantes tombe enceinte et ces jeunes garçons sont, sous
les contraintes et menaces des parents de la fille enceinte ou simplement
poussés par leur conscience, obligés de rompre avec la
fiancée, pour épouser la fille enceinte.
La présence d'une maîtresse dans la vie de
l'époux ou d'un amant dans celle de l'épouse, n'est-elle pas une
autre cause susceptible de rendre l'un ou l'autre des partenaires
indifférent envers le foyer? On sait que tout soupçon en ce sens
alimente des scènes de jalousie et de discussions interminables qui
entretiennent entre les époux, malaise et méfiance dont souffre
le foyer puisque la communication et la compréhension mutuelles peuvent,
dans ces cas, tendre vers le point minimum.
L'impossibilité par l'époux de satisfaire
convenablement les besoins du foyer serait-elle pour rien à certaines
négligences retrouvées dans certains foyers, puisque beaucoup
d'épouses haïtiennes s'attendent à ce que ce soit
l'époux qui assure le gros des dépenses du foyer?
Le manque de préparation de l'épouse à
gérer des activités domestiques n'est-il pas aussi de nature
à répugner l'époux et le porter à mépriser
l'épouse? On sait qu'en Haïti, les travaux domestiques et
l'occupation des enfants sont généralement
considérés comme le lot de la femme, et que celles qui n'arrivent
pas à bien s'en tirer, sont placées sous les feux de la critique
de leurs partenaires.
Les activités professionnelles de l'un ou de l'autre
partenaire doivent-elles être laissées de côté quand
on recherche les causes possibles de la négligence du foyer? On sait que
dans certaines familles de telles activités occupent tout le temps de
l'un des époux (le mari le plus souvent) ou toute la priorité
chez l'autre.
La différence d'éducation entre les
époux, que ce soit dans le sens d'intégration de valeurs et
normes sociales, que ce soit dans le sens de niveau de scolarisation,
n'est-elle pas également une source d'indifférence, donc de
négligence?
En tout cas, quelles qu'en soient les causes, la
négligence de la famille est susceptible d'entraîner des
conséquences négatives dont voici les trois principaux :
1 - Régression sentimentale et/ou économique
du foyer;
2 - Échec social des enfants (mauvaise
intégration sociale,
tendance à la
délinquance);
3 - Éternelle guerre froide ou chaude entre les
conjoints, dont
l'issue la plus fréquente est le divorce qui
amène tout le
cortège de problèmes affectifs
et légaux que l'on peut
imaginer.
Les problèmes qui opposent les partenaires conjugaux
haïtiens et qui rejaillissent sur leurs familles semblent avoir peu
intéressé les auteurs. Malgré nos multiples recherches,
nous n'avons pu trouver que les idées du Docteur Legrand Bijoux et de
Rémy Bastien qui ont inventorié certains faits susceptibles de
nuire directement ou indirectement aux relations conjugales.
Le premier fait est la stérilité
féminine. Dans ce sens le Docteur Bijoux a constaté que
<< la stérilité féminine est
considérée comme une malédiction et la femme
stérile, si elle est en puissance de mari , est ridiculisée et
méprisée par le milieu>>. (1)
Le deuxième fait est la situation de conflit avec
la belle-mère. Sous ce thème, le Docteur Bijoux
écrit : << Il est classique de voir la belle-mère
apprécier et même cajoler sa belle-fille tant que l'union de
celle-ci avec son fils est régulière, et dans la suite monter en
guerre contre elle dès que le problème de mariage légal se
pose. Si le mariage a lieu malgré tout, il n'est pas rare de voir la
belle mère dresser les rivales ou du moins << pousser>> des
rivales contre sa belle-fille légitime>>. (1)
Le troisième fait est l'attachement
exagéré de la fille à sa mère. Pour Bijoux
<< la fille s'attache également à sa mère et ceci
d'une façon exagérée, même après qu'elle ait
été officiellement émancipée par le
mariage>>. (2)
1.- L. Bijoux , coup d'oeil sur la famille haïtienne,
1982, p.45
Ibid., p..66
Le quatrième fait est l'insignifiance de la
présence du père. Le
Docteur Bijoux explique ce fait en ces termes : <<
Si le père existe dans la famille, les relations des enfants avec lui
sont lointaines, superficielles, colorées par la peur, la
méfiance et la rébellion. En général, en cas de
conflit, la mère s'allie avec ses enfants contre le papa. Cette alliance
peut le plus souvent être subtile plutôt que bruyante>>.
(3)
Le cinquième fait qui est l'importance de la
virginité de l'épouse est rapportée par Bastien qui
stipule que << le bonheur futur de la nouvelle mariée
dépend de sa première nuit de noces c'est-à-dire si elle
est vierge ou pas>>. (4)
En mettant en parallèle les idées de la revue de
la littérature et notre question de départ qui est :
Comment s'expliquent la négligence et le manque de responsabilité
des partenaires conjugaux à l'égard de leur famille? , nous
remarquons qu'il existe une certaine conscience des faits capables de poser des
problèmes aux membres d'un foyer légitime. Dans ce sens, les
auteurs se dirigent vers notre question. Cependant, à l'exception de
l'insignifiance de la présence du père et de l'importance de la
virginité de l'épouse, les phénomènes dont ils
parlent ne concernent pas des relations intra-familiales (époux /
épouses, parents / enfants). De plus leur approche n'est pas
centrée sur les conséquences des comportements des époux
pour leurs foyers. Ainsi tenant compte du nombre et de la diversité de
phénomènes qui, dans le milieu haïtien, sont susceptibles
d'expliquer la négligence et le manque de responsabilité
des partenaires conjugaux à
1.- Ibid., p. 45
2.- Ibid., p.65
3.- Ibid., p.66
4.- R. BASTIEN, le paysan haïtien, 1985, p.14
l'égard de leurs familles, nous concluons que tout est
encore à faire dans ce domaine : inventaire des problèmes,
recherche de leurs causes et de leurs conséquences. Telle sera notre
mission dans ce mémoire. Nous l'accomplirons en portant nos observations
sur les familles légitimes des couches moyennes de la ville de
Port-au-Prince qui ont entre un an et vingt ans d'expérience.
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