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Le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales

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par Ousmane SOW
Université Gaston Berger Sénégal - Maitrise 2008
  

Disponible en mode multipage

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République du Sénégal

Ministère de l'Education nationale

Université Gaston Berger de Saint-Louis

U.F.R : Sciences Juridiques et Politiques

Section : Collectivités Locales

++++++++++++++++++++++

MEMOIRE DE MAITRISE

Le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales.

Présenté par : Sous la direction de :

Ousmane Sow Dr Mamadou Kamara

4e Année Collectivités Locales Enseignant-chercheur à l'U.F.R SJP

Année Académique: 2008 / 2009.

:

DEDICACES

Je dédie ce travail spécialement à ma famille:

Mes deux parents :

Ma très chère maman FATIMATA BA qui représente tout pour moi dans cette vie. Puisse Dieu t'accorder santé et longévité ;

Mon cher papa ADAMA SOW pour son amour pour moi et ses conseils ;

Mes frères et soeurs : Mr Habdou Sow qui a toujours été à mes cotés et qui joue convenablement son rôle d'aîné ; Saydou Sow, Assane Sow et mon petit frère Koda Sow, Coumba Ba, Fatimata Sow pour leurs encouragements et leur soutien de tous les jours ;

Les épouses de mes frères : Woury Sow, Aissata Ba, Awa Ba, Ngoné Ndiaye ;

Leurs enfants : Amadou Sow, Abdoulaye, Mariama, fallé, Habdou, Awa, Ibrahima, Moussa ;

Méye Ka que je considère comme étant membre de la famille !

A tous mes proches parents.

Je vous aime !

REMERCIEMENTS

Tout revient à ALLAH, Le Tout Puissant et à son Prophète Mohamet (PSL).

Je remercie tous ceux qui ont contribué à l'accomplissement de ce travail. Certains y ont apporté un soutien moral, d'autres un soutien technique ou matériel. Qu'ils en soient remerciés !

Je ne saurais nommer tout le monde pour deux raisons fondamentales : d'abord par ce que la mémoire humaine est faillible, et ensuite par ce que cette page ne peut contenir tous ceux qui méritent d'y figurer. Mais je vous porte tous dans mon coeur !

Mes remerciements vont à l'endroit de ces gens tant omis que cités ci-dessus :

-Ma famille, notamment ma mère Fatimata Ba et mon frère aîné Habdou Sow ;

- Mes amis d'enfance :

Thierno Ba, Ameth Ba, Ousmane Ka, Abibou Sow, Fadal Ba, Sadibou Ba, Lélé Ba, Fallou Ba, Ousmane Ba, Diéry Thiam, Amady Ba, Badou Ba, Djibo Ba, Mamadou Sam ...

-Mes professeurs :

Mon encadreur Mr Mamadou Kamara pour sa disponibilité et sa modestie intellectuelle ;

Mes ex- professeurs de lycée : Mr Serigne Fall, Inspecteur de l'enseignement ; Mr Ndiaye Anglais (Louga) pour leurs conseils et soutiens.

-Mes enseignants à l'école primaire : Mr Adama Ba (Directeur d'Ecole), Mr Guissé (alias Père) ;

-Mes camarades de classe : Maîtrise Collectivités locales ;

Aux professeurs de l'UFR SJP qui ont participé à ma formation

-Aux chargés de TD : Aziz Kébé, Lamine Samb, Aziz Sow les infatigables !

-Aux membres de l'UED (Union des Etudiants de Diolof).

WA G4C : Vive le DYNAMISME !

A ces êtres qui me sont chers

Méye Ka, Fatimata Diallo, Aldiouma Ka, Mamadou Dieng, Fatimata Sow, Ndéye Anta, Aminata Ba, Serigne Cheikh Diakhaté, Malick sow, Oustaz Demba, Aziz Mbengue, Birame Sarr, Mademba Diop (mon voiz), Ibou Diallo, Ndiaga Lo, Mangoné Fall, Amadou Mamadou Ka, Fama Ndiaye, Houraye Sow, Oumy Sall, Adji Dou, Ameth ka, Ousmane Samba Ka, Ndoumbé Fazani, Adia Khady Ba, Hogo Ba, Oustaz Hamady Ba, Cheikh Famara Ndong....

SOMMAIRE

Introduction

PREMIERE PARTIE : La mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes et ses conséquences 

Chap. I : Le jugement des comptes des collectivités locales

Section 1 : Le jugement du compte de gestion par la cour des comptes

Section 2 : La non soumission de principe du compte administratif à la cour des comptes

Chap. 2 : Les conséquences résultant du contrôle juridictionnel des comptes

Section 1 : Les décisions pouvant être rendues par le juge comptable

Section 2 : Les voies de recours contre les décisions de la cour

DEUXIEME PARTIE : Limites et perspectives envisageables du contrôle juridictionnel

Chap. 1 : Les limites du contrôle juridictionnel

Section1 : Les limites relatives aux moyens de la juridiction

Section 2 : L'inefficacité du contrôle du fait de l'intervention d'autres organes

Chap. 2 : Les perspectives d'amélioration du contrôle

Section 1 : la nécessité d'un aménagement institutionnel

Section 2 : la réorganisation fonctionnelle de la juridiction

 

Conclusion

ABREVIATIONS

A.J.D.A : Actualité Juridique-Droit Administratif

Art. : Article

B.M : Banque Mondiale

C.A.A.C.L : Chambre des Affaires administratives et des Collectivités locales

C.L : Collectivités Locales

C.R.C : Chambre Régionale des Comptes

C.S : Cour Suprême

C.E : Conseil d'Etat

C. comptes : Cour des comptes

G.A.J.F : Grands Arrêts de la Jurisprudence Financière

I.S.C : Institution Supérieure de Contrôle

R.F.D.A : Revue Française de Droit Administratif

T.P.G : Trésorier-payeur général

U.E.M.O.A : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

INTRODUCTION

Le processus de la décentralisation au Sénégal est marqué par des dates phares. Parmi celles-ci nous pouvons retenir l'année 1972 qui voit la création des communautés rurales ,1990 qui marque l'adoption de la loi 90-37 qui renforce le pouvoir des communautés rurales. Les présidents des conseils ruraux deviennent les ordonnateurs du budget à la place des sous-préfets ; juin 1994 : cette phase entre en vigueur avec l'adoption de la loi 96-06 portant sur le code des collectivités locales, de la loi 96-07 sur le transfert de compétences, des lois complémentaires 96-08 à 96-11 et des décrets d'application y relatifs. Ces lois constituent un cadre de référence pour la mise en oeuvre de la politique de régionalisation à partir du 1/1/97. Néanmoins, le processus n'a pas encore terminé son cours. En effet des réformes ont été entreprises ces dernières années avec l'érection de certaines localités en communes, régions...

Avec la loi 96-06 du 22 mars 1996 les collectivités locales au Sénégal sont considérées comme étant majeures. C'est ainsi que le principe de leur libre administration est affirmé, principe figurant au rang de ceux qui ont une valeur constitutionnelle : Les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s'administrent librement par des assemblées élues.
Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi1(*).

Toutefois, cette liberté d'administration reconnue aux collectivités locales est à relativiser. En effet, la décentralisation telle qu'elle est conçue au Sénégal n'accorde pas une autonomie financière aux collectivités décentralisées du fait de l'absence d'un pouvoir fiscal local comme c'est le cas en France. En outre, on note également l'absence d'un contrôle juridictionnel décentralisé qui veillerait à la régularité de la gestion des budgets locaux2(*) à l'instar de la France3(*). Ce qui pourrait entraîner un retard dans le contrôle effectué par la Cour des comptes du fait du nombre élevé de comptes soumis à son contrôle. Néanmoins cette situation pourrait se comprendre du fait que nos Etats sont marqués par un pouvoir central fort qui se traduit par un contrôle dont la nature peut varier suivant les situations. C'est ainsi que nous pouvons avoir un contrôle administratif, un contrôle politique ou un contrôle juridictionnel. Si les deux premiers contrôles peuvent être internes à l'administration, le contrôle juridictionnel quant à lui est externe à celle-ci et assure plus d'efficacité du fait de son indépendance. L'existence d'un contrôle répond à un souci de transparence, de bonne gouvernance et de démocratie. C'est pour cela que tous Etats modernes qui se réclament démocrates ont mis sur place des mécanismes de contrôle tant au sein de l'Etat que dans les autres entités infra étatiques. C'est ainsi que les collectivités locales, au Sénégal, n'échappent pas à cette règle. En effet l'administration locale est soumise à différents contrôles. Il y a d'abord un contrôle de légalité que le représentant de l'Etat effectue. Ce contrôle concerne les actes pris par les autorités décentralisées. Nous avons ensuite un contrôle politique exercé par l'assemblée délibérante. Il y a également d'autres contrôles de type administratif exercés par, d'une part par le comptable sur l'ordonnateur, d'autre part par les ministres de tutelle. Outre ces contrôles, il existe un autre de type juridictionnel exercé par la Cour des comptes sur la gestion des finances locales. C'est ce dernier contrôle portant sur les comptes des collectivités locales qui rentre dans le cadre de notre étude qui se trouve être : le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales.

Il s'impose à nous d'abord de cerner un à un ces différents termes. Ainsi par contrôle juridictionnel il faut entendre celui qui est exercé par la cour des comptes, institution indépendante dotée de moyens adéquats pour assurer la bonne gestion et la transparence. Quant aux comptes des collectivités locales il s'agit notamment des documents comptables à savoir le compte administratif et le compte de gestion.

Le compte administratif est tenu par l'ordonnateur de la collectivité locale. Il retrace les opérations d'exécution du budget réalisées par ce dernier. Il a la même contexture que le budget, ce qui permet, ligne par ligne, aussi bien pour les recettes que pour les dépenses, de comparer les évaluations et prévisions initiales avec les réalisations effectives.

Le compte de gestion lui peut être défini comme étant l'ensemble des documents justifiant et résumant la totalité des opérations exécutées, sous sa responsabilité, par un comptable principal dans le cadre de la gestion financière de l'Etat, des Collectivités Locales ou de tout autre organisme public pour un exercice donné.

En ce qui concerne les collectivités locales, une précision est nécessaire. En France, l'expression collectivité locale désigne dans le langage courant ce que la Constitution nomme "collectivité territoriale". En effet, jusqu'à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les deux termes apparaissaient dans la Constitution: collectivité locale à l'article 34 et collectivité territoriale au titre XII. Mais depuis seule cette dernière expression figure dans la Constitution. Les collectivités sont donc désormais des « collectivités territoriales », l'expression « collectivité locale », n'étant plus juridiquement fondée.

Au Sénégal les collectivités locales sont la région, la commune et la communauté rurale.4(*)

La région est une collectivité locale, personne morale de droit public. Elle est administrée par un conseil régional élu au suffrage universel direct. 5(*)

La commune est une collectivité locale, personne morale de droit public. Elle regroupe les habitants du périmètre d'une même localité unis par une solidarité résultant du voisinage, désireux de traiter de leurs propres intérêts et capables de trouver les ressources nécessaires à une action qui leur soit particulière au sein de la communauté nationale et dans le sens des intérêts de la nation.6(*)

La communauté rurale est une collectivité locale, personne morale de droit public, dotée de l'autonomie financière. Elle est constituée par un certain nombre de villages appartenant au même terroir, unis par une solidarité résultant notamment du voisinage,possédant des intérêts communs et capables ensemble de trouver les ressources nécessaires à leur développement.7(*)

Ainsi objectivée la signification des différents concepts, il importe pour nous de souligner les conséquences qui s'y attachent. Ce qui revient à préciser les enseignements que renferme une telle étude.

Etudier le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales revêt une importance capitale. Sur le plan juridique d'abord ce contrôle permet la vérifier la compétence des agents chargés d'exécuter le budget, contrôle qui permet d'éviter la gestion de fait ou de la sanctionner. L'existence d'un contrôle dans un Etat est une marque de démocratie, de transparence dans la gestion des affaires publiques. En effet le peuple a besoin d'être éclairé sur l'usage qui a été fait des deniers publics. En outre ce contrôle peut être un moyen efficace pour asseoir des finances locales saines. En effet la responsabilité qu'encourent les ordonnateurs et les comptables est une incitation au travail bien fait.

Fort de toutes ces raisons, il est intéressant d'avoir une approche très claire du sujet à traiter. Ainsi, pourra-t-on se poser un ensemble de questions. Nous pouvons alors nous demander quelles sont les juridictions compétentes pour contrôler les comptes des collectivités locales ? Comment s'effectue ce contrôle ? Quelles sont ses implications ? Est-ce que le contrôle est efficace ?

Néanmoins, on ne saurait répondre à toutes les questions qui méritent d'être posées, nous tenterons seulement de proposer une interrogation globale à laquelle nous essayerons d'apporter des éléments de réponse. Pour ce faire nous nous posons la question suivante : le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales est-il efficace ?

Pour essayer de répondre à cette interrogation, nous nous adonnons d'abord à une analyse de ce contrôle. Pour cela, il est important de souligner que le déroulement de ce contrôle nous a permis de constater son caractère ineffectif du fait de nombreux facteurs. Néanmoins, des solutions sont toujours possibles pour asseoir un contrôle plus efficace.

Fort de tout cela, nous avons décidé de parler d'abord de la mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes des C.L et de ses conséquences (PREMIERE PARTIE) avant d'envisager ses limites dans une perspective de leur correction (DEUXIEME PARTIE).

PREMIERE PARTIE

PREMIERE PARTIE : La mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales et ses conséquences

Chapitre I : Le jugement des comptes des collectivités locales

La juridiction compétente pour le jugement des comptes peut varier suivant l'Etat considéré. C'est ainsi qu'au Sénégal c'est la CC qui est compétente en la matière ; en France, ce sont les C.R.C qui assurent cette mission.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, leur présentation nous semble nécessaire.

- HISTORIQUE ET PRESENTATION

La bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques impliquent un contrôle efficace exercé par une institution indépendante, dotée de moyens adéquats.

Au Sénégal, le rôle d'institution supérieure de contrôle des finances publiques était dévolu dès 1960 à une institution du pouvoir judiciaire, la Cour suprême.

A la faveur de la réforme judiciaire de 1992, la 3ème Section de la Cour Suprême qui faisait fonction de juridiction des comptes a été transférée au Conseil d'Etat (2ème Section) créé en même temps que le Conseil Constitutionnel et la Cour de Cassation, par la loi constitutionnelle n°92-22 du 30 mai 1992.

Cette réforme institutionnelle, commandée par la nécessité avérée de la spécialisation des magistrats, devenue un impératif pour la sauvegarde même de l'institution judiciaire, s'est poursuivie par notamment la création en 1999 de la Cour des Comptes (en lieu et place de la 2ème Section du Conseil d'Etat). C'est l'objet de la loi n°99-02 du 29 Janvier 1999 portant révision constitutionnelle, en ses articles 5, 57, 7ème alinéa, et 80.

La nouvelle juridiction des comptes tient donc de la Constitution de larges compétences qu'elle va exercer à l'aide d'une organisation , de procédures et de moyens spécifiques , définis par la loi organique n°99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes, la loi organique n°99-73 du 17 février 1999 portant statut des magistrats de la Cour des comptes et le décret n°99-499 du 8 juin 1999 fixant les modalités d'application de la loi organique n°99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes.

La Cour des comptes apporte beaucoup de nouveautés dans l'organisation judiciaire du Sénégal (création d'une magistrature financière) d'une part, et dans le système de contrôle des finances publiques d'autre part.

Elle innove par son organisation et ses moyens qui lui confèrent une grande autonomie et renforcent l'indépendance de l'Institution Supérieure de Contrôle des Finances Publiques (ISC) du Sénégal.
Elle dispose notamment d'une chambre de discipline financière qui sanctionne directement les responsables de faute de gestion, sans préjudice des poursuites pénales qui restent du ressort du parquet judiciaire.

Elle a ses propres procédures de vérification, mais elle est ouverte aux techniques et normes internationales de contrôle dont la pratique a démontré l'efficacité au niveau national et international.

Enfin, elle peut faire connaître directement le résultat de ces investigations par la production de son rapport public.

Quant aux C.R.C, elles ont été créées par la loi du 2 mars 1982 et organisées par la loi du 10 juillet 1982 ainsi que par le décret du 23 août 1995. Les dispositions essentielles ont été réunies en 1994 dans le livre II du Code des juridictions financières.

Dans chaque région est créée une Chambre régionale des comptes en France métropolitaine. Trois Chambres territoriales ont été mises en place en Outre mer, une compétente pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, une autre pour la Réunion, enfin la dernière pour la Nouvelle Calédonie et la Polynésie.

Les CRC, jugent les comptes des comptables des collectivités territoriales situées dans leur ressort. Toutefois, les comptes des communes de moins de 2000 habitants sont contrôlés par le TPG. De plus les chambres contrôlent les comptes des établissements publics locaux (hôpitaux, lycées, offices d'HLM). Les CRC jugent également les comptables de fait.

La procédure est semblable à celle mise en oeuvre devant la Cour des comptes. Elle présente les mêmes caractéristiques : inquisitoriale, contradictoire, écrite et non publique. Toutefois, lorsque la CRC intervient de manière répressive, le comptable peut assister au procès. L'instruction se fait à travers un rapport et un contre rapport. La règle du double arrêt est transposée puisqu'un jugement provisoire précède un jugement définitif. Quant aux voies de recours elles sont quelque peu différentes : les jugements des CRC peuvent faire l'objet d'un appel devant la Cour des comptes.

Ainsi objectivée la présentation de la cour des comptes, nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet.

La Cour des comptes est l'institution chargée du contrôle des comptes des comptables publics (Section I). Ainsi, même si la cour n'est pas une juridiction pour connaître de la gestion des ordonnateurs, il y a néanmoins des chambres rattachées à elle et qui se chargent de cette tache8(*) ; le compte administratif n'est donc pas en principe soumis directement à la cour des comptes (Section II).

Section I : Le jugement du compte de gestion par la cour des comptes

La Cour juge les comptes des comptables publics ainsi qualifiés par la réglementation, c'est-à-dire les comptables patents (Paragraphe I). La cour juge également les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait (Paragraphe II).

Paragraphe 1 : Le jugement de la gestion patente

Le jugement des comptes des comptables publics s'effectue en plusieurs étapes. En effet avant d'aboutir à une quelconque décision il faut qu'il y ait au préalable saisine de la cour (A) et instruction du dossier (B).

A. La saisine de la cour

Cinq mois après la clôture de chaque gestion, les comptables principaux de l'Etat, des collectivités locales et des établissements publics doivent transmettre à la Cour des comptes leur compte de gestion, appuyé des pièces générales et de pièces justificatives des recettes et des dépenses qu'ils ont effectuées durant la période écoulée. En cas de succession de comptables en cours de gestion, le compte entier est rendu par le comptable en fonction à la clôture de la gestion.
Cette obligation de rendre compte peut être sanctionnée d'une amende de 20.000F par mois de retard, de la part de la Cour à l'encontre du comptable concerné.
Peuvent en outre être vérifiés, sur place et sur pièces, les documents justifiant les différentes catégories de dépenses ou de recettes publiques dans les services centralisateurs.
En ce qui concerne la consommation des crédits, le ministre chargé des finances en adresse à la Cour un état avec les documents d'appui.
Les ordonnateurs des autres collectivités publiques transmettent également par l'intermédiaire du receveur un compte administratif à la Cour. Le compte administratif sert notamment à être rapproché avec le compte de gestion correspondant.
La procédure est déclenchée par la saisine de la cour qui s'opère par la production ou le dépôt des comptes des collectivités locales au greffe central de la cour.

Il est procédé à une première vérification sommaire, à l'entrée du dossier et après enregistrement sur les rôles, la mise en état des comptes au niveau du greffe central. Ce dernier transmet ensuite les comptes à la chambre concernée : la CAACL pour les collectivités locales. Le président de la chambre nomme un ou plusieurs rapporteurs pour instruire le dossier. En effet, en vertu de l'article 21 du décret 99-499, « la cour n'est saisie que par le dépôt des comptes en état d'examen à son greffe central. Elle retourne à l'administration les comptes qui ne sont pas conformes afin qu'ils le soient dans les meilleurs délais ».

Un compte en état d'examen est supposé correspondre à un compte accompagné des pièces essentielles pour être jugé : pièces générales et pièces justificatives. Si on se réfère au document sur la comptabilité publique rédigé à la demande de la cour des comptes du Sénégal dans le cadre d'un programme de renforcement des capacités de son personnel en techniques de vérification, on s'aperçoit qu'il est précisé qu'en l'état actuel de la réglementation il n'existe pas une énumération complète et précise des documents composant le compte de gestion des collectivités locales comme c'est le cas pour l'Etat. De même, bien que la mise en état d'examen soit posée comme condition de recevabilité des comptes, le contenu et les modalités de cette mise en état d'examen ne sont pas précisés.

Toutefois nous pouvons en définitive faire ressortir les composantes essentielles des pièces générales d'une part et des pièces justificatives d'autre part.

Les pièces générales

Il existe deux catégories de pièces générales : les pièces générales administratives et les pièces générales comptables.

Les pièces générales administratives comprennent le budget de la collectivité locale,le compte administratif,le compte de gestion,les attestations de cautionnement,les prestations de serment,les passations de service,la balance générale,le compte d'emploi des valeurs inactives.

Les pièces générales comptables sont composées par :le fonds de dotation pour les collectivités locales,les virements de crédits ,les autorisations spéciales de recettes ou de dépenses(pièces qu'on retrouve en cours d'année ou en cours d'exercice budgétaire),l'état des restes à recouvrer et des restes à payer.

Les pièces justificatives

Elles comprennent les mandats, les ordres de recettes et leurs justificatifs.

B. L'instruction du dossier

Le président de chaque chambre de la Cour répartit les dossiers de sa compétence entre les magistrats de sa chambre. D'autres rapporteurs peuvent également être désignés en concertation avec les présidents des chambres auxquelles ils appartiennent.
Les rapporteurs procèdent à la vérification des comptes en se rapportant aux pièces de recettes et de dépenses et aux justifications qui y sont annexées.
Ils élaborent ensuite un rapport à fin d'arrêt et un projet d'arrêt provisoire qu'ils présentent à la chambre.
Le ou les magistrats rapporteurs procèdent à l'instruction de l'affaire en examinant notamment les pièces et documents mis à leur disposition. Le rapporteur peut dans cette phase procéder à des enquêtes complémentaires, entendre des personnes, réclamer des pièces ou documents jugés utiles, aller sur place pour être en mesure d'étayer son argumentaire. On affirme ainsi que la cour est habilitée à se faire communiquer tous les documents ou informations utiles relatifs à la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle .Le secret professionnel n'est pas opposables aux magistrats et rapporteurs de la cour et ceux-ci ont un droit d'accès direct et permanent au sein des organismes où ils sont en mission. A en croire l'article 30 de la loi 99-70 sur la cour des comptes, toute entrave à ces prérogatives est punissable d'une amende et éventuellement de peines disciplinaires ou administratives :

- amende de 100.000F minimum et de 1.000.000F maximum pour tout refus injustifié

- montants de l'amende portés au double (...lorsque le refus est persistant...)

- en cas d'entrave caractérisée9(*), outre les sanctions disciplinaires ou administratives pouvant être demandées par la cour, le président de la cour peut désigner un commis d'office à la place du responsable de l'entrave et à ses frais, et ce dernier peut faire l'objet d'une poursuite pénale.

- Le rapporteur est encadré par un contre rapporteur qui s'assure de la qualité de son travail et lui donne éventuellement des conseils. Il peut aussi au besoin, être encadré par le président de chambre. A l'issue d'une instruction, le rapporteur produit un rapport et un projet d'arrêt.

L'ensemble du dossier (rapport, projet d'arrêt, pièces et documents produits par le comptable et diligences diverses) est transmis au commissaire du droit. Ce dernier examine le rapport, se prononce sur des questions de droit, relève des anomalies ou contre sens qu'il constate dans le rapport. Il vérifie en réalité la qualité du travail du rapporteur, si les constatations faites par le rapporteur sont fondées, et fais ensuite des conclusions avant de transmettre le dossier écrit avec ses conclusions à la chambre, sans aucune condition de délai.

Le président de chambre en rapport avec le greffier de chambre, fixe une date pour l'examen de l'affaire ou la tenue de l'audience et un exemplaire complet du dossier est transmis à chaque magistrat.

Examen du rapport

Le rapport est examiné par la chambre en présence de ses membres, du greffier et éventuellement du commissaire de droit.

Le rapporteur présente oralement le rapport devant la chambre après les conclusions orales complémentaires éventuelles du commissaire du droit10(*).Le contre rapporteur en premier, les autres membres de la chambre ensuite, interviennent tour à tour pour donner leur avis sur le rapport. Chaque décision ou proposition de suite est votée par l'ensemble des magistrats. Les décisions sont adoptées à la majorité, la voix du Président étant prépondérante en cas de partage égal des voix.

A l'issue de l'examen de l'affaire, la chambre rend un arrêt provisoire.

Par ailleurs la cour juge également les comptables de fait.

Paragraphe 2 : Le jugement de la gestion de fait

La Cour juge également les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Il faut noter que la procédure relative à la gestion patente est applicable également à la gestion déclarée de fait sur le compte rendu par l'intéressé sur injonction.

-La définition de la gestion de fait

C'est une théorie d'origine jurisprudentielle (Cour des comptes, Ville de Roubaix 23 août 1834). Mais le Législateur va la reprendre à son compte. Le dernier texte étant la loi du 23 février 1963 art 60- XI. Il précise la définition et la sanction de la théorie de la gestion de fait

Est réputé comptable de fait toute personne qui effectue, sans y être habilitée par une autorité compétente, des opérations de recettes, de dépenses, de détention ou de maniements de fonds ou valeurs appartenant à un organisme public. Il en est de même de toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement, des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public et de toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations sur les fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu des lois et règlements en vigueur.

. Pour les collectivités territoriales, les opérations constitutives de gestion de fait ne peuvent porter que sur des deniers publics.11(*)

C'est le fait pour une personne non habilitée de s'immiscer dans la gestion d'un poste comptable. La gestion de fait se définit donc par ses auteurs et par son objet.

Les personnes non habilitées peuvent également extraire irrégulièrement des fonds ou valeurs. Il s'agit là d'une notion plus complexe car le fondement de la gestion de fait repose sur un mandat de paiement fictif. Ce type de mandat est régulier en la forme, ce qui explique que le comptable public ne peut pas le rejeter. La fictivité du mandat provient du fait que les énonciations qu'il comporte ou les pièces justificatives qui l'accompagnent ne correspondent pas à la réalité du paiement. Par conséquent, la prestation payée peut être simplement fictive ou prendre la forme d'une subvention fallacieuse.

a) Les auteurs de la gestion de fait

Lorsque des comptables réguliers s'immiscent dans la gestion d'un service qui n'est pas le leur, ils commettent une gestion de fait, de même que des agents de comptables habilités par ceux-ci, quand ils vont au-delà de l'habilitation.

Il en va de même pour des fonctionnaires dépourvus de toute habilitation, d'un comptable ainsi que de toute autre personne non habilitée qu'elle agisse elle-même (maniement de brève main) ou qu'elle agisse sur instructions (maniement de longue main).

b) L'objet de la gestion de fait

Le maniement irrégulier de deniers publics est constitutif de la gestion de fait. Toutefois, cette notion a évolué: elle s'est élargie. D'abord parce que la définition du maniement irrégulier s'est élargie elle-même. On est passé de la manipulation à la simple détention. D'autre part, la notion de deniers publics a évolué. Pendant longtemps, les deniers publics se définissaient comme des fonds ou des valeurs appartenant à des organismes publics. Or de nos jours on

considère que des fonds et des valeurs privées réglementées sont également des deniers publics.

En France les chambres régionales des comptes ont compétence pour juger les comptes des personnes qu'elles ont déclarées comptables de fait d'une collectivité territoriale dans les mêmes formes et sous les mêmes sanctions que les comptables réguliers. Conformément au principe général du contradictoire, la déclaration de gestion de fait est soumise à un double jugement : un jugement provisoire qui permet au comptable de s'exprimer et éventuellement un jugement définitif constatant la gestion de fait.

Le jugement provisoire contient la déclaration de gestion de fait,la désignation des personnes déclarées comptables de fait ainsi que l'injonction de produire un compte unique des opérations constituant la gestion de fait accompagné de pièces justificatives. Il est notifié aux intéressés et fixe un délai de réponse aux injonctions présentées par la chambre. Ce délai, qui en principe ne peut être inférieur à un mois, peut être prorogé par le président de la chambre sur demande motivée du comptable de fait. Une audition peut également être sollicitée par le comptable de fait préalablement au jugement définitif. Dans tous les cas, le juge doit prouver la gestion de fait.

Dans son jugement définitif, la chambre peut mettre le comptable en débet (la somme manquante doit être versée à la collectivité) ou lui donner un quitus s'il a reversé le solde de son compte à la caisse de la collectivité ou si la gestion est correcte. De même, le comptable de fait est déclaré quitte s'il produit en même temps que son compte une délibération de l'assemblée concernée reconnaissant l'utilité publique des dépenses.12(*)

En définitive, sous réserve des dispositions de l'article 34 de la loi sur la cour, la Cour juge les comptes des comptables principaux. A l'égard de la Cour des comptes, est comptable public tout fonctionnaire ou agent ayant qualité pour exécuter au nom d'un organisme public des opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen des fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virements internes d'écritures, soit par l'entremise d'autres comptables publics ou de comptes externes de disponibilités dont il ordonne ou surveille les mouvements.
La Cour juge également les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Est réputé comptable de fait toute personne qui effectue, sans y être habilitée par une autorité compétente, des opérations de recettes, de dépenses, de détention ou de maniements de fonds ou valeurs appartenant à un organisme public. Il en est de même de toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement, des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public et de toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations sur les fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu des lois et règlements en vigueur.
Les gestions de fait entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions patentes et sont jugées comme elles.
Toute personne déclarée gestionnaire de fait, sauf si elle est poursuivie pour les mêmes faits au pénal, peut être condamnée à une amende, pour immixtion dans les fonctions de comptable public. Le montant de cette amende est fixé suivant l'importance et la durée du maniement ou de la détention des deniers. Son maximum ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées.

Par ailleurs la C.R.C joue également ce rôle en France comme nous venons de le souligner.

Les CRC, jugent les comptes des comptables des collectivités territoriales situées dans leur ressort. Toutefois, les comptes des communes de moins de 2000 habitants sont contrôlés par le TPG. De plus les chambres contrôlent les comptes des établissements publics locaux (hôpitaux, lycées, offices d'HLM). Les CRC jugent également les comptables de fait.

Ainsi, nous pouvons dire que seuls les comptes de gestion sont en principe soumis à la cour. Néanmoins il est des cas où elle peut connaître de la gestion des ordonnateurs. Autrement dit, la cour des comptes ou les chambres rattachées à elle peuvent exercer un contrôle juridictionnel sur les ordonnateurs et leur comptabilité ; mais le principe reste la non soumission de ceux-ci à la cour.

Section 2 : La non soumission de principe du compte administratif à la cour des comptes

Face à cette faille, un dispositif a été mis en place aussi bien au Sénégal qu'en France. C'est ainsi que la chambre de discipline financière a été créée au Sénégal (Paragraphe 1) et en France les Chambres régionales des comptes s'en chargent (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 :L'institution de la chambre de discipline financière

Même si la cour n'a pas juridiction sur le compte administratif, elle peut néanmoins être compétente pour sanctionner l'agent chargé de la gestion de ce document ; pour cela, la cour agit à travers la chambre de discipline financière. A cet effet, l'article 44 de la loi sur la cour des comptes dispose que la Cour exerce une fonction juridictionnelle en matière de discipline financière. Cette attribution s'exerce par la chambre de discipline financière devant laquelle sont déférés les auteurs des faits visés à l'article 49 de la présente loi.

L'inexistence d'une juridiction permettant de sanctionner et de responsabiliser les administrateurs et ordonnateurs a entraîné l'émergence d'une juridiction susceptible de prononcer de telles décisions. C'est ainsi que la loi n 63-20 du 5 février 1963 répond à cette nécessité par la mise en place d'une cour de discipline budgétaire devenue chambre de discipline financière en 1999 et rattachée à la cour des comptes13(*) . Le parquet est lui représenté par le commissaire du droit.

En reprenant la loi de 1999 précitée, on peut diviser les compétences de la chambre de discipline financière en une compétence ratione personae et une compétence ratione materiae.

La compétence ratione personae est très large. En fait , est justiciable tout fonctionnaire civil, tout militaire, tout magistrat, tout agent de l'Etat, tout membre du cabinet du Président de la République, du Président de l'Assemblée Nationale, du Président du Sénat, du Premier Ministre ou d'un ministre, tout agent d'une collectivité publique ou d'un établissement public, d'une société nationale, d'une société anonyme à participation publique et généralement, de tout organisme bénéficiant du concours financier de la puissance publique, toute personne investie d'un mandat public et toute personne ayant exercé de fait lesdites fonctions, à qui il est reproché un ou plusieurs faits énumérés à l'article 49 de la loi de 1999 sur la cour des comptes.14(*)

La compétence ratione materiae vise tous les faits punissables que cela soit en matière de dépenses ou de recettes.
A/ EN MATIERE DE DEPENSES
1) - le fait de n'avoir pas soumis à l'examen préalable des autorités habilitées à cet effet, dans les conditions prévues par les textes en vigueur, un acte ayant pour effet d'engager une dépense;
2) - le fait d'avoir imputé ou fait imputer irrégulièrement une dépense ou d'avoir enfreint la réglementation en vigueur concernant la comptabilité de matières ;
3) - le fait d'avoir passé outre au refus de visa d'une proposition d'engagement de dépenses, excepté dans le cas où l'avis conforme du ministre chargé des finances a été obtenu préalablement par écrit ;
4) - le fait d'avoir engagé des dépenses sans avoir reçu à cet effet délégation de signature ;
5) - le fait d'avoir produit, à l'appui ou à l'occasion de ses liquidations, de fausses certifications.
6) - le fait d'avoir enfreint la réglementation en vigueur concernant les marchés ou conventions d'un des organismes visés à l'article 48 ci-dessus ;
Sont notamment considérées comme infraction à la réglementation des marchés ou conventions :
a) le fait d'avoir procuré ou tenté de procurer à un cocontractant de l'administration ou d'un des organismes visés ci-dessus, un bénéfice anormal, à dire d'expert ;
b) le fait de n'avoir pas assuré une publicité suffisante aux opérations dans les conditions prévues par les textes en vigueur ;
c) le fait de n'avoir pas fait appel à la concurrence dans les conditions prévues par les textes en vigueur.
7) - le fait de s'être livré, dans l'exercice de ses fonctions, à des faits caractérisés créant un état de gaspillage ;
Sont notamment considérés comme réalisant un état de gaspillage :
a) les transactions trop onéreuses pour la collectivité intéressée, en matière de commande directe, de marché ou d'acquisition immobilière ;
b) les stipulations de qualité ou de fabrication qui, sans être requises par les conditions d'utilisation des travaux ou de fournitures, seraient de nature à accroître le montant de la dépense ;
c) les dépenses en épuisement de crédits.
8) - le fait d'avoir enfreint les règles régissant l'exécution des dépenses ;
9) - le fait d'avoir négligé, en sa qualité de chef de service responsable de leur bonne exécution, de contrôler les actes de dépenses de ses subordonnés ;
10) - le fait d'avoir omis sciemment de souscrire les déclarations qu'ils sont tenus de fournir aux administrations fiscales et sociales conformément aux codes en vigueur ou d'avoir fourni sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes.
B/ EN MATIERE DE RECETTES :
11) - le fait d'avoir manqué de diligences pour faire prévaloir les intérêts de l'Etat ou de toute autre personne morale visée à l'article 48 de la présente loi, notamment le défaut de poursuite d'un débiteur ou de constitution de sûreté réelle ;

12) - le fait d'avoir enfreint les règles régissant l'exécution des recettes ;
13) - le fait d'avoir négligé en sa qualité de chef de service responsable de leur bonne exécution, de contrôler les actes de recettes effectués par ses subordonnés.15(*)

Par ailleurs, l'ordonnateur peut être soumis à la compétence de la cour lorsqu'il est déclaré comptable de fait.

La gestion de fait entraîne en France la compétence juridictionnelle de la chambre régionale des comptes à l'égard des ordonnateurs.

Paragraphe 2 :L'institution de la Chambre régionale des comptes

La gestion de fait constitue la seule procédure où la C.R.C dispose d'une compétence juridictionnelle à l'égard des ordonnateurs (article L 231-5 du code des juridictions financière).16(*)

L'ouverture d'une gestion de fait peut avoir deux origines. La chambre peut être saisie d'une réquisition de son ministère public informé par le préfet, le trésorier général près de la cour des comptes. Elle peut aussi se saisir d'office à l'occasion du contrôle juridictionnel des comptes du comptable ou à l'occasion de l'examen de la gestion d'une collectivité territoriale.

La comptabilité administrative du maire est soumise ainsi au contrôle de la C.R.C.

Initialement, la loi du 2 mars 1982 (art.87, al. 2) disposait à cet égard : la chambre régionale des comptes « vérifie sur pièces et sur place la régularité des recettes et dépenses décrites dans les comptabilités des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Elle s'assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs ». Cette compétence, transposition de celle reconnue à la cour des comptes par la loi du 22 juin 1967,permettait aux chambres régionales des comptes de présenter des observations sur la gestion de collectivités locales .

Pour éviter une dérive du contrôle vers l'opportunité de la gestion ,que redoutait un grand nombre d'élus locaux,la loi 88-13 du 5 janvier 1988,d'amélioration de la décentralisation,a précisé le rôle des chambres régionales des comptes en substituant à la notion de « bon emploi des recettes,fonds et valeurs » celle plus stricte, « d'emploi régulier des crédits ,fonds et valeurs » (art. 23 II de la loi du 5 janvier 1988 :art.87 al. 6, nouveau, de la loi de 1982 ).

Tout en confirmant le principe de l'examen de la gestion des collectivités locales par les C.R.C (art.23 IV), le législateur institue, par ailleurs, des garanties de procédures au profit des ordonnateurs locaux à l'occasion des observations présentées sur leur gestion.

La loi du 5 janvier précitée, modifiée et complétée par la loi 92-125 du 6 février 1992, prévoit d'abord que les observations ne peuvent être formulées sans un entretien préalable entre le magistrat rapporteur ou le président de la CRC et l'ordonnateur concerné ainsi que l'ordonnateur qui était en fonction au cours de l'exercice examiné .Quant des observations sont formulées, elles ne peuvent être arrêtées définitivement avant que ces ordonnateurs aient été en mesure de leur apporter une réponse écrite.

D'autre part,l'article 23-IV de la loi du 5 janvier 1988 fait obligation à la chambre régionale des comptes de prendre toutes dispositions nécessaires pour garantir le secret de ses investigations et la confidentialité des observations qu'elle adresse aux représentants des collectivités territoriales et organismes contrôlés (art. 87, modifié).

Le législateur, de manière plus générale, au titre des garanties de procédures, soumet au secret professionnel l'ensemble des travaux des CRC en précisant que les dispositions de la loi du 17 juillet 1978, relative à l'accès aux documents administratifs, ne leur étaient pas applicables17(*).

En somme, le contrôle juridictionnel concerne principalement le compte de gestion tel qu'il est énoncé par la loi sur la cour des comptes et par le code des collectivités locales. En effet la cour des comptes juge les comptes des comptables publics. Mais cette affirmation de principe n'exclut pas la possibilité pour la cour de connaître de la gestion de l'ordonnateur par le biais des chambres qui sont rattachées à elle.

En outre le jugement des comptes des collectivités locales concerne aussi les agents chargés de leur gestion à savoir le comptable public et l'ordonnateur de la collectivité locale. En effet, en cas de gestion irrégulière ou de malversations c'est l'agent qui est mis en cause et sa responsabilité pourrait même être engagée. Le jugement des comptes a donc des conséquences positives ou négatives en ce qui concerne le gestionnaire.

Chapitre II : Les conséquences résultant du contrôle juridictionnel des comptes

Ces conséquences se rapportent d'une part aux décisions qui peuvent être prises par le juge (Section I) et aux voies de recours offertes aux agents une fois les décisions prises (Section II).

Section I : Les décisions pouvant être rendues par le juge financier

Le jugement peut conduire à deux types de décisions : une décision favorable à l'agent en cas de bonne gestion (Paragraphe 1) ou une décision qui lui est défavorable en cas de gestion irrégulière (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les décisions rendues en cas de bonne gestion

L'arrêt définitif pouvant être rendu par le juge en cas de gestion régulière peut, d'une part, être un arrêt de décharge (A) et d'autre part un arrêt de quitus (B).

A. La décharge

Conformément à l'article 38 al. 2 de la loi sur la cour des comptes, « si le comptable est reconnu régulier, la chambre rend un arrêt de décharge à l'égard du comptable demeuré en fonction... ». En effet, s'il n'est prononcé ni réserve, ni injonction contre un comptable dont les comptes en jugement sont reconnus exacts, la cour le décharge de toute responsabilité pour les exercices en jugement. La décharge de responsabilité est prononcée à titre définitif.

L'article 23 in fine du décret fixant les modalités d'application de la loi organique sur la cour des comptes dispose : « la décharge de responsabilité résultant d'un cas de force majeure(...) peut être accordée par arrêté du ministre chargé des finances, après avis du président de la cour des comptes ». C'est ce que prévoit l'article 35 du décret n° 62-195 du 17 mai 1962 portant réglementation concernant les comptables publics en ces termes : « le comptable public dont la responsabilité a été engagée ou mise en jeu (...) peut, en cas de force majeure, obtenir décharge totale ou partielle de sa responsabilité ».

La directive n° 06/97/CM/UEMOA portant règlement général sur la comptabilité publique aborde dans le même sens en son article 38 : « Les comptables publics dont la responsabilité a été mise en jeu suite à un cas de force majeure peuvent obtenir décharge totale ou partielle de leur responsabilité après production de toutes justifications nécessaires. Cette décharge est accordée par arrêté de ministre chargé des finances pris sur avis du directeur chargé de la comptabilité publique en cas de débet administratif et sur avis du président de la juridiction des comptes en cas de débet juridictionnel ».

Il faut noter que l'arrêt de décharge est rendu pour le comptable qui est en fonction ; pour le comptable sorti de fonction un arrêt de quitus lui est rendu.

B. Le quitus

Il est rendu un arrêt de quitus à l'égard du comptable sorti de fonction et dont le compte est reconnu régulier. En effet, lorsqu'un comptable quitte définitivement ses fonctions sans que sa responsabilité personnelle et pécuniaire soit engagée, ou qu'il ait satisfait aux injonctions et aux débets prononcés contre lui, quitus lui est donné pour l'ensemble de sa gestion. Et selon l'article 38 de la loi sur la cour des comptes, ce quitus « ...donne main levée de toute les sûretés et garanties grevant les biens personnels du comptable au profit du Trésor public ».

Il faut noter que les dispositions textuelles ne donnent pas expressément un contenu à la notion de sortie de fonctions. Dans ce domaine, le pouvoir d'appréciation du juge est large.

Arrêts de délivrance de quitus :

Arrêt n° 20/2004 du 24 mars 2004, rendu dans l'affaire n° 03/Q/2003

A la demande formulée par Monsieur Maguette DIOP, en sa qualité de représentant des héritiers de feu Charles DIOP, comptable public de son vivant, la chambre a rendu l'arrêt dont la teneur se résume ainsi qu'il suit :

Considérant que la demande est recevable et bien fondée, qu'en effet toutes les pièces requises ont été produites à son appui, la chambre a délivré quitus de la gestion de feu Charles DIOP. Elle a, en conséquence, prononcé la mainlevée et ordonné la radiation de toutes oppositions sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion ainsi que la restitution de son cautionnement et le dégagement de ses cautions, sauf obstacle pour autre cause et sous réserve des formalités prescrites par les règlements administratifs.

Arrêt n° 09 du 5 août 2005 :

Dans l'affaire n° 01/Q/03 introduite par requête de Monsieur Mbaye HANE, inspecteur du Trésor à la retraite, la Cour a rendu la décision n° 09 du 5 août

2005, dont le résumé suit :

A l'appui de sa demande, l'intéressé a produit un dossier constitué d'arrêts de décharge et d'actes administratifs concernant respectivement, l'ensemble de ses gestions en qualité de comptable public principal, entre le 1er juillet 1978 et le 2 mars 1989, ainsi que son détachement en dehors de l'administration et son admission à faire valoir ses droits à une pension de retraite.

La Cour a considéré que les conditions de recevabilité de la requête, à savoir la régularité de la saisine, la compétence de la Chambre et la sortie définitive de fonction de comptable public du demandeur, étaient réunies. Elle a ensuite jugé que, sur le fond, aucune charge n'existait contre celui-ci concernant ses gestions passées.

La Chambre a par conséquent, jugé la requête recevable, déclaré M. Mbaye

HANE quitte et libre de sa gestion de comptable public, donné mainlevée et dit que radiation serait faite de toutes oppositions et inscriptions mises sur ses biens et que son cautionnement lui serait restitué ou ses cautions dégagées s'il n'y avait empêchement pour autre cause et sauf l'accomplissement des formalités prescrites par les règlements administratifs.

Ce schéma ainsi décrit concerne les comptables dont la gestion est régulière. Pour le comptable dont la gestion est irrégulière un arrêt de débet lui est rendu.

Paragraphe 2 : Les décisions du juge en cas de gestion irrégulière 

A. Le débet

L'article 8 du décret n 62-195 précité prévoit la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable en ce qui concerne la justification de ses opérations, l'exacte concordance entre leur résultat et la position de ses comptes de disponibilité. A ce titre, si le compte du comptable est irrégulier, c'est-à-dire si les écritures ne font pas état de tous les deniers qu'il a reçus ou aurait du recevoir, ou s'il a payé à tort certaines dépenses; de même, s'il ne reverse pas une somme égale au montant du déficit de caisse constatée, ou si sa responsabilité pécuniaire est engagée, il est mis en débet et est tenu de couvrir immédiatement le trésor du montant du débet.18(*)

C'est dans cette logique qu'intervient l'article 37 de la Directive de l'UEMOA précitée qui dispose : « la responsabilité pécuniaire d'un comptable public est mise en jeu par une décision de débet de nature soit administrative soit juridictionnelle (...).

Le débet juridictionnel résulte d'un arrêt de la juridiction des comptes... ».

Le comptable néanmoins bénéficier d'une remise gracieuse de débet (qui est l'acte consacrant une réduction partielle ou totale de la dette) de la part du ministre des finances, conformément à l'article 23 du décret fixant les modalités d'application de la loi sur la cour des comptes. La directive de l'UEMOA précitée apporte une précision : les comptables publics peuvent obtenir la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge. Si leur bonne foi est établie, ils peuvent bénéficier d'un sursis de versement pendant l'examen de leur demande de remise gracieuse.

Il est donc à noter qu'une gestion irrégulière peut exposer le comptable à des sanctions variables. Ainsi, sa responsabilité peut être engagée à plusieurs niveaux.

Le comptable est personnellement responsable sur ses propres deniers non seulement pour des faits qui lui sont imputables, mais aussi pour des faits imputables à d'autres.

Responsabilité pour fait personnel

La responsabilité pécuniaire prévue se trouve engagée dès lors :

-qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté,

- qu'une recette n'a pas été recouvrée,

- qu'une dépense a été irrégulièrement payée

- que, par la faute du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers.

Responsabilité pour fait d'autrui

Les comptables peuvent voir leur responsabilité engagée par des faits imputables aux :

- agents du poste comptable

- régisseurs

- comptables subordonnés

B. La mise en oeuvre de la responsabilité des comptables

La responsabilité des comptables est mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure et aboutit généralement à des sanctions.

La procédure

Elle peut être administrative ou juridictionnelle.

Une procédure administrative :

C'est le cas pour les comptables des communes de moins de 2000 habitants. Dans ce cas c'est le Trésorier- payeur général qui opère.

Une procédure juridictionnelle :

Dans tous les autres cas, c'est la Chambre régionale des comptes qui est compétente

Les sanctions

Elles sont lourdes, puisque le comptable s'expose à payer le débet principal, c'est à dire la somme manquante. Mais le comptable s'expose aussi à verser les intérêts du débet :

« VIII - Les débets portent intérêt au taux légal à compter de la date du fait générateur ou, si cette date ne peut être fixée avec précision, à compter de celle de leur découverte. »

Toutefois des atténuations sont possibles : la remise gracieuse, le sursis de versement ainsi que des décharges en cas de force majeur.

Enfin les comptables peuvent être exonérés de leur responsabilité par le biais de deux procédures :

- la procédure de l'admission en non-valeur

- la procédure de la réquisition des comptables19(*)

En plus de ces deux procédures, le comptable public mis en cause bénéficie également des voies de recours pour voir sa situation rétablie.

Section 2 : Les voies de recours contre les décisions de la cour

Il existe principalement deux voies de recours contre les arrêts de la cour : le recours en révision qui doit être porté devant la cour elle-même et le recours en cassation devant la cour de cassation20(*).

Ces recours ne peuvent être intentés que dans des cas spécifiques et par des personnes limitativement énumérées aux articles 39 et 40 de la loi sur la cour des comptes (Paragraphe 1) et impliquent aussi des effets (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le régime des voies de recours

Il faut envisager les cas dans lesquels ces recours s'exercent (1) et les personnes ayant qualité pour les intenter (2).

1. Dans quels cas peuvent s'exercer les recours

- les cas pour la révision

La révision d'un arrêt définitif est possible dans le cas où il est produit des pièces justificatives retrouvées depuis ledit arrêt, en cas d'erreur, d'omission, faux ou double emploi reconnu par la vérification d'autres comptes.

Ainsi, dans l'affaire n° 04/R/03 sur laquelle la CAACL a statué le 31 décembre 2003, il était question d'une rectification d'une erreur matérielle. Ladite chambre ayant « constaté qu'une erreur s'est glissée dans la rédaction de l'arrêt n° 003 du 31 décembre 2002 rendu dans l'affaire n° 001-GF/2001 relative à une procédure de gestion de fait faisant suite à une mission de vérification de la gestion 1996-1999 de la société nationale La POSTE par la commission de vérification des comptes et de contrôle des entreprises publiques », a rectifié l'erreur ainsi qu'il suit : au lieu de « ...ministre de la communication... » lire « ...ministère de la communication... ».

- Les cas pour la cassation

Un arrêt définitif peut être soumis à cassation pour cause d'incompétence, de vices de forme ou de violation de la loi.

2. Les personnes ayant qualité pour intenter les recours

- Pour la révision

Le comptable ou ses héritiers peuvent demander à la Cour la révision d'un arrêt définitif en produisant des pièces justificatives retrouvées depuis ledit arrêt.
La Cour peut également procéder à la révision d'un arrêt définitif pour cause d'erreur, omission, faux ou double emploi reconnus par la vérification d'autres comptes soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des finances ainsi que des représentants des collectivités locales et établissements publics concernés.21(*)

Dans l'affaire n° 04/R/03 précitée, la cour s'est rendue compte que « l'erreur constatée résulte d'une confusion sur la personne au nom de laquelle les chèques cités dans ladite affaire ont été émis ; que cette confusion est involontaire et est de nature à porter atteinte aux intérêts de ladite personne visée à tort comme étant le destinataire ». La cour a dés lors estimé nécessaire de se saisir d'office pour procéder à la révision dudit arrêt en sa partie entachée d'erreur, conformément à l'article 39 al. 2 de la loi 99-70 du 17 février 1999 sur la cour des comptes.

-Pour la cassation

Tout arrêt définitif rendu par une chambre peut également, sur le pourvoi du comptable, du ministre chargé des finances, des ministres concernés, ou du représentant légal de l'organisme dont dépend le comptable, être soumis à Cassation pour cause d'incompétence, de vice de forme ou de violation de la loi. Ce pourvoi est formé devant la Cour suprême dans le mois de la notification de l'arrêt.
Si la Cassation est prononcée, l'affaire est renvoyée pour jugement devant la formation " en chambres réunies " de la Cour des comptes, conformément à l'article 16 de la présente loi. La formation de renvoi est tenue de se conformer à l'arrêt de cassation qui a, à son égard, l'autorité de la chose jugée.22(*)

Par ailleurs, l'introduction du recours a des effets en ce qui concerne la décision rendue par le juge.

Paragraphe 2 : Les effets de l'introduction du recours

Le recours en révision, de même que le recours en cassation a un caractère non suspensif. Il va sans dire que l'introduction d'un recours en révision ou en cassation ne fait pas obstacle à l'exécution de l'arrêt attaqué. Une exception au caractère non suspensif des voies de recours est cependant consacrée par l'alinéa 2 de l'article 33 de la loi sur la cour des comptes et renvoie au cas où le sursis à exécution est ordonné par le président de la cour. Les arrêts définitifs de la cour sont cependant revêtus de la formule exécutoire lorsqu'ils donnent lieu à la fixation d'une amende ou à la prononciation d'un débet.

La décision rendue par la cour suprême qui est l'organe chargé de rejuger l'affaire, si elle est contraire à celle objet du pourvoi, est revêtue de l'autorité de la chose jugée et s'impose à la cour.

En France, une situation similaire est notée. En effet, l'appel devant la Cour des comptes est possible dans les deux mois. Ce recours est ouvert non seulement au comptable, mais aussi à la collectivité territoriale, au commissaire du Gouvernement ainsi qu'au Procureur près la Cour des comptes. L'arrêt rendu en appel par la Cour des comptes peut lui-même faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat dans les deux mois.

Si des éléments nouveaux sont découverts et s'ils sont susceptibles de remettre en cause les conclusions du jugement, un recours en révision peut être introduit devant la Chambre elle-même, à la demande du comptable ou du commissaire du Gouvernement.

La différence réside cependant du fait qu'au Sénégal on ne parle pas d'appel mais plutôt de cassation.

DEUXIEME PARTIE

DEUXIEME PARTIE : Les limites et perspectives envisageables du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales.

L'efficacité de tout contrôle se mesure à l'aune des résultats atteints ; ces derniers restant également tributaires des moyens et méthodes utilisés pour leur réalisation. Ainsi, relativement au contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales, l'on se rend compte qu'il est confronté à de nombreux obstacles remettant en cause son effectivité ; d'où les nombreuses insuffisances rencontrées (Chapitre I). Néanmoins, des tentatives de solution peuvent être proposées dans le but de remédier à cette situation. Des perspectives de sorties de crise sont alors envisageables (Chapitre 2).

Chapitre I : Les limites du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales

Les limites peuvent relever de divers ordres. Ainsi, même si nous ne pouvons les énumérer toutes, nous allons quand même en citer celles que nous considérons plus essentielles. C'est d'une part les limites relatives aux moyens mis à la disposition des juridictions financières (Section 1). Des obstacles relatifs à l'intervention d'autres organes dans le contrôle sont également notoires (Section 2).

Section 1 : Les limites du contrôle relatives aux moyens des juridictions financières

Cette situation n'est pas exclusive au Sénégal mais elle y garde un aspect marquant. La cour des comptes en fait état dans ses rapports publics annuels. C'est un manque de moyens à la fois humains (Paragraphe 1) et matériels (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Des ressources humaines insuffisantes

Les juridictions compétentes en matière de contrôle des finances des collectivités locales, la C.comptes notamment, sont confrontées à de sérieux problèmes de personnel. Le personnel nécessaire pour asseoir un véritable contrôle fait parfois défaut dans ces juridictions. Ce qui va entraîner, sans doute, une lenteur dans le travail dans la mesure où il n'y a pas suffisamment d'hommes pour pouvoir traiter en un temps moindre l'ensemble des dossiers qui leur sont transmis, si l'on sait avec exactitude le nombre de comptes soumis au contrôle de la cour chaque année23(*).

Le nombre élevé de comptes de gestion soumis à la C.comptes nécessite que cette dernière dispose d'un personnel suffisant. Or, la réalité nous montre que le personnel nécessaire n'est pas mis à la disposition de la cour des comptes.

Ce faible nombre du personnel ressort ainsi de l'article 5 de la loi 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes : « La Cour des comptes se compose des magistrats qui sont :
le président de la Cour ;
les présidents de chambre ;
les chefs de section ;
les conseillers maîtres ;
les conseillers référendaires ;
les conseillers.
- Le nombre de magistrats constituant la Cour est fixé par décret ».

Le décret n° 99-499 du 8 juin 1999 fixant les modalités d'application de la Loi organique n°90-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes corrobore ce manque de moyens humains à son article 4 : « Conformément à l'article 5 de la loi organique, le nombre des magistrats de la Cour est fixé à soixante membres ».

Ceci pourrait s'expliquer par la pauvreté qui affecte nos Etats, si l'on sait qu'il faut des moyens financiers aussi pour pouvoir disposer de ce personnel ; d'où la réticence des pouvoirs publics à recruter le personnel suffisant au sein de ces juridictions. Les moyens en personnel des juridictions financières sont limités, compte tenu de l'accroissement incessant de leurs missions.24(*)

En toute hypothèse, les juridictions ont elles-mêmes décrié le manque de moyens suite aux différentes critiques dont elles ont fait l'objet

Il reste alors clair que le manque de moyens humain est une réalité dans les juridictions financières. C'est dans cette perspective que l'article de G. Port, intitulé « les CRC regrettent la faiblesse de leurs moyens » est illustratif.25(*)

Il faut souligner que la cour des comptes a un vaste champ de compétences .Elle exerce d'autres fonctions en plus du contrôle juridictionnel des comptes. Ses compétences ne sont pas alors proportionnelles aux moyens humains ; d'où la lenteur notée dans le travail.

Cette situation ressort même de l'état de reddition des comptes tel qu'il est indiqué dans le rapport public de la Cour de 2004. En effet, les comptes de l'ensemble des 441 collectivités locales du Sénégal sont soumis au contrôle direct de la chambre, en l'absence de décret prescrivant l'apurement administratif des comptes de certaines d'entre elles. L'état de production des comptes montre qu'au 31 décembre 2004, la Cour n'a pas reçu les comptes de gestion de 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003 de 164 collectivités locales réparties entre 5 régions et un département du Sénégal. Les collectivités locales concernées sont les Régions de Saint-Louis, Tambacounda, Thiès, Louga et Ziguinchor, les communes de Marsassoum et de Sédhiou, la commune de Kébémer et les communautés rurales du département de Kébémer, ainsi que la ville de Rufisque, les communes d'arrondissement et les communautés rurales du département de Rufisque.

En définitive, nous pouvons dire que le manque de moyens humains constitue un frein à l'effectivité du contrôle exercé par la cour des comptes.

Néanmoins, il ne constitue pas le seul obstacle. En effet, au chapitre des moyens matériels des lacunes peuvent aussi être relevées.

Paragraphe 2 : Des moyens matériels lacunaires

Pour mieux mesurer ce manque de moyens dont les juridictions financières africaines sont victimes, cette interview authentique réalisée par Walfadjiri en février 2001, nous parait palpant. Monsieur JEAN ALOTOUNOU (Conseiller à la Cour des comptes de l'UEMOA) s'expliquait ainsi face au journaliste:

« Suite à votre évaluation, quelles sont les entraves à l'action des cours des comptes que vous avez identifiées ?

Je dois faire remarquer que tous les Etats de l'Uemoa ne sont pas encore arrivés à extraire des cours suprêmes les juridictions qui s'occupent du contrôle des comptes pour créer des cours des comptes autonomes. Il faut noter, par ailleurs, qu'en général, les juridictions financières nationales ne sont pas toujours dotées de moyens appropriés pour exécuter leurs missions. Elles n'ont pas toujours des locaux fonctionnels, un personnel suffisant et même si le personnel existe, sa qualification laisse parfois à désirer. Nous avons noté, au cours de nos missions et de nos évaluations, que la motivation de certaines catégories de personnel, l'insuffisance de moyens informatiques, l'insuffisance de la formation, sont des points qu'il convient de relever. Dans certains Etats, le contrôle en général ne se fait pas toujours selon les souhaits des pères fondateurs de l'Uemoa. C'est pourquoi, de temps en temps, les autorités communautaires compétentes sont amenées à attirer l'attention des autorités nationales pour qu'elles prennent les dispositions appropriées pour permettre que la gestion financière soit rigoureuse, saine, se passe dans des conditions de transparences. Autant de préoccupations qui sont de plus en plus exprimées un peu partout et exigées par les institutions financières internationales dans le cadre de la transparence et de la bonne gouvernance. Le Conseil des ministres de l'Union, conformément aux directives et orientations de la conférence des chefs d'Etat, a eu à adopter récemment un code de transparence dans la gestion des finances publiques ».

Nous pouvons signaler aussi les insuffisances textuelles. En effet, la loi n° 99-70 sur la Cour des comptes et son décret d'application prévoient la procédure interne applicable en matière de contrôle. Cependant, certains détails ne sont pas pris en compte, et doivent être réglés par un règlement intérieur qui tarde à être pris.

Par ailleurs, l'article 342 du Code des collectivités locales, en son alinéa 2, prévoit que : « les comptes des collectivités locales dont la population n'excède pas 15.000 habitants et dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à un montant fixé par décret, font l'objet, sous réserve des alinéas ci-après, d'un apurement administratif par les trésoriers payeurs généraux à l'exception de leurs propres comptes de gestion ».

Cependant, le décret évoqué n'est toujours pas pris. C'est cette situation de blocage qu'avait voulue éviter la loi sur la Cour des comptes précitée lors qu'elle prévoit en son article 43, que les autorités de la Cour, « sous réserve des dispositions de l'article 342 du Code des collectivités locales... », avait la possibilité, « sur proposition du Président de chambre » et « en cas d'encombrement de cette chambre, de décider par ordonnance que certains comptes concernant les collectivités locales(...) seront apurés par un comptable supérieur du Trésor », ce qui de même n'est pas fait. Ces insuffisances causent d'énormes retards dans le travail de la Cour.

En outre, en ce qui concerne la comptabilité matières, nous pouvons rappeler qu'elle peut s'apprécier par rapport à la comptabilité de deniers avec lesquels est acheté le matériel ou les biens de la collectivité. Cependant, il n'existe pas un contrôle juridictionnel de la comptabilité des matières, de même que les textes relatifs à la Cour des comptes n'ont pas prévu une législation pertinente concernant l'organisation de la comptabilité matières.

Dans la pratique, seul l'article 70 de la loi précitée ,situé dans le chapitre VII traitant du contrôle non juridictionnel en parle, et de manière laconique. En substance, cette disposition ne prévoit qu'un contrôle visant à rendre une décision particulière sur chaque compte individuel de matière et à produire une déclaration de conformité attestant la concordance de l'ensemble des comptes individuels de matières avec les comptes généraux des ministères.

Parallèlement, les dispositions de l'article 83 du décret n° 66-510 portant régime financier des collectivités locales exigent, dans le cadre du contrôle juridictionnel des comptes des comptables des collectivités locales, une double transmission des comptes : d'abord une première transmission du fascicule de gestion par le comptable à la Direction du trésor pour vérification sur chiffre, ensuite , une seconde transmission(cette fois du compte de gestion accompagné de pièces essentielles) par la Direction du trésor à la Cour des comptes. Cette règle de double transmission provoque des lourdeurs dans la procédure du contrôle.

Par ailleurs, l'usage de nouvelles technologies de l'information laisse le personnel souvent désorienté par ce que ne les maîtrisant pas. Ce qui entraîne le recours à des spécialistes en ce domaine, qui méconnaissent aussi les règles en matière financière. Il est alors préférable de former le personnel afin qu'il puisse se familiariser avec l'outil informatique.

En outre, le nombre croissant de collectivités locales ainsi que celui des comptes de gestion nécessite un important arsenal de moyens matériels.

De plus, du fait de l'absence au Sénégal d'un organe juridictionnel financier décentralisé, la cour des comptes juge l'ensemble des comptes des CL. Ce qui nécessite d'importants moyens matériels. Or, cette exigence fait défaut en général.

On assiste alors à un contrôle inefficace eu égard à de nombreuses considérations. Il y a des insuffisances pratiques dans la mesure où la concentration dans le temps de l'examen d'un nombre assez considérable de comptes ne permet pas aux autorités de contrôle de respecter les délais et d'exercer un contrôle effectif. Ce qui témoigne d'un manque criard de moyens matériels permettant d'asseoir un contrôle digne de ce nom en respectant les délais de rigueur.

Par ailleurs, en France, le contrôle effectué par les Chambres régionales des comptes connaît aussi des failles. En effet, depuis leur création, les CRC font l'objet d'autres critiques tant sur leurs méthodes de travail que sur leurs modes de communication des observations qu'elles formulent.

Tout d'abord, la période d'intervention reste aléatoire et décalée des faits. Même si le président de la CRC décide annuellement du programme des travaux, le calendrier de contrôle est en effet un mystère (BOYER, DE CASTELNAU, 1997, p. 34). Le rythme d'intervention, en moyenne quadriennale, peut être variable suivant la collectivité. La pertinence de ces contrôles semble, de plus, être remise en cause dans la mesure où un décalage temporel important existe entre les faits et la révélation de l'irrégularité ou de l'inefficacité. Que représente en effet, aux yeux des citoyens ou d'autres acteurs de la vie communale, une révélation d'actions et de décisions vieilles de 3 voire de 5 années ? En outre, il est assez fréquent que les gestionnaires en cause ne soient plus responsables de la collectivité au moment où sont rendues publiques les observations définitives des magistrats financiers.

Ensuite, en ce qui concerne les méthodes de collecte des éléments probants, les CRC effectuent généralement des contrôles sur pièces et sur place afin d'obtenir les éléments sur lesquels seront fondés les jugements, avis ou observations. Le contrôle de la gestion d'une collectivité, ainsi pratiqué, débute habituellement par un examen des pièces à la disposition de la CRC et du dossier de la collectivité (contrôles antérieurs, coupures de presse et correspondances). Après une évaluation de l'état général des finances de la collectivité, le magistrat fixe le champ de ses investigations en sachant que les dépenses de personnel, les procédures de marchés publics et les investissements constituent des domaines essentiels (BOYER, DE CASTELNAU, 1997, p. 155). Une fois les champs d'investigation choisis, le magistrat pourra demander tout document et renseignement manquant, en vue d'une analyse de régularité et d'efficacité. Cette procédure rigoureuse des magistrats financiers semble trouver toutefois ses limites dans les durées importantes d'exécution des contrôles qui augmentent d'autant plus le décalage de l'observation avec les faits. Le contrôle exhaustif de l'ensemble des opérations de la commune ne semble pas pertinent eu égard à la complexité des questions examinées.

Comme nous venons de le voir, les juridictions financières souffrent d'un manque de moyens presque à tous les niveaux. Ce qui n'est pas sans entraîner des conséquences fâcheuses sur le contrôle juridictionnel des finances des collectivités locales.

Il faut toutefois noter que les limites ne concernent pas seulement les moyens des juridictions. Elles s'étendent aussi à d'autres facteurs plus endogènes.

Section 2 : L'inefficacité du contrôle du fait de l'intervention d'autres organes

En dehors de ces obstacles que nous venons de décrire, il existe d'autres rendant le contrôle inefficace. Ces obstacles sont plutôt liés à des risques d'interférence et de confusion entre la C.comptes et le CE (CS) dans l'exercice du contrôle (Paragraphe 1) ; d'autre part le phénomène de remises gracieuses de débet et de décharge ne favorise pas l'efficacité du contrôle (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Des risques d'interférence entre la Cour des comptes et d'autres institutions

Dans le cadre du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales des risques d'interférence et de confusion existent entre la CC et la chambre de la Cour suprême chargée des affaires financières. La première, appelée à se prononcer sur la gestion des comptables publics, en principe, est souvent amenée à apprécier la légalité de certains actes produits à l'appui des opérations financières. Il en est ainsi par exemple des mandats de paiement ou de toute autre décision administrative dont peut se prévaloir un créancier au titre d'engagement de la collectivité locale.

Du fait de la dualité des organismes intervenant dans le contrôle financier des collectivités locales, des chevauchements sont parfois notés entre les rôles des juridictions, notamment la C.comptes et le Conseil d'Etat. L'on se demande alors si leurs rôles sont complémentaires ou concurrentiels.

Les comptables sont personnellement responsables de l'exécution régulière des opérations financières et notamment du contrôle qu'ils sont tenus d'exercer sur les actes des ordonnateurs. Cette responsabilité ne peut être sanctionnée arbitrairement par l'administration qui serait ainsi considérée comme juge et partie. En raison de la spécificité des règles de la comptabilité publique, le juge administratif n'a pas la compétence technique nécessaire. Seul, un juge spécial peut connaître de cette responsabilité, en l'occurrence le juge des comptes26(*).

Les chevauchements en ce qui concerne les rôles de ces deux juridictions précitées en matière de contrôle des comptes des collectivités locales constituent un obstacle majeur dudit contrôle.

Il faut en plus signaler le blocage causé par le Trésor public. En effet, le travail de la Cour n'est pas facilité par le Trésor public et ses comptables. Le contrôle juridictionnel porte sur les comptes des comptables qui doivent à cet effet déposer leurs comptes dans les délais prévus par les textes et en état d'examen.

L'article 83 du décret précité instituant l'obligation de la double transmission est à l'origine du blocage. Très souvent, après la transmission du fascicule de gestion du comptable de la collectivité locale à la Direction du trésor pour vérification sur chiffre, le Trésor tarde à retourner le fascicule en question au comptable. La conséquence en est que la production des comptes, si elle a lieu, accuse un retard considérable.

Par ailleurs, si différents rapporteurs peuvent être désignés pour l'instruction, il se trouve que le commissaire de droit doit se prononcer par écrit sur chaque rapport avant son examen en chambre et, conséquence de la situation que nous venons d'évoquer, plusieurs rapports lui sont soumis en même temps, alors qu'il travaille seul. Il n'a pas d'adjoint contrairement à ce qui est prévu par les textes. Il met ainsi du temps pour donner son avis sur tous les rapports. Cet état de fait constitue un blocage pouvant être considéré comme découlant de la précédente.

Par ailleurs, un autre phénomène plus sérieux participe aussi de l'inefficacité du contrôle juridictionnel. Il s'agit des remises gracieuses de débet et de décharge.

Paragraphe 2 : La question des remises gracieuses de débet et de décharge

La responsabilité des comptables est mise en jeu selon les modalités pécuniaires suivantes :l'article 60 de la loi française du 23 février 1963 fait obligation au comptable « de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale soit au montant de la perte de recettes subie, de la dépense payée à tort ou de l'indemnité de son fait à la charge de l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matières, al valeur du bien manquant » ; ce que devra confirmer, à défaut, un acte administratif ou juridictionnel constituant le comptable en débet.27(*)

En outre, si cette responsabilité semble peu lourde dans son énoncé, des tempéraments existent néanmoins dans sa mise en oeuvre. Ces tempéraments peuvent être, soit préalables à la reconnaissance de la responsabilité aux moyens des injonctions et observations pour l'avenir, soit postérieurs à celle-ci puisque la possibilité est offerte aux comptables d'obtenir décharge totale ou partielle de responsabilité et même remise gracieuse des sommes laissées à leur charge.

Ainsi, les remises gracieuses de débet et de décharge constituent de véritables freins à l'effectivité du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales. En effet, elles empêchent la mise en oeuvre effective de la responsabilité des ordonnateurs et comptables. Ces derniers, dans ce cas, sont dispensés des poursuites pouvant être enclenchées à leur égard.

Cette responsabilité presque inexistante en fait est un véritable frein à l'efficacité du contrôle. En effet, la mise en jeu de la responsabilité des élus et des gestionnaires est atténuée en principe par ce phénomène décrit. La responsabilité pécuniaire que le comptable encourt est également tempérée par le recours à des formules d'assurance et de cautionnement mutuel28(*).

En somme, la portée du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales est en quelque sorte limitée par le pouvoir prépondérant du Ministre de l'Economie et des Finances en ce sens qu'il a la possibilité d'accorder une décharge ou une remise gracieuse des débets prononcés par la C.comptes, et notamment par les CRC en France. Ce qui constitue un obstacle à l'efficacité du contrôle dans la mesure où les contrôles, tout en dévoilant les irrégularités financières,doivent pouvoir être en mesure de les sanctionner afin de réduire, dans la mesure du possible, l'ensemble des infractions qui peuvent être commises.

Certes, une décharge de responsabilité ne peut être donnée qu'en cas de force majeure ou d'erreur commise de bonne foi. Mais son utilisation abusive est tant décriée. Ainsi, il y a une appréciation subjective de la responsabilité du comptable avec la décharge de responsabilité et la remise gracieuse de débet.

Les partisans d'un rééquilibrage dans la pratique des remises gracieuses de débet et de décharge souhaiteraient notamment donner davantage de « poids » aux prononcés juridictionnels de mise en jeu de la responsabilité des comptables, ce qu'illustre en quelque sorte la position de la cour des comptes en France ;

L'examen des dépenses du chapitre 15-06 du budget général de l'Etat révèle la plus large utilisation des « mécanismes régulateurs » de la responsabilité des comptables, et plus particulièrement des décisions de remise gracieuse. Cette pratique n'est pas critiquable en droit, et la cour ne méconnaît pas les considérations d'opportunité que l'administration invoque pour justifier sa politique en la matière. La juridiction admet en effet qu'en effet il n'est pas aisé de concilier les contraintes de la gestion des réseaux des comptables publics avec la rigueur des principes qui régissent la responsabilité de ces derniers29(*). Elle se demande toutefois si une utilisation trop systématique des possibilités de remise gracieuse ne risquerait pas, en privant de toute portée effective la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, de remettre en cause cette règle fondamentale de la comptabilité publique et, l'ensemble des contrôles et procédures, de caractère administratif et juridictionnel, qui tendent à en garantir le bon fonctionnement.30(*)

Quant aux partisans d'une remise en cause de ce système, la décharge de responsabilité et la remise gracieuse de débet, constitue un véritable défi à la logique juridique et que ne compensent pas, voire aggravent les mécanismes d'articulation existants.

En outre, la cour des comptes supporte difficilement que les décharges de responsabilité soient appréciées par le ministre. Elle souhaiterait être admise à statuer elle-même sur les causes d'exonération de responsabilité du comptable.

Tout comme la cour des comptes, la chambre régionale des comptes « juge le compte et non le comptable ».Autrement dit, elle se prononce sur le compte, objectivement, sans avoir à apporter la preuve d'une faute du comptable, et sans pouvoir tenir compte des circonstances particulières qui pourraient atténuer la responsabilité du comptable. La répartition des compétences entre le ministre des finances et le juge des comptes est mal acceptées par les juridictions financières qui estiment, à juste titre, que le jugement du compte ne peut être séparé d'une appréciation sur les agissements du comptable, ses diligences ou ses négligences, c'est-à-dire sa conduite professionnelle, et qu'elles sont mieux à même que quiconque pour statuer sur les décharges de responsabilités31(*). Mais, désabusé, F.J.Fabre constate que « l'attachement du ministère des finances à un système qui conforte son autorité sur les comptables rend peu vraisemblable l'hypothèse d'une redistribution des compétences dans un avenir proche».32(*)

Les deux tempéraments à la responsabilité que sont la décharge de responsabilité et la remise gracieuse de débet constituent un handicap dans le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales. Son efficacité est ainsi mise en cause à plus d'un titre.

En tout état de cause, il faut reconnaître avec le professeur Lalumière que « ce double mécanisme de décharge et de remise gracieuse rend en partie inefficace la procédure de mise en jeu de responsabilité des comptables publics devant une juridiction »33(*).

Face à ces nombreuses faiblesses qui compromettent l'effectivité du contrôle juridictionnel, il est nécessaire de proposer des éléments de solution. Ainsi, quelques perspectives restent possibles.

Chapitre II : Les perspectives de solutions envisageables

Des mesures que nous jugeons nécessaires doivent être prises pour remédier aux insuffisances du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales. Il faut envisager d'une part un aménagement institutionnel (Section 1) et une réorganisation fonctionnelle des juridictions financières, d'autre part (Section 2).

Section 1 : La nécessité d'un aménagement institutionnel

Face aux obstacles que rencontre la CC dans la réalisation de ses missions du fait du nombre élevé de comptes de gestions soumis à son contrôle, il est nécessaire de la désengorger par la création d'un organe de contrôle décentralisé(Paragraphe 1), comme c'est le cas en France. En plus de cela, il faudra également une refonte de la responsabilité des administrateurs et comptables (Paragraphe2) pour une meilleure efficacité du contrôle juridictionnel.

Paragraphe 1 : L'instauration d'un organe juridictionnel local : l'exemple des C.R.C

La France a senti la nécessité de créer cette juridiction au niveau local et dont la mission est de juger les comptes des comptables publics :

Le code des juridictions financières énonce clairement dans son article L 211-1 le principe du contrôle juridictionnel : "La chambre régionale des comptes juge, dans son ressort, l'ensemble des comptes des comptables publics des collectivités locales et de leurs établissements publics".

Le contrôle juridictionnel est la mission qui justifie leur statut de juridiction. Il s'agit d'un contrôle de régularité des opérations faites par les comptables publics, tant en recettes qu'en dépenses. Cette procédure est obligatoire, les chambres régionales des comptes réglant et apurant les comptes par des jugements, que des irrégularités aient été révélées ou non. L'objet du contrôle est de vérifier non seulement que les comptes sont réguliers, mais surtout que le comptable a bien exercé l'ensemble des contrôles qu'il est tenu d'effectuer. Ces vérifications s'opèrent sur pièces et sur place.

Les chambres régionales des comptes rendent leurs jugements après une procédure contradictoire. Le jugement définitif donne décharge au comptable ou éventuellement le met en débet, c'est-à-dire lui impose de reverser une somme à la collectivité. Ces jugements définitifs sont susceptibles d'appel devant la Cour des comptes. Les arrêts rendus en appel par celle-ci peuvent, comme tous ses autres arrêts, donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. 

Le Sénégal devrait alors s'inspirer du cas de la France pour assouplir certaines charges de la cour des comptes. Ce serait aussi accompagner la politique de décentralisation en cours au Sénégal. La création des C.R.C pourrait permettre un contrôle plus effectif dans la mesure où la C.comptes serait secondée dans ses missions. Cette dernière aurait désormais des compétences partagées avec les chambres régionales des comptes. Ainsi, une répartition plus juste de leurs compétences se ferait en tenant compte de leurs moyes et missions.

Par ailleurs, le principe qui prédestine à la décentralisation voudrait que le contrôle juridictionnel soit effectué par une institution proche des populations concernée ainsi que le veut le principe de la proximité.

Ces chambres bénéficieront alors d'une compétence d'attribution pour éviter des chevauchements avec la C. comptes.

Toutefois, ce projet se heurte à de nombreux obstacles, notamment avec la restauration de la CS au Sénégal. Il faudra au préalable régler certaines questions pour pouvoir se lancer dans cette réforme. La volonté des autorités est nécessaire car la création de ces chambres nécessite également des moyens humains et financiers importants.

A défaut de ces chambres régionales des comptes il faudra alors placer dans chaque tribunal régional des organes qui se chargeraient de cette mission.

En outre, le Sénégal devrait également s'inspirer des méthodes utilisées par les Chambres régionales des comptes. Ces outils et méthodes sont déclinés ci-dessous :

La création, à la fin de l'année 1996, d'une commission des méthodes des chambres régionales et territoriales des comptes traduisait l'importance accordée à la coordination de leurs travaux afin de garantir l'homogénéité de leurs actions et de renforcer leur efficacité.

S'agissant du contrôle des comptes, une normalisation des diligences effectuées a été engagée ; elle est fondée sur la présence ou l'absence d'anomalies manifestes susceptibles de faire obstacle à la décharge du comptable.

La sécurité juridique dans la mise en oeuvre des procédures d'examen de la gestion a fait l'objet d'une réflexion particulière. Les juridictions financières ont la faculté de recourir à l'assistance d'experts, pour des enquêtes à caractère technique ; elles peuvent, par ailleurs, exercer, vis à vis des tiers, le droit de communication que les agents des services financiers tiennent de la loi. Réservé à des vérifications, telles que la réalité du service fait, qui peuvent nécessiter une expertise technique ou l'obtention d'informations auprès de tiers, l'usage de ces deux facultés d'investigation par les chambres régionales est relativement circonscrit. Les conditions dans lesquelles elles peuvent être exercées ont été précisées avec le concours du Parquet général de la Cour des comptes.

La détection et la prévention des risques juridiques et financiers constituent les fondements de la démarche d'examen de la gestion. Ces préoccupations jouent également un rôle moteur dans le renforcement de leur dispositif de contrôle interne par nombre de collectivités et d'établissements publics locaux.

L'articulation entre le contrôle externe et le contrôle interne tend donc naturellement à prendre une place croissante dans l'examen de la gestion.

En somme, cette réforme pourrait rendre la justice beaucoup plus proche des populations.

En plus de cette réforme institutionnelle que nous avons préconisé, il importe aussi de revoir la responsabilité des ordonnateurs et comptables dans le sens de leur refonte.

Paragraphe 2 : La nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et comptables

La responsabilité des ordonnateurs et comptables est tempérée avec le phénomène de la décharge de responsabilité et des remises gracieuses de débet. Ainsi, une remise en cause de cette pratique semble opportune. En effet, le juge des comptes n'est pas habilité à connaître de la légalité des décisions administratives fondant les mandatements. De ce fait, une redéfinition de la responsabilité des comptables et administrateurs est à l'ordre du jour de nombreux débats intellectuels.

Il faut également noter que la responsabilité du comptable ou de l'ordonnateur est souvent mise en jeu par la procédure de la gestion de fait malgré les assauts dont elle fait l'objet.

Parallèlement, les ordonnateurs sont aussi bien des responsables politiques, des élus en l'occurrence, que des agents publics qui se trouvent, en raison des fonctions qu'ils exercent, dans la possibilité de prendre des décisions ayant des incidences financières. En réalité, on assiste à un mécanisme de responsabilité spécifique à chaque catégorie d'ordonnateurs. Il en est ainsi de l'irresponsabilité des responsables politiques et la responsabilité atténuée des agents publics ou privés.

Par ailleurs, la situation des élus locaux dont les responsabilités financières sont énormes du fait du transfert concomitant de moyens financiers aux collectivités locales, ne doit pas être négligée. Or, on se rend compte qu'ils restent largement irresponsables de leur gestion financière, en fait.

Il faut souligner en passant que la sanction qu'encourt l'ordonnateur est plutôt d'ordre politique. En effet, il appartient éventuellement aux électeurs de le sanctionner négativement aux élections.

De l'autre coté, les contrôles des juridictions financières ont une influence sur le débat politique, en particulier au niveau local où les observations des chambres régionales des comptes sont utilisées par l'opposition de l'assemblée délibérante et peuvent avoir un impact sur les résultats électoraux34(*).

La responsabilité des ordonnateurs doit en outre être revue dans le sens de bien renforcer les sanctions afin de dissuader bon nombre de mal intentionnés au niveau des collectivités locales. Il devrait en être la même chose pour ce qui est des comptables publics. La responsabilité de ces derniers doit également être revue et corrigée ; le régime de ses atténuations doit être révisé.

En réalité, le comptable peut s'exonérer de sa responsabilité s'il parvient à établir que l'omission ou l'irrégularité ne lui est pas imputable. De ce fait, en matière de recettes il peut obtenir que ces dernières soient admises en non valeur s'il établit que le défaut de recouvrement résulte des causes indépendantes de sa diligence. Il peut en être ainsi de l'insolvabilité ou de la disparition du débiteur.

« L'admission en non valeur est, selon R. Ludwig, une mesure purement comptable qui fait disparaître au plan des écritures comptables la prise en charge de la créance, sans modifier pour autant les droits de l'organisme public à l'encontre du débiteur, si ce dernier revient ultérieurement à meilleure fortune, le recouvrement doit être repris ».

S'il est clair que ces mesures rentrent dans le cadre du renforcement du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales, cela ne veut pas dire que ce sont les seules envisageables en la matière. Il en existe d'autres en effet, notamment une réorganisation fonctionnelle des juridictions financières est nécessaire.

Section 2 : La réorganisation fonctionnelle des juridictions financières

Les mesures déjà envisagées plus haut devraient se conjuguer avec un renforcement des moyens des juridictions (Paragraphe 1), à cela ajouté l'élargissement du contrôle du juge financier (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Un nécessaire renforcement des moyens des juridictions financières

Des moyens d'action efficaces sont indispensables pour asseoir un contrôle juridictionnel satisfaisant. Or, comme nous l'avons souligné, ces moyens font défaut. Ainsi, partant de ce constat, les juridictions devraient bénéficier de ces moyens tant aux plans financier, matériel et humain.

En effet, vu le nombre accru des dossiers soumis à la cour des comptes, et notamment les comptes de gestion, cette dernière a besoin de moyens proportionnels pour pouvoir traiter dans le plus bref délai ces dossiers.

C'est ainsi qu'il devrait être mis à la disposition de la cour des comptes de manuels de procédures de vérification des comptes pour plus de rapidité dans le contrôle qui lui est dévolu. Elle n'en dispose toujours pas.35(*)

La Cour des comptes du Sénégal devrait bénéficier des moyens semblables à ceux dont dispose la juridiction financière française.

En France en effet, est créée en 1999, la mission outils et méthodes de la Cour qui a engagé un processus de gestion et d'optimisation des connaissances méthodologiques de la juridiction. Elle mène pour cela plusieurs démarches complémentaires :

- l'identification et la collecte des informations, outils et méthodes de toute nature-guides de contrôle, manuels de bonnes pratiques, grilles minimales d'enquête, référentiels, jurisprudence, procédures d'alerte - utiles au contrôle ;

- la diffusion de ces informations, essentiellement réalisée à partir de pages ouvertes en octobre 1999 sur le site intranet de la Cour, régulièrement alimentées et actualisées ;

- l'animation, sur intranet, de forums de discussion visant, notamment à partir de cette capitalisation, et grâce à un cycle de questions et de réponses pertinentes, à la production de connaissances et méthodes nouvelles ;

- un appui technique aux équipes de contrôle et une aide à la création de méthodologies à l'occasion ou à partir des contrôles.

- la mise en évidence de réseaux de compétences internes ou extérieurs à la juridiction et l'animation de ces réseaux.

- la veille méthodologique auprès des institutions supérieures de contrôle à l'étranger, des corps d'inspection et de contrôle, des cabinets d'audit et de conseil , et la confrontation de leurs méthodes avec celles de la Cour.

Néanmoins, même si l'efficacité du contrôle juridictionnel est parfois décriée, il ne faut pas pour autant en conclure à l'abandon des juridictions en cause. Ainsi, le nombre négligeable de décisions rendues par ces juridictions ne doit pas être vu comme absence d'efficacité. Pour étayer cette situation, nous pouvons prendre l'exemple de la cour de discipline budgétaire et financière qui dissuade tellement les agents publics de commettre les fautes qu'elle sanctionne. Ainsi, le faible nombre de décisions qu'elle rend peut être vu comme la traduction de son efficacité36(*).

En ce qui concerne les moyens juridiques, il faudra veiller à l'application effective des textes. En effet, nous constatons que pour chaque année depuis 1997, moins de la moitié des comptes prévus sont effectivement produits, et avec un retard considérable. Nous pouvons affirmer que la Cour gagnerait à mettre plus de rigueur dans l'application des textes. La conséquence en serait que les comptables seraient dés lors enclin à respecter les prévisions textuelles : respect des délais, production des comptes en état d'examen...

Les textes prévoient également la nomination d'un commissaire de droit adjoint, ce qui n'est pas fait jusqu'à présent. Le respect d'une telle prévision pourrait constituer une solution aux blocages notés dans la procédure du contrôle juridictionnel. L'examen du rapport en chambre, de même que la prononciation du rapport définitif ne sont envisageables qu'après intervention du commissaire du droit, alors qu'il tarde à le faire, vu le grand nombre de rapports sur lequel il doit se prononcer.

Il faudrait également penser à réformer les textes relatifs aux collectivités locales. En effet, le décret n° 66-458 portant règlement général sur la comptabilité publique applicable à l'Etat, a été remplacé par le décret n° 2003-101 ayant le même objet. Paradoxalement, pour les collectivités locales, l'ancien décret continue à les régir à savoir le décret n° 66-510 du 4 juillet 1966 portant régime financier du code des collectivités locales, et ceci malgré les grandes étapes qu'a franchies le Sénégal en matière de décentralisation.

Au moment où ce décret a été pris, seules les communes étaient les collectivités locales au Sénégal. Aussi, il fait référence, exclusivement et de manière explicite, en son article 83 au receveur municipal, au maire et au conseil municipal. Une réforme de ce texte permettrait donc de prendre en compte l'évolution de la décentralisation, par l'utilisation de termes plus adaptés à la situation actuelle : comptables des collectivités locales, présidents des exécutifs locaux, conseils locaux.

Le renforcement de ces moyens devrait aussi se sentir au plan humain. Toutefois, les moyens à eux seuls ne suffiraient pas pour permettre un contrôle efficace car des obstacles existent à d'autres niveaux. Il faudra alors en plus étendre le contrôle du juge financier.

Paragraphe 2 : Une nécessaire extension des pouvoirs du juge financier et de ses conditions de travail

Le contrôle des comptes peut être considéré comme inutile dans la mesure où les mises en débet aboutissent le plus souvent à la décharge du comptable. En effet, les pouvoirs exorbitants du ministre des finances altère en quelque sorte le contrôle, puisque « le juge des comptes se décourage à faire, le jour, ce que le ministre défait, la nuit »37(*). Dés lors se demande-t-on à quoi ce contrôle sert-il même efficace ?

Parallèlement au ministre, le juge financier devrait aussi bénéficier d'un pouvoir important pour assurer un contrôle efficace. On devrait lui permettre d'apprécier une mesure de décharge de responsabilité et de remise gracieuse de débet et, le cas échéant, pouvoir s'opposer à la décision du ministre en cas d'irrégularité.

En fait, c'est la mission qui lui est dévolue qui nécessite l'octroi de ces pouvoirs.

Il convient de rappeler que la configuration de la Cour n'est pas conforme à une juridiction de la nature d'une Institution Supérieure de Contrôle. (ISC). L'aménagement de locaux pour la création de salles d'audience et la construction d'une salle des archives sont un début de solution, mais l'idéal serait d'avoir un local permettant d'accueillir tout le personnel dont a besoin la Cour, sans que ce personnel ne soit à l'étroit (à l'image de ce qui se passe actuellement : parfois deux magistrats dans un bureau exigu).

Les magistrats devraient en outre être véhiculés pour pouvoir effectuer des déplacements que nécessitent leurs missions de contrôle, notamment celles prévues par l'article 30 de la loi 90- 70 sur la Cour des comptes : « (...) Les magistrats et les rapporteurs ont, dans l'exercice de leurs fonctions et dans la limite de leurs attributions, un droit d'accès permanent dans tous les bureaux, locaux ou dépendances des organismes soumis au contrôle de la Cour ».

En outre, le fait qu'il soit seulement un juge de régularité peut aussi entraver l'exercice normal de son contrôle et de ce fait entraver son efficacité. Dés lors, ne serait-il pas nécessaire de lui octroyer des pouvoirs lui permettant de juger l'opportunité ? En effet, rappelons-le, le juge financier « juge le compte du comptable public » et non le comptable lui-même. Cette mesure est nécessaire car elle permettrait d'empêcher les ordonnateurs de procéder à la réalisation de dépenses non nécessaires, par crainte d'être punis.

Plus précisément, les pouvoirs conférés au juge devraient être revus dans le sens d'une meilleure adéquation à la réalité qui prévaut dans la gestion financière au sein des collectivités locales. Dans ce cas, élargir le contrôle qu'il exerce dans ce domaine, lui permettrait d'atteindre des résultats plus performants.

En ce qui concerne les délais de dépôt des comptes de gestion, on note beaucoup de retards et les sanctions prévues en ce sens s'appliquent rarement. Néanmoins, il faut relativiser ce fait car les comptables ont pris conscience et ont commencé à envoyer leurs comptes. C'est en ce sens que cent comptes de gestion ont été reçus pour l'année 1997 à la fin de l'année 200238(*).

Au chapitre des perspectives, la juridiction financière de l'UEMOA pourrait aussi jouer un rôle non négligeable. En effet, dans son interview, JEAN ALOTOUNOU39(*) soulignait cet aspect en ces termes : « Dans notre agenda, il est prévu que la cour communautaire puisse apporter son concours, son appui aux cours nationales des comptes. C'est, du reste, la préoccupation des pères fondateurs de l'Uemoa parce que l'intégration suppose la convergence dans tous les domaines. Il est nécessaire que les comptes soient tenus, élaborés, contrôlés selon les normes financières, budgétaires et comptables édictées par l'Uemoa. Il est donc utile d'avoir des données financières et comptables fiables et comparables dans l'espace Uemoa ».

CONCLUSION

En définitive, dans ce travail, nous avons essayé de montrer comment le contrôle juridictionnel est mis en oeuvre par les juridictions financières, et notamment la Cour des Comptes. Après cette mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales, nous avons constaté que c'est un contrôle qui n'est pas efficace, et nous avons envisagé des solutions pour y remédier.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du contrôle, nous avons opéré une distinction entre le jugement de la gestion patente et celui de la gestion de fait. Mais dans tous les deux cas, les mécanismes de contrôle sont presque identiques. En outre, la mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales nous a permis de comprendre que les comptes de gestion sont ceux qui sont les seuls soumis en principe au contrôle de la Cour des Comptes. Toutefois, il est des cas où la gestion de l'ordonnateur peut aussi faire l'objet de ce contrôle.

Par ailleurs, la mise en oeuvre de ce contrôle entraîne un certain nombre de conséquences. Celles-ci sont de deux ordres : soit elles sont favorables aux agents contrôlés, en cas de gestion régulière ; soit elles sont défavorables, en cas de gestion irrégulière. Cette situation nous a permis de montrer que le jugement des comptes ne peut être séparé de celui des agents. En effet, en cas de gestion irrégulière, c'est la responsabilité de l'agent qui est engagée. Néanmoins, l'agent dont la responsabilité est mise en cause bénéficie des voies de droit pour contester les décisions prises. En somme, deux voies de recours sont possibles. Il s'agit d'une part de la révision, et du pourvoi en cassation d'autre part. Toutefois, en France, l'appel est possible.

S'agissant de la seconde partie de notre travail, nous avons montré que le contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales n'est pas efficace. Il existe de nombreuses limites.

Il y a d'une part des limites relatives aux moyens des juridictions financières. Il s'agit des limites tant au plan humain qu'au plan matériel.

D'autre part, il existe d'autres limites liées à l'intervention dans le contrôle d'autres organes, ce qui peut parfois entraîner des chevauchements. D'autres limites relatives au phénomène de remise gracieuse de débat et de décharge ont été signalées. Toutefois, nous sommes allés plus loin pour proposer des perspectives de solution. C'est ainsi que nous avons préconisé un réaménagement institutionnel par la création d'une CRC et par la refonte de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables. Nous avons également proposé la réorganisation fonctionnelle de la juridiction financière par le renforcement de ses moyens, et par l'élargissement de ses pouvoirs de contrôle.

En tout état de cause, le contrôle reste un impératif dans toute démocratie. C'est un moyen d'information du citoyen en ce qui concerne l'emploi qui est fait des ressources publiques. C'est en plus un moyen privilégié pour asseoir la transparence dans la gestion des affaires publiques. Pour cela, il faudra repenser le contrôle pour le rendre plus efficace.

TABLE DES MATIERES

Introduction........................................................................7

PREMIERE PARTIE : La mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes et ses conséquences ............................................................13

Chap. I : Le jugement des comptes des collectivités locales..........................13

Section 1 : Le jugement du compte de gestion par la cour des comptes.........15

Paragraphe 1 : Le jugement de la gestion patente....................................16

A : La saisine de la Cour................................................................16

B : L'instruction du dossier.............................................................18

Paragraphe 2 : Le jugement de la gestion de fait.....................................20

Section 2 : La non soumission de principe du compte administratif à la cour des compte .....................................................................................24

Paragraphe 1 :L'institution de la chambre de discipline financière................24

Paragraphe 2 : L'institution de la CRC ...............................................27

Chap. 2 : Les conséquences résultant du contrôle juridictionnel des comptes................................................................................................................30

Section 1 : Les décisions pouvant être rendues par le juge comptable............30

Paragraphe 1 : En cas de bonne gestion...............................................30

A : La décharge...........................................................................30

B : Le quitus ..............................................................................31

Paragraphe 2 : En cas de gestion irrégulière .........................................33

A : Le débet................................................................................33

B : La mise en oeuvre de la responsabilité du comptable............................34

Section 2 : Les voies de recours contre les décisions de la cour....................35

Paragraphe 1 : Le régime des voies de recours........................................36

Paragraphe 2 : Les effets de l'introduction du recours..............................38

DEUXIEME PARTIE : Limites et perspectives envisageables du contrôle juridictionnel............................................................................40

Chap. 1 : Limites du contrôle juridictionnel..........................................40

Section1 : Les limites relatives aux moyens de la juridiction.......................40

Paragraphe 1 : des ressources humaines insuffisantes..............................41

Paragraphe 2 : des moyens matériels lacunaires.....................................43

Section 2 : L'inefficacité du contrôle du fait de l'intervention d'autres organes....................................................................................47

Paragraphe1 : des risques de chevauchement entre les juridictions...............48

Paragraphe 2 : le phénomène des remises gracieuses de débet et de décharge...................................................................................49

Chap. 2 : Les perspectives d'amélioration du contrôle..............................53

Section 1 : la nécessité d'un aménagement institutionnel...........................53

Paragraphe 1 : la création d'un organe juridictionnel décentralisé ...............53

Paragraphe 2 : la nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et comptables ...............................................................................56

Section 2 : la réorganisation fonctionnelle de la juridiction .......................58

Paragraphe 1 : le renforcement nécessaire des moyens de la juridiction.........58

Paragraphe 2 :l'élargissement du contrôle du juge financier.......................61

Conclusion........................................................................64

BIBLIOGRAPHIE

TEXTES

Le décret n° 99-499 du 8 juin 1999 fixant les modalités d'application de la Loi organique n°90-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes

Constitution du Sénégal

Code des collectivités locales

Loi du 2 mars 1982 créant les chambres régionales des comptes (France)

Loi organique 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes

Loi organique 2008-35 sur la Cour suprême du 8 août 2008

Décret n° 62-195 du 17 mai 1962 portant réglementation concernant les comptables publics

La directive n° 06/97/CM/UEMOA portant règlement général sur la comptabilité publique

OUVRAGES ET MANUELS

F.P Benoît, collectivités locales, Dalloz V, par Jean Cathelineau, p.7152-5

Droit des collectivités locales, Ibrahima Diallo

Nadine Dantonel, Droit des collectivités territoriales, 2e édition p.

F. P Benoît, collectivités locales Dalloz V, p.7152-5

Document PDF, cours de FINANCES LOCALES, Raymond FERRETTI, Maître de conférences à l'Université de Metz.

Diagne Mayacine, Droit administratif local, igs.p. 210

François Adam, Olivier Ferrand, Rémy Rioux, finances publiques, Presses de Scie politique et Dalloz, 2003, p. 297.

Françoise Astier, Finances publiques, droit budgétaire : le budget des collectivités locales ; éd. Ellipses, 1996, p.71

Jacques Magnet, Eléments de comptabilité publique, Librairie générale de doit et de jurisprudence ; E.J.A, Paris, 1991, p.135

Henry-Michel Crucis, Doit des contrôles financiers des CL, éd. Le Moniteur ; Paris, 19981, p. 360.

Françoise Astier, Finances publiques, droit budgétaire précité

Henry-Michel Crucis, Droit des contrôles financiers précité

Cour des comptes, référé du 23 octobre 1991, Rec. p.250.

Paysant André, finances publiques, 5e éd. Armand Collin, Paris, 1999 G.A.J.F, p. 57

Nguyen Chanh Tam, finances publiques Sénégalaises

François Adam et alii, Finances publiques, Presse de science po et Dalloz, 2003, p.302

Rapport n° 26 332 « Evaluation de la gestion des finances publiques et des pratiques comptables du secteur privé » Vol. 1, produit par la Banque Mondiale (AFTFM) et la Banque Africaine de Développement, 2 juin2003

REVUES

RFDA, mars-avril 2004, p. 407

RFDA, mars-avril 2004, p.405

AJDA

* 1 Art.102 de la constitution du Sénégal

* 2 Ce contrôle est assuré par la Cour des Comptes

* 3 Loi du 2 mars 1982 créant les chambres régionales des comptes

* 4 Art. Premier du code des collectivités locales précité

* 5 Art. 18 du même code

* 6 Art. 77 idem

* 7 Art. 192 du code précité

* 8 F.P Benoît, collectivités locales, Dalloz V, par Jean Cathelineau, p.7152-5

Voir aussi Droit des collectivités locales, Ibrahima Diallo

* 9 Toute destruction de pièces justificatives ou preuve est considérée comme telle

* 10 Procédure devant la cour des comptes est en générale écrite et contradictoire. Ainsi le commissaire du droit est tenu d'écrire ses conclusions. Il peut néanmoins faire des conclusions orales pour compléter ou rectifier ses conclusions écrites officielles.

* 11 Nadine Dantonel, Droit des collectivités territoriales, 2e édition p.285

* 12 Nadine Dantonel précité

* 13 Voir le chap. 5 de la loi organique 99-70 du 17 février 1999

* 14 Droit du contrôle des collectivités locales, I. Diallo

* 15 Art. 49 de loi précitée

* 16 Nadine Dantonel précité

* 17 F. P Benoît, collectivités locales Dalloz V, p.7152-5

* 18 Débet : Terme de comptabilité publique, désignant la dette née d'une décision administrative ou juridictionnelle ayant constitué un comptable public ou un particulier, débiteur à l'égard d'une personne publique

* 19 Document PDF, cours de FINANCES LOCALES

Par Raymond FERRETTI, Maître de conférences à l'Université de Metz.

* 20 Loi organique 2008-35 sur la Cour suprême du 8 août 2008

* 21 Art. 39 de la loi sur la cour des comptes

* 22 Art.40 de la même loi

* 23 Diagne Mayacine, Droit administratif local, igs.p. 210

* 24 François Adam, Olivier Ferrand, Rémy Rioux, finances publiques, Presses de scie politique et Dalloz, 2003, p. 297.

* 25 In Françoise Astier, Finances publiques, droit budgétaire : le budget des collectivités locales ; éd. Ellipses, 1996, p.71

* 26 Jacques Magnet, Eléments de comptabilité publique, Librairie générale de doit et de jurisprudence ; E.J.A, Paris, 1991, p.135

* 27 Cf Henry-Michel Crucis, Doit des contrôles financiers des CL, éd. Le Moniteur ; Paris, 19981, p. 360.

* 28 In Françoise Astier, Finances publiques, droit budgétaire précité

* 29 Henry-Michel Crucis, Droit des contrôles financiers précité

* 30 Cour des comptes, référé du 23 octobre 1991, Rec. p.250.

* 31 Paysant André, finances publiques, 5e éd. Armand Collin, Paris, 1999

* 32 Cf G.A.J.F, p. 57

* 33 Nguyen Chanh Tam, finances publiques du Sénégal

* 34 In Encadré 15.3. Les suites du contrôle des juridictions financières : François Adam et alii, Finances publiques, Presse de science po et Dalloz, 2003, p.302

* 35 Rapport n° 26 332 « Evaluation de la gestion des finances publiques et des pratiques comptables du secteur privé » Vol. 1, produit par la Banque Mondiale (AFTFM) et la Banque Africaine de Développement, 2 juin2003.

* 36 RFDA, mars-avril 2004, p. 407

* 37 RFDA, mars-avril 2004, p.405

* 38 Rapport n° 26 332 de la BM précité

* 39 Conseiller à la Cour des comptes de l'UEMOA






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