Titre II : La compatibilité entre les
règles régissant le patrimoine dans la Shari'a et le droit de la
propriété intellectuelle.
Comme il a été vu en introduction, une
majorité de pays musulmans a adhéré à l'OMC. Pour
respecter leurs obligations nées du traité de 1994 instituant
l'OMC, ils doivent mettre en conformité leurs législations avec
les accords ADPIC. Cependant, ces accords ayant été
créés sans égard pour les spécificités
culturelles des pays adhérents, il convient de s'assurer de la
compatibilité de ces normes internationales avec le droit musulman.
La Shari'a étant un texte très ancien, il ne
connait pas de règles spécifiques aux actifs incorporels. Il faut
donc effectuer un travail d'analogie pour déterminer quelles
règles de la Shari'a pourraient permettre de confirmer que le concept
propriété intellectuelle est conforme au droit musulman. Les deux
modèles occidentaux existants sont d'une part le monopole anglo-saxon et
le droit de propriété de l'Europe continentale. Il peut donc etre
vérifié si l'un de ces deux modèles peut être
conforme au droit musulman.
Le choix va se porter sur le droit de propriété
car le monopole doit être écarté directement. En effet, la
Shari'a interdit explicitement les monopoles commerciaux considérant que
cela est source d'abus. Abraheem Abdulla Muhmmed Al-Marzouqi l'exprime
clairement dans sa thèse48 :
« Monopoly. of wealth [is] considered illegal or
immoral acts, and wealth in general must not be monopolized by the rich.
Everybody has a right to property and the individual must not be deprived
accordingly. »49
La Shari'a contient des règles pour tous les aspects de
la vie des hommes, et donc des règles intéressant les biens,
déterminant ceux qui peuvent faire l'objet d'un droit de
propriété et dans quelles conditions. Dans sa
thèse50, Abraheem Abdulla Muhmmed Al-Marzouqi explique
l'interaction du religieux dans le domaine des biens et du commerce par la
nécessité de protéger les croyants des abus des plus
riches :
48
Voir note supra 35.
49 Page 290, §4.
Traduction : « Le monopole sur un patrimoine est
considéré comme étant illégal ou immoral, et
l'abondance en général ne doit pas etre monopolisée par
les riches. Chacun a un droit à la propriété, en
conséquence les individus ne peuvent en être privés.
»
50
Voir note supra 35.
« Human history witnesses that man suffers slavery
and injustice mostly as a result of the abuse and monopoly either wealth or
government authority. ~ As a precaution to avoid injustice from the misuse of
wealth or political power the Islamic determination in this case is that these
powers are of Allah's jurisdiction. »51
Une fois la compatibilité avec le droit des biens
démontrée, il faut aussi vérifier que l'exploitation du
droit de la propriété intellectuelle est lui aussi en accord avec
les principes de la Shari'a. Les actes de commerce sont eux aussi soumis
à la loi religieuse avec le même objectif de protéger les
croyants des abus.
Il faut donc démontrer qu'il peut y avoir un droit de
propriété intellectuelle sur un bien intangible dans le droit des
biens musulman. Pour ce travail il est nécessaire de vérifier le
respect de la Shari'a dans la création de droit sur des choses
incorporelles. Ce sera le sujet du Chapitre premier du présent titre.
Ensuite, il faut aussi s'assurer que les actes d'exploitation
de ces droits fassent partis des actes de commerce autorisés par la Loi
Islamique. C'est ce qui sera étudié au second Chapitre.
51
Page 289, §1.
Traduction : « L'Histoire de l'Humanité
témoigne que les hommes ont souffert de l'asservissement et de
l'injustice principalement en raison des abus et des monopoles tant sur les
biens que sur le pouvoir politique. Comme précaution, afin d'emprcher
l'injustice née du mauvais usage des pouvoirs économiques ou
politiques, le choix de l'Islam a été dans ce cas de soumettre
ces pouvoirs à Dieu. »
|