V-3 LES OUVRIERS DES CHANTIERS
Les Malagasy de la société ancienne savaient
coopérer et travailler ensemble : « asa vadidrano ; tsy vita
raha tsy hifanakonana ». Le Valintanana montrait cette
collectivité entre la population. Il y avait de l'autre coté le
devoir envers le souverain. Aux temps de la royauté, la
société se divisait en classes. Selon Boiteau1 , il y
avait les nobles ou andriana ; les Hommes libres ou hova ;
les esclaves affranchis ou hova vao ; les hova réduit à
l'esclavage ou zaza hova ; les esclaves royaux ou tsiarondahy
et enfin les esclaves ou andevo. Ces derniers avaient des obligations
de travaux qui leurs étaient imposés. En effet, les esclaves
avaient comme fonction la corvée ou Fanompoana. Depuis
Andrianampoinimerina, chaque peuple devait « travailler » pour le
roi. Les femmes esclaves s'occupaient des travaux domestiques tandis que les
esclaves mâles des constructions de bâtiments civils et de
l'entretien de la digue de Betsimitatatra2. Il est à signaler
l'existence d'esclaves originaires d'autres pays à
Madagascar. En effet, des « corvéables »
locaux étaient des esclaves mozambicains et des
Africains3.Est-ce que ces esclaves étrangers avaient-ils
contribué dans l'érection des temples commémoratifs ?
Telle est la question qui se pose et mérite d'être
étudiée, de par ces sources.
V-3-1 Qui étaient ces ouvriers ?
Bien avant l'arrivée des missionnaires, les Malagasy
avaient des techniques qui leur étaient propres concernant la
construction que ce soit habitation ou autres. Cameron, quant à lui,
avait ouvert des ateliers pour former les jeunes Malagasy4. Partant
de cette information, nous ne pouvons pas encore encore affirmer que ces
ouvriers étaient des Malagasy. Ceci, puisqu'on n'a pas de données
montrant qu'ils avaient participé aux constructions des temples
commémoratifs. L'industrie du bâtiment avait connu une
prospérité à un moment donné. Avec Radama II au
pouvoir, la capitale, selon Mantaux5 , commençait à
voir les premiers édifices cultuels, la pierre et la brique se faisaient
de plus en plus nombreuses ... Devenant une source considérable de
revenu, selon Boiteau6, l'extraction et la taille de la pierre, la
préparation de la brique et de tuile se développaient. Les
apprentis ont été guidés par les
1 « Contribution à l'Histoire de la nation
malgache » édition sociale Ministère de la culture et
de l'art révolutionnaire 1982
2 Sources de l'Histoire de l'esclavage : affranchissement et
transaction diverses RAINIZAFINIARY mémoire de maitrise en Histoire
2005
3 RAINIZAFINIARY ibidem
4 INGAHIKAMA : misionera mpanao taozavatra teto
Madagasikara, COUSINS traduit par RANDZAVOLA (H.) : « Tsy latsaky
ny 600 ny mpianany (rafitra) »
5 « Madagascar d'autrefois » in Revue de
Madagascar 3è et 4è trim. 1969
6 « Contribution à l'Histoire de la nation
malgache » édition sociale Ministère de la culture et
de l'art révolutionnaire 1982
artisans britanniques, Cameron et Pool. Notons bien que la
technique de façonnage de la pierre de taille fut transmise par Cameron,
dans les années 1827.On utilisait ces pierres pour les fondations des
maisons.
Partant de l'information donnée par Sibree1,
nous pouvons identifier les ouvriers qui avaient contribué aux
constructions. Ce missionnaire britannique remarquait que « les Malagasy
(malagasy workmen) travaillaient irrégulièrement pendant
la semaine. Ils surveillaient leurs rizières et les repiquages du riz
». Il y avait également les habitudes et coutumes locaux. Sibree
affirmait que : « les affaires familiales interrompent constamment le
travail tels les naissances, circoncisions, mariage, et principalement les
funérailles ». Ces informations ont été
observées et données par Sibree durant la construction
d'Ambatonakanga, le premier temple commémoratif. Nous pouvons
déjà à partir de là, en déduire que ces
ouvriers étaient Malagasy. Cette affirmation peut être
justifiée par le fait que Sibree citait des coutumes et traditions
typiquement malagasy. La langue parlée était aussi, à un
certain moment évoquée comme problème. Sibree ne
comprenait pas la langue locale. Cameron, qui résidait assez longtemps
en Imerina en avait des notions.
D'autres ouvrages parlent également de ces ouvriers.
Dans l'ancienne société, le roi et les nobles avaient droit
à des esclaves qui se chargeaient de toutes les tâches, le
Fanompoana. Ces esclaves, selon Ravel2 ont
été prêtés par quelques « grands » de
l'époque. Vu l'avancement des travaux, les hommes d'Etat à cette
époque, en inventant le prétexte de corvée avaient
retiré les ouvriers pour des constructions personnelles3.
Donc, nous pouvons affirmer que les ouvriers qui travaillaient sur les quatre
chantiers étaient des Malagasy. Ces ouvriers, cités à
plusieurs reprises dans des ouvrages que les travaux étaient des
corvées, avaient le statut d'esclaves. A aucun moment, dans les ouvrages
lus, il n'était cité autres ouvriers venant d'autres pays.
Certes, il y avait des esclaves mozambicains à Madagascar, cependant on
ne saurait dire s'ils avaient ou non contribué à la construction
des temples. Ce que nous pouvons dire c'est que les Malagasy y avaient
contribué. Pour preuve, Andriambelosoa (H.)4 en parlait
également dans ses recherches. Elle affirmait que « [...] les
travailleurs Malagasy ont été formés par le
L.M.S. Ils avaient déjà 35 années d'expérience
depuis la construction d'Ambatonakanga [...] »5. Dans ses
travaux de recherche, elle citait le nom de Rainibao, un des tailleurs
de pierre en ces temps. Cet ouvrier travaillait sur les sites mais il
participait également à la fondation de la cathédrale
d'Ambohimanoro.
1 SIBREE : Fifty years in Madagascar personal
experiences of mission life and work
2 AMBOHIPOTSY 1968 - il y avait même des contre
maîtres Malagasy sur le sentier d'Ambohipotsy
3 « La fondation des temples protestants à
Tananarive entre 1861-1869 » RAISON-JOURDE (F.)
4 British introduction of new uses of stones in Antananarivo
1826- 1889 Memoires de maitrise 2001
5 Les mêmes ouvriers avaient contribués à la
construction de la cathédrale ST Laurent Ambohimanoro
Les ouvriers étaient donc des Malagasy. Le recrutement
de ces ouvriers posait des problèmes pour les missionnaires. En effet,
de telles constructions avaient besoin de personnes qualifiées
(tailleurs- couvreurs- maçons- charpentiers). Comme nous l'avons dit,
les Malagasy avaient comme matériaux de construction habituelle du bois
; jonc ; de la boue. Les techniques étaient traditionnelles.
L'apprentissage de ces ouvriers au nombre fort restreint était de
lourdes tâches pour les missionnaires. Aussi, les esclaves qui avaient
auparavant travaillé gratuitement sous forme de corvée
(puisqu'ils étaient des esclaves) devenaient des ouvriers qui
percevaient des salaires en fonction de leurs travaux sur les sites des
memorial churches. Mais que devenaient ces ouvriers après la
construction des temples ?
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