I-1-2- Questions et objectifs de recherche
Dans le cadre de cette nouvelle politique qu'est la
professionnalisation, il est à souligner que les quotes-parts sont
recouverts difficilement, que la participation des genres est
différenciée et qu'il existe des conflits communautaires autour
des ouvrages. Qu'en est-il exactement ? Autrement dit, notre question de
départ se pose en ces termes : « quelles sont
les contraintes liées à la participation des communautés
dans le cadre de la professionnalisation de l'exploitation et de la gestion des
ouvrages d'hydraulique
rurale ? ».
De cette question, il découle l'objectif principal de
cette étude qui est
« d'identifier
les contraintes à la participation des communautés
dans le cadre de la professionnalisation de l'exploitation et de la gestion des
ouvrages d'hydraulique rurale à travers le projet KfW8 en vue de
proposer des actions rectificatives ».
Cet objectif principal se décline en plusieurs
objectifs spécifiques :
ü décrire le fonctionnement de la
professionnalisation ;
ü expliquer les difficultés de recouvrement des
quotes-parts ;
ü identifier les contraintes à la participation
des genres ;
ü comprendre les conditions d'émergence de
conflits communautaires.
I-1-3- Revue critique de la littérature
Avec l'approche développementaliste, nous assistons
à un développement soutenu par l'innovation technologique et
technique dans le but d'apporter le changement social. Toutefois, face à
ces innovations, des comportements souhaités ne sont toujours pas
adoptés. En effet, l'approche développementaliste reconnait un
caractère nécessaire de la participation des individus au
processus de développement non pas seulement en termes de production et
de revenu, mais aussi et surtout en termes de dignité avec la
satisfaction de leurs besoins matériels et non matériels. Cette
participation des citoyens se trouve être un impératif au
processus de développement avec notamment l'intégration des
femmes dans les projets de développement et la mise en oeuvre de
stratégies fondées sur le développement d'activités
génératrices de revenu pour elles.
Cependant, la non participation ou la participation partielle
des populations dans la mise en oeuvre de projets de développement
notamment en matière d'hydraulique, entraîne de nombreuses
contraintes. C'est dans cette optique que Thibeault (1992) a
démontré que la participation communautaire est influencée
par la non ou la mauvaise concertation des populations. En effet, pour
illustrer cette réalité, il cite Hamadou Bila du
Secrétariat Permanent des Organisations Non-Gouvernementales au Burkina
Faso qui affirme : « Les projets d'hydrauliques furent des
cadeaux empoisonnés (...), les organismes des pays industrialisés
ont procédé à la mise en place des infrastructures sans
préparer les paysans au niveau de l'entretien, de la procédure
à suivre pour le changement des pièces, etc. Bref, on a fait de
l'aide spontanée pour répondre momentanément à un
besoin. Un des principaux problèmes découle du fait que les
populations n'ont pas été consultées, ni impliquées
dans les projets hydrauliques ». C'est alors qu'il
considère que les deux facteurs conjugués (le manque de
financement et la faible participation des populations à toutes les
étapes du projet) sont à la base de la faillite de ces projets
hydrauliques. A côté de cela, il relève également
qu'il y a des cas de participation des populations. Toutefois, cette
participation se laisse entrevoir uniquement lors de la phase de mise en oeuvre
et ce fait contribue plus à maintenir la dépendance qu'à
développer l'autonomie. C'est alors qu'il recommande que la
participation des bénéficiaires soit prévue à
toutes les phases d'un projet hydraulique pour garantir l'atteinte des
objectifs à court, moyen et long terme.
A l'opposé de cet argumentaire, Dia (2006) affirme que
la faillite des projets hydrauliques est principalement due à la
mauvaise gestion (financière, ...) des ouvrages par les populations
bénéficiaires du projet. Sans toutefois négliger la
participation des populations comme condition d'appropriation et donc de
pérennisation des ouvrages d'hydraulique, il souligne que les nombreux
détournements opérés par les comités de gestion ont
favorisé l'échec de ces projets. Aussi, relève-t-il dans
le cas spécifique de Kanel au Sénégal, que certains
conflits d'intérêt naissent autour de la gestion des points d'eau.
C'est alors que pour lui, différents acteurs locaux, de par leurs
intérêts toujours pas mesurés peuvent contribuer à
l'échec des projets en milieu rural.
Toutefois, et au-delà de ces deux thèses,
Forkasievicz affirme que deux raisons essentielles expliquent en fait cet
"échec relatif" des projets hydrauliques en milieu rural. Il s'agit du
manque d'entretien des points d'eau d'une part. Pour lui, le nombre insuffisant
de mécaniciens-réparateurs (...) pour couvrir tout le territoire
et la difficulté d'approvisionnement en pièces
détachées constituent un obstacle majeur à la
pérennisation des projets hydrauliques. Il a également
montré que l'on peut s'épuiser à développer la
participation communautaire, sans obtenir de résultats concrets par
rapport à l'objectif, si d'autres conditions de réussite ne sont
pas remplies.
Mis à part ces problèmes liés à la
participation en général comme condition de la réussite ou
de l'échec des interventions en milieu rural, il est important de
relever que cette participation au niveau des genres, de manière
spécifique, se trouve être différentiée. Le genre
met l'accent sur le caractère social des distinctions fondées sur
le sexe : c'est un fait de culture, un caractère acquis qui est donc
susceptible de changement. Le concept de genre peut être également
considéré comme un outil analytique qui permet de prendre en
compte à la fois les rôles, les responsabilités et les
chances des femmes et des hommes dans une société donnée,
en intégrant leurs différences, leurs
complémentarités, leurs synergies et parfois leurs conflits.
Ignorer cette donne introduite à partir des années 1970, peut
entraîner des réticences d'ordre culturel et
socio-économique favorables à la mauvaise appropriation des
ouvrages notamment par les femmes, considérées comme les
premières bénéficiaires des projets hydrauliques
(Nations-Unies, 1999).
Pour aller dans le même sens, Oumar (2005), ancien
Représentant résident de l'UNICEF en Côte d'Ivoire
affirme : « La responsabilisation des femmes dans la gestion
des ouvrages d'hydraulique rurale contribue à la pérennisation de
l'entretien de ces derniers et de l'offre en eau potable au sein des
communautés. ». Ainsi, pour lui, tous les projets
devraient intégrer les femmes dans l'optique d'une meilleure
appropriation de ces derniers par l'ensemble des populations
bénéficiaires.
Au delà même du fait que certains projets
n'intègrent pas la question du genre, Helvétas-Mali (2003)
souligne : « Malgré la désignation de
certaines femmes en qualité de déléguées des
groupements d'usagers, les femmes sont restées absentes de toutes les
procédures de prise de décision concernant la gestion des
adductions d'eau ». En effet, pour cette structure les femmes
n'ont pas encore bien cernées le rôle indéniable qu'elles
doivent jouer dans la réalisation des projets d'hydraulique rurale.
Egalement, du point de vue des croyances et traditions, dans certaines
régions du Mali ainsi que d'autres en Afrique, la femme est
considérée comme un être inférieur à l'homme.
De ce fait, elle ne peut aucunement siéger en même temps que
l'homme.
Pour la Direction du Développement et de la
Coopération Suisse (2005), le rôle des femmes ne doit pas
consister uniquement en une présence massive dans les comités eau
ni seulement donner leur avis dans la mise en oeuvre des projets d'hydraulique
rurale. Elles peuvent et doivent jouer d'autres rôles majeurs au
même titre que les hommes. C'est alors que, prenant l'exemple du
Rajasthan (Inde), la DDC préconise la formation des femmes au
métier de mécanicien, partant de l'idée qu'elles
réagiraient probablement plus volontiers et plus promptement lorsque
sollicitées pour les réparations d'ouvrages hydrauliques.
A côté de ces deux éléments
(participation communautaire et intégration du genre) nécessaires
à la pérennisation des ouvrages d'hydraulique rurale, il est
impérieux de relever que la réussite des projets d'hydraulique en
milieu rural est conditionnée par la communication qui est faite autours
du projet. A ce niveau, et comme le soulignent Servaes et Malikhao (2007) il
faut communiquer pour un changement des comportements en visant le changement
de comportement individuel, interpersonnel et communautaire ou sociétal.
Seule cette communication intégrant largement la dimension santé
peut participer à la prise de conscience des populations à
changer. Cette thèse est soutenue par Boudreau (2005) qui affirme que la
conscientisation apparaît lorsque les bénéficiaires des
projets, après analyse trouvent les aspects positifs de ce changement
supérieurs aux aspects négatifs. Pour ce faire, une action bien
planifiée doit être mise en oeuvre afin de permettre aux
populations d'embrasser l'innovation qui leur est apportée.
|